Suzanne BASTID
(née le 15 août 1906 à Rennes ; décédée le 2 mars 1995 à Paris)
C.
Élue, le 22 mars 1971, dans la section Législation, Droit public et Jurisprudence
au fauteuil laissé vacant par le décès de Gabriel Le Bras
Fauteuil n°7
Président de l’Académie en 1982
Carrière Œuvres Travaux Académiques
Carrière
Suzanne Bastid est la fille du grand juriste internationaliste Jules Basdevant (1877-1968), membre de l’Académie, dans les pas duquel elle débute sa carrière.
Elle fait ses études à la faculté de droit de Paris et obtient le grade de docteur en droit, après la soutenance en 1931 d’une thèse, sous la direction de Gilbert Gidel, sur un sujet alors novateur : Les fonctionnaires internationaux. Elle réussit l’agrégation de droit public en 1932, première femme agrégée dans cette discipline. Elle est également la première femme professeur de droit en France, nommée en 1933 à la faculté de droit de Lyon.
En 1937, elle épouse Paul Bastid, un camarade d’agrégation et son collègue à Lyon, alors ministre de l’Industrie et du Commerce dans le premier gouvernement de Léon Blum ; elle devient son chef de cabinet. C’est dans leur petit appartement de Lyon que son mari tient en 1942 les premières réunions du Comité Général d’Études, préfiguration du Conseil National de la Résistance. C’est elle qui en conserve les archives lorsque le contrôle de l’occupant oblige le Comité à poursuivre son action clandestine à Paris. À l’université, elle assure les cours des collègues prisonniers ou passés à la Résistance ; elle y aide l’installation de l’antenne de Sciences Po en zone libre, où elle enseigne également. Elle devient en 1948 la première enseignante titulaire de la rue Saint-Guillaume en succédant à son père dans la chaire de Droit international public, membre du Conseil de perfectionnement de l’établissement et de son Conseil de direction de 1969 à 1977. En 1946, elle est la première femme élue professeur à la faculté de droit de Paris (puis Université Paris II – Panthéon-Assas) où elle enseigne jusqu’à sa retraite en 1977, ainsi qu’à l’Institut des hautes études internationales. Elle est membre, puis présidente de la section des Études politiques et juridiques du Comité national de la recherche scientifique au CNRS (1948-1966).
Elle est la première femme élue, en 1948, à l’Institut de droit international, association savante des meilleurs internationalistes du monde entier, dont elle devient secrétaire général en 1963 et vice-président en 1969, jouant pendant près d’un demi-siècle un rôle éminent dans la direction de ses travaux. Membre de la délégation française à l’Assemblée générale des Nations Unies de 1949 à 1957, elle est en 1950 la première femme à siéger au Tribunal administratif des Nations Unies et à le présider, presque sans interruption, de 1953 à 1982, dans un contexte de guerre froide où les États soupçonnent volontiers d’espionnage les agents internationaux étrangers. Elle marque sa jurisprudence d’une empreinte originale, d’un empirisme intuitif, fait de savoir, d’imagination, de bon sens et de cœur, les qualités du juge qu’elle possède en abondance, et, au-delà, elle influence aussi le droit de la fonction publique internationale. Elle est la première femme à plaider devant la Cour internationale de Justice dans l’affaire de la Barcelona Traction en 1964, puis à y siéger comme juge ad hoc désigné par la Tunisie dans l’affaire du Plateau continental Tunisie-Libye en 1984. Elle est encore la première femme, en 1984, à recevoir la médaille Manley Hudson décernée par l’American Society of International Law. Elle est aussi membre d’honneur de cette société, docteur honoris causa de l’Université de Varsovie, membre correspondant de l’Académie des sciences et des arts de Zagreb.
Membre de la Commission française pour l’UNESCO depuis 1974, elle en assure la vice-présidence en 1979, est membre de la délégation française aux Conférences générales de 1979, 1982 et 1983. Elle préside le Comité d’experts de l’UNESCO pour l’enseignement des droits de l’homme en 1979, et est rapporteur général de la Conférence intergouvernementale sur l’éducation en 1983. Son action pour l’amélioration de la condition féminine en France et hors d’Europe s’exerce en milieu associatif, notamment à la Fédération internationale des femmes diplômées des universités et au sein de sa section française. Une de ses joies est la présidence de l’Académie du Morvan, qu’elle exerce de 1980 à 1986, occasion de marcher dans les bois et de veiller sur les fruits de son jardin familial.
