Évolution de l’imagerie médicale in vivo en cancérologie

Séance du lundi 19 mars 2007

par le Pr. Jean-Noël Talbot,
Chef de service de médecine nucléaire à l’hôpital Tenon

 

 

L’imagerie médicale non invasive in vivo regroupe un ensemble de modalités diagnostiques dont certaines sont connues de puis fort longtemps comme la radiographie et la scintigraphie (moins connue du grand public et qui utilise des corps radioactifs comme source de rayons), d’autres depuis deux à trois décennies comme la TDM (scanner), l’échographie, l’IRM, une autre la TEP clinique qui s’implante depuis une décennie en France et d’autres qui sont encore expérimentales comme l’imagerie optique par traceurs fluorescents.
Toutes ces modalités d’imagerie ont bénéficié de progrès technologiques récents et rapides, favorisant en particulier leur utilisation en cancérologie. Quelques exemples non exhaustifs :

  • la radiographie conventionnelle où les capteurs plans remplacent les traditionnels clichés de grande taille, et qui a permis le développement de traitements in situ (embolisation, irradiation locale) ;

  • la TDM ou scanner où l’augmentation de taille et de rapidité des détecteurs autorise un champ d’examen couvrant le corps entier et où la finesse de coupe permet l’endoscopie virtuelle, recoupant ainsi le domaine de l’imagerie in vivo invasive ;

  • l’échographie, examen facilement disponible et de répétition aisée, où les techniques d’analyse harmonique et l’emploi de produits de contraste permettent de mieux localiser et d’apporter une aide à la caractérisation de lésions, en particulier dans le foie ;

  • l’IRM qui elle aussi évolue vers la réalisation d’images du corps entier, l’IRM « fonctionnelle » indiquée en particulier dans les lésions des structures cérébrales et la spectrométrie permettant de caractériser l’abondance de certaines molécules au sein des tissus.

Dans le temps qui nous imparti, il n’est pas question de revenir sur les principes physiques des différentes méthodes, de détailler ces progrès technologiques ou de présenter les stratégies de décision qui sont offertes aux cliniciens et qui devraient évoluer au rythme des innovations et de la démonstration de leur utilité clinique. Nous souhaitons essayer de dégager les grandes évolutions qui sont actuellement en cours. Du fait de notre expérience quotidienne, les exemples concrets (on ne peut pas parler d’imagerie sans montrer d’images) proviennent de la dernière née de ces modalités, la fusion de la TEP et de la TDM. Cependant, on retrouve des axes d’évolution quasi parallèles dans toutes les modalités d’imagerie énumérées ci-dessus car elles sont favorisées par un facteur commun : les avancées de la thérapeutique en cancérologie.

Nous ne ferons que les énumérer dans ce résumé :

  • L’intérêt d’une approche fonctionnelle à côté de la précision anatomique pour un diagnostic précoce, une meilleure évaluation de l’étendue des localisations cancéreuses, le suivi thérapeutique et la détection précoce des récidives.

  • L’apport de la fusion de ces deux approches ; l’approche fonctionnelle devant évoluer vers une « imagerie moléculaire » et l’approche anatomique devenant la plus fine possible (résolution millimétrique) couvrant le corps tout-entier et au prix de l’irradiation la plus réduite possible, en particulier en cancérologie lorsqu’on suit un patient considéré comme étant en rémission complète.

  • Une individualisation de la thérapeutique. Déjà actuellement, la chimiothérapie peut être adaptée au bout de deux cycles si elle est inefficace, ce qui était impossible lorsqu’on se fondait sur des critères purement morphologiques en TDM. Avec des thérapeutiques non cytotoxiques (inhibiteurs de récepteurs de facteurs de croissance ou antiangiogènes, hormonothérapie, facteurs de redifférenciation…) l’évaluation par imagerie moléculaire peut se faire encore plus précocement, mais les critères sont à ré-établir pour chaque nouvelle approche thérapeutique et chaque cancer primitif. A l’avenir, il est probable que seront mis sur le marché des couples médicament diagnostic/médicament thérapeutique.

  • Une optimisation du rapport coût/efficacité. Les machines et les agents diagnostiques (produits de contraste ou radiopharmaceutiques « spécifiques ») vont coûter de plus en plus cher et s’adresser à des malades de plus en plus nombreux. Par l’arrêt des thérapeutiques inutiles, elles-mêmes de plus en plus coûteuses, ils peuvent cependant permettre de réaliser des réelles économies, en optimisant l’adaptation des moyens. C’est dire l’importance d’études bien conduites pour définir les stratégies optimales en fonction des moyens disponibles : la technique la plus pointue et la coûteuse n’est pas forcément indiquée en première ligne mais ne doit pas non plus être reléguée en dernière ligne, sous peine de cumuler les coûts sans bénéficier des économies que l’approche la plus puissante permet. Il convient aussi d’harmoniser les moyens diagnostiques disponibles avec les avancées de la thérapeutique.

  • Une amélioration, grâce à l’imagerie, de la démonstration de l’efficacité des thérapeutiques nouvelles. Le développement d’un médicament en cancérologie est long et très coûteux, en utilisant les critères actuels fondés sur la survie. L’imagerie combinée aux marqueurs biologiques devrait permettre de réaliser plus vite et à moindre frais l’évaluation de l’efficacité de ces médicaments.

En conclusion, il convient d’insister d’une part sur le caractère complémentaire entre elles de ces modalités d’imagerie en cancérologie et sur l’interaction à double sens entre les avancées thérapeutiques et les avancées de l’imagerie.

Texte des débats ayant suivi la communication