Pour les années 2000. Un État à réformer ou à réinventer

Séance du lundi 29 mai 2000

par M. Pierre Vellas

 

 

Les profonds changements intervenus ces dernières années dans la vie économique et sociale posent la question de savoir comment l’État s’adaptera à cette évolution. Problème essentiel pour l’avenir du pays. Si bien qu’il n’y a pas une personnalité politique importante qui n’évoque la nécessité d’une réforme de l’État :
– En France avec les propositions, pour un État moderne présentées au premier ministre par Jean Michel Charpin Commissaire Général au Plan en cette fin mai 2000  » Les Perspectives de la France « , proposition qui a été précédée par de nombreuses initiatives, depuis une dizaine d’années, notamment :
– de Michel Rocard le 22 Janvier 1990 sur le dispositif interministériel d’évaluation des politiques publiques devenu le Service d’Évaluation et de Modernisation de l’État au Commissariat Général du Plan.
– d’Alain Juppé avec la création d’un Commissariat à la Réforme de l’État que Lionel Jospin a transformé, en 1998, en Délégation Interministérielle à la Réforme de l’État, et, parmi d’autres décisions, la création de la conférence régulière des hauts fonctionnaires d’évaluation.
– A l’étranger, on peut citer notamment les propositions de Tony Blair, de Jose Maria Aznar, de Bill Clinton, du chancelier Gherardt Shroeder qui déclarait récemment que l’Allemagne doit se doter d’un État moderne.
Qu’en est il résulté à ce jour, en France ?
Avant de répondre à cette question, quelques considérations paraissent nécessaires concernant les changements intervenus au plan international et national dans la notion d’État, ses missions et sa structure.
Au préalable, il convient de rappeler deux définitions classiques qui servaient de référence dans la pratique internationale de la reconnaissance d’État :
– l’une socio-juridique : l’État est composé d’une population, fixée sur un territoire déterminé, poursuivant une idée d’entreprise spécifique, étatique, et disposant pour cela des moyens nécessaires notamment budgétaires.
– l’autre plus formelle : l’État est un ordre juridique immédiatement soumis à l’ordre international, ce qui le différentie des États fédérés membres d’un État fédéral, et des collectivités territoriales d’un État unitaire.
Étaient seuls reconnus internationalement, ceux qui satisfaisaient à ces critères, notamment au critère socio-juridique que la Société des Nations a confirmé à plusieurs reprises pour refuser la qualité de membre à différents États exigus ou à des territoires placés sous mandats parce qu’ils ne disposaient pas des moyens nécessaires à l’exercice des compétences étatiques.
La situation a bien changé depuis l’accession aux Nations Unies de nombreux nouveaux membres, qui doivent être nécessairement des États souverains au sens de l’art. 4 de la Charte des Nations Unies. Ils sont plus de 180 aujourd’hui, et seront bientôt 200, alors que beaucoup d’entre eux ne disposent pas des ressources économiques budgétaires, administratives, voire démographiques nécessaires. Il suffit de citer, parmi beaucoup d’autres, les îles Maldives ou les Seychelles avec une population de quelques dizaines de milliers d’habitants, ou des Etats continentaux dépourvus des ressources économiques indispensables.
S’ils ont pu accéder à la qualité de membres des Nations Unies, et donc d’État, c’est parce que l’aide internationale et l’assistance technique -bilatérale ou multilatérale- leur apportent les moyens dont ils sont dépourvus.
Ainsi la société internationale, et les États qui la composent, ont changé de nature. S’il y a certes  » beaucoup plus d’États, il y a aussi moins d’État « .
Bien des facteurs permettent de penser qu’après l’émergence d’un grand nombre d’États provoquée par le processus de décolonisation, puis d’éclatement de l’URSS, ce phénomène va se poursuivre à la suite des revendications de nombreuses minorités de se constituer en État, quitte à ce que ce soient des micro-États.
Quant aux États qui satisfont aux critères anciennement exigés, ils ont accepté soit des aliénations plus ou moins importantes de leur souveraineté en devenant membres d’une organisation régionale à caractère superétatique ou préfédérale comme l’Union Européenne, soit des limitations de leur souveraineté en étant membres d’Organisations Internationales interétatiques ou parce qu’ils sont parties à des traités internationaux, de plus en plus nombreux, qui limitent leurs compétences dans des domaines déterminés mais de plus en plus étendus (Organisation Mondiale du Commerce, Organisation de l’Aviation Civile, Internationale, Fond Monétaire International, par exemple).
