Remise des prix 2003 de la Fondation culturelle franco-taïwanaise

Institut de France, lundi 2 février 2004

Lauréat : la Maison des Cultures du Monde, pour son travail en faveur des arts populaires vivants de Taïwan

 

Allocution de M. Pierre Messmer, Chancelier de l’Institut de France

Monsieur le Représentant,
Mes chers Confrères,
Mesdames, Messieurs,

La remise du huitième prix de la Fondation culturelle franco-chinoise me donne, une fois encore, le plaisir de vous accueillir à l’Institut de France.

Ma joie est toutefois mitigée, car, pour la première fois dans l’histoire de la Fondation, le Ministre de la Culture de Taïwan n’est pas à mes côtés pour remettre ce Grand Prix, qui a trouvé sa place dans nos cœurs et dans celui de tous ceux très nombreux qui s’intéressent à l’Extrême-Orient. L’absence de toute présence féminine à cette tribune est une première que vous me permettrez de déplorer, tant les deux ministres qui se sont succédé à ce poste depuis la création de la Fondation ont su donner à nos relations un charme et une douceur que nous ne saurions imiter.

Toutefois, Monsieur le Représentant, cela ne diminue en rien la joie que nous avons de vous retrouver ce soir et que j’aurai, dans un instant à vous entendre. Sachez qu’aucun de nos confrères ne critique, dans son principe, le recours au suffrage populaire librement décidé par votre gouvernement.

C’est une fidélité réciproque, qui, depuis 1996, rassemble l’Académie des Sciences morales et politiques et le Conseil National des Affaires culturelles de Taïwan, chacun s’efforçant d’être attentif aux vues de son partenaire, en vue d’un rapprochement entre nos deux peuples. Taïwan reste aujourd’hui mal connu des Français — et parfois mal-aimé — et nous avons à cœur de modifier cet état de fait.

Je ne rappellerai pas combien les choix opérés par le jury de ce prix furent judicieux dans les années écoulées. Qu’on se souvienne simplement que furent d’abord couronnés les principaux établissements français d’enseignement et de recherche sur les langues et les civilisations de l’Asie orientale ; ils constituent les bases qui ont rendu possible l’émergence, dans notre pays, d’un orientalisme scientifique. Nous avons également aidé à la publication du Grand Dictionnaire français de la langue chinoise, réalisé par les Instituts Ricci de Paris et de Taïpei. La connaissance de la langue dominante de la région demeure, pour nous Européens, la première étape pour une connaissance authentique de toute la région.

Puis, au fur et à mesure que nos relations s’intensifiaient, nous avons réalisé que nos choix devaient être plus précis, notamment dans leur prise en compte des réalités spécifiquement taïwanaises. Ce fut en 2000 que s’opéra ce tournant, lorsque nous décidâmes d’attribuer notre Prix à Monsieur André Lévy pour les traductions qu’il fit de quelques chefs d’œuvre de la littérature taiwanaise, dont on évalue encore mal chez nous la richesse et la fécondité. Vinrent ensuite les Pères des Missions Étrangères, travaillant auprès des aborigènes de l’île, puis, l’an dernier, le Centre France-Asie de Paris qui, grâce à la dotation du Prix, a pu distribuer des bourses à des étudiants taiwanais séjournant à Paris.

Nous amorçons ainsi un mouvement dans le choix de nos lauréats, vers la diversification des types d’action récompensée, en nous ouvrant à la possibilité de financer des travaux en cours, voire de les susciter.

Cette année, pour la première fois, nous avons décidé d’agir dans le domaine artistique, en récompensant le travail fait à Paris par la Maison des Cultures du Monde pour faire connaître et reconnaître la culture taiwanaise.

On ne saurait trop insister sur le rôle éminent que peuvent jouer les échanges culturels dans les relations amicales entre les peuples.

Dans un monde soumis au lent mouvement de la globalisation des échanges, mais aussi à l’uniformisation croissante des modes de vie, le rappel des spécificités culturelles occupe une place essentielle pour l’équilibre de l’être humain. La question qui se pose à nous aujourd’hui est, en effet, de faire tenir ensemble l’utopie d’une humanité unifiée et le légitime besoin d’identité des peuples. La culture peut être l’agent efficace de cette conciliation.

Elle revêt deux aspects différents, voire contradictoires.

