Séance du lundi 16 décembre 2002
par M. Michel Albert
Depuis les années 80, deux modèles de capitalisme tendent à s’opposer. Le premier est de plus en plus centré sur l’Europe continentale, et particulièrement sur la zone rhénane. Il considère l’entreprise comme une institution investie de responsabilités sociales et donc poursuivant des finalités multiples ; l’entreprise ainsi conçue relève d’un pluralisme partenarial visant à concilier les intérêts des clients, des actionnaires, des salariés et, dans une certaine mesure, de l’environnement. Le second modèle, développé principalement en Amérique, relève au contraire d’une sorte de monisme actionnarial. Il considère essentiellement l’entreprise comme une chose, une propriété, un paquet d’actions dont il s’agit de maximiser la valeur, conformément à la formule du Prix Nobel Milton Friedman, ” l’unique responsabilité sociale de l’entreprise est d’augmenter ses profits “.
Au cours de la dernière décennie, le modèle rhénan n’a cessé de reculer devant le nouveau modèle d’origine anglo-saxonne. Apparemment, on pourrait même parler de ” requiem rhénan “.
Mais voici que, paradoxalement, via les Etats-Unis eux-mêmes, le courant du développement durable nous renvoie aujourd’hui de nouvelles esquisses de modèles d’entreprises, des entreprises dites ” socialement responsables “. Mieux, dans ce domaine, l’Europe paraît rattraper son retard. Certes, les entreprises réellement adeptes du développement durable sont encore mal connues, mais ce sont elles qui paraissent répondre le mieux aux nouvelles interpellations qualitatives des consommateurs et de la société civile. Nombre des entreprises qui s’engagent ainsi dans l’investissement socialement responsable comptent en outre parmi les plus performantes et les plus ouvertes à l’échelle internationale. Enfin, leurs dirigeants sont souvent animés par une sorte de vocation éthique.
On peut raisonnablement parier, me semble-t-il, que le foisonnement de ces initiatives débouchera progressivement sur de nouvelles perspectives d’économies sociales de marché.
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La notion de développement durable a été progressivement inspirée par des ONG -des organisations non-gouvernementales- et élaborée dans un cadre international public qui ne concernait pas directement les entreprises. On se souvient de la définition fondatrice du développement durable, donnée en 1987 par le rapport de la commission mondiale sur l’environnement et le développement, rapport qui porte le nom de Madame Gro Harlem Brundtland, Premier ministre de Norvège : ” on entend par développement durable le développement qui permet de satisfaire les besoins actuels sans compromettre l’aptitude des générations futures à satisfaire leurs propres besoins “. Ce texte, on le voit, se situe à une échelle planétaire et intergénérationnelle qui paraît dépasser singulièrement l’horizon courant des entreprises.
Néanmoins, trois ans plus tard, dès 1990, une cinquantaine de chefs d’entreprise du monde entier s’étaient réunis pour créer le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (World Business Council for Sustainable Development, WBCSD). L’idée centrale de cette initiative était que, contrairement à ce que le Club de Rome, suivi par de nombreux mouvements écologistes, avait dénoncé dès les années 60, il n’y a en réalité pas de contradiction entre la croissance économique et la sauvegarde de l’environnement. Au contraire, affirmaient ces entreprises, l’une et l’autre sont indissociables. Ce faisant, certaines se préparaient à prendre en compte les trois dimensions du développement durable : la croissance économique, le progrès social et le devoir écologique.
Une nouvelle étape fondamentale pour l’engagement de certaines entreprises dans le développement durable a ensuite été franchie en septembre dernier, lors du Sommet de la Terre de Johannesburg, qui portait d’ailleurs en sous-titre cette même expression de “développement durable ” : il est en effet apparu, dans cette réunion, où plus de 800 grandes sociétés étaient représentées, que le rôle des entreprises dans ce domaine pouvait prendre une importance majeure en liaison avec les autres grandes catégories d’acteurs : les Organisations publiques internationales, les ONG et les Etats. Désormais les concepts de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et d’investissement socialement responsable (ISR) qui constituent, en quelque sorte, la traduction au plan microéconomique du développement durable, sont dotés d’un plein droit de cité, puisque ces thèmes ont été repris par la résolution finale adoptée par les 150 gouvernements représentés.
Dès lors, il est intéressant de se demander s’il existe, ou si l’on peut concevoir un ou plusieurs modèles d’entreprises socialement responsables qui ont été, ou seraient, capables d’inspirer les pionnières et de contribuer à la diffusion, voire à la généralisation du mouvement.
