Lancement des groupes de travail « La culture générale aujourd’hui »

À la suite du colloque inaugural « La culture générale aujourd’hui » qui a rencontré un vif succès, le cycle d’études “La culture générale aujourd’hui – une question d’éducation et de pédagogie” de l’Académie des sciences morales et politiques, soutenu par la Fondation Simone et Cino Del Duca et porté par Olivier Houdé, membre de l’Académie, engage une phase de réflexion collective.

Celle-ci débutera lundi 5 juin, de 9h à 12h30, en Grande Salle des Séances de l’Institut de France (23, Quai de Conti, Paris 6e) avec l’installation des groupes de travail :

Olivier HOUDE

9H – Ouverture de la salle, installation des participants

9H30 – Mot d’accueil par Bernard Stirn, Secrétaire perpétuel de l’Académie

9H40 – Bilan de la journée du 7 mars et lancement de quatre groupes de travail par Olivier Houdé, responsable du Cycle d’études :

  • GT1 : La culture générale sous toutes ses facettes : portrait-type de « l’honnête humain » du XXIe siècle.
  • GT2 : Formats et médiations : comment relier les formats classiques et nouveaux ? Livres, BD, jeux vidéo, musées, plateformes numériques, IA, etc.
  • GT3 : Baromètre de la culture générale à l’école. En partenariat avec l’Éducation nationale (DEPP).
  • GT4 : Pédagogie de la culture générale : éveil et outils. En partenariat avec le réseau pédagogique et collaboratif Lea.fr et L’éléphant, revue de culture générale.

10H15 – 12H30 : réunions parallèles des quatre groupes de travail dans des salles du Palais.

Pour toute demande de renseignement, merci d’écrire à marianne.tomi@asmp.fr

Colloque « Biotechnologies : quelle sagesse collective ? »

Daniel ANDLER, Philosophe et mathématicien

Dans ce cycle de conférences en ligne, le projet triennal de l’Académie des Sciences morales et politiques TESaCO (Projet Technologies émergentes et sagesse collective) piloté par Daniel Andler, propose d’examiner trois biotechnologies qui se trouvent à des degrés divers d’élaboration et de diffusion technique et sociale et de discussion publique :

Dans ce cycle de conférences en ligne, nous proposons d’examiner trois biotechnologies qui se trouvent à des degrés divers d’élaboration et de diffusion technique et sociale et de discussion publique :

1. Jeudi 11 mai 2023, L’édition du génome : que faire de CRISPR-Cas9 ? [interventions en anglais]

  • Eben Kirksey (Université Deakin, anthropologie) 
  • Nertila Kuraj (Université d’Oslo, droit) 
  • Jennifer Merchant (Université Panthéon-Assas, sciences politiques) 

2. Lundi 22 mai 2023, Les nouvelles formes du vivant : comment réguler les organoïdes ? [interventions en anglais]

  • Bernard Baertschi (philosophie) 
  • Hans-Georg Dederer (Université de Passau, droit)
  •  Aurélie Mahalatchimy (Université d’Aix-Marseille, droit) 

3. Mercredi 7 juin 2023, Les tests génétiques en libre accès : de l’usage individuel au débat public [interventions en français] ; suivi d’une table-ronde sur l’ensemble du cycle. 

  • Elsa Supiot (Université d’Angers, droit) 
  • Mauro Turrini (Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Espagne, sociologie)

Les interventions seront en français ou anglais et les discussions en français et anglais. 

Inscription sur ce lien

Les biotechnologies bénéficient de la convergence entre les innovations génomiques et post-génomiques et les progrès informatiques et de l’intelligence artificielle qui permettent de produire et d’analyser des quantités croissantes de données. Des innovations dans les techniques de culture cellulaire, de génie génétique, de nanotechnologies permettent la création de nouveaux artefacts et de techniques expérimentales. De forts investissements publics, et de plus en plus privés, et la diffusion globale des savoirs soutiennent ces progrès. Offrant dès à présent de nouvelles voies à la recherche biomédicale et en santé – de l’approche de santé environnementale aux promesses de la médecine prédictive –, les biotechnologies suscitent de très fortes attentes. 

