France et Italie : les relations parfois troublées entre les sœurs latines
Massimo De Leonardis[1]
professeur d’histoire des relations internationales
à l’université catholique du Sacré-Coeur de Milan
Monsieur le Président et Cher Collègue,
Monsieur le Chancelier,
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Monsieur le Vice-président,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie pour l’honneur que vous me faites en m’invitant à prendre la parole dans votre ancienne et illustre institution. Le sujet m’a été proposé en février 2018 avec une grande clairvoyance, si l’on en juge par les événements qui sont survenus depuis.
La coupole de l’Institut de France évoque le souvenir d’un grand Italien qui a bien servi la France, le Cardinal Giulio Mazzarino ; dans cette salle[2], nous avons le portrait de son prédécesseur et mentor, le Cardinal de Richelieu. Une des Mazarinettes, les nièces du Cardinal, Olimpia Mancini, fut la mère du Prince Eugène de Savoie, qui offrit son épée au Roi Louis XIV. Le Roi Soleil la refusa[3] et le noble chevalier deviendra un des plus grands commandants militaires de l’histoire, mais au service de l’Empereur et donc souvent contre la France, notamment pendant la guerre de succession d’Espagne.
France et Italie depuis l’unification italienne
La France est le plus ancien État-nation de l’Europe, comme le remarquait le Premier ministre Édouard Balladur à un sommet de l’Union européenne dans les années 1990. Lunité italienne eut lieu beaucoup plus tard, en 1861. Depuis la fin du XVe siècle, et tout au long de l’époque moderne, l’Italie fut l’enjeu de luttes entre la monarchie française et les Habsbourg unis, Espagnols ou Autrichiens. Sous Napoléon Ier, presque toute l’Italie fut dominée par la France ; au contraire, le congrès de Vienne de 1815 établit l’hégémonie autrichienne.
L’unité italienne fut réalisée grâce à l’alliance militaire de la France avec le Royaume de Sardaigne (plus communément connu comme Piémont) conclue en janvier 1859. Toutefois, la gratitude à l’égard de la France fut un peu ternie par l’armistice que Napoléon III conclut en juillet avec l’Autriche, à peine la Lombardie conquise. L’action diplomatique et militaire du Piémont fut alors complétée par la subversion politique, qui renversa les gouvernements légitimes en Italie centro-septentrionale. Après quelques hésitations, Napoléon III accepta l’annexion de ces régions au Piémont, obtenant la cession à la France du Duché de Savoie et du Comté de Nice. Puis, le Piémont lança l’aventurier Giuseppe Garibaldi et ses volontaires à la conquête du Royaume des Deux-Siciles et l’armée régulière envahit les États Pontificaux. Durant cette phase, le Piémont avait le soutien diplomatique du Royaume-Uni, alors que de son côté, la France cherchait à stopper Garibaldi. Prévenu de l’invasion des États Pontificaux, Napoléon III répondit : « Faites, mais faites vite ».
Le résultat final, un royaume couvrant presque toute la péninsule, n’était pas tout à fait du goût de Napoléon III qui, selon un des axiomes de la diplomatie de Paris sous tous les régimes, ne voulait pas de grandes nations aux frontières de la France. En effet, selon les plans originaux que l’Empereur avait établis à Plombières en juillet 1858 avec le Premier ministre piémontais, le Comte de Cavour, l’Italie devait être divisée en quatre États. Cette division aurait favorisé l’influence de la France sur la péninsule. À ce propos, étant historien de la diplomatie, j’ai remarqué que la reconnaissance diplomatique du Royaume d’Italie par la France ne fut pas aussi rapide que celle de l’Angleterre. Le Royaume fut proclamé le 17 mars 1861 ; la reconnaissance française se fit attendre jusqu’au 15 juin. La lettre du ministre des Affaires étrangères, Édouard Thouvenel, montrait tout l’embarras de la France, qui réaffirmait la nécessité de maintenir ses troupes à Rome pour garantir l’indépendance du Souverain pontife.
En effet, la question romaine troubla les relations entre l’Italie et la France jusqu’en 1870. Napoléon III était tiraillé entre différents sentiments et nécessités. Il n’avait pas de sympathie pour le Pape Roi, mais il devait ménager les catholiques, un des piliers du Second Empire. La convention signée le 15 septembre 1864 entre la France et l’Italie fut un compromis ambigu et temporaire, bien décrit par les mots adressés par l’Empereur au négociateur italien, le ministre Gioacchino Pepoli, petit-fils du roi Joachim Murat : il faut, dit-il, « trouver une solution qui me permette de faire croire que vous avez renoncé à Rome, et à vous de laisser croire que vous n’y avez pas renoncé » [4].