Malheureusement, ces questions, fort complexes, sont trop récentes pour avoir été correctement explorées, ce qui invite à la prudence. Néanmoins, je voudrais montrer, dans un premier temps, que, selon leur pays d’appartenance principale, les grandes entreprises relèvent de deux typologies bien différentes au regard de l’investissement socialement responsable : d’une part le modèle rhénan, de l’autre le modèle anglo-saxon. Mais cette distinction n’implique aucun déterminisme. Je crois pouvoir suggérer au contraire, dans une seconde étape, que le mouvement du militantisme entrepreneurial en faveur du développement durable ne découle pas d’un modèle d’amont prédéfini et servant de référence, mais procède plutôt de toute une germination d’initiatives, prises sur le terrain, qui pourraient éventuellement conduire, de manière empirique, vers de nouveaux types d’économie sociale de marché.
Capitalisme contre capitalisme : le modèle actionnarial et le modèle partenarial
Dans le contexte de mon sujet, le mot ” modèle ” a deux sens. Le premier est factuel : un modèle est une maquette, une représentation simplifiée ; le second sens, comporte un caractère normatif et peut s’interpréter comme désignant un exemple à suivre. J’esquisserai une maquette extrêmement simplifiée pour rendre compte du conflit des normes, voire des finalités, qui opposent les deux grands modèles du capitalisme actuel : le capitalisme actionnarial et le capitalisme partenarial, ou encore, pour mieux caricaturer la chose sur une base géographique, le modèle rhénan, face au modèle anglo-saxon.
Cette opposition est récente. Elle ne date guère que d’une vingtaine d’années, époque à laquelle les deux grands pays anglo-saxons, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, avec l’arrivée respective au pouvoir de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, sont entrés dans ce qu’on a appelé ” la nouvelle révolution conservatrice “. Parallèlement à ce profond changement de l’orientation des politiques sociales, économiques et financières, le début des années 80 est marqué, au plan des modèles d’entreprises, par la remise en cause de ce que James Burnham avait appelé ” l’ère des organisateurs “. En effet, à partir de la grande crise des années 30 et jusqu’aux années 80, il était communément admis, en Amérique comme en Europe que les professionnels de la gestion, ceux qu’on appelle aujourd’hui les managers -voire les technocrates- sont plus aptes à conduire les entreprises que les actionnaires.
Ainsi, à la fin des années 60, John-Kenneth Galbraith écrivait dans son célèbre ouvrage, ” le nouvel Etat industriel ” : ” depuis 30 ans, on a accumulé les preuves qui mettent en évidence le transfert du pouvoir du propriétaire vers les managers à l’intérieur de la grande entreprise. Le pouvoir des actionnaires est de plus en plus ténu (…). Chacun sait que les droits des actionnaires se bornent maintenant à l’encaissement des coupons et ceux des conseils d’administration, dans la plupart des cas, à la ratification des décisions prises par le management “.
Or, cette situation a été radicalement remise en cause aux Etats-Unis, et en Grande-Bretagne, il y a une vingtaine d’années, notamment sous l’influence du Prix Nobel Milton Friedman, selon lequel ” l’unique responsabilité sociale de l’entreprise est d’augmenter ses profits ” pour le plus grand avantage des actionnaires. Un point c’est tout. Selon ce principe, qu’on peut désigner comme celui d’une sorte de monisme actionnarial, l’entreprise n’est ni une institution, ni une communauté, ni même une personne morale, mais en quelque sorte une chose, un simple paquet d’actions dont il s’agit de maximiser la valeur boursière. Cette maximisation n’est-elle pas d’ailleurs, dans l’ordre strictement économique, l’expression la plus rationnelle de tous les types d’activités ? Peu importe par conséquent dans quels secteurs et dans quels pays l’entreprise opère, comment elle traite son personnel et ses fournisseurs, comment elle se comporte avec son environnement social et physique. Tout cela est dépourvu de pertinence. La seule chose qui compte est la satisfaction de l’intérêt des actionnaires, même si ceux-ci ne se comportent pas en véritables propriétaires stables, mais en spéculateurs d’un jour. Cette conception, dite de la ” shareholder value “, la valeur actionnariale, par opposition à la ” stakeholder value “, la valeur partenariale, s’est imposée, aux Etats-Unis d’abord, d’une manière éclatante, sous l’effet de trois facteurs principaux : la dérégulation financière, la diffusion d’un véritable capitalisme populaire -notamment à travers le développement rapide des fonds de pension- et la révolution des technologies de l’information, qui a suscité ce que l’on appelait hier encore, ” la nouvelle économie “, présentée comme le paradigme de la fin des cycles économiques, donc d’un avènement de la croissance durable.
