Intervention de Lionel Zinsou – Réflexions sur la meilleure gouvernance des pays en développement et émergents, en particulier des pays africains

Lionel Zinsou, Ancien Premier ministre du Bénin (2015-2016) et Président de Southbridge, est intervenu en séance le lundi 22 mai 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la meilleure gouvernance des pays en développement et émergents, en particulier des pays africains

Synthèse de la séance

L’Afrique a un appétit de liberté, de solidarité et d’union. Tout « prince », en charge des affaires publiques, est confronté aux mêmes devoirs génériques, qui ne relèvent en rien d’un quelconque folklore. Il faut garantir une pérennité de l’action et une union des populations, ce qui relève de la gageure lorsqu’elles parlent 14 langues et qu’elles se sont souvent combattues. Il y a aussi à délivrer des résultats sociaux, notamment lorsque la jeunesse de la population fait parfois augmenter de 100 000 élèves en un an le nombre d’écoliers. Il faut également délivrer de la sécurité, notamment dans des régions où sont présentes des filiales de Daesch ou d’Al Qaeda, capables de s’unir pour co-produire de la barbarie, et dont les intentions sont bien plus politiques que religieuses, comme l’atteste le pourcentage élevé des victimes parmi les musulmans. La gouvernance africaine n’est pas une gouvernance exotique. Les responsabilités politiques sont les mêmes que partout ailleurs et il s’agit de déconstruire un certain nombre de clichés ou d’erreurs d’analyse. Tout d’abord, celle qui consisterait à penser qu’il faudrait un régime autoritaire pour engendrer un développement économique. Les exemples du Maroc, du Sénégal ou du Ghana invalident cette hypothèse erronée. La deuxième erreur serait de penser que la corruption est un inhibiteur de croissance. Certes elle a des effets, moraux et économiques, dévastateurs mais les plus fortes croissances- notamment asiatiques – sont-elles exemptes de corruption ? La troisième erreur serait de penser que les capacités de développement africaines seraient plombées par une croissance démographique excessive. Les raisons structurelles qui expliquent aujourd’hui que la croissance démographique reste forte en Afrique tiennent à l’allongement de l’espérance de vie et non à la fécondité qui régresse partout. Dans certains pays, comme en Tunisie, l’indice synthétique de fécondité est aujourd’hui inférieur au seuil de renouvellement des générations (1,8). La démographie n’inhibe donc en rien le fonctionnement politique et l’Afrique bénéficie d’un rapport très favorable entre les actifs et les inactifs, à l’instar de l’Inde. Une autre erreur serait de considérer qu’il y a un fort taux d’analphabétisme empêchant une large part de la population de s’intéresser aux affaires publiques. Or, aujourd’hui, le demos a beaucoup changé : il est parfaitement informé par les réseaux sociaux et a le sentiment de bien connaître les problèmes et les solutions possibles. Il y a une forte opinion publique, consciente et éclairée en Afrique aujourd’hui, avec de fortes aspirations démocratiques, comme on peut le constater au Bénin, au Sénégal, au Nigéria, au Kenya, en Tanzanie ou encore en Namibie.

La gouvernance économique a fait encore plus de progrès que la gouvernance politique. De nombreuses start up technologiques sont devenues des licornes. La progression du secteur économique est d’autant plus notable qu’il n’y avait pas de secteur privé au moment des indépendances.

Concernant la gouvernance mondiale, l’Afrique n’y est pas invitée. Elle a par ailleurs du mal à s’aligner sur l’Occident, pour des raisons mémorielles – dans son histoire, l’Occident n’a pas été la parfaite incarnation des valeurs qu’il défend, passant du code Noir au régime de l’indigénat et inventant le travail forcé après avoir aboli l’esclavage ; et pour des raisons immédiates. L’Afrique attend de voir si le dialogue, notamment concernant les négociations environnementales, est équilibré et souhaite peser du poids de ses 54 États qui peuvent peser s’ils s’unissent pour parler d’une même voix.

À l’issue de sa communication, Lionel Zinsou a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées X. Darcos, H. Korsia, J.R. Pitte, G. Alajouanine, F. d’Orcival, H. Gaymard, P. Delvolvé, M. Bastid-Bruguière.