À la suite de la convention, les troupes françaises quittèrent Rome, mais elles y retourneront en 1867 pour repousser Garibaldi, auquel le gouvernement italien avait permis d’envahir l’État pontifical : le 4 décembre, le ministre d’État Eugène Rouher s’écria : « L’Italie ne s’emparera jamais de Rome. Jamais, non, jamais ! Est-ce clair ? »[5].
La question romaine fit obstacle à une alliance entre l’Autriche-Hongrie, la France et l’Italie pour contenir la Prusse. En 1870, seul le Roi Victor-Emmanuel II envisagea d’intervenir aux côtés de la France, mais le gouvernement italien resta neutre et saisit l’occasion de la défaite française pour occuper Rome. L’Italie fut considérée comme une ingrate et, le 20 octobre 1881, Ernest Renan écrivit à Marcellin Berthelot : « L’Italie trahira toujours »[6].
En effet, cette année-là, la proclamation du protectorat français de Tunisie institué par le Traité du Bardo le 12 mai 1881 ouvrit une période de près de vingt ans de forte tension entre Paris et Rome, qui avait de forts intérêts économiques, stratégiques et démographiques sur ce territoire. Jusque-là, la politique étrangère de l’Italie s’était donné pour mot d’ordre : « toujours indépendants, jamais isolés » ; désormais, pour assurer sa défense en cas de conflit avec la France, le Royaume d’Italie signa en mai 1882 la Triple Alliance avec Berlin et Vienne. À la rivalité coloniale, vers la fin de la décennie, s’ajouta la guerre douanière ; en août 1893, des travailleurs immigrés italiens furent massacrés par des villageois et des ouvriers français à Aigues-Mortes.
La défaite italienne à Adoua en 1896 dans la première guerre italo-éthiopienne provoqua la chute du Premier ministre Francesco Crispi, représentant de la gauche et principal promoteur de la politique gallophobe. Sous ses successeurs de droite, les relations franco-italiennes s’apaisèrent. En septembre 1896, des accords réglèrent le statut de la communauté italienne en Tunisie ; en novembre 1898, un accord commercial fut signé entre la France et l’Italie. Les accords de 1900 entre le ministre des Affaires étrangères Emilio Visconti Venosta et l’ambassadeur français à Rome (de 1897 à 1924 !) Camille Barrère reconnaissaient les intérêts de Paris sur le Maroc et ceux de Rome sur la Libye. Plus encore, les accords secrets entre Giulio Prinetti (successeur de Visconti Venosta) et Barrère de 1902 vidaient pratiquement la Triple Alliance de toute signification et garantissaient la neutralité réciproque en cas d’agression d’un des deux pays. À la conférence d’Algésiras sur le Maroc, en 1906, l’Italie soutint donc la France contre l’Allemagne. Pourtant, quand l’Italie entreprit la conquête de la Libye, l’attitude de la France fut loin d’être amicale. La marine royale italienne saisit trois navires français soupçonnés de transporter des armements et des militaires en soutien aux Libyens.
À partir du 24 mai 1915, la France et l’Italie se retrouvèrent alliées dans la Grande Guerre, sans être pour autant amies. Le Royaume d’Italie n’était pas hostile à l’Empire allemand, auquel il ne déclara la guerre qu’en août 1916. En 1918, près de 120 000 militaires italiens se trouvaient en France, comptant plus de 5 000 tués et, après la défaite de Caporetto en 1917, six divisions françaises se trouvaient sur le front italien et déploraient 480 tués. Le président de la République Raymond Poincaré, le président du Conseil Georges Clemenceau, les généraux Ferdinand Foch et Philippe Pétain ne tenaient pas en haute estime le commandement suprême italien, mais leur opinion finit par évoluer dans un sens plus positif. Il n’en demeure pas moins que dans leur grande majorité, l’opinion publique et les historiens français et anglo-saxons ont toujours sous-estimé l’importance de l’effort militaire italien et de la victoire de Vittorio Veneto en octobre 1918.
À la Conférence de la paix de Paris, en 1919, les alliés européens de l’Italie – France et Royaume-Uni – se montrèrent disposés à respecter les clauses du traité secret de Londres, signé le 26 avril 1915 entre la Triple Entente et l’Italie, mais pas à aider Rome à obtenir également, contre la farouche opposition du président américain Wilson, la ville de Fiume, réclamée à la suite de la dissolution de l’Empire austro-hongrois. Après le retour de Washington à l’isolationnisme, le 12 novembre 1920 l’Italie signerait le traité de Rapallo avec le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (Yougoslavie à partir de 1929). Par la suite, avec le traité de Rome du 27 janvier 1924, l’Italie obtiendra même l’annexion de Fiume.