La traduction institutionnelle de la shareholder value est la ” Corporate Governance “, qu’on appelle ” gouvernement d’entreprise ” dans une traduction à la fois médiocre et incontournable. Le gouvernement d’entreprise, qui est un sujet particulièrement actuel en France, a en réalité pour objet d’assurer le contrôle sans partage des actionnaires sur les dirigeants de l’entreprise, par l’intermédiaire du conseil d’administration, et notamment des administrateurs indépendants. Nous sommes donc désormais en présence d’un type de fonctionnement de la grande entreprise qui est radicalement opposé à celui que décrivait Galbraith. Il s’agit d’empêcher que les dirigeants de l’entreprise ne la gèrent suivant leurs conceptions ou leurs intérêts propres, et d’exiger au contraire qu’ils se comportent en serviteurs incontestables des intérêts des actionnaires. De là, l’importance du thème général de la transparence des comptes et, à cet effet, des comités d’audit, des comités des rémunérations et de sélection des dirigeants. De là aussi, l’essor extraordinaire des instruments financiers mis en œuvre pour intéresser les dirigeants aux résultats des entreprises et, plus généralement pour faire converger leurs intérêts avec ceux des actionnaires : des rémunérations généreuses, parfois astronomiques et pouvant être en majorité obtenue sous la forme d’options sur actions (” stocks options “) accordées à des conditions privilégiées. En contrepartie de ces avantages, l’échec des dirigeants est, on le sait, sanctionné sans aucun ménagement : dans le nouveau capitalisme de type anglo-saxon, l’emploi de président fait partie des emplois précaires. Tout cela est rigoureusement simple et logique.
C’est une banalité de dire que le règne des actionnaires a introduit dans la gestion des entreprises, et surtout des grandes entreprises cotées en bourse, deux contraintes nouvelles : d’une part, un objectif de rentabilité dont la référence habituelle s’est élevée à 15 % par an, ce qui est évidemment insoutenable, incompatible avec une croissance de l’économie globale, en valeur, de l’ordre de 5 % seulement, par an, en moyenne. D’autre part, ce processus de financiarisation des entreprises entraîne souvent une priorité accordée au court terme sur le long terme, ce qui va à l’encontre du développement durable, comme la crise boursière actuelle tend à le montrer.
Il est en effet frappant de constater que cette crise n’est pas seulement un ajustement conjoncturel résultant de l’éclatement d’une bulle spéculative, mais aussi, à la suite des multiples affaires du type Enron, une crise de confiance dans les vertus même du nouveau monisme actionnarial.
Par opposition à ce monisme actionnarial déjà triomphant aux Etats-Unis, l’Europe continentale offrait encore, il y a une dizaine d’années, l’exemple d’une ” économie sociale de marché ” (Soziale markt wirtschaft) faite d’entreprises fondées sur un pluralisme partenarial. En vertu de ce principe, l’entreprise doit prendre en compte selon l’expression du premier rapport Viénot, un ” intérêt social ” distinct de celui des actionnaires. Sa finalité, en effet, est plus complexe : elle vise à arbitrer, dans une recherche d’optimisation qualitative, la satisfaction des intérêts non seulement des actionnaires, mais aussi des clients, des salariés, des fournisseurs, des sous-traitants et de l’environnement. Ce modèle que j’ai appelé ” le modèle rhénan “, se retrouve, avec de nombreuses variantes nationales, dans l’ensemble de l’Europe occidentale. Il a trouvé ses expressions les plus marquantes tout au long de la vallée du Rhin, depuis l’Autriche jusqu’aux Pays-Bas, en passant par la Suisse et surtout l’Allemagne. Le cas allemand est le plus intéressant à cet égard, car il se caractérise par l’institution la plus partenariale qui soit, à savoir la cogestion des grandes entreprises. La loi allemande sur la cogestion (mitbestimmung) exige que le nombre des représentants des salariés dans les conseils de surveillance soit égal à celui des représentants des actionnaires (chacun disposant d’une voix).
A ce stade de l’analyse, tout paraît indiquer que le modèle rhénan, fondé sur la séparation des pouvoirs, la stabilité des stratégies, la primauté de la culture industrielle sur la culture financière et un esprit traditionnel de responsabilité sociale partagée, devrait être mieux prédisposé au développement durable que le modèle actionnarial de type anglo-saxon. C’est peut-être d’ailleurs grâce à l’influence de son modèle social que l’Europe, malgré toutes les faiblesses de sa construction, constitue la zone du monde qui se bat le plus pour la prise en compte des normes environnementales dans le commerce mondial et pour la reconnaissance de normes sociales de base à l’échelle planétaire.