Cette double évolution, bien connue, que je me borne à rappeler, montre que la notion d’État a changé sous l’influence de nécessités internationales, changement qui s’accomplit inéluctablement, dont il convient de tenir compte par delà bien des résistances y compris des cours suprêmes, pour préserver au mieux les intérêts nationaux, dans le cadre de l’intérêt général et du respect des traités.
Par ailleurs la mondialisation, c’est à dire la circulation, sans limite territoriale et en temps réel, des biens, des capitaux, des services, des idées, des connaissances constitue pour l’État, à la fois de nouvelles possibilités de croissance économique, de création de richesses et d’emplois, mais aussi un nouveau défi. Comment, c’est à dire par quels moyens et par quelles procédures de décision, pourra-t-il à la fois protéger son ordre public et ses intérêts, assurer l’exécution de ses règles – par exemple pour lutter contre la prostitution ou la pédophilie, pour protéger la santé de sa population face aux risques de pollution nucléaire ou chimique – et donner à sa population, à ses entreprises, à son administration, les moyens, rapidement mis en oeuvre, qui assureront leur compétitivité, leur réactivité en initiatives, en investissements, en innovation ? Alors que l’on sait qu’il faut en moyenne dix ans pour que les décisions de programme et leur financement soient adoptées et exécutées !
Une réforme s’impose donc pour que l’État soit compétitif, comme elle s’est imposée aux entreprises parce qu’elles sont en première ligne dans la compétition mondiale. Avec une différence importante. Lorsqu’une entreprise ne s’adapte pas, lorsqu’elle ne modifie pas sa stratégie, sa structure, sa gestion, elle disparaît, concurrencée par d’autres plus compétitives, tandis que l’État demeure, avec une structure, des moyens, des procédures de décision inadaptés qui handicapent le potentiel productif du pays.
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A cet argument en faveur d’une réforme de l’État, s’ajoutent tous ceux qui concernent les graves dysfonctionnements que nous constatons depuis quelques années et qui gangrènent notre État.
Un État terni par la corruption jusqu’aux plus hautes autorités du pays. Par exemple dans le domaine bien connu des permis de construire concernant les ensembles d’habitations, les hypermarchés, les établissements sanitaires et sociaux, dans les procédures d’adjudication ou de négociation des marchés publics.
Un État qui n’a pas pu empêcher la paupérisation, la clochardisation dramatique d’une population de plus en plus nombreuse, présente presque partout dans les rues de nos villes. Alors que le poids des prélèvements obligatoires est excessif comparé aux pays concurrents.
Un État qui n’assure plus la sécurité des citoyens dans de nombreux quartiers, dans les centres villes, dans les écoles, dans les transports en commun, dans les logements.
Un État qui tolère des espaces de non droit sur son territoire, dans des quartiers de nos villes où la vie économique et sociale est sous le contrôle de bandes organisées ; espaces dans lesquels il n’y a pas de services publics, pas de présence policière parce qu’elle est trop risquée ou parce qu’elle est génératrice de troubles, d’émeutes, de guérillas urbaines que l’on veut éviter ; espaces de non droit, dès lors que les jugements qui sanctionnent les infractions commises ne sont pas exécutés parce que leur exécution troublerait l’ordre public, inexécution qui n’est plus exceptionnelle et momentanée.
Un État surdimensionné, omniprésent, avec 5 millions de fonctionnaires qui constituent le corps le plus nombreux des pays démocratiques industrialisés, avec une durée effective du travail qui selon le rapport Roché de l’Inspection des Finances (2 Février 1999) est entre 29 heures et 38 h 30 par semaine, dont les intérêts corporatifs bloquent toutes les réformes, même modestes, comme bien des ministres en ont maintes fois porté témoignage, Roger Peyrefitte, Claude Allègre notamment.
Des coûts excessifs pour les actes effectués et les services rendus ; à titre d’exemple l’Inspection Générale des Finances a montré (rapport du 5 Avril 1999) que le coût de la collecte des impôts est trois fois plus élevé en France qu’aux États-Unis et en Suède.
Un État prolifique en législation, en réglementation, dont la pléthore a été maintes fois stigmatisée. Il suffit de citer le Rapport Public du Conseil d’État de 1991  » la surprodution normative, l’inflation des prescriptions et des règles, ne sont pas des chimères mais une réalité… par ailleurs, c’est moins au nombre des textes qu’à leur volume qu’il faut s’attacher pour obtenir une juste évaluation de la  » poussée normative  » actuelle… Pire, la multiplication des normes, leurs raffinements byzantins, l’impossibilité où l’on se trouve de pénétrer leurs couches de sédiments successifs, engendrent un sentiment d’angoisse diffuse ; le droit n’apparaît plus comme une protection mais comme une menace. Enfin, rien n’est plus contraire au principe d’égalité entre les citoyens que de laisser proliférer un droit si complexe qu’il n’est accessible qu’à une poignée de spécialistes… Si l’on y prend garde, il y aura demain deux catégories de citoyens : ceux qui auront les moyens de s’offrir les services des experts pour détourner ces subtilités à leur profit, et les autres, éternels égarés du labyrinthe juridique, laissés-pour-compte de l’État de droit « .