Ce fut un succès pour Benito Mussolini. Selon la formule du grand historien Renzo De Felice, le « Duce faisait une politique anti-française pour parvenir à un accord avec la France »[7]. Contre le système d’alliances prisé par la France, dont la Petite Entente (Roumanie, Tchécoslovaquie, et Royaume des Serbes, Croates et Slovènes) était le pilier, Mussolini poursuivit une politique révisionniste, en s’appuyant sur l’Autriche, la Bulgarie et la Hongrie. Une autre pomme de discorde fut la question des compensations coloniales à la suite de l’attribution des colonies allemandes en Afrique ; enfin, un autre motif de friction entre les deux pays fut l’accueil offert par la France aux réfugiés antifascistes.
L’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne donna la possibilité à l’Italie de jouer le rôle traditionnel de «point d’équilibre », aujourd’hui rebaptisé « poids déterminant ». Ce n’est pas ici le lieu de parcourir l’histoire des années 1930. On rappellera seulement que les accords entre Mussolini et le ministre des Affaires étrangères Pierre Laval de janvier 1935 et les conversations entre le Maréchal Pietro Badoglio et le Général Maurice Gamelin (chefs d’état major des armées des deux pays) en juin semblaient esquisser ce chemin, mais que le résultat en fut tout différent : ce fut « le coup de poignard dans le dos » du 10 juin 1940. Dans l’esprit de Mussolini, la déclaration de guerre à la France devait aboutir à une paix de compromis pour équilibrer la puissance hitlérienne. En effet, il ordonna de maintenir une position défensive sur la frontière franco-italienne, mais naturellement, la France attaqua et, à la suite de sa défaite devant l’Allemagne, dut signer un armistice aussi avec l’Italie.
Pour éviter une défaite presque certaine, en septembre 1943, après la chute du régime fasciste en juillet, l’Italie signa un armistice avec les Alliés, changeant de front. La campagne d’Italie qui débuta en septembre 1943 vit le Royaume d’Italie (dit « du sud ») combattre aux côtés des Français, mais les massacres perpétrés par les goumiers marocains laissèrent un souvenir tragique : dans le sud du Latium, plus de 3 100 femmes (et hommes) de tout âge furent violés ou tués.
Le général de Gaulle chercha à obtenir une zone d’occupation en Piémont et à avancer des prétentions sur la Vallée d’Aoste, mais il fut stoppé par les États-Unis. Lors de la Conférence de la paix, en 1946-1947, la France devait régler ses propres problèmes et ne voulait pas contrarier l’Union Soviétique : pour la frontière avec la Yougoslavie, Paris proposa donc, de tous les pays occidentaux, la ligne la moins favorable à l’Italie. En effet, les États-Unis étaient les mieux disposés envers l’Italie, suivis par les Britanniques ; la frontière proposée par les Français laissait presque toute la péninsule d’Istrie à la Yougoslavie. Le résultat final fut même pire pour l’Italie. L’Italie devait aussi céder à la France le Petit Saint-Bernard, le Mont-Cenis, le Col du Chaberton, La Brigue et Tende (550 km2 au total).
Suivant son intérêt, la France fut favorable à l’entrée de l’Italie dans l’Alliance atlantique pour rééquilibrer celle-ci vers le sud. De Gasperi et Schuman furent, avec Adenauer, les « Pères » de l’Europe. En mars 1949, une union douanière fut signée entre Paris et Rome, mais échoua. Des discussions entre l’Allemagne, la France et l’Italie furent entreprises en 1957-58 pour développer une capacité nucléaire, mais le retour au pouvoir du Général de Gaulle y mit un terme.
Le général de Gaulle n’était pas aimé en Italie : il était jugé autoritaire, on n’approuvait pas sa politique extérieure anti-américaine, son hostilité à l’adhésion de l’Angleterre à la CEE et son opposition aux méthodes communautaires. Toutefois, la visite qu’il fit en Italie à l’occasion du centenaire de la guerre de 1859 rencontra un grand succès. À cette occasion, il parla de deux nations sœurs alors qu’après la guerre, il avait préféré le terme de « cousines ». S’il faut en croire le témoignage du célèbre journaliste Indro Montanelli, à son observation que l’Italie était un pays pauvre, le Général aurait répondu : « L’Italie n’est pas un pays pauvre, mais un pauvre pays ».
La guerre d’indépendance algérienne troubla les relations franco-italiennes, parce que Rome, dans le contexte de sa politique arabe, à l’instigation d’Enrico Mattei, le puissant président de l’ENI, la société nationale italienne des hydrocarbures, montra ouvertement sa sympathie pour le Front de Libération Nationale.