Et pourtant, une telle conclusion serait erronée. En effet, depuis une dizaine d’années, c’est-à-dire depuis que le développement durable a commencé à être à l’ordre du jour, le modèle rhénan n’a cessé de reculer sous l’effet de plusieurs facteurs : l’Europe dans son ensemble et notamment l’Allemagne ont pris du retard dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication ; dans le modèle rhénan, le financement des entreprises est essentiellement assuré par les banques -chaque grande entreprise est liée à sa ” banque maison ” (” Haus- bank “), or, partout dans le monde, la banque a beaucoup reculé devant la bourse ; Enfin, il y a, dans les économies rhénanes, des lourdeurs et des rigidités dont la montée du chômage en Allemagne résume les conséquences. C’est pourquoi on a pu parler d’un ” requiem rhénan ” au moment même où le modèle du capitalisme partenarial aurait pu se revivifier grâce aux nouvelles formes de l’investissement socialement responsable. Ainsi, paradoxalement, l’engagement des entreprises dans le développement durable et l’investissement socialement responsable a pris racine, d’abord, dans les pays anglo-saxons, et cela, au moment même où leur système entrepreneurial pouvait être considéré comme donnant dans une large mesure la priorité au court terme sur le long terme, à l’immédiateté volatile plutôt qu’à la continuité responsable.
Le développement durable ouvre de nouvelles perspectives d’économies sociales de marché
La continuité responsable n’est-elle pas une affaire de l’Etat plus que des intérêts particuliers, et de propriétaires stables plutôt que de spéculateurs insaisissables ? Le foisonnement actuel des initiatives annoncées en vue du développement durable n’est-il pas une simple mode qui résistera mal à la crise actuelle ? Ces deux questions étant écartées, j’avancerai une hypothèse prédictive selon laquelle, grâce aux efforts que beaucoup d’entreprises commencent à accomplir, particulièrement en Europe, en vue d’un développement durable, les débuts du XXIe siècle pourraient être marquées par l’émergence de nouveaux types d’économies sociales de marché.
On pourrait a priori supposer que le long terme, le durable, concernerait au premier chef les collectivités publiques, à commencer par l’Etat, tant il est vrai que, selon la conception française traditionnelle, il revient principalement à l’Etat, ” maître des horloges ” et à ce titre responsable premier de l’intérêt général, de pourvoir au long terme. Les chênes de la forêt de Tronçais, en Bourbonnais, plantés par Colbert il y a plus de 300 ans, sont un héritage emblématique à l’appui de cette hypothèse. Les pays les plus engagés dans le développement durable devraient-ils donc être régis par un Etat centralisé et dirigiste ? En aucune manière.
Au contraire, le paradoxe du développement durable tient, à cet égard, au fait qu’il est apparu d’abord au sein d’entreprises américaines, et cela, au moment même où triomphait aux Etats-Unis, on l’a vu, avec le monisme actionnarial, l’idéologie de la ” shareholder value ” et, sur un plan plus général, l’idéologie suivant laquelle le marché est bon alors que l’administration est mauvaise (” market is good, government is bad “). S’il n’y avait que deux chiffres à retenir en cette matière, ce seraient les suivants : l’investissement dit ” éthique “, mais qu’il vaut mieux désigner comme ” socialement responsable ” (ISR), représente aux Etats-Unis 12 % de l’épargne gérée par les investisseurs institutionnels contre 1 % seulement en Europe et encore moins en France. Madame Geneviève Férone, que nous avons entendue le 4 novembre, et qui est le meilleur expert français en matière de notation sociale et environnementale des entreprises, n’aurait pas pu apprendre son métier en France, pour la bonne raison que, chez nous, ce métier n’existait toujours pas voici encore moins de dix ans ; elle a fait sa formation aux Etats-Unis, auprès de Calpers, le célèbre fonds de pension des fonctionnaires de Californie.
La raison principale de cet énorme décalage entre les Etats-Unis et la France tient à ce que l’investissement responsable prend racine aux Etats-Unis dans la profondeur traditionnelle de ce tissu associatif qui avait déjà tant frappé Tocqueville et qui n’a toujours guère d’équivalent en France. L’investissement socialement responsable additionne en effet les initiatives de toutes sortes d’associations charitables, religieuses, de fondations, d’universités, mais surtout les placements dits ” éthiques ” de certains fonds de pension. A cet égard, le contraste entre les deux systèmes de financement des retraites est saisissant : d’un côté, aux Etats-Unis, le financement des retraites est pour moitié assuré par la capitalisation, c’est-à-dire par l’épargne des salariés, des entreprises et les travailleurs indépendants ; en France, au contraire, le financement des retraites est assuré par la répartition, c’est-à-dire par l’impôt, à hauteur de 95 %. Chacun sait, désormais, que notre système est frappé de précarité. Cette précarité, cette gestion myope de l’Etat, en France, se mesure au fait que la dette publique est passée, en 20 ans, de 20 % à 60 % du PIB, ce qui signifie qu’au lieu de préserver, comme le demandait Mme Brundtland, les chances des générations futures, notre gestion financière actuelle les accable de dettes.