La culture est source d’identité et donc de séparation. Le mouvement des « nationalités», qui, tout au long du XIXe siècle, mina l’Europe des Empires pour préparer l’image de l’Europe moderne, l’accession à l’indépendance d’un grand nombre de nouveaux états conséquence de la décolonisation au milieu du XXe siècle, s’adossèrent toujours sur un volet ethnographique, linguistique et, plus largement, culturel. La liberté des peuples passe, en effet, par la conscience qu’ils ont de leur spécificité. Dans ce sens, la culture peut être certes source de conflits, mais le développement des échanges culturels entre peuples libres permet également de reconnaître l’autre dans sa dignité d’étranger et dans sa puissance de remise en cause de nos horizons étroits.

Mais la culture — parce qu’elle est la pointe ultime des efforts du génie humain — revêt aussi une capacité d’accèder à l’universel. Que des spectacles, nés dans des cultures éloignées de la nôtre, puissent éveiller plus que de la curiosité ethnographique, qu’ils puissent susciter des émotions réelles malgré leur étrangeté, voilà bien une preuve de la fraternité des hommes !

La mission de la Maison des Cultures du Monde réside dans ce double déploiement qui nous fait passer, nous spectateurs, de la connaissance et du respect de l’autre à la contemplation de nos destinées communes. Ce mouvement est celui de l’amitié elle-même.

C’est pourquoi le Prix que nous allons remettre aujourd’hui marque avec force le rôle que nous entendons voir jouer à la Fondation culturelle franco-taïwanaise : renforcer les liens amicaux entre nos deux peuples.

Allocution de M. Chiou Jong-Nan, Représentant de Taïwan

Monsieur le Chancelier, Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Perpétuel,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,
Mesdames et Messieurs,

Madame TCHEN Yu-Chiou, Présidente du Conseil National des Affaires Culturelles de Taïwan a été contrainte de reporter sa visite en France. Aussi, m’a-t-elle chargé de la représenter ce soir à cette cérémonie de remise du prix annuel de la Fondation Culturelle Franco-Taïwanaise. Madame la Ministre TCHEN m’a expressément demandé de saluer et de remercier vivement tous ceux qui, au travers ce prix, depuis plus de 8 ans maintenant, sont attachés à la promotion des échanges culturels entre la France et Taïwan.

Cette constance n’est pas le fait du hasard mais le fruit d’une volonté commune, celle du Conseil National des Affaires Culturelles de Taïwan et celle de l’Académie des Sciences Morales et Politiques qui, sous la direction de Monsieur le Chancelier Pierre Messmer, a toujours manifesté un intérêt soutenu pour Taïwan et sa culture.

En tant que Représentant de Taïwan en France, je voudrais vous exprimer, Monsieur le Chancelier, Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire perpétuel, notre extrême gratitude pour la disponibilité avec laquelle vous veillez, année après année, à faire de la Fondation culturelle franco-taïwanaise un instrument efficace d’échanges entre nos deux pays. Grâce à votre concours, il a en effet été possible d’affiner le rôle que joue la Fondation et d’en recentrer l’action sur la culture taïwanaise proprement dite. Cela s’est traduit depuis deux ans par un changement de nom, mais aussi par l’attribution de prix à des hommes et à des organismes qui, assidûment, œuvrent pour multiplier les ponts entre Taïwan et la France.

Les membres du jury ont retenu pour lauréat 2003 la  » Maison des Cultures du Monde  » en raison du travail remarquable qu’elle accomplit depuis plus de vingt ans, sous la présidence de Monsieur Emile Biasini et sous la direction de Monsieur Chérif Khaznadar, en faveur des arts populaires vivants de Taïwan.

Par une riche et régulière programmation de spectacles venus de Taïwan, la Maison des Cultures du Monde a permis au public français de découvrir la musique Nanguan, les chants et danses aborigènes, l’opéra taïwanais populaire, les différents types de marionnettes, ainsi que bien d’autres formes d’expression artistique, traditionnelle et contemporaine. La Maison des Cultures du Monde a ainsi présenté en France plusieurs facettes de la culture de mon pays, -initiatives qui ont largement favorisé les contacts culturels entre la France et Taïwan- source d’enrichissement mutuel et garant de la diversité culturelle universelle. Je ne peux que saluer cette démarche et la contribution qu’elle apporte aux échanges culturels entre nos pays respectifs.

Au nom du Conseil National des Affaires Culturelles de Taïwan, et en mon nom personnel, je renouvelle mes plus vifs remerciements aux représentants de la noble institution qui nous accueille ce soir et adresse au lauréat mes sincères félicitations. Ce prix témoigne de la longue amitié entre nos deux peuples et je souhaite ardemment que se poursuive notre coopération et qu’elle puisse apporter une contribution toujours plus grande aux cultures du monde. Qu’en ce tout début d’année, mes meilleurs vœux accompagnent la Maison des Cultures du Monde et tous ceux qui l’habitent !