Dans toute la période de l’après-guerre, le souci de l’Italie était d’être admise au club des puissances européennes majeures. Or, selon la remarque d’un historien, « pour la France et la Grande-Bretagne, l’Italie était loin d’être considérée comme leur égale. Elle était seulement un instrument pour servir leurs ambitions, pouvant être cooptée ou rejetée »[8]. La conclusion fut tirée par l’illustre diplomate Roberto Ducci : « le meilleur maître est le plus riche et le plus lointain »[9]. En effet, l’Italie cherchait à se maintenir en équilibre entre les États-Unis et l’Europe, mais elle penchait plutôt vers Washington. Quand le président Valéry Giscard d’Estaing prépara le sommet de Rambouillet en 1975, il n’envisagea pas la participation italienne ; ce fut surtout l’intervention des États-Unis qui ouvrit la porte à l’Italie. En 1976, le groupe devint le G7 (Allemagne de l’Ouest, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni).
Le terrorisme rouge provoqua aussi le ressentiment de l’Italie, à cause de ce qu’on appelle la « doctrine Mitterrand » qui accorda l’asile en France à de nombreux terroristes. Le dossier est encore ouvert aujourd’hui : presque trente fugitifs condamnés par les tribunaux italiens sont toujours en liberté sur le territoire français.
En conclusion de cette première partie de caractère plus historique, je voudrais faire quelques commentaires de caractère général. Comme l’écrivent les auteurs de l’ouvrage La France et l’Italie. Histoire de deux nations sœurs[10], au cœur des relations franco-italiennes à partir de l’unité italienne jusqu’à la Première Guerre mondiale, il y a le nouveau rapport géopolitique qui s’établit entre une grande puissance reconnue comme telle, la France, et une nouvelle puissance, l’Italie, occupant un rang intermédiaire entre le club très fermé des grandes puissances et celui des puissances d’ordre secondaire. L’Italie, comme l’ont dit les historiens italiens, était la dernière des grandes puissances, la plus petite des grandes et la plus grande des petites.
La France, depuis 1870, menait une politique étrangère axée sur l’objectif de récupérer l’Alsace et la Lorraine et ne variait pas ses alliances pour l’obtenir. L’Italie cherchait à accomplir l’unité nationale avec le Trentin-Haut-Adige, le Frioul et Trieste, et la plupart de la classe politique nourrissait aussi de grandes ambitions : c’était la « maladie romaine », selon l’expression de Federico Chabod, c’est-à-dire le souvenir de la gloire d’un passé très lointain et le désir de la renouveler. Au contraire de l’Allemagne qui fondait sa diplomatie sur la force, l’Italie essaya d’accroître sa force par la diplomatie. Au contraire de la France, qui avait pour unique but d’encercler l’Allemagne, depuis 1900 jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’Italie faisait des tours de valse, selon l’image fameuse du chancelier allemand Bernhard von Bülow : à côté de l’alliance avec les empires centraux, elle avait des amitiés avec la Triple-Entente.
La France et l’Italie remportèrent la Grande Guerre. Mais la France était épuisée et sa politique extérieure entra en décadence et bientôt, tomba dans l’abîme, selon le mot de Duroselle[11]. Le régime fasciste affichait une façade guerrière, mais la réalité des forces armées était très différente. Mussolini fit mal ses comptes et, à la fin, choisit, bon gré mal gré, l’alliance brutale avec l’Allemagne hitlérienne. L’Italie passa très tôt de la « guerre parallèle » à la sujétion à Berlin. En 1943, l’Italie quitta l’alliance avec l’Allemagne, mais elle n’avait aucun général de Gaulle pour transformer la défaite en victoire.
Après la Seconde Guerre mondiale, le déséquilibre entre Paris et Rome se trouvait encore plus fort qu’avant 1914. L’Italie était un pays vaincu, amputé de territoires significatifs tandis que la France était formellement un des cinq « Grands » du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais l’affaire de Suez démontra qu’elle non plus ne jouissait plus de sa puissance passée. Le général de Gaulle redonna à la France une « grandeur » maintenue par ses successeurs alors que l’Italie, surtout dans les années 1970, tombait dans le désordre, l’instabilité et accroissait le déficit de son budget. La France cultivait une entente très étroite avec l’Allemagne quand l’Italie n’avait aucun axe similaire. Et donc, le sentiment de supériorité de la France sur l’Italie se renforça.
Les quinze dernières années et la situation actuelle
La personnalité et la politique étrangère et économique de Silvio Berlusconi, qui a dominé vingt ans durant, ne suscitèrent aucune sympathie en France, alors qu’il aimait la langue, la culture et les chansons françaises. En 2003, Berlusconi apporta son appui au président George Bush pour attaquer l’Irak, attaque à laquelle le président Jacques Chirac s’opposa. Le gouvernement Berlusconi apporta un soutien modéré à la reconnaissance des racines chrétiennes de l’Europe dans le projet de Constitution de l’Union européenne plusieurs fois demandée par le Pape Jean-Paul II quand la France prôna un laïcisme strict. En Italie, la sécularisation était moins avancée qu’en France et le gouvernement Berlusconi avait le soutien de la majorité des évêques et des fidèles. Les racines chrétiennes ne furent pas mentionnées.
