Edouard Bonnefous

Edouard BONNEFOUS

(Paris, le 24 août 1907 ; Paris, le 24 février 2007)

Élu, le 3 mars 1958, membre libre de l’Académie,
au fauteuil laissé vacant par le décès de Maxime Leroy

Membre titulaire (section générale) depuis le 29 juin 1964

Fauteuil n°2

Président de l’Académie en 1968

Chancelier de l’Institut de France de 1978 à 1993,
puis Chancelier honoraire de l’Institut de France jusqu’en 2007

 


En quelques mots          Carrière          Œuvres

Travaux Académiques          Epée          Hommages


 

 

En quelques mots

 

Si je me suis consacré aux questions liées à l’environnement depuis de longues années, je dois reconnaître qu’à l’origine nous n’étions qu’un bien petit nombre. Je tiens à rendre hommage à Jean Rostand d’avoir été l’un de ces pionniers. Dans sa préface à mon ouvrage L’Homme ou la Nature ?, il écrivait : “Ce livre ouvrira les yeux à beaucoup, il secouera des inerties, stimulera des nonchalances, orientera des bons vouloirs, aidera à la concertation des efforts”. Ces lignes devaient se vérifier rapidement. Le premier ministère de l’Environnement, confié à Robert Poujade, fut créé après la parution de ce livre.

Louis Armand avait fait cette prédiction : “Le futur avance contre nous”. Vis-à-vis de la nature, l’homme est devenu un agresseur qui ne connaît plus sa force. Il dilapide autant qu’il salit. Aujourd’hui, un progrès sensible a été fait puisque les responsables au plus haut niveau abordent le sujet.

Des solutions s’imposent sur le plan national et international. Plus que jamais la terre rétrécit et devient notre pays commun. Les interdépendances ne sont pas seulement économiques ; elles sont aussi démographiques et écologiques.

Pour faire face à la situation catastrophique que nous connaissons, j’affirme que des solutions s’imposent et qu’elles existent. Elles ont parfois été timidement esquissées, voire appliquées. Il convient d’en dresser le bilan, d’apprécier leurs résultats et d’en marquer les limites. Il convient surtout de souligner que désormais l’action devra reposer sur une coopération internationale.

Il y a près d’un siècle, Nietzsche lançait cette mise en garde : “Nous sommes d’un temps dont la civilisation est en danger de périr par la civilisation”. Cette prédiction est confirmée et suscite l’angoisse. L’humanité sait que son destin n’est plus assuré.

Réconcilier l’homme et la nature est donc bien la tâche primordiale de cette fin de siècle.

(Édouard Bonnefous, extrait de l’introduction de Réconcilier l’homme et la nature, Paris, 1990)

 

 

Carrière

 

Diplômé de l’Ecole des sciences politiques et de l’Institut des hautes études internationales de l’Université de Paris, M. Edouard Bonnefous a joué un rôle majeur dans la vie politique nationale depuis la Libération.

Membre du Comité de libération de Seine-et-Oise, co-fondateur de l’UDSR, il est élu député de Seine-et-Oise en 1946. Il siège au Palais-Bourbon jusqu’en 1959, après avoir été réélu en 1951 et en 1956. De 1948 à 1952, il est Président de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale. Dans la même période, il est délégué de la France aux Nations unies (1948-1951). à la Chambre, il président le groupe de l’UDSR de l’Assemblée nationale de 1953 à 1955 et en 1957.

Membre de l’Assemblée consultative européenne, président de la commission spéciale des transports du Conseil de l’Europe, vice-président de la Conférence des parlementaires des pays membres de l’OTAN, il occupe également plusieurs postes ministériels : ministre du Commerce et de l’Industrie (1952), ministre d’Etat (1953), ministre des P. et T. (1955-1956), ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme, de l’Aviation civile et de la Marine marchande (1957-1958).