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Intervention d’Alain Minc – la gouvernance des entreprises concurrentielles dans une économie capitaliste de marché

Alain Minc, haut fonctionnaire et chef d’entreprise, président d’A.M. Conseil et de la SANEF, est intervenu en séance le lundi 15 mai 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la gouvernance des entreprises concurrentielles dans une économie capitaliste de marché

Synthèse de la séance

Alain Minc commence par dresser le panorama mondial des systèmes capitalistes qui sont en concurrence, comme des entreprises. Le capitalisme français, tout d’abord, se caractérise par trois traits spécifiques. Il est premièrement intensément capitaliste. La présence de groupes familiaux dans les entreprises du CAC 40 est extrêmement importante en France, du fait du poids de groupes récents dans le secteur du luxe mais aussi de groupes familiaux transmis de génération en génération. Ainsi, hormis la Californie, l’endroit où il y a le plus de grands capitalistes serait la France. Cet étrange paradoxe pourrait s’expliquer par l’hypothèse – provoquante – que l’on s’éduque peut-être mieux au capitalisme dans un environnement socialisant voire socialiste, même si l’on est entré aujourd’hui dans une période davantage « business friendly ». La deuxième caractéristique du capitalisme français est la présence des acteurs mutualistes et la troisième, celle des salariés comme actionnaires des entreprises capitalistes. Ceci est le produit des actionnariats salariés nés des privatisations, de l’existence d’une législation favorable à l’octroi d’avantages pour tous les plans d’actionnariats salariés et enfin d’une volonté politique « trans-courant » à l’intérieur du « cercle de la raison ». Il en résulte des entreprises où la part des salariés au capital est extrêmement importante, comme dans les groupes Bouygues, Eiffage ou Vinci par exemple. Ce principe de l’actionnariat salarié est d’ailleurs la seule manière de corriger la distorsion qui s’est creusée au cours des dernières années entre capital et travail au profit du capital, sans recourir à des hausses massives de salaires, impossibles du fait de la perte de compétitivité vis-à-vis de nos concurrents internationaux que cela induirait. Il serait bon qu’une loi fixe pour les sociétés cotées en bourse d’atteindre, dans les 3 ans, au moins 10% de leur capital détenu par les salariés, et pour les sociétés non cotées, d’émettre des actions sans droits de vote au profit des salariés.

Le capitalisme allemand se caractérise par la cogestion, la célèbre Mitbestimmung, qui fait que les conseils de surveillance sont partagés entre les représentants des actionnaires et ceux des salariés désignés par les syndicats. Contrairement à la France, qui dispose de banques exceptionnelles, le système capitaliste allemand s’accompagne de banques médiocres et ambiguës dans leur fonctionnement, mais sa richesse vient des entreprises moyennes, le Mittelstand, relevant de la propriété familiale, et non de la bourse.

Concernant le capitalisme anglo-saxon, la variante anglaise est plus pure car bâtie sur un schéma très simple : une action donne droit à un vote ; tandis que le système américain, plus ambigu, autorise d’avoir des actions avec de multiples droits de vote, des actions sans droit de vote et crée des mécanismes qui donnent un pouvoir léonin aux fondateurs des entreprises, comme on le voit pour les créateurs des GAFA dans la Silicon Valley.

En Asie du Sud-Est, et bientôt en Afrique, ce sont des oligarchies de pouvoir qui contrôlent des entreprises cotées. En Russie, on pourrait qualifier le capitalisme de capitalisme comprador, du terme employé par Marx pour désigner la bourgeoisie de rentiers.

Enfin, reste le capitalisme chinois dont la vitesse considérable de développement s’est néanmoins faite à l’ombre du Parti communiste et à la merci d’une mainmise du pouvoir politique sur le pouvoir économique.

Au cœur du capitalisme, quelle que soit sa forme, existe une matrice : l’entreprise. Qu’est qu’une entreprise ? une entité appartenant à ses actionnaires, une entité faite du capital (les actionnaires) et du travail (les salariés), une entité qui fait la synthèse entre les parties prenantes (actionnaires, salariés, clients, parties prenantes de l’environnement…). Depuis la loi PACTE de 2019, sont aussi apparues en France les entreprises à mission.

Un modèle français de la gouvernance d’entreprise gagnerait à emprunter aux règles anglo-saxonnes ce qu’elles ont de bon en termes de compliance (respect des règles) et d’accountability (transparence) et à rester très latin et attaché à un principe d’empirisme.

À l’issue de sa communication, Alain Minc a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées H. Gaymard, M. Pébereau, F. d’Orcival, G.H. Soutou, J.C. Trichet, J.R. Pitte, H. Korsia, L. Ravel, Th. Fortsakis.