Je vous remercie.

Allocution de M. Jean Cluzel, secrétaire perpétuel de l’Académie

Nous nous devons, discrètement mais avec émotion, d’évoquer les huit années d’existence et de rayonnement de la Fondation culturelle franco-taïwanaise, ainsi que les avancées accomplies.

La Fondation a su, au cours des ans, affiner sa personnalité et accroître son aura. Cela passait d’abord par une définition plus précise de ses finalités ; c’est pourquoi le jury a retenu des lauréats qui œuvrent effectivement à l’établissement de liens culturels entre Taïwan et la France.

En infléchissant quelque peu les propos du Prix Nobel de littérature, Gao Xing-Jian, je dirai que les échanges culturels ne sont pas un luxe, mais une nécessité. Lorsque la distance isole les cultures, lorsque la globalisation écrase la richesse des spécificités culturelles, il faut des femmes et des hommes de bonne volonté, et de volonté, pour vaincre la distance et résister à l’uniformisation.

Il est vrai qu’il existe entre nous une convergence naturelle qui devait nous amener à nous rencontrer. Qu’il me suffise d’évoquer par trois idées directrices une politique culturelle affirmée :

1°) préservation de la tradition ;
2°) soutien à l’innovation et à la création ;
3°) diffusion très large des réalisations.

Préservation de la tradition

Ces trois idées directrices sont également celles de l’Académie des Sciences morales et politiques.

1°) notre Académie – elle aussi – est un lieu de préservation des traditions. Certains lui en font même le reproche. Parce qu’ils ignorent que tout effacement et tout oubli des acquis du passé représente un irréparable appauvrissement spirituel.

2°) Notre Académie – elle aussi – ne se contente pas d’étudier le passé. Elle se penche, aussi et surtout, sur les problèmes d’actualité et contribue par ses travaux, communications et rapports des groupes de travail, à une meilleure visibilité de l’évolution de la société contemporaine.

3°) Notre Académie – elle aussi – a su se doter en quelques années des moyens de diffusion du savoir les plus performants. Après la création d’un site internet visité chaque mois par plus de 10 000 internautes, elle a lancé, il y a trois semaines, une web-radio qui peut être écoutée partout dans le monde par un simple clic de souris. On peut évidemment l’entendre à Taïwan.

Ce parallélisme, cette synergie, au sein de la Fondation culturelle franco-taïwanaise, sont donc réels. Ils expliquent à eux seuls l’harmonie qui caractérise les choix du jury, année après année, en dépit du renouvellement de ses membres. L’œuvre initiée s’inscrit dans la durée.

La société de masse ne veut pas la culture, mais les loisirs, écrit Hannah Arendt. Cette désolante constatation, loin de nous décourager, est pour nous une incitation supplémentaire à lutter par tous les moyens contre tout ce qui pourrait superficialiser la culture. C’est au nom du rejet de loisirs vidés de toute substance spirituelle, mais chargés de considérations purement mercantiles, que nous appelons ensemble et avec le lauréat de ce jour, à la diffusion la plus large possible de la culture et du vecteur de la culture que sont les cultures du monde.

C’est au nom de cet idéal, sans considérations partisanes ou contingentes, que nous adhérons pleinement à des efforts communs pour que nous nous enrichissions de nos différences et des compétitions avec les autres.

Or, nous le savons, grâce en particulier à la Maison des Cultures du Monde, Taïwan est riche d’une culture aux multiples facettes, syncrétique et unique. A la fois fidèle à ses traditions et innovante, équilibrée sur elle-même et ouverte au monde, cette culture mérite d’être mieux connue. Jusque dans les années soixante du dernier siècle, elle était quasiment ignorée dans notre pays. Heureusement, les trois dernières décennies du XXe siècle ont permis de constater l’émergence d’une conscience identitaire taïwanaise forte. Cela s’est traduit tout d’abord par la « littérature du terroir », puis, dans les toutes dernières années du siècle, par la reconnaissance et la renaissance de toutes les composantes de la culture taïwanaise.

Soutien à l’innovation et à la création

Cette dynamique nous serait restée totalement étrangère si quelques esprits avisés n’avaient osé – j’utilise à dessein ce mot, car il faut de l’audace pour aller à contre-courant du « politiquement correct » – inviter des acteurs, parfois humbles, mais toujours représentatifs de la culture taïwanaise, à se produire à Paris.