L’intervention en Libye fut la première pomme de discorde entre les deux pays. Le 19 mars 2011, la France ouvrit les hostilités contre les forces terrestres du dictateur Mouammar Kadhafi, suivie très rapidement par la Grande-Bretagne et les États-Unis. En Italie, on doutait que le président Sarkozy fût essentiellement animé par un souci humanitaire. On pensait qu’en réalité, la France voulait gagner en Libye, au détriment de l’Italie, l’influence qu’elle avait perdue dans les autres pays arabes, à commencer par la Tunisie, en raison des Printemps arabes que Paris n’avait pas soutenus initialement. Les gouvernements italiens successifs, en particulier ceux de Berlusconi, avaient beaucoup œuvré pour forger une entente étroite avec la Libye, pays fournisseur de pétrole et barrage à l’immigration issue de l’Afrique noire. C’était une politique réaliste et non idéaliste, à l’instar de celle des pays occidentaux dans une situation similaire : Kadhafi était une canaille, mais c’était « notre canaille », pour reprendre l’expression inventée dans les années 1930 par le président Franklin D. Roosevelt. Rome n’avait aucune chance de stopper l’attaque mais elle essaya de le contrôler, transformant l’opération en une intervention de l’OTAN, ce qui donna à l’Italie la possibilité d’empêcher des attaques aériennes sur ses champs de pétrole en territoire libyen.
Après l’assassinat de Kadhafi et la fin de la guerre civile, la Libye tomba dans le chaos, avec de graves répercussions sur les migrations illégales directes en Italie. La dispute franco-italienne pour l’influence en Libye se poursuit jusqu’à ce jour, l’Italie soutenant plutôt le gouvernement reconnu par l’ONU de Fāyez Mustafā al–Sarrāj, la France préférant le Général Khalīfa Belqāsim Ḥaftar.
La situation économique ouvrit un deuxième dossier important. Le 24 octobre 2011, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy donnèrent une conférence de presse commune à l’issue du Conseil européen à Bruxelles en grand partie consacré aux moyens de prévenir une crise italienne. Interrogé sur ses discussions avec Berlusconi, le couple franco-allemand esquissa un sourire ironique qui en disait long sur sa méfiance à l’égard du chef du gouvernement italien. Moins d’un mois après, le gouvernement Berlusconi fut remplacé par celui de Mario Monti, ancien commissaire européen qui entrait en politique appelé par le président de la République Giorgio Napolitano, post-communiste désormais parfaitement inséré dans la globalisation. Le président Sarkozy avait annoncé son soutien à Monti avant même sa nomination. La droite italienne cria au complot des « pouvoirs forts » ; les mesures financières très dures introduites par le gouvernement Monti pour respecter les critères de la zone euro nourrirent l’euroscepticisme d’une partie de l’opinion publique. Dans le passé, la plupart des Italiens voyaient en l’Union européenne une ressource pour réformer leur système politique ; dorénavant, à tort ou à raison, l’Union européenne était vue par de larges pans de l’opinion comme une entité qui rendait l’Italie plus pauvre.
Le couple franco-allemand était la cible principale des critiques italiennes. Un commissaire français de l’Union européenne est particulièrement détesté en Italie. M. Pierre Moscovici a été flagellé par le plus important et très pro-européen quotidien italien, le Corriere della Sera, comme « un sceptique sur l’Italie, qui considère ses “cousins” italiens comme des Français mal réussis »[12]. On lui reproche d’avoir piétiné les critères économiques de l’Union européenne quand il était ministre des Finances à Paris et de les appliquer à présent avec rigueur à l’Italie.
La troisième question qui divise l’Italie et la France est celle de l’immigration massive et illégale. Le territoire de l’Italie du Sud, en particulier l’île de Lampedusa et la Sicile, est particulièrement vulnérable à l’immigration illégale provenant de l’Afrique par la mer. En 2016, 181 436 personnes ont débarqué en Italie, l’année suivante 119 247. Même le gouvernement de gauche comprenait que la situation était insoutenable. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, l’ancien communiste Marco Minniti, inaugura une politique d’accords avec les autorités de la Libye et fit baisser considérablement le nombre d’arrivées. Son successeur dans le gouvernement souverainiste, Matteo Salvini, a proclamé la fermeture totale des ports italiens aux immigrants illégaux. Le 12 juin 2018, le porte-parole du mouvement La République en Marche, Gabriel Attal, exprima son dégoût : « Ce que je pense, c’est que la position, la ligne du gouvernement italien, est à vomir » et le Président dénonça en conseil des ministres « la part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement italien », ce qui apparut en Italie comme une manifestation d’hypocrisie et d’arrogance, alors que la France fermait sa frontière et que la police française était intervenue au moins deux fois en territoire italien, violant la souveraineté, pour fouiller et contrôler des migrants.