En 1959 il est élu sénateur de Seine-et-Oise. Il sera réélu sénateur des Yvelines en 1968 et en 1977. Rapporteur pour l’information, l’ORTF et le cinéma au sein de la commission des finances du Sénat (1960-1969), puis rapporteur des affaires culturelles (à partir de 1969), vice-président du groupe sénatorial de la gauche démocratique, il accède à la présidence de la commission des finances du Sénat, poste qu’il occupe de 1972 à 1986. Il a été enfin conseiller régional de l’Ile-de-France (1986-1992). En Conseil régional d’île-de-France, il a fondé l’Agence des espaces de la Région île-de-France, qu’il préside de 1976 à 1992, avant d’en devenir le Président d’honneur.

M. Edouard Bonnefous a également enseigné, pendant vingt-cinq ans, en tant que professeur à l’Institut des hautes études internationales de la faculté de droit de Paris ainsi qu’au Collège libre des sciences politiques. Il a été Président du Conservatoire National des Arts et Métiers de 1975 à 1987.

M. Edouard Bonnefous a été élu chancelier de l’Institut national de France en 1978. Durant son mandat (1978-1993), il a contribué à la modernisation du Palais de l’Institut ainsi qu’à la défense et au renforcement de cette institution Il en est aujourd’hui le chancelier honoraire, chargé de la commission des fondations (depuis 1994).

Depuis 1985, il préside la Fondation Singer-Polignac au sein de laquelle il organise des concerts et de nombreux colloques rassemblant écrivains, intellectuels et politiques autour des grands probèmes qui se posent à la société contemporaine.

 

 

Œuvres

 

  • s.d. – Le Cheminement du panaméricanisme.
  • s.d. – Les Problèmes économiques de l’Orient méditerranéen.
  • 1935 – Le corporatisme
  • 1939 – La situation financière et économique de la France en 1789
  • 1939 – La progression et le financement des armements dans le monde
  • Depuis 1944 – L’Année politique (56 volumes)
  • 1946 – à travers l’Europe mutilée : devant et derrière le rideau de fer
  • 1950 – L’idée européenne et sa réalisation
  • 1952 – L’Europe en face de son destin
  • 1955 – L’encyclopédie de l’Amérique latine
  • 1958 – La réforme administrative
  • 1958 – Les Grands Travaux
  • 1959-1967 – en collaboration, L’histoire politique de la IIIe République (7 volumes)
  • 1960 – La Terre et la faim des hommes
  • 1963 – Les milliards qui s’envolent
  • 1968 – Le monde est-il surpeuplé ?
  • 1970 – L’Homme ou la Nature ?
  • 1975 – Sauver l’humain
  • 1980 – à la recherche des milliards perdus
  • 1982 – Le monde en danger
  • 1984-1997 – Avant l’oubli. Histoire du XXe siècle (3 tomes)
  • 1990 – Réconcilier l’Homme et la Nature
  • 2001 – L’Environnement en péril (livre d’entretiens)
  • 2004 – Regards sur le monde — Carnets de voyage

M. Édouard Bonnefous a également publié de nombreux articles et études dans diverses publications, en particulier la Revue des Deux-Mondes, la Revue politique et parlementaire, Paris-Presse, l’Information, la Vie française, la Dépêche du Midi, le Nouveau Journal.

 

 

Travaux académiques

 

Notice
  • Notice sur la vie et les travaux de Maxime Leroy, séance du 2 mars 1959.

 

Séance solennelle
  • Discours en qualité de Président pour 1968 à la séance publique annuelle du 8 janvier 1968.

 

Séances ordinaires
  • Discours en qualité de Président sortant, séance du 6 janvier 1969.
  • Allocution en l’honneur de René Cassin, prix Nobel de la paix, séance du 14 octobre 1968.
  • La fin du Front populaire, séance du 10 décembre 1965.
  • La France pourra-t-elle continuer son aide aux pays en voie de développement ?, séance du 24 juin 1963.
  • L’évolution des relations franco-britanniques et l’accord franco-anglais, séance du 5 mai 1947.
  • La reprise de la publication de l’Année politique, séance du 8 février 1946.
  • Le réarmement et ses conséquences économiques et financières, séance du 22 juillet 1939.