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S’ajoutent à ces dysfonctionnements les problèmes posés par l’évolution récente de notre société auxquels l’État doit apporter les solutions nécessaires. Trois problèmes devraient retenir l’attention, parmi d’autres, parce qu’ils remettent en cause la structure de l’État.
Le premier problème est posé par le passage d’une société monoculturelle à une société pluriculturelle, par delà l’existence des cultures régionales.
Il est la conséquence, au delà des revendications régionales, de l’immigration d’une population qui n’est pas de culture européenne, qui demeure attachée à sa culture, à sa religion, à ses coutumes, comme c’est son droit fondamental. Dans la mesure où la politique d’intégration ne parviendrait pas à fondre l’ensemble de ces populations dans l’unité culturelle nationale, il sera nécessaire de tenir compte de leurs spécificités culturelles, dans l’enseignement, dans la pratique religieuse, les habitudes de vie, les coutumes (le droit coutumier ?). Lorsque, dans des quartiers à forte population immigrée, des associations sont créées, souvent financées sur fonds publics, pour aider la population à faire face aux difficultés qu’elle subit, pour accéder à de meilleures conditions de vie, de travail – ce qui est tout à fait louable – on ne pourra pas éviter que certaines d’entre elles fassent l’objet d’une conquête du pouvoir associatif, puis que soit revendiquée une représentation au niveau local de l’association, de ses membres, de la population du quartier, avec progressivement, le passage à une société multiculturelle sans doute compliqué par les revendications régionalistes du type corse, basque, breton et autres.
Comment l’État s’adaptera-t-il à cette évolution ?
– En reconnaissant les droits culturels des minorités, puis en les garan-tissant? Par quelles autorités, suivant quelle procédure ? L’expérience du droit des minorités n’apporte pas de solution comme par exemple en Europe centrale avec l’échec des traités de Sèvres et de Saint Germain après la première guerre mondiale, ou avec l’impossible application de la constitution de Chypre dans les années 60/70.
– Ou par l’évolution, progressive, d’une structure d’État unitaire à celle d’un État fédéral ? Evolution difficile pour un État qui n’a pas de tradition fédérale.
Un deuxième problème est consécutif au vieillissement de la population. Comment une population peut elle avoir le dynamisme indispensable à sa compétitivité et à sa croissance, si la plus grande partie du patrimoine est détenue par les plus de 70 ans, peu disposés à prendre des risques, risques qui font partie intégrante de l’esprit d’entreprise ? Bien des décisions devront être adoptées pour y porter remède.
Par exemple, il sera nécessaire de favoriser la transmission du patrimoine le plus tôt possible par un régime très incitatif des donations. Des progrès ont été accomplis dans ce sens, qu’il faut poursuivre, notamment dans le domaine de la transmission des entreprises aujourd’hui très lourdement fiscalisée.
Une autre mesure concerne le déroulement des carrières pour qu’arrivent au sommet du pouvoir de décision des hommes et des femmes de quarante à cinquante ans, ayant à leurs côtés, à titre consultatif, les plus âgés. C’est fréquemment le cas aujourd’hui dans les entreprises. Ce devrait l’être aussi dans les services publics, avec toutes les adaptations utiles.
Enfin dernier exemple, la croissance économique dans notre  » nouvelle économie « , est déterminée par la possibilité de fournir rapidement des emplois en travail qualifié. On comprend mal dès lors que la France soit le pays occidental dans lequel le pourcentage de personnes de 55 ans et plus, occupant un emploi fut-ce à temps partiel, est le plus faible, alors que l’espérance de vie en bonne santé, c’est à dire avec l’usage des capacités fonctionnelles, ne cesse d’augmenter.
Les réformes indispensables, sur lesquelles l’OCDE attire l’attention des gouvernements pour que le vieillissement de la population ne compromette pas les possibilités de croissance économique, se heurtent à des résistances et à une inertie lourdes de conséquences.