Enfin, il y a les questions économiques bilatérales. La France et l’Italie sont de grands partenaires : en 2017, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint le montant record de 76,5 milliards d’euros avec un équilibre favorable à l’Italie, laquelle est le troisième importateur de la France avec 35,1 milliards et le troisième exportateur en France avec 41,4 milliards. Mais depuis la fin du siècle dernier, de grandes compagnies françaises ont mené une campagne d’achat des groupes italiens, particulièrement dans les domaines financiers, de la mode, vinicole et alimentaire. Les investissements français en Italie s’élèvent à 101,5 milliards d’euros, presque le double des investissements italiens en France : 1 925 entreprises italiennes, avec plus de 254 000 ouvriers, sont contrôlées par des propriétaires français. Seuls les États-Unis et l’Allemagne réalisent des investissements un peu plus importants. Depuis 2006, une des plus grandes banques italiennes, la Banca Nazionale del Lavoro est sous le contrôle de BNP Paribas ; une autre, Unicredit, a pour administrateur délégué le Français Jean-Pierre Moustier. Un autre français, Philippe Donnet, est l’administrateur délégué de Gruppo Generali, la plus grande compagnie d’assurances en Italie et la troisième en Europe.
En Italie, on a l’impression que les gouvernements français sont prêts à s’opposer à des acquisitions italiennes et on donne l’exemple récent des Chantiers de l’Atlantique. Contre l’accord signé le 2 février 2018 par l’Italien Fincantieri pour l’acquisition de 50 % du capital des Chantiers, les gouvernements de Paris et de Berlin ont soumis une requête à la Commission européenne demandant de vérifier s’il y a une violation des règles sur la concurrence, ce qui avait déjà été exclu pendant les négociations. En Italie, on suspecte une mesure de représailles contre les positions politiques italiennes, et en particulier les hésitations du gouvernement italien sur la ligne grande vitesse Turin-Lyon. Pour sa part, Berlin a tout intérêt à saboter l’opération, étant donné que l’Allemand Meyer Werft est le premier concurrent de Fincantieri dans le secteur des navires de croisière. Considérant que l’opération Fincantieri est susceptible de développements dans le domaine militaire, l’opposition française jette un doute sur la volonté réelle de Paris de construire l’Europe de la défense. En mai 2019, le gouvernement français a bloqué la fusion entre Fiat Chrysler et Renault : le président du Patronat italien a commenté : « Il faut être cohérents et exemplaires. Si on veut faire les européistes, on ne peut devenir nationalistes quand les entreprises italiennes arrivent dans un autre pays. »
À ces nombreux dossiers divisant Rome et Paris, il faut ajouter l’évolution, ou peut-être la révolution du cadre politique dans les deux pays. Dans l’hexagone comme dans la péninsule, les partis traditionnels sont entrés en crise. En France, le parti socialiste est réduit à peu de chose et les gaullistes ont également perdu leur primauté sur la droite. Parallèlement, en Italie, le parti de la droite modérée de Berlusconi est lui aussi en pleine déconfiture et la gauche a réalisé le score le plus bas de son histoire. Les partis traditionnels ont été remplacés au pouvoir par des forces différentes. En France, c’est le nouveau parti du président Macron qui gouverne, grâce au système électoral mais avec moins de 30 % des suffrages : aux élections européennes en mai 2019, il a été surpassé par le mouvement de Marine Le Pen. Dans les mêmes élections en Italie, les partis souverainistes ont obtenu presque 60 % des votes. Depuis juin 2018, le gouvernement a été formé par deux partis souverainistes et populistes, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles.
En premier lieu, cette situation a déterminé l’abandon du projet d’un « traité du Quirinal » entre l’Italie et la France, un peu sur le modèle du traité franco-allemand de l’Élysée de 1963, présenté en septembre 2017 par le président Macron et le Premier ministre Paolo Gentiloni. Le remplacement du gouvernement de centre-gauche par le gouvernement souverainiste et populiste rendait le projet irréalisable. Au cours du premier semestre de l’année 2019, des affrontements sérieux entre les deux pays ont eu lieu. Le président Macron apparaît comme le chef de file d’un européisme plus avancé ; le vice-président du Conseil italien et chef de la Ligue Matteo Salvini est un des principaux leaders souverainistes. Ce dernier a déclaré qu’il était proche des Français, qui « vivent en France avec un très mauvais gouvernement et un très mauvais président de la République ». Macron a répondu que les critiques des dirigeants italiens n’avaient « aucun intérêt » et que « le peuple italien est notre ami et mérite des dirigeants à la hauteur de son histoire » ; il a également condamné la « lèpre souverainiste ».