Verbatim du conférencier

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Colloque « Biotechnologies : quelle sagesse collective ? »

Daniel ANDLER, Philosophe et mathématicien

Dans ce cycle de conférences en ligne, le projet triennal de l’Académie des Sciences morales et politiques TESaCO (Projet Technologies émergentes et sagesse collective) piloté par Daniel Andler, propose d’examiner trois biotechnologies qui se trouvent à des degrés divers d’élaboration et de diffusion technique et sociale et de discussion publique :

Dans ce cycle de conférences en ligne, nous proposons d’examiner trois biotechnologies qui se trouvent à des degrés divers d’élaboration et de diffusion technique et sociale et de discussion publique :

1. Jeudi 11 mai 2023, L’édition du génome : que faire de CRISPR-Cas9 ? [interventions en anglais]

  • Eben Kirksey (Université Deakin, anthropologie) 
  • Nertila Kuraj (Université d’Oslo, droit) 
  • Jennifer Merchant (Université Panthéon-Assas, sciences politiques) 

2. Lundi 22 mai 2023, Les nouvelles formes du vivant : comment réguler les organoïdes ? [interventions en anglais]

  • Bernard Baertschi (philosophie) 
  • Hans-Georg Dederer (Université de Passau, droit)
  •  Aurélie Mahalatchimy (Université d’Aix-Marseille, droit) 

3. Mercredi 7 juin 2023, Les tests génétiques en libre accès : de l’usage individuel au débat public [interventions en français] ; suivi d’une table-ronde sur l’ensemble du cycle. 

  • Elsa Supiot (Université d’Angers, droit) 
  • Mauro Turrini (Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Espagne, sociologie)

Les interventions seront en français ou anglais et les discussions en français et anglais. 

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Les biotechnologies bénéficient de la convergence entre les innovations génomiques et post-génomiques et les progrès informatiques et de l’intelligence artificielle qui permettent de produire et d’analyser des quantités croissantes de données. Des innovations dans les techniques de culture cellulaire, de génie génétique, de nanotechnologies permettent la création de nouveaux artefacts et de techniques expérimentales. De forts investissements publics, et de plus en plus privés, et la diffusion globale des savoirs soutiennent ces progrès. Offrant dès à présent de nouvelles voies à la recherche biomédicale et en santé – de l’approche de santé environnementale aux promesses de la médecine prédictive –, les biotechnologies suscitent de très fortes attentes. 

Mais l’angle du progrès ou de la promesse ne saurait donner qu’un éclairage partiel sur ces nouvelles technologies qui impliquent de profondes transformations sociales et, par conséquent, des choix. Ces technologies de culture et de transformation du vivant remettent en cause un certain nombre de présupposés sur ce que sont les vies humaine et animale, par exemple dans le champ de la reproduction ou avec la création de nouveaux artefacts comme les organoïdes. Elles suscitent des questions sur la production des données biologiques et la propriété des produits générés à partir du vivant. Loin de n’être que des objets techniques, elles posent des questions normatives et légales complexes. Elles appellent un effort de sagesse collective pour penser non seulement les futurs technologiques qu’elles inaugurent mais les transformations sociales qu’elles impliquent.

Bien que la littérature experte récente ait largement reconnu que ces biotechnologies requièrent d’importantes réflexions éthiques et juridiques, leur présence dans la discussion publique est inégale et limitée. La prise de conscience qu’elles appellent une attention particulière diffère de l’une à l’autre. Il apparaît donc particulièrement utile de les considérer séparément mais aussi comparativement pour examiner en quoi consiste une réflexion collective sur les valeurs mises en jeu et les actions de régulation nécessaires. 

Nous nous demanderons quels sont les processus adaptés pour faire de ces biotechnologies existantes ou émergentes des objets de délibération et, finalement, de sagesse collective. Quelles sont les démarches à entreprendre pour mettre en place des procédures et lieux de discussions, interroger les finalités, anticiper les possibles conséquences et problèmes de ces technologies, développer les cadres institutionnels qui permettront d’en faire un usage utile et juste, en évitant que les stratégies commerciales ne préemptent les choix et ne créent un déjà-là réduisant le champ des possibles ? 