Mieux, la plupart des fonds de pension américains pratiquent une politique ” d’activisme actionnarial “, n’hésitant pas à faire pression sur les dirigeants des entreprises pour faire prévaloir les intérêts de leurs mandants. Mais force est alors de constater que … le modèle rhénan de cogestion renaît en quelque sorte, aux Etats-Unis, sous la forme de ce contrôle actionnarial exercé par des fonds de pension, eux-mêmes de plus en plus sensibles à l’influence de retraités et de salariés qui marquent leur préférence pour l’investissement dit ” éthique “. C’est ainsi que Calpers fait rêver des milliers de gestionnaires à travers le monde, car, il lui suffit de publier ses appréciations sur une centaine de grandes entreprises, félicitant les unes, stigmatisant les autres, pour exercer une influence qui peut être décisive pour la définition et le contrôle de la stratégie d’un nombre toujours grandissant de sociétés cotées. Et cela, même s’il n’en possède qu’un faible pourcentage. C’est ainsi encore que Calpers a récemment décidé de ne plus investir dans des entreprises qui ne seraient pas capables de donner la preuve qu’elles appliquent les recommandations de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) en matière de droits sociaux, et en particulier de travail des enfants et des prisonniers dans certains pays d’Asie. En décembre 2001, Calpers a même annoncé qu’il allait désinvestir massivement de trois pays, la Malaisie, les Philippines et l’Indonésie, en raison du non-respect des conventions internationales sur le travail des enfants.
On en vient donc à constater ceci : d’un côté, il existe, depuis 1920, une Organisation Internationale du Travail, fondée par le Français Albert Thomas, qui réunit sur base tripartite, les représentants de la plupart des pays du monde en vue du progrès des conditions de travail. Mais cette institution spécialisée reliée aux Nations Unies n’a aucun pouvoir de droit pour faire exécuter ses recommandations. Or voici que cette impuissance de l’institution publique commence à être supplée par l’initiative privée sur cet aspect du développement durable !
Ainsi, les fonds de pension anglo-saxons, si souvent décriés en France, contribuent au développement durable à la fois par des règles de gestion qui les poussent à stabiliser leurs placements, par leur influence positive sur le gouvernement des entreprises, et, enfin, par une participation souvent active, et parfois innovante, à l’investissement socialement responsable.
Certes, cela ne saurait faire oublier que les Etats-Unis ont refusé de signer le protocole de Kyoto par lequel les pays industrialisés s’engagent à réduire de 5 % en 2010, par rapport à 1990, leurs émissions de gaz à effet de serre. Au contraire, ils ont depuis lors augmenté leurs émissions de gaz carbonique de 17 %, sans que cela paraisse avoir beaucoup ému les apôtres du développement durable.
Mais faut-il s’en étonner ? N’y a-t-il pas, dans certaines déclarations bruyantes d’entreprises au sujet de leur éthique, une sorte de propagande dissimulée, voire de manipulation ? Enron et Worldcom ne manquaient pas de faire grand cas de leur charte éthique !
D’ailleurs, on est un peu étonné de la facilité avec laquelle les grands indices socialement responsables européens accueillent les entreprises. Les trois principaux d’entre eux sont l’Aspi, le FTSE 4 good et le DGSI . Ensemble, ils considèrent comme socialement responsables les 4/5e des plus grandes sociétés françaises, celles qui sont cotées au CAC 40. C’est assurément une appréciation trop optimiste qui ne peut qu’entretenir le scepticisme des analystes traditionnels. Ainsi, l’agence de notation Moody’s déclarait récemment que le comportement environnemental des entreprises n’a aucun effet sur leurs cours boursiers. Au contraire, elle pense même que, pour l’instant, la prise en compte de son impact dans la gestion des entreprises pourrait être un facteur négatif pour leur notation financière. Il est vrai qu’après avoir souvent proclamé que les entreprises socialement responsables obtiennent en outre, dans l’ensemble, des résultats financiers supérieurs aux autres, on en vient aujourd’hui à considérer que les choses fonctionnent plutôt dans l’autre sens : il n’y a d’entreprises durables que les entreprises rentables ; c’est la qualité des résultats financiers qui favorise la participation au mouvement du développement durable plutôt que le contraire. Il en va ici comme dans la parabole des talents de l’Evangile : les moins entreprenants restent à l’écart.