L’autre vice-Premier ministre italien et chef du Mouvement 5 étoiles Luigi Di Maio est allé encore plus loin, accusant la France « d’appauvrir l’Afrique » et de pousser les migrants à rejoindre l’Europe par sa politique de « colonisation ». Il a également rencontré un des porte-parole des gilets jaunes. L’ambassadrice d’Italie en France a été convoquée au ministère français des Affaires étrangères et, le 7 février 2019, l’ambassadeur de France en Italie a été rappelé pour consultations.
La crise a été surmonte par des contacts directs entre le président Macron et le président de la République italienne Sergio Mattarella, invité à se rendre en visite en France les 1er et 2 mai. Mais les problèmes restent tous sur la table et les deux pays ont des difficultés à poursuivre leurs projets politiques divergents. Le président Macron a esquissé une ambitieuse politique de nouvel élan européen qui ne trouve pas un soutien suffisant parmi les pays membres de l’Union européenne, à commencer par celui d’une Allemagne affaiblie. Les souverainistes italiens risquent de ne pas trouver d’alliés pour promouvoir leur politique et d’être marginalisés par un accord entre les familles politiques traditionnelles – populaires, socialistes et libéraux ou verts. En août 2019, le gouvernement italien « souverainiste » a été remplacé par une coalition entre le Mouvement 5 étoiles et la gauche du parti démocratique.Luigi Di Maio est devenu ministre des affaires étrangères, mais le gouvernement semble divisé sur plusieurs dossiers et la plupart des élections régionales ont vu la victoire du centre-droit. Sur le plan international, l’Italie reste affaiblie et sans lien fort avec aucun pays européen.
En conclusion, je voudrais délaisser les questions contingentes pour concentrer mon attention sur des facteurs de plus long terme. Dans deux documents stratégiques, on trouve un signe de la différence de perspective et d’ambition des deux pays. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2013 réaffirme fortement le concept d’intérêt national et proclame que la France est « une puissance européenne au rayonnement global ». Dans le livre blanc italien Per la sicurezza internazionale e la difesa de 2015, il y a des nuances différentes. On y perçoit la vulnérabilité de l’Italie, qui est très fortement « influencée » par la situation globale et doit être « réaliste » sur ses possibilités d’action limitées.
À l’Italie, on a appliqué la catégorie de puissance moyenne[13]. Que devrait être une puissance moyenne ? Un État qui joue un rôle important dans sa région géopolitique, capable d’influer sur le cours des événements à son avantage et de s’opposer aux développements contraires à ses intérêts, de diriger dans sa région les politiques des organisations internationales auxquelles il appartient et de faire face, même seul, aux défis et menaces de dimensions moyennes. L’Italie remplit ces conditions seulement partiellement. Mais la France elle aussi rencontre des difficultés croissantes à mener une grande politique. Ainsi, l’axe franco-allemand a perdu de sa vigueur et les interventions militaires de Paris dans l’Afrique francophone, comme l’opération Barkhane, ont été rendues possibles par les soutiens américain et britannique.
Je voudrais faire quelques remarques sur les aspects culturels, qui nécessiteraient une autre conférence à part entière. J’inclus un bref mot sur la religion. La France et l’Italie sont deux pays catholiques mais dans ce domaine aussi on trouve des rivalités et des différences : pendant presque 70 ans, Avignon a même dépossédé Rome come siège de la Papauté ! Le Pape n’a jamais été contesté par les catholiques italiens ; en France il y a eu l’Église « gallicane » à côté des ultramontains, ardents défenseurs du Pape Roi et de l’infaillibilité pontificale, comme le Cardinal Eugène Pie et l’écrivain Louis Veuillot, auteur d’un panégyrique de la Rome papale[14]. Un prélat français, Mgr Marcel Lefebvre, a été le plus grand défenseur de la tradition contre ladite « Église conciliaire ». Son adversaire était un Pape italien, Paul VI, aimant la culture française et le catholicisme démocratique à la Maritain. L’histoire des partis « catholiques » en France et en Italie, le Mouvement républicain populaire et la Democrazia Cristiana, a été très différente.