1. L’édition du génome : que faire de CRISPR-Cas9 ?

La technologie d’édition du génome CRISPR-Cas9, bien que très récente (2012), est transformatrice de la pratique de la biologie moléculaire. Utilisée de manière routinière dans les laboratoires, elle s’est affirmée comme une technique de base pour d’autres biotechnologies. Elle ouvre des possibilités nouvelles et inouïes de manipulation du génome végétal, animal ou humain. Si les questions éthiques et de gouvernance posées par cette technologie ont d’emblée été reconnues et posées par la communauté scientifique – notamment par sa co-découvreuse Jennifer Doudna, ces efforts d’autorégulation, ont montré leurs limites. Ils ont tout d’abord été battus en brèche par les expériences du scientifique He Jiankui, qui a édité le génome de trois embryons dont ont résulté des naissances. Le débat est un outre marqué par une faible inclusion de points de vue et valeurs culturellement divers. Or, les problèmes en jeu ne sont pas, ou pas seulement, des problèmes techniques. Se pose alors la question de ce en quoi peut véritablement consister une sagesse collective à l’égard de cette technologie dont l’impact sur la vie humaine et non humaine est majeur. Pour aborder cette question, on examinera les initiatives prises pour étendre et complexifier les discussions sur CRISPR, notamment avec le lancement d’un “observatoire CRISPR” aux Etats-Unis et, en Europe, du réseau ARRIGE. On s’inscrira dans une perspective historique pour examiner en quoi le débat sur l’ARN recombinant dans les années 1970, marqué par la tenue de la conférence d’Asilomar et qui constitue aujourd’hui un point de référence dans ces débats, peut éclairer les efforts de gouvernance actuels de CRISPR. 

2. Les nouvelles formes du vivant : comment réguler les organoïdes ?

Issus de la culture des cellules souches, du génie biologique et de la bio-impression, les organoïdes apparaissent comme une innovation majeure pour la recherche scientifique. Fournissant un modèle expérimental humain inédit, ils sont porteurs de très fortes attentes. Jusqu’à présent, le développement des organoïdes a principalement obéi aux normes régissant le champ des cellules souches dans son ensemble. Cependant, ces nouveaux artefacts vivants mettent à mal les classifications normatives établies, dès lors qu’ils relèvent à la fois de l’ingénierie et du vivant, du domaine des cellules souches et d’une organisation qui les rapproche des organes humains et des animaux non humains. Conçues et développées en partie pour répondre aux contraintes réglementaires applicables aux cellules embryonnaires humaines et aux animaux de laboratoire, ces innovations biotechnologiques débordent les normes et catégories de pensée. Le cas des organoïdes cérébraux est particulièrement illustratif du trouble généré, leur capacité à mimer certaines fonctions du cerveau humain engendrant des questions sur leur statut éthique. Se pose donc la question de l’adaptation des normes en vigueur ou, au contraire, de l’élaboration de nouvelles normes pour les organoïdes. Quelles règles éthiques mettre en place pour la recherche ? Quelles règles suivre en termes de commercialisation et de brevetabilité ? Quels droits pour les patients dont les cellules ont été utilisées ? Faut-il accorder aux organoïdes un statut moral ou juridique à certains d’entre eux qui représentent in vitro le cerveau, les gonades ou l’embryon humain ? Alors que la réflexion sur les enjeux éthiques et légaux des organoïdes est jusqu’à présent restée très limitée et essentiellement le fait d’experts, les valeurs qu’ils portent, cruciales pour la compréhension de l’humain et des limites acceptables de l’utilisation du vivant, appellent un débat plus large et systématique. La question de la temporalité de la mobilisation et de l’intervention des dispositifs de sagesse collective peut également être posée à propos de ces biotechnologies encore balbutiantes. 

3. Les tests génétiques en libre accès : de l’usage individuel au débat public

Les tests génétiques en accès libre ou DTC (Direct-To-Consumer) constituent à la fois un produit d’accès facile, en passe de devenir ordinaire, et une biotechnologie complexe. Ils sont le fruit d’une association entre des investissements importants de la part d’entreprises de biotechnologies et de grandes entreprises numériques. La convergence structurelle entre technologies génétiques (en particulier le séquençage du génome humain) et numériques (notamment les big data) se révèle dans les pratiques liées à ces tests avec la production et la circulation de données personnelles en ligne. Bien que ces technologies soient présentées et commercialisées comme des services aux individus, les risques qui y sont liés demandent à être examinés collectivement. En effet, si les tests génétiques DTC semblent contribuer à la construction d’une base de données collective concernant le génome humain et ainsi à faire avancer la médecine personnalisée, ils sont susceptibles de multiples usages et interprétations. Or, la réflexion sur leurs usages à la fois individuels et collectifs, notamment quant à la circulation en ligne des informations génomiques ainsi produites, reste encore très lacunaire. La voix des usagers comme celles des instances démocratiques est largement exclue de la gouvernance des données produites. Ces tests engendrent-ils des risques de discrimination des individus ? Quel régime légal spécifique attribuer au traitement des données génétiques ? On s’arrêtera en particulier sur la situation paradoxale de la France à l’égard de cette forme de production de données génétiques : en effet, les tests génétiques DTC sont interdits par la loi ; pourtant, des Françaises et Français les achètent en ligne et font analyser leur ADN par des entreprises à l’étranger, leurs données faisant alors partie de bases de données privées. En raison de l’interdiction des tests, le débat public sur les résultats obtenus, leur utilité et interprétation reste insuffisant. Comment, dans le contexte français et en s’appuyant sur les expériences d’autres pays, encourager un débat sur ces questions et attirer l’attention de l’opinion publique sur les effets potentiels des informations issues de l’ADN ? Quelles sont les questions urgentes à affronter ? 