Même parmi les entreprises les plus performantes, nombreuses sont celles qui continuent obstinément à camper en dehors du mouvement. Le cas d’Exxon, premier producteur mondial de pétrole est à cet égard spectaculaire. Exxon le nouveau nom de la Standart Oil. Certains ont gardé en mémoire un célèbre discours prononcé en 1951 par Franck Abrams, Président de la Standart Oil : ” La fonction du management est de maintenir une balance équitable et efficace entre les intérêts des différents partenaires de l’entreprise : actionnaires, employés, consommateurs et le public en général “. Cette phrase exprimait la quintessence du pluralisme partenarial. Or aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, Exxon affiche une politique radicalement opposée à cette philosophie. Contrairement à ses concurrents européens -à commencer par Shell, société typiquement rhénane- Exxon refuse tous les investissements dans les énergies renouvelables, car ce sont à ses yeux de simples gaspillages. Il proclame que son but exclusif est de maximiser sa valeur en augmentant ses ventes de produits pétroliers au meilleur marché.
Le cas de Shell méritait d’autant plus d’être cité ici que cette société, après avoir provoqué une catastrophe écologique dans la Mer du Nord, et subi de ce fait un boycott des consommateurs, a pris la tête d’initiatives nouvelles pour le développement responsable qui aident aujourd’hui de nombreuses entreprises européennes à rattraper leur retard par rapport à leurs concurrentes américaines. Mieux, Shell travaille ainsi en coopération avec plusieurs ONG dont Greenpeace et Amnesty International.
Il est frappant, en effet, de voir qu’en Europe aussi, un nouveau type de consommateurs-citoyens et d’épargnants-citoyens commence à émerger. Ils veulent savoir si l’entreprise qui les sollicite est correcte vis-à-vis de ses salariés, soucieuse des risques environnementaux qu’elle fait courir, et respectueuse des droits de l’homme, y compris à travers les achats qu’elle effectue dans des pays dictatoriaux. Certes, ce qu’on appelle désormais le commerce ” équitable ” n’est encore qu’une bien petite chose. Je ne suis pas du tout sûr qu’au cours de nos déjeuners académiques, le café que nous consommons est bien du café Havelaar, le seul à ma connaissance qui garantisse un pouvoir d’achat minimum à des paysans de Colombie et du Brésil… mais les choses évoluent assurément dans le bon sens. En France, en ce moment même, pour les achats de Noël, un collectif d’associations mène campagne auprès des distributeurs de jouets et de textiles pour les inciter à exiger des améliorations des conditions de travail dans les pays émergents producteurs, et particulièrement en Chine. Ce collectif attribue des notations aux principaux distributeurs français, qui se sont réunis pour harmoniser les référentiels utilisés et qui ont fait faire plus de 300 audits sociaux chez des fournisseurs dans des pays suspects.
Plus profondément, de nombreuses entreprises européennes retrouvent, semble-t-il, avec intérêt, dans le développement durable, les principes d’une culture dont elles ne se sont détachées qu’avec regret, sous la pression de leurs actionnaires et surtout des analystes financiers. C’est pourquoi, particulièrement en Europe, la culture de l’entreprise et la personnalité de ses dirigeants présente une importance majeure au regard de leur responsabilité sociale. Le développement durable appelle toujours, et suscite souvent, une nouvelle race de patrons qui se sentent une vocation d’instituteurs du long terme pour convaincre leurs partenaires que la politique, souvent jugée contre-intuitive, de l’investissement socialement responsable, est à la fois, sur le long terme, la plus humaine socialement et la plus efficace économiquement. A condition toutefois qu’elle ne soit pas imposée, et que sa légitimité se fonde sur le consensus des salariés, des actionnaires, des fournisseurs et surtout de la clientèle.
Dans tous les secteurs, un nombre croissant des plus grandes entreprises, celles qui sont le plus exposées aux critiques de la société civile multiplient les efforts, dans un grand foisonnement d’initiatives qui s’adaptent aux problèmes particuliers de chaque secteur. Ainsi, les industries de base, qui ont été pionnières en la matière, se préoccupent principalement de leur impact sur l’environnement. En France, 18 entreprises totalisant les 2/3 des émissions industrielles de gaz carbonique ont accepté de participer à un projet d’engagement volontaire, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Plus récemment, le secteur tertiaire a suivi l’exemple de l’industrie. La majorité des banques américaines tiennent compte du développement durable dans les financements qu’elles accordent à leurs clients. Les banques européennes commencent à aller dans le même sens. Et je suis particulièrement heureux de pouvoir dire ici que la compagnie d’assurances AGF, que j’ai présidée pendant de longues années, a été la première en France, à pouvoir placer, en 2002, son rapport annuel sous les auspices du développement durable. En effet, les AGF est la seule compagnie d’assurances française qui bénéficie d’une notation positive accordée par les trois indices ” éthiques ” ASPI, FTSE 4 good et DJSI, et cela, notamment en raison de son action de prévoyance en matière de santé.
Il est vrai que, pour les compagnies d’assurances, dont le métier consiste à mieux évaluer les risques, l’investissement socialement responsable peut être un facteur de compétitivité. A l’inverse, la mauvaise gestion des grands risques industriels peut déboucher sur l’opprobre public, le boycott consumériste, voire la faillite de l’entreprise fautive.