C’est précisément pour cette œuvre de pionnier, patiemment menée depuis vingt ans, que le jury de la Fondation culturelle franco-taïwanaise a décidé de distinguer la Maison des Cultures du Monde. Fondée à Paris en 1982 sous l’égide des Ministères de la Culture et des Affaires étrangères, cette institution s’est, dès sa création, distinguée par une audace culturelle, une curiosité artistique et un professionnalisme ethnoscénographique remarquables, tous les trois mis au service de la promotion et de la diffusion des arts populaires vivants.

Est-il nécessaire de souligner que le magnifique nom de « Maison des Cultures du Monde » est antinomique de tout apartheid, de tout ostracisme, de toute exclusion et qu’il pose comme valeur intangible la coexistence des différences sous un même toit ?

En effet, c’est au nom de ce principe fondateur que la culture taïwanaise a pu enfin accéder à une reconnaissance véritable en France, puis dans le reste de l’Europe. En vingt ans, la Maison des Cultures du Monde, sous la direction éclairée de M. Emile Biasini et de M. Chérif Khaznadar, a consacré aux divers aspects de la culture taïwanaise une douzaine de manifestations, deux publications discographiques et deux expositions.

« Tant de spectacles pour une si petite île ! » pourrait s’exclamer l’ignorant. En fait, la population taïwanaise est une riche mosaïque ethnique dont la diversité se reflète dans la culture. Sommairement, on peut retracer l’histoire du peuplement de Taïwan ainsi :

A la dizaine de tribus aborigènes austronésiennes présentes depuis plusieurs milliers d’années se sont adjoints à partir du XVIIIe siècle des Hakka et des Fulao, populations han originaires de la Chine littorale du sud-est. Puis, en 1949, sont arrivés des populations originaires de toutes les provinces chinoises.

Ces trois composantes principales de la population taïwanaise ont chacune des modes d’expression culturelle propres et c’est le grand mérite de la Maison des Cultures du Monde que d’avoir su les faire connaître en France toutes les trois.

C’est le 22 octobre 1982, qu’avec un premier concert, la Maison des Cultures du Monde a vu le jour. Le public parisien put alors découvrir avec émerveillement la musique courtoise de l’époque Tang, miraculeusement préservée dans le sud de Taïwan. Cette révélation de la musique de style « nanguan » fut un tel choc esthétique que les Festivals d’Avignon et de Lyon, entre autres, l’inscriront plus tard dans leur programmation.

Diffusion très large des réalisations

Explorant tous les styles musicaux de la tradition taïwanaise, la Maison des Cultures du Monde a présenté également la musique de style « beiguan », plus populaire, plus tonitruante, en mai 2 000, grâce à un concert entièrement consacré à ce genre musical ; mais aussi plusieurs fois auparavant, à l’occasion de la présentation d’un autre fleuron de la culture populaire taïwanaise : le théâtre de marionnettes. Plusieurs vénérables maîtres marionnettistes sont ainsi venus, avec leurs disciples, présenter en taïwanais leurs marionnettes à fils, à gaine et d’ombres.

La Maison des Cultures du Monde a su également faire toute leur place à ceux qui peuvent revendiquer le titre de premiers Taïwanais. Dès 1988, dans le cadre d’un cycle consacré au Pacifique, ont retenti boulevard Raspail les chants et la musique des tribus Ami, Païwan et Bunun. Là encore, comme pour les marionnettes et pour la musique « nanguan », la Maison des Cultures du Monde a fait œuvre de pionnier et d’initiateur.

Elle a poursuivi dans cette voie en présentant durant un mois au Théâtre du Rond-Point des Champs-Elysées, fin 1994, les trois formes d’opéra chinois pratiquées à Taïwan, et notamment le « ge-zai-xi », variante spécifiquement taïwanaise, chantée en taïwanais.

Consciente plus que tout autre de la diversité culturelle taïwanaise, la Maison des Cultures du Monde emploie le terme « cultures de Taïwan » au pluriel. L’Académie des Sciences morales et politiques s’honore de pouvoir, à sa modeste mesure, aider à soutenir la diffusion des cultures taïwanaises, en récompensant ce soir un lauréat qui, comme elle, se reconnaît certainement dans l’affirmation d’Octavio Paz selon qui « toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. A l’inverse », ajoute le poète mexicain, « c’est de l’isolement que meurent les civilisations ».

Très sensible à vos propos, Monsieur le Représentant, et en particulier à votre volonté de poursuivre avec notre Académie la coopération amicale qui nous réunit ce soir, je formule, après Monsieur le Chancelier Pierre Messmer et en écho à vos souhaits, des vœux sincères pour que se pérennise et s’intensifie l’action de la Fondation culturelle franco-taïwanaise et, à travers elle, nos liens d’amitié.