Le troisième et dernier problème que je me bornerai à évoquer, concerne l’interactivité administration-administrés dans la gestion des affaires publiques, par Internet. Après la banque à domicile, le travail à domicile, l’enseignement à domicile, le commerce et l’approvisionnement, chacun attendra que soit organisée un État  » interactif  » dont les services seront ouverts à un dialogue, en temps réel, avec les administrés.
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Par delà ces problèmes importants, une question essentielle se pose : De quel État avons nous besoin dans la société de demain ?
 » Les rapports entre l’État et la société civile se modifient, nécessitent une redéfinition du rôle de l’État  » (J.M. Charpin, Mai 2000 in  » Les Perspectives de la France « ). Après avoir connu successivement l’État Régalien, puis l’État Providence et l’État Entrepreneur nous avons besoin d’un État qui assure efficacement quatre missions : la protection des intérêts essentiels du pays, la régulation de la vie économique et sociale, la stimulation des initiatives et de l’esprit d’entreprise, le développement social. Un État plus efficace qu’aujourd’hui, plus simple, plus économe, plus transparent.  » Un État arbitre  » comme le propose le rapport de J.M. Charpin ?
Comment y parvenir ? alors que la plupart des réformes échouent parce qu’elles se heurtent aux obstacles, jusqu’ici insurmontables, d’idéologies irréalistes, de corporatismes très vivaces, du poids de 5 millions de fonctionnaires (parmi lesquels un million pour l’éducation nationale), de l’inertie administrative.
Comment s’étonner que les projets de réforme n’aient pu aboutir dans le passé récent malgré tous les moyens mis en oeuvre depuis 1990 ? Que les rapports de la Cour des Comptes ne soient pas suivis d’effets alors que les gouvernements sont directement concernés sur des points essentiels pour la démocratie comme les dissimulations budgétaires ? Pas plus que les rapports du Conseil d’État sur les dangers de la prolifération législative et réglementaire, ou les plans pluriannuels de modernisation des ministères, ou de modernisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, ou les nombreux programmes d’évaluation ministériels ou parlementaires.  » Il faut bien relever, a écrit récemment Nicolas Tenzer, chef du service d’évaluation et de la modernisation de l’État au Commissariat Général du Plan que les suites ont été souvent réduites et même, le plus souvent, nulles, alors même que l’évaluation a mobilisé des moyens humains et parfois financiers conséquents « .
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Par quelles voies, dès lors, une réforme de l’État peut-elle avoir quelques chances d’aboutir ?
Il convient d’abord d’éviter des erreurs :
– en ne procédant pas à des réformes sans concertation suffisante, comme l’ont montré les échecs récents des réformes de Claude Allègre dans l’éducation nationale ou de Christian Sautter dans l’administration des finances.
– en ne diluant pas un projet de réforme dans une concertation trop élargie, trop étendue dans le temps ;
– en ne tombant pas dans la tentation, trop fréquente, de convoquer des états généraux comme cela a été fait pour l’école, pour les banlieues, pour la sécurité, pour les personnes âgées.
– en ne succombant pas à une autre tentation, qui nous est familière, de croire que pour résoudre un problème il faut prendre un papier, un crayon et élaborer un projet de loi ou de décret, sans se soucier par ailleurs de son exécution, mais dont on tirera une grande satisfaction intellectuelle ou politique, même si elle n’est qu’éphémère.
– en élaborant des projets riches d’idées certes tels que  » donner du sens à l’action des services, responsabiliser, donner aux services le sens de l’engagement, de la mobilisation, de la nécessité de communiquer  » (Marc Cabanne, chef de mission à la délégation ministérielle à la réforme de l’État) mais projets pauvres en moyens et en réalisations. Ou encore  » une société plus autonome …moins inégalitaire… des individus plus libres… un État arbitre, moins omniprésent…  » (rapport de J.M. Charpin au premier ministre, mai 200).
Mieux vaudrait procéder de façon progressive, empirique, par décisions concrètes qui auront pour objet de mettre un terme aux principaux dysfonctionnements de l’État :
– En donnant effet aux rapports de la Cour des Comptes et de l’Inspection des Finances concernant la transparence des comptes de l’État, le nombre de fonctionnaires et agents publics, et leur rémunération, l’établissement d’une véritable comptabilité patrimoniale de l’État, la réduction du coût, intolérable pour l’économie du pays, du fonctionnement, de nombreux services, notamment du prélèvement des impôts.
– En réduisant la prolifération des textes législatifs et réglementaires, génératrice d’inéquités, d’inégalité et d’inertie.
– En ne tolérant plus l’existence de zones de non droit sur le territoire de la République.
– En assurant à chacun la protection effective de son droit fondamental à la sécurité dans son domicile, dans la profession qu’il exerce, dans l’école ou le lycée, dans les rues de la ville qu’il habite.