Mais l’angle du progrès ou de la promesse ne saurait donner qu’un éclairage partiel sur ces nouvelles technologies qui impliquent de profondes transformations sociales et, par conséquent, des choix. Ces technologies de culture et de transformation du vivant remettent en cause un certain nombre de présupposés sur ce que sont les vies humaine et animale, par exemple dans le champ de la reproduction ou avec la création de nouveaux artefacts comme les organoïdes. Elles suscitent des questions sur la production des données biologiques et la propriété des produits générés à partir du vivant. Loin de n’être que des objets techniques, elles posent des questions normatives et légales complexes. Elles appellent un effort de sagesse collective pour penser non seulement les futurs technologiques qu’elles inaugurent mais les transformations sociales qu’elles impliquent.

Bien que la littérature experte récente ait largement reconnu que ces biotechnologies requièrent d’importantes réflexions éthiques et juridiques, leur présence dans la discussion publique est inégale et limitée. La prise de conscience qu’elles appellent une attention particulière diffère de l’une à l’autre. Il apparaît donc particulièrement utile de les considérer séparément mais aussi comparativement pour examiner en quoi consiste une réflexion collective sur les valeurs mises en jeu et les actions de régulation nécessaires. 

Nous nous demanderons quels sont les processus adaptés pour faire de ces biotechnologies existantes ou émergentes des objets de délibération et, finalement, de sagesse collective. Quelles sont les démarches à entreprendre pour mettre en place des procédures et lieux de discussions, interroger les finalités, anticiper les possibles conséquences et problèmes de ces technologies, développer les cadres institutionnels qui permettront d’en faire un usage utile et juste, en évitant que les stratégies commerciales ne préemptent les choix et ne créent un déjà-là réduisant le champ des possibles ? 

1. L’édition du génome : que faire de CRISPR-Cas9 ?

La technologie d’édition du génome CRISPR-Cas9, bien que très récente (2012), est transformatrice de la pratique de la biologie moléculaire. Utilisée de manière routinière dans les laboratoires, elle s’est affirmée comme une technique de base pour d’autres biotechnologies. Elle ouvre des possibilités nouvelles et inouïes de manipulation du génome végétal, animal ou humain. Si les questions éthiques et de gouvernance posées par cette technologie ont d’emblée été reconnues et posées par la communauté scientifique – notamment par sa co-découvreuse Jennifer Doudna, ces efforts d’autorégulation, ont montré leurs limites. Ils ont tout d’abord été battus en brèche par les expériences du scientifique He Jiankui, qui a édité le génome de trois embryons dont ont résulté des naissances. Le débat est un outre marqué par une faible inclusion de points de vue et valeurs culturellement divers. Or, les problèmes en jeu ne sont pas, ou pas seulement, des problèmes techniques. Se pose alors la question de ce en quoi peut véritablement consister une sagesse collective à l’égard de cette technologie dont l’impact sur la vie humaine et non humaine est majeur. Pour aborder cette question, on examinera les initiatives prises pour étendre et complexifier les discussions sur CRISPR, notamment avec le lancement d’un “observatoire CRISPR” aux Etats-Unis et, en Europe, du réseau ARRIGE. On s’inscrira dans une perspective historique pour examiner en quoi le débat sur l’ARN recombinant dans les années 1970, marqué par la tenue de la conférence d’Asilomar et qui constitue aujourd’hui un point de référence dans ces débats, peut éclairer les efforts de gouvernance actuels de CRISPR. 