Je vous laisse à présent le soin de remettre à la Maison des Cultures du Monde, haut lieu de confrontation des cultures, le diplôme qui couronne son travail passé, tout en augurant de son futur en faveur des arts et traditions de Taïwan en France.

Allocution de M. Chérif Khaznadar, Directeur de la Maison des Cultures du Monde

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Chancelier de l’Institut de France,
Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences morales et politiques,
Monsieur le Représentant de Taipei,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord, de rendre hommage à la mémoire de deux amis.

Le professeur Hsu Tsang Houai, compositeur et musicologue a été le premier à me faire découvrir la richesse et la diversité de la culture à Taiwan. C’est grâce à lui qu’à chacun de mes voyages à Taiwan j’ai pu rencontrer, voir, découvrir, des artistes et des formes musicales et spectaculaires passionnantes. Année après année, nous programmions nos rêves de faire connaître au public français, qu’il affectionnait particulièrement, toute la richesse culturelle de son pays.

Monsieur Chao, lui, rendait les rêves possibles et réalité. Je n’ai jamais connu le prénom de Monsieur Chao, juste les initiales K et M. Mais il était d’une telle personnalité et, disons-le, renommée, que « Monsieur Chao » suffisait et était le « sésame ouvre-toi » de la culture taiwanaise en France.

Je me dois de le réaffirmer, encore plus particulièrement aujourd’hui que je ne l’ai régulièrement fait par le passé, si la Maison des Cultures du Monde a pu pendant des années présenter des manifestations en provenance de Taiwan au public français, jusqu’à ce que le relais soit enfin pris par d’autres institutions, c’est grâce à ces deux hommes, ces deux amis qui nous manquent aujourd’hui.

Mesdames, messieurs,

Je vous épargnerai la longue liste des manifestations taiwanaises que la Maison des Cultures du Monde a accueilli à Paris depuis sa création en 1982, je me bornerais à dire que si elles furent aussi nombreuses c’est que Taiwan a la merveilleuse particularité de voir coexister sur son territoire trois cultures : celle des aborigènes, premiers habitants de l’île, celle de la première immigration du XVIle siècle qui a progressivement acquis sa spécificité taiwanaise et enfin celle du continent chinois telle qu’importée il y a un demi-siècle et miraculeusement préservée. Ces trois cultures nous ont offert des moments de bonheur intense, que ce soit la redécouverte du Pasibutbut des Bounouns tel que nous ne l’avions plus jamais entendu en Occident depuis les enregistrements de Brailoiu, la force majestueuse des sculptures des Paiwan, la diversité des marionnettes à gaine, à fil ou d’ombre manipulées par de grands maîtres, les musiques Nanguan et Beiguan, les opéras dans le style de Pékin, ou dans celui de Taiwan avec le spectacle magique de la Compagnie Ming-Hwa-Yuan.

Je me souviens en particulier de ces années 1993 et 94 où la Maison des Cultures du Monde, installée au Théâtre du Rond-Point, a pu présenter au public parisien les opéras « Le pavillon aux pivoines », « Le roi des singes », « Au bord de l’eau », « Le bouddha incarné » tous en provenance de Taiwan, une « Phèdre » de l’Opéra de Hebbei et « La légende du serpent blanc » de l’Opéra de Pékin en provenance de Chine, ainsi que, pour la première fois à Paris une pièce d’un auteur inconnu en France à l’époque le chinois Gao Xinjian.

La culture ne connaît pas de frontières, elle est le reflet du génie des peuples partout où ils se trouvent.

La Maison des Cultures du Monde qui se réjouit de ce prix qui l’honore aujourd’hui et qui vous en remercie chaleureusement continue son exploration de la créativité des peuples du monde. En 2005 le 9e Festival de l’Imaginaire se propose d’inviter une merveilleuse troupe de marionnettes géantes d’un style unique et particulier à Taiwan la troupe de Wen-Ho Liao, des musiciens Hakka le groupe de Chung-Yun-Huei et enfin l’ensemble de danses Liyuan et de musique nanguan de Madame Chen Mei-O qui fut notre première invitée en Octobre 1982 pour un concert devenu légendaire de musique nanguan.

Mesdames, messieurs, continuons à mieux nous connaître à travers la diversité de nos cultures, cette diversité qui nous permet de mieux échanger entre nous et de dépasser les clichés réducteurs et les aléas des contingences.

Je vous remercie.

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