Elle est invitée à donner consultations et enseignements sur tous les continents. Ses cours, ouvrages et avis juridiques analysent la construction du système des relations internationales, notamment ses organisations et traités, en observent l’histoire avec un sens aigu des évolutions possibles fondé sur sa large expérience de la vie internationale. Elle se méfie des spéculations théoriques. Son positivisme juridique est une exigence de respect de la vérité. Dévouée à sa mission de professeur d’un savoir vivant et renouvelé, elle rassemble des praticiens et disciples du monde entier autour de l’Annuaire français de droit international qu’elle crée en 1954 et dirige un quart de siècle, et de la Société française pour le droit international qu’elle fonde en 1967 et préside vingt ans, et qui restent des instruments remarquables de diffusion de la pensée juridique francophone.
Suzanne Bastid est la première femme élue à l’Institut de France depuis sa création, au cours de la séance du lundi 22 mars 1971 de l’Académie des sciences morales et politiques. Elle est notamment opposée au bâtonnier Albert Brunois ; la section Législation, Droit public et Jurisprudence n’a pas classé les candidats. Elle est élue au quatrième tour de scrutin par 21 voix contre 13, avec 7 bulletins blancs. Albert Brunois est élu six ans plus tard.
Elle devient vice-présidente de l’Académie en 1981, avant de la présider l’année suivante.
Œuvres
- Les fonctionnaires internationaux, Paris, Sirey, 1931 (thèse de doctorat).
- Les traités d’après-guerre sur l’organisation internationale et leur application, Paris, Les cours de droit, 1950.
- La jurisprudence de la Cour internationale de Justice, Recueil des Cours de l’Académie de droit international, t. 78, 1951.
- Le territoire dans le droit international contemporain, Paris, Les cours de droit, 1954.
- Les tribunaux administratifs internationaux et leur jurisprudence, Recueil des Cours de l’Académie de droit international, t. 92, 1957.
- Droit des gens : le droit des crises internationales, Paris, Les cours de droit, 1958.
- Les problèmes territoriaux dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, Recueil des Cours de l’Académie de droit international, t. 107, 1962.
- Cours de droit international public, Les cours de droit, Paris, 1976-1977.
- Droit international public – Principes généraux, IEP, Les cours de droit, Paris, 1977-1978.
- Les traités dans la vie internationale : conclusion et effets, Paris, Economica, 1985.
Travaux académiques
Notice
- Notice sur la vie et les travaux de Gabriel Le Bras (1891 – 1970), lue dans la séance du 21 novembre 1972.
Séances solennelles
- Discours du président prononcé au cours de la séance publique annuelle du 13 décembre 1982.
Séances ordinaires
- Discours à l’occasion de la prise de présidence, séance du 4 janvier 1982.
- Allocution prononcée à l’occasion de la notice lue par M. Louis Joxe sur la vie et les travaux d’Alexandre Parodi, séance du 20 avril 1982.
- Allocution prononcée à l’occasion du décès de Marcel Waline, séance du 18 octobre 1982.
- Allocution prononcée à l’occasion de la notice lue par M. Jean Marchal sur la vie et les travaux de Gaston Leduc, séance du 9 novembre 1982.
- Discours prononcé à l’occasion de la fin de présidence, séance du 3 janvier 1983.
- Perspectives du droit de la mer à l’issue de la 3e Conférence des Nations unies, communication, séance du 4 mars 1984.
- Les agents internationaux. Les Nations Unies et le droit international économique. La juridiction internationale permanente, communication sur les colloques de la Société française pour le droit international, séance du 22 juin 1987.
À propos de Suzanne Bastid
- Allocution prononcée par le président Jean Foyer à l’occasion du décès de Suzanne Bastid, séance du 6 mars 1995.
- Notice sur la vie et les travaux de Suzanne Bastid, par François Terré, lue dans la séance du 4 février 1997 (télécharger le document numérisé).
- Dossier de France Mémoire dédié à Suzanne Bastid à l’occasion du cinquantième anniversaire de son élection le 22 mars 2021, Institut de France.