2. Les nouvelles formes du vivant : comment réguler les organoïdes ?

Issus de la culture des cellules souches, du génie biologique et de la bio-impression, les organoïdes apparaissent comme une innovation majeure pour la recherche scientifique. Fournissant un modèle expérimental humain inédit, ils sont porteurs de très fortes attentes. Jusqu’à présent, le développement des organoïdes a principalement obéi aux normes régissant le champ des cellules souches dans son ensemble. Cependant, ces nouveaux artefacts vivants mettent à mal les classifications normatives établies, dès lors qu’ils relèvent à la fois de l’ingénierie et du vivant, du domaine des cellules souches et d’une organisation qui les rapproche des organes humains et des animaux non humains. Conçues et développées en partie pour répondre aux contraintes réglementaires applicables aux cellules embryonnaires humaines et aux animaux de laboratoire, ces innovations biotechnologiques débordent les normes et catégories de pensée. Le cas des organoïdes cérébraux est particulièrement illustratif du trouble généré, leur capacité à mimer certaines fonctions du cerveau humain engendrant des questions sur leur statut éthique. Se pose donc la question de l’adaptation des normes en vigueur ou, au contraire, de l’élaboration de nouvelles normes pour les organoïdes. Quelles règles éthiques mettre en place pour la recherche ? Quelles règles suivre en termes de commercialisation et de brevetabilité ? Quels droits pour les patients dont les cellules ont été utilisées ? Faut-il accorder aux organoïdes un statut moral ou juridique à certains d’entre eux qui représentent in vitro le cerveau, les gonades ou l’embryon humain ? Alors que la réflexion sur les enjeux éthiques et légaux des organoïdes est jusqu’à présent restée très limitée et essentiellement le fait d’experts, les valeurs qu’ils portent, cruciales pour la compréhension de l’humain et des limites acceptables de l’utilisation du vivant, appellent un débat plus large et systématique. La question de la temporalité de la mobilisation et de l’intervention des dispositifs de sagesse collective peut également être posée à propos de ces biotechnologies encore balbutiantes. 

3. Les tests génétiques en libre accès : de l’usage individuel au débat public

Les tests génétiques en accès libre ou DTC (Direct-To-Consumer) constituent à la fois un produit d’accès facile, en passe de devenir ordinaire, et une biotechnologie complexe. Ils sont le fruit d’une association entre des investissements importants de la part d’entreprises de biotechnologies et de grandes entreprises numériques. La convergence structurelle entre technologies génétiques (en particulier le séquençage du génome humain) et numériques (notamment les big data) se révèle dans les pratiques liées à ces tests avec la production et la circulation de données personnelles en ligne. Bien que ces technologies soient présentées et commercialisées comme des services aux individus, les risques qui y sont liés demandent à être examinés collectivement. En effet, si les tests génétiques DTC semblent contribuer à la construction d’une base de données collective concernant le génome humain et ainsi à faire avancer la médecine personnalisée, ils sont susceptibles de multiples usages et interprétations. Or, la réflexion sur leurs usages à la fois individuels et collectifs, notamment quant à la circulation en ligne des informations génomiques ainsi produites, reste encore très lacunaire. La voix des usagers comme celles des instances démocratiques est largement exclue de la gouvernance des données produites. Ces tests engendrent-ils des risques de discrimination des individus ? Quel régime légal spécifique attribuer au traitement des données génétiques ? On s’arrêtera en particulier sur la situation paradoxale de la France à l’égard de cette forme de production de données génétiques : en effet, les tests génétiques DTC sont interdits par la loi ; pourtant, des Françaises et Français les achètent en ligne et font analyser leur ADN par des entreprises à l’étranger, leurs données faisant alors partie de bases de données privées. En raison de l’interdiction des tests, le débat public sur les résultats obtenus, leur utilité et interprétation reste insuffisant. Comment, dans le contexte français et en s’appuyant sur les expériences d’autres pays, encourager un débat sur ces questions et attirer l’attention de l’opinion publique sur les effets potentiels des informations issues de l’ADN ? Quelles sont les questions urgentes à affronter ? 

A l’issue de cette troisième et dernière séance se tiendra une table ronde sur toutes les biotechnologies discutées durant le cycle.  

Contact

Anne Le Goff : alegoff@ucla.edu

Serena Ciranna : serenaciranna@gmail.com

Sonia Desmoulin : sonia.desmoulin-canselier@univ-nantes.fr

Soraya de Chadarevian : chadarevian@history.ucla.edu