Plus une entreprise étend son activité à l’échelle internationale et plus il lui faut savoir réagir aux courants de sensibilité qui parcourent la planète. Cela ne signifie pas que les moyennes entreprises se voient exclues du champ d’application de la responsabilité sociale, mais elles ont à cet égard à la fois des points forts et des points faibles. Le principal point fort tient à ce que, toutes choses égales, une entreprise sera d’autant plus portée au développement durable que son actionnariat sera plus stable. Dans la moyenne entreprise patrimoniale, si chère à notre confrère Yvon Gattaz ce qu’on appelle aujourd’hui la durabilité existe depuis toujours et se fonde dans une large mesure sur la stabilité. Stabilité des capitaux, stabilité financière avec peu de dettes, stabilité de la stratégie industrielle et commerciale, stabilité des implantations et des effectifs qui ont souvent tendance à former une communauté liée par l’affectio societatis. Les moyennes entreprises patrimoniales sont immergées dans le durable. Elles font du développement durable comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.
Pour rattraper leur retard par rapport aux Etats-Unis, plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et la Belgique, ont adopté des dispositions intéressantes, cependant que la Commission Européenne élaborait en juillet 2001 un livre vert destiné à ” promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises “.
La Grande-Bretagne a été l’initiatrice de ce mouvement, se dotant d’un ministère de la responsabilité sociale des entreprises depuis mars 2000, et adoptant en juillet 2000, une loi aux termes de laquelle les investisseurs institutionnels, à commencer par les fonds de pension, ont l’obligation de publier des informations concernant les dispositions qu’ils prennent pour respecter des objectifs éthiques, sociaux et environnementaux.
Ce double exemple a été suivi par la France, qui avait fait preuve, comme à son ordinaire, d’une certaine fécondité législative dans ce domaine, avant que le nouveau gouvernement ne crée, pour la première fois, en 2002, un Secrétariat d’Etat au développement durable. En premier lieu, la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dispose que le rapport de gestion annuel des sociétés cotées ” comprend également des informations, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat, sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité “. Cette disposition concerne 950 entreprises pour l’exercice 2002. Une disposition analogue a été incluse dans la loi du 17 juillet 2001 créant le Fonds de réserve des retraites. Mais le texte le plus important est la loi du 19 février 2001, dite Loi Fabius sur l’épargne salariale, qui prévoit que les gérants de fonds tiendront compte de ” considérations sociales, environnementales ou éthiques ” dans leurs choix d’investissements. Au regard du développement durable, il y a d’ailleurs une gradation dans la condition des salariés, en fonction de l’épargne salariale : le simple salarié plus ou moins mal intégré, le salarié épargnant, plus responsable ; l’associé participant, le salarié actionnaire qui constitue, aux yeux du marché, un indice du bon fonctionnement de l’entreprise, via la confiance que lui accordent ainsi certains de ses employés.
L’ensemble de ce mouvement législatif appelle deux commentaires. En premier lieu, ces textes n’ont rien de dirigiste, ils n’obligent pas les entreprises, ni les fonds d’investissement, à faire ceci ou cela, mais seulement à publier ce qu’ils font librement. Aux Etats-Unis au contraire, c’est paradoxalement un texte de portée impérative qui vient d’être adopté pour répondre à la crise de confiance résultant des graves fautes découvertes notamment à la suite de l’affaire Enron. La loi Sarbanes-Oxley de juillet 2002 renforce la surveillance des pratiques comptables, et surtout, elle exige la certification sous serment (” I swear… “) de la sincérité des résultats présentés par les présidents de société et leurs directeurs financiers, sous peine de sanctions pénales aggravées. Il suffit de rappeler la portée juridique du serment aux Etats-Unis pour mesurer l’importance de ce texte.
Pour revenir à la France, le trait le plus caractéristique de notre pays en ce qui concerne les entreprises face au développement durable n’est sûrement pas l’évolution législative, mais un ensemble d’initiatives privées originales et de vaste portée.
La première de ces initiatives est d’origine syndicale. Le 29 janvier 2002, quatre confédérations, la CGT, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ont, en effet, annoncé la création d’un comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES). Dans ce cadre, elles ont commencé à labelliser les offres de certaines sociétés de gestion de l’épargne salariale selon leur conformité à un cahier des charges que ces syndicats ont établi eux-mêmes. L’objectif est de contribuer ainsi à la constitution de fonds d’épargne salariale suffisamment importants pour pouvoir peser sur les pratiques sociales et environnementales des entreprises. Quel chemin parcouru, dans un pays si marqué par la tradition d’un syndicalisme qui, même s’il n’est plus révolutionnaire, répugnait tant à s’occuper de tout ce qui a trait à l’épargne -fût-elle salariale- et à l’investissement, dans les entreprises capitalistes ! Chemin d’autant plus remarquable que la légitimité de cette initiative syndicale a été reconnue par le MEDEF.