 

 

Son Epée d’Académicien

 

 

 

Hommages

 

Éloge funèbre de M. Édouard Bonnefous, par M. Lucien Israël,
Président de l’Académie (séance du lundi 5 mars 2007)

 

Mes chers confrères,

Malgré l’affluence, qui marque naturellement les séances où se déroulent des élections, chacun d’entre nous ne ressent-il pas aujourd’hui le vide laissé par la disparition de notre doyen — à la fois par l’âge et par l’élection — survenu le samedi 24 février ?

Notre Compagnie est comme orpheline d’Édouard Bonnefous, de cette figure imposante et chaleureuse qui a suivi jusqu’à la fin le déroulement de nos travaux ; il était encore ici le 5 février dernier pour entendre la communication de M. Jean-Marie Pelt à qui l’Académie avait décerné en 2006 le Prix qu’il avait fondé et qui porte son nom. Son absence se fait d’autant plus sentir que sa disparition n’a pas été précédée d’une longue absence, car, malgré les problèmes dus à l’âge, il n’aura jamais perdu cette acuité d’esprit que nous avons si souvent pu apprécier.

Longtemps benjamin de notre Compagnie, Édouard Bonnefous avait été élu le 3 mars 1958 comme membre libre au fauteuil laissé vacant par le décès de Maxime Leroy. Il devint membre titulaire à la création de la section générale en 1964. Édouard Bonnefous aura passé presque la moitié de sa vie au sein de notre Académie — 49 ans ! Il s’agit là presque d’un record qu’à ma connaissance seul l’historien François Mignet a battu de peu, ayant été Secrétaire perpétuel pendant 50 ans moins 3 mois de 1833 à 1882. C’est donc une page de notre histoire qui se tourne maintenant et une part de notre mémoire qui s’en va. Car Édouard Bonnefous aura participé activement aux scrutins qui aboutirent à chacune de nos élections… et parfois à ceux qui firent de nos prédécesseurs des académiciens.

Est-il utile de rappeler ici la brillante carrière politique de notre Confrère ? Diplômé de l’École des sciences politiques et de l’Institut des hautes études internationales de l’Université de Paris, Édouard Bonnefous a, en effet, joué un rôle majeur dans la vie politique nationale à partir de la Libération. Membre du Comité de libération de Seine-et-Oise, co-fondateur de l’UDSR, il avait été élu député de Seine-et-Oise en 1946. De 1948 à 1952, il présida la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale. Dans la même période, il fut délégué de la France aux Nations unies. Membre de l’Assemblée consultative européenne, président de la commission spéciale des transports du Conseil de l’Europe, vice-président de la Conférence des parlementaires des pays membres de l’OTAN, il occupa également plusieurs postes ministériels : ministre du Commerce et de l’Industrie (1952), ministre d’État (1953), ministre des P. et T. (1955-1956), ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme, de l’Aviation civile et de la Marine marchande (1957-1958). Seule l’arrivée au pouvoir du général De Gaulle interrompit cette irrésistible ascension.

En 1959 il fut élu sénateur de Seine-et-Oise, puis réélu sénateur des Yvelines en 1968 et en 1977. Vice-président du groupe sénatorial de la gauche démocratique, il accéda en 1972 à la présidence de la commission des finances du Sénat (jusqu’en 1986). Comme conseiller régional d’Île-de-France (1986-1992), il fonda et présida, de 1976 à 1992, l’Agence des espaces verts de la Région Île-de-France.

Voilà évoqués à grands traits les principaux éléments d’une carrière dont la notoriété fait qu’ils sont connus de tous. Encore faudrait-il y ajouter l’activité éditoriale. Auteur de plus de 20 livres — consacrés à l’Amérique latine, l’histoire de la IIIe République, l’Europe ou encore l’écologie — Édouard Bonnefous dirigea à partir de 1944 L’année politique. Il fut également patron de presse.