Au niveau de la culture de masse, en Italie, le français a été remplacé par un anglais abâtardi par l’américain tandis que l’Espagne remplace l’Italie dans le « tropisme méditerranéen » des Français. En Italie, on utilise hors de propos des mots anglais, lorsqu’en France on sauvegarde mieux la langue nationale. En revanche, il est sûr que dans les milieux plus cultivés, les relations culturelles entre les deux pays restent très fortes. Je citerai pour l’illustrer deux cas significatifs auxquels j’ai apporté ma petite contribution. Un diplomate et essayiste italien, membre correspondant de votre académie, Maurizio Serra, fils de l’éminent historien Enrico que je cite ici, a obtenu en 2011 le Prix Goncourt pour son volume Malaparte, vie et légendes ; l’édition italienne a été distinguée par le Prix Acqui Storia en 2013, décerné par unjury dont je suis membre. Le même prix a été décerné en 2017 à l’historien français Hubert Heyriès pour son livre Italia 1866. Storia di una guerra perduta e vinta. L’ambassadeur Maurizio Serra avait déjà obtenu le Prix Chateaubriand pour son livre D’Annunzio le magnifique et plus récemment, en janvier 2020, a été élu l’un des quarante « immortels » au fauteuil de Simone Veil (et qui fut plus anciennement celui de Jean Racine).
Cependant, il faut reconnaître que l’attraction culturelle sincère qui existe entre les deux pays ne suffit pas toujours pour briser certains stéréotypes. Dans l’imaginaire des Italiens, la France est un phare de la civilisation mais aussi une nation arrogante. Berceau de la civilisation mais nation encore mineure, telle est la perception que les Français ont de l’Italie. Les gouvernements italiens ont toujours été sceptiques à l’égard de l’européisme français, trouvant que Paris identifie trop étroitement les intérêts de l’Union européenne avec ceux de la France.
Je voudrais conclure sur une bonne nouvelle. En 1972, à l’initiative de deux historiens renommés, Jean-Baptiste Duroselle et Enrico Serra, fut constitué un comité franco-italien d’études historiques, lequel organisa de nombreux colloques et publia plusieurs livres[15], mais entra en sommeil depuis le milieu des années 1990. On vient d’initier le projet de relancer le comité, auquel je participerai. Une meilleure connaissance de l’histoire dans toutes ses dimensions et la compréhension des motivations de l’autre peuvent apporter une contribution aux bonnes relations politiques et diplomatiques, si les politiciens sont prêts à écouter les leçons de Clio, qui ne sont certainement pas univoques mais s’élèvent toutefois au-dessus de la médiocrité quotidienne.
[1] Massimo De Leonardis est professeur honoraire d’histoire des relations et des institutions internationales à l’université catholique du Sacré-Cœur de Milan. Il a été vice-président (2010-2015) puis président (2015-2020) de l’International Commission of Military History. Il est membre de l’European Academy of Arts and Sciences.
[2] La petite salle des séances où se tiennent chaque lundi de l’année les séances de l’Académie des sciences morales et politiques (ndlr).
[3] On raconte que le Roi aurait plus tard regretté sa décision : « Est-ce-que j’ai fait la plus grande gaffe de ma vie ? ».
[4] Pierre Renouvin, Le XIXe siècle. I. De 1815 à 1871, vol. V de l’Histoire des Relations Internationales, Paris, Librairie Hachette, 1954.
[5] Hippolyte Magen, Histoire du Second Empire, Paris, Maurice Dreyfous, 1878, p. 549.
[6] Ernest Renan-Marcellin Berthelot, Correspondance : 1847-1892, Paris, Calmann Lévy, 1898, p. 504. Sur cette phase, voir Enrico Serra, Camille Barrère e l’intesa italo-francese, Giuffrè, Milan, 1950.
[7] Renzo De Felice, Mussolini il duce, vol. I, Gli anni del consenso 1929-1936, Turin, Einaudi, 1974, p. 358.
[8] Alan Milward, Foreign Light on Italy’s Foreign Policy, in «Storia delle Relazioni Internazionali», n. 2, 1998 et n. 1, 1999, p. 377.
[9] Lepoldo Nuti, Gli Stati Uniti e l’apertura a sinistra. Importanza e limiti della presenza americana in Italia, Laterza, Bari, 1999, p. 577, n. 115.
[10] Gilles Bertrand, Jean-Yves Frétigné, Alessandro Giacone, La France et l’Italie. Histoire de deux nations sœurs de 1660 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2016, p. 275.
[11] Jean Baptiste Duroselle, La décadence : 1932-1939 ; L’abîme : 1939-1945, Paris, Imprimerie Nationale, 1979, 1982.
[12] Massimo Franco, « Moscovici, l’italo-scettico che non sa far l’arbitro », Corriere della Sera, 14 décembre 2018.
[13] Carlo Maria Santoro, La politica estera di una media potenza. L’Italia dall’Unità ad oggi, Bologna, Il Mulino, 1991.
[14] Le parfum de Rome, première édition en 1861, plusieurs fois réédité.
[15] Voir, par exemple, Italia e Francia (1939-1945), Italia e Francia (1946-1954), Italia, Francia e Mediterraneo, (par Jean Baptiste Duroselle – Enrico Serra), Franco Angeli, Milan, 1984, 1988, 1990.