Deuxième grande initiative privée française, en matière de développement durable des entreprises, qui est également sans précédent, a eu lieu cette année. Il s’agit de la création par Nicole Notat de l’agence européenne de notation sociale et sociétale, VIGEO. Certes, la structure financière et commerciale de cette nouvelle agence peut prêter à réflexion. Mais il demeure hautement significatif que Nicole Notat, figure de proue incontestée du syndicalisme français, ait décidé de changer de carrière en créant sa propre entreprise, en devenant chef d’entreprise, et cela, pour apporter une contribution originale au développement durable.
Troisième initiative privée française, d’une portée mondiale celle-là : il y a trois grandes agences internationales de notation financière qui dominent très largement le marché international : Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch. Cette dernière, la plus petite et la plus jeune des trois, qui appartient au groupe français Fimalac, s’est donné pour objectif de devenir la première en matière de notation sociale et environnementale. C’est ainsi elle vient de créer l’agence Core Ratings qui est, on s’en souvient, dirigée par Geneviève Férone. Il convient de noter que le leader du marché, l’américain Standard & Poor’s, se prépare à suivre Fitch sur ce même terrain.
Conclusion
Depuis une vingtaine d’années, les prouesses accomplies par l’économie capitaliste, sous l’effet combiné de la mondialisation, de la dérégulation et de la révolution informatique ont été si éclatantes que beaucoup ont cru à l’avènement d’une ” nouvelle économie ” fondée sur un nouveau modèle d’entreprise, purement actionnarial et entièrement assujetti à la loi du profit. Cette hypothèse prédictive fait aujourd’hui l’objet d’une double contestation, sociale et écologique. Si désordonnée et hétéroclite que soit cette contestation, elle embraye assez sur l’opinion publique et les médias pour qu’un nombre croissant d’entreprises se sentent obligées d’en tenir compte, ne serait-ce que pour protéger leur image. Parmi elles, certaines vont résolument de l’avant et cherchent à promouvoir leur réputation en investissant dans des progrès sociaux et des actions environnementales. Sans doute y a-t-il là, pour partie, un phénomène de mode, mais pour partie seulement, et, quoi qu’il en soit, cette mode aussi a des chances de devenir durable, révélant une fois de plus les capacités d’autorégulation du capitalisme.
On peut en effet penser, me semble-t-il, que ces tendances nouvelles au niveau des entreprises s’inscrivent dans le courant beaucoup plus large des aspirations que porte aujourd’hui ce qu’il est convenu d’appeler la société civile. Ces aspirations invitent plus ou moins explicitement les entreprises à la transparence, au dialogue et à la participation. En somme, elles leur suggèrent de mettre en œuvre, selon la magnifique expression de Pierre Massé à propos du Plan, ” une conception moins étroite de l’homme “. Un petit exemple entre cent : il est aujourd’hui recommandé aux jeunes gens qui sortent des écoles de commerce et cherchent leur premier emploi, de faire état, si possible, sur leur curriculum vitae, d’activités associatives désintéressées auxquelles ils ont pu participer, notamment comme bénévoles pour le développement du tiers-monde ou l’action sociale dans les ” quartiers “.
Cet aggiornamento du modèle d’entreprise dominant est certes encore souvent timide. Ses perspectives demeurent incertaines. Mais il sera d’autant plus intéressant de les observer en Europe que chez nous, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises rejoint dans une certaine mesure ce qui, par le passé, a pu faire la meilleure part du modèle social européen.
Sur un plan plus général, il paraît essentiel de noter que le développement durable est devenu, en quelques années, un aspect incontournable de leur stratégie pour un nombre croissant d’entreprises, surtout parmi les plus grandes. Dans ce domaine, les groupes pilotes devraient devenir, secteur par secteur, les entreprises de référence, voire les entreprises gagnantes à terme.
Sous la pression des ONG, des médias, des clients, du personnel et des agences de notation spécialisées, ces entreprises sont de plus en plus conduites à s’exprimer publiquement, non seulement sur leurs valeurs -ce qui est le plus facile-, mais sur les moyens et les résultats de leur action en matière sociale et environnementale. Partant de là, des méthodes spécifiques d’organisation et de fonctionnement sont et seront de plus en plus mises en œuvre et enseignées dans les écoles de gestion.
L’ensemble de ces changements, hier encore inimaginables, commencent à dessiner de nouveaux modèles d’entreprise qui sont, pour une part croissante, issues des prises de conscience qui fondent le développement durable.