Un survol aussi rapide ne rend bien sûr pas justice à notre confrère. Mais, après les si brillants portraits de nos confrères Henri Amouroux et Gabriel de Broglie, je préfère me concentrer sur son activité académique.

Dans son discours de début de mandat comme Président de notre Académie, lors de la séance du 8 janvier 1968, il parlait en ces mots de notre Compagnie :

Il m’est agréable de penser que ma tâche sera grandement facilitée par l’urbanité et la bienveillance qui caractérisent les rapports des membres de notre Académie, ce qui, à une époque où de telles qualités font si souvent défaut, donne un tel prix aux relations que nous entretenons régulièrement.

Si l’on me demandait de qualifier succinctement ces rapports entre confrères, je répondrais : courtoisie, objectivité, liberté d’esprit et curiosité intellectuelle. Ce sont là des vertus dont mon maître vénéré, André Siegfried, m’a appris l’importance exceptionnelle.

« C’est l’Académie où l’on écoute le mieux », disait autrefois notre regretté confrère Georges Duhamel qui appartenait, on le sait, à de nombreuses Académies. Savoir écouter, rester, comme le guetteur, attentif à tout ce qui survient dans les limites de notre domaine, s’informer des sciences et des événements nouveaux, reconnaître les apports favorables au patrimoine sur lequel nous veillons, le cas échéant, donner l’alarme, n’est-ce point là l’essentiel de notre mission ? Cette mission est d’autant plus nécessaire que nous vivons dans un monde bouleversé, où le désordre et les passions rendent de plus en plus difficile la réflexion sereine et objective ».

Ce discours n’a pas pris une ride et je pourrais en multiplier les exemples. Qui se souvient, par exemple, que c’est à Édouard Bonnefous que nous devons de prononcer les éloges de nos prédécesseurs en Grande salle des séances ou d’accueillir sous la Coupole nos associés étrangers afin de donner à ces événements la solennité qui leur convient ? Édouard Bonnefous fut, parmi nous, le gardien sourcilleux non tant de la tradition, dont le trop grand respect peut être stérilisant, mais surtout de l’esprit académique qui ne craint pas l’innovation pour rester fidèle à lui-même.

Le rôle d’Édouard Bonnefous ne s’est pas limité à cela. Très tôt, il participa à la gestion de l’Institut de France. En 1977, il entrait à la Commission administrative centrale comme délégué de notre Académie pour remplacer Olivier Moreau-Néret. Trente ans plus tard, il en était toujours membre, en raison des qualités de ses analyses et de sa connaissance sans pareille des affaires du quai Conti. De 1978 à 1993, il fut Chancelier de l’Institut de France. À ce poste, il s’efforça de moderniser le Palais dont les équipements ne correspondaient plus aux besoins des Académies. Il œuvra aussi au renforcement du prestige de nos institutions.

Enfin, comment oublier la générosité dont il fit preuve envers l’Académie, en créant une Fondation qui porte son nom et en décidant que les revenus de la Fondation qu’il créait à l’Institut de France nous permettent de distribuer après sa mort plusieurs grands prix.

Avant de vous demander d’observer une minute de silence, je souhaiterais que nous associons à cet hommage Mgr Bernard Jacqueline, correspondant dans la section Morale et Sociologie, décédé le 26 février à Saint-Lô.

 

Gabriel de Broglie,
Eglise de la Madeleine, vendredi 2 mars 2007

 

Edouard Bonnefous n’est plus. Nous fûmes souvent émerveillés de le voir inchangé depuis des années, toutes ses facultés intellectuelles conservées jusqu’à son dernier jour. Nous sommes aujourd’hui affligés de le voir disparaître, paisiblement, presque centenaire.

Une grande existence s’achève. Une longue mémoire s’éteint. Une bénéfique impulsion cesse.

Même hors de la politique, Edouard Bonnefous était appelé à une grande existence, par son intelligence, sa volonté, sa prestance, sa voix si nette et impérieuse. Par sa présence aussi pendant sa jeunesse auprès de son père, avocat parisien, député et ministre, et de sa mère, amie des artistes et des écrivains. Il avait pénétré jeune dans le monde des lettres, des arts, du théâtre, de la musique, et dans le monde tout court. Il avait connu les personnes qui étaient les modèles des personnages de Marcel Proust.