– En n’admettant pas que dans un État moderne, développé, des hommes, des femmes, des enfants puissent mendier et vivre dans les rues.
– En luttant efficacement contre la corruption, à tous les niveaux des services de l’État, notamment grâce à l’action d’un pouvoir judiciaire suffisamment indépendant pour cela, et qui sera sans doute, à ce titre, l’un des piliers essentiels de la réforme de l’État, malgré les réserves ou les critiques exprimées à son propos.
– En adoptant les décisions qui permettront au pays de résoudre les problèmes qui pose le vieillissement de la population, notamment en prenant en compte les recommandations de l’OCDE afin de pouvoir poursuivre la croissance économique et le développement socio-économique nécessaires.
– En favorisant le dynamisme économique, l’esprit d’entreprise et l’innovation par toutes les mesures appropriées d’incitation économique et non d’assistance financière.
– En tenant compte, dans l’évolution du régime représentatif, de cette forme nouvelle de concertation et de participation qui résulte de l’utilisation d’Internet dans la préparation de l’ordre du jour, des délibérations et de l’exécution des décisions des collectivités territoriales et sans doute demain au niveau national. Il en résultera sans doute, dans une première phase, une nouvelle forme de déconcentration des services de l’État, et de décentralisation des services locaux, déjà commencée avec, par exemple, la diffusion sur Internet des délibérations du conseil municipal d’Amiens complétée par des questions en direct posées par les administrés au maire de la ville, ou le site web de la ville de Lyon qui met en ligne les travaux préparatoires des délibérations, les projets de décision, les comptes-rendus, ou encore la mise à la disposition de la population de la ville de Brest de points d’accès public à Internet (PAPI) pour que chacun puisse participer à la vie communale.
Dans une phase ultérieure n’est ce pas le régime représentatif lui-même qui pourrait faire l’objet d’une réorganisation avec des formes renouvelées de démocratie directe, une nouvelle conception de l’organisation politique, un nouveau rôle pour les parlementaires, si ce n’est de nouvelles fonctions ? C’est à dire un État interactif qui reste à concevoir.
– En mettant en place des observatoires locaux et nationaux de la vie sociale pluriculturelle sous ses différents aspects, et ses différentes manifestations ou expressions, afin d’être en mesure de suivre, d’orienter, de contrôler, d’organiser une société de plus en plus pluriculturelle. Afin d’analyser, d’évaluer les effets des programmes et des politiques mises en oeuvre, d’être ainsi mieux à même de prévoir l’évolution et de prendre, en conséquence, les mesures utiles, locales, nationales, au cas par cas, mais aussi à long terme, structurelles, si elles s’avèrent nécessaires.
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Si ces réformes progressives, empiriques, n’aboutissaient pas du fait des difficultés, et des obstacles rencontrés, d’un manque de volonté d’aboutir et d’un enlisement, alors sans doute une autre approche pourrait être tentée qui s’appuierait sur une prise de conscience de l’opinion – particulièrement utile dans une société de l’information – et sur une volonté collective à laquelle les élus sont particulièrement sensibles.
Il conviendrait pour cela de favoriser l’expression de points de vue, d’idées et d’opinion sur l’opportunité la nature et l’ampleur d’une réforme de l’État et sur son objet.
De libres opinions pourraient être exprimées dans la presse, dans des revues spécialisées de sciences politiques, de droit administratif, de droit public, de droit constitutionnel, de sciences économiques, de droit social.
Dans ce débat, des Universités, des sociétés scientifiques, les groupes parlementaires, les partis politiques les organisations professionnelles, les syndicats pourraient prendre l’initiative de réunions, de colloques ; le Conseil Économique et Social pourrait adopter des propositions et recommandations.
Dans l’expression de ces opinions, une Académie aussi prestigieuse que l’Académie des Sciences Morales et Politiques, réunissant, de façon pluridisciplinaire, tant de connaissances et d’expériences, pourrait apporter un concours essentiel.
Ainsi prendrait corps, par delà un ensemble, très épars, d’idées, d’opinions, de propositions, une prise de conscience en faveur d’une réforme de l’État, sans que cela puisse nuire à la qualité des initiatives qui doivent être prises par les autorités compétentes et les services créés à cette fin.
Réforme dont l’aboutissement dépendra de la volonté, du réalisme, de l’esprit de décision des autorités compétentes. Pour que l’État des années 2000 soit mieux adapté par sa mission, sa structure, son fonctionnement, et son personnel, à une société ouverte, concurrentielle, compétitive, interactive.