Il avait beaucoup observé et pas seulement le monde parisien mais aussi l’élite intellectuelle, le personnel politique, la haute administration. Il avait beaucoup voyagé à une époque où l’on ne parcourait pas la planète. Il avait rencontré les grands de ce monde. Puis, lorsqu’il ressentit le devoir de laisser une trace, il le fit de manière originale, complète et toujours éclairée. Il donna ainsi les trois volumes d’Avant l’oubli, qui ne sont pas ses propres Mémoires, mais les souvenirs vivants des sociétés dont il fut un acteur. Joints à ceux de son père, ses souvenirs couvrent tout le XXe siècle. Ce sont des témoignages directs, précis, utiles et passionnants.

Contrairement à Marcel Proust dont il fut un lecteur assidu, il ne s’épuise pas à la recherche du temps perdu, il livre sa restitution du temps passé. Avec Edouard Bonnefous, c’est une immense mémoire qui s’est éteinte. On en éprouvera longtemps le regret.

Mais cet observateur est aussi un animateur qui transmet des impulsions fortes et souvent décisives à de nombreuses institutions qui ont sa prédilection.

Au premier rang de celles-ci, l’Institut de France. Edouard Bonnefous est élu en 1958 à l’Académie des Sciences morales et politiques. Il en est alors le benjamin et à son décès le doyen d’âge et d’élection. D’emblée, sa fidélité à la Compagnie, son assiduité aux séances, la pertinence de ses interventions et sa participation aux travaux s’imposent. Il préside l’Académie en 1968.

Dix ans plus tard, ses confrères l’appellent à succéder à Jacques Rueff au poste de Chancelier de l’Institut. Il y restera seize années, marquant son mandat par une représentation brillante de l’institution et des travaux de modernisation qui permettent au vieux palais du Quai de Conti de franchir cette fin de siècle en offrant un cadre mieux adapté aux missions croissantes des cinq Académies. Il témoigne de son attachement profond à l’Institut de France par une fondation, un prix et des donations qui lui valent la reconnaissance de ses confrères.

L’Académie nationale de médecine l’accueille à son tour, l’un des seuls membres non médecins, privilège rare dont il était fier.

Les préoccupations personnelles d’Edouard Bonnefous l’amènent à présider plusieurs institutions : En 1975, le Conservatoire national des Arts et Métiers pour donner plus de dynamisme à cette vieille maison proche de son bicentenaire et créer un musée des sciences et des techniques qui manque encore à la France, alors que notre pays est à l’origine du chemin de fer, de la photographie, de l’automobile, de l’aviation, de la TSF ; en 1976, et pendant seize années, l’Agence des Espaces verts de l’Ile-de-France qu’il crée comme un conservatoire.

C’est dans le même esprit qu’Edouard Bonnefous préside le Muséum d’histoire naturelle et surtout, l’Institut Océanographique créé en 1900 par le Prince Albert Ier de Monaco. Il y était très attaché et aimait à se rendre sur la Côte d’Azur, chaque année, à cette saison-ci, celle des mimosas. Sous son impulsion les missions de recherche et d’enseignement sont maintenues à Paris, la fréquentation du Musée de Monaco augmente, la mission d’exploration peut reprendre grâce au don d’un navire océanographique par la Fondation Singer-Polignac.

Car la Fondation Singer-Polignac est une autre belle institution française de mécénat qui a bénéficié de l’impulsion d’Edouard Bonnefous et connu un essor remarquable sous sa présidence. Mécénat pour les arts plastiques et la musique, aide à la recherche scientifique, aux publications, concerts dans le célèbre salon de musique, colloques de haute tenue, telles sont les missions, qui l’ont retenu pendant vingt-deux ans jusqu’à l’année dernière.

Me pardonnera-t-on d’évoquer ici les cercles parisiens, dont il était le doyen après 70 ans de présence, qu’il dirigea et plus encore anima, et où il se fit le défenseur des usages et de la tradition. Ces instances ne sont plus frivoles et il leur a beaucoup donné.

Ces multiples activités pourraient produire une impression de dispersion. Elles traduisent au contraire une grande unité d’action et de réflexion. L’écrivain est d’une efficacité remarquable. On l’a comparé à Tacite. Le penseur est un précurseur qui est le contraire d’un utopiste. Il avait de la jeunesse dans des idées sages.

D’une curiosité d’esprit toujours en éveil, mis par les fées « au centre de tout », il a, comme l’ont dit ses préfaciers d’Avant l’oubli, « regardé dans toutes les directions ». Ses thèmes, il les appelait « mes combats », portent la marque de l’expérience, de l’utilité, de la croyance dans le progrès : la réunion d’une Assemblée constituante européenne en 1948 ; la géographie économique, discipline bien oubliée ; la démographie, mais sous l’angle du surpeuplement de la terre avec sa conséquence, la faim des hommes ; réconcilier l’homme et la nature ; plus largement l’écologie, une écologie moderne et efficace, la vraie écologie, qu’il servit en créant des institutions et en écrivant des livres.

Il y a deux ans, il décernait le prix de sa fondation à Nicolas Hulot. L’année dernière, les cinq Académies choisissaient pour leur séance solennelle de rentrée le thème de l’Homme et la nature, non seulement pour son actualité, mais parce que c’est le titre d’un livre d’Edouard Bonnefous, écrit en 1970, un livre prémonitoire et devenu classique, pour célébrer la clairvoyance du Chancelier honoraire de l’Institut l’année de son centième anniversaire.

Son expérience, son exigence, son autorité, sa longévité même pouvaient impressionner. Mais nombreux sont ici ceux qui ont eu en lui un ami charmant. Je puis en témoigner. Il avait le sens de l’amitié, donnée une fois pour toutes, et combien agissante. Tous, nous demeurerons fidèlement unis à sa famille pour perpétuer son souvenir.

Le Chancelier de l’Institut s’incline avec respect devant la prestigieuse figure de son prédécesseur. Le membre de l’Académie des Sciences morales et politiques, au nom de laquelle je m’exprime aussi, rend hommage à son illustre confrère dont nous déplorons la disparition et dont nous n’oublierons pas les graves et salutaires préceptes.

 

André Vacheron,
le 2 mars 2007 au cimetière de Passy à Paris

 

L’Académie Nationale de Médecine associe son hommage à celui de l’Institut de France. Elle avait élu en 1980 Edouard Bonnefous, Chancelier de l’Institut de France depuis 1978, en tant que membre libre dans sa section de médecine sociale et il fut heureux et fier d’appartenir à notre Compagnie.

Passionné par tous les problèmes de santé publique, il participait régulièrement et activement aux séances de l’Académie, n’hésitant jamais à donner son opinion toujours pertinente, toujours écouté avec respect et attention.

Pionnier de l’environnement, il lui avait consacré depuis plus de 40 ans des ouvrages dont les titres sont de véritables cris d’alarme : La terre et la fin des hommes (1960), L’homme ou la nature (1970), Sauver l’humain (1976), Réconcilier l’homme et la nature (1990), L’environnement en péril (2001).

Selon l’usage, l’Académie Nationale de Médecine rendra un hommage solennel en son hôtel Rue Bonaparte à un homme hors du commun, passionnant jusqu’à ses derniers jours, remarquable par sa culture, par son humanisme, par son intelligence, par sa prodigieuse mémoire, remarquable aussi par sa fidélité en amitié, auquel j’étais lié par une affection profonde, un homme qui a traversé le 20ème siècle en occupant les fonctions les plus éminentes à l’Institut de France, au Parlement, aux Gouvernements, et dans de prestigieuses Fondations, un siècle dont il a brossé une fresque magnifique : « Avant l’oubli ».

Nous n’oublierons pas Edouard Bonnefous.