A l’issue de cette troisième et dernière séance se tiendra une table ronde sur toutes les biotechnologies discutées durant le cycle.  

Contact

Anne Le Goff : alegoff@ucla.edu

Serena Ciranna : serenaciranna@gmail.com

Sonia Desmoulin : sonia.desmoulin-canselier@univ-nantes.fr

Soraya de Chadarevian : chadarevian@history.ucla.edu

Intervention de Patricia Barbizet – La gouvernance optimale des entreprises privées françaises

Patricia Barbizet, présidente du Haut Comité pour le gouvernement d’entreprise (HCGE), future présidente de l’Association française des entreprises privées au 1er juillet prochain et ancienne directrice générale de la société Artémis, est intervenue en séance le lundi 17 avril.

Thème de la conférence : La gouvernance optimale des entreprises privées françaises

Synthèse de la séance

La réflexion sur les modes de gouvernance est ancienne et on la trouvait déjà dans La République de Platon. Toutefois le questionnement sur la bonne gouvernance des entreprises est relativement récent. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, les entreprises étaient majoritairement possédées et dirigées par leur fondateur ou ses descendants. Depuis, le capital des entreprises a été progressivement ouvert à des tiers, la production industrielle a changé d’échelle, les chaîne de valeur se sont mondialisées, les marchés financiers internationalisés et un mouvement de privatisation s’est développé à la fin du XXème siècle. Ces transformations ont amené à une réflexion sur les critères de bonne gouvernance.
Trois pouvoirs cohabitent dans les entreprises et sont concernés par ces bonnes pratiques : le pouvoir des actionnaires, le pouvoir exécutif qui assure la conduite quotidienne de l’entreprise et le pouvoir de supervision exercé par le conseil d’administration qui examine et valide les orientations stratégiques.
La quête de la bonne gouvernance est illusoire. Chaque modèle de gouvernance présente des particularités et doit donc être adapté à chaque entreprise. D’autre part, la gouvernance n’est pas un objet théorique mais une affaire de pratiques. Elle résulte d’un équilibre effectif de rapports de force.

La cristallisation des principes de bonne gouvernance d’entreprise date de 1978 et de la publication aux États-Unis par l’American bar association d’un guide du dirigeant de société côté. La France s’empare de la réflexion en 1995 avec le rapport Vienot, tandis que l’OCDE publie en 1999 un guide sur « les Principes de gouvernement d’entreprise ». Même si des traditions demeurent, comme le principe de Mitbestimmung en Allemagne, des principes communs de gouvernance sont aujourd’hui répandus dans le monde. Après les scandales Enron et Worldcome au début du XXIème siècle, le rapport Bouton en 2002 poursuit le travail d’amélioration du gouvernement d’entreprise selon le double prisme de la transparence et de l’efficacité. Aujourd’hui, le code Afep-Medef présente un ensemble de recommandations exigeant et précis et est adopté par la quasi-totalité des sociétés du SBF 120. Même si de mauvaises pratiques existent encore et que des écueils restent à éviter, tels que l’impréparation de la succession à la tête de l’entreprise, une priorisation excessive du court-terme, une répartition floue des responsabilités, ou encore le manque d’humilité et de mesure des dirigeants, la France est dans le peloton de tête de la bonne gouvernance des entreprises.

Institué en 2013, le Haut Comité de Gouvernement d’Entreprise suit et accompagne les entreprises dans l’application du code Afep-Medef. L’objectif du HCGE et l’application du droit souple qu’il promeut est d’inciter sans contraindre, selon le principe « appliquer ou expliquer » afin que les entreprises adoptent des pratiques vertueuses tout en tenant compte de leurs besoins et de leurs spécificités. Le HCGE est également très mobilisé par les règles de composition des conseils d’administration dont les visages ont beaucoup changé depuis les années 1990. Aujourd’hui la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises constitue un nouvel enjeu de gouvernance. Se posent la question du partage de la valeur au profit de l’ensemble des parties prenantes, au-delà des seuls actionnaires ; et celle de la prise en compte des enjeux climatiques. La dernière modification du code Afep-Medef en tient également compte. C’est un nouveau chapitre de la gouvernance des entreprises qui est en train de s’écrire, dans lequel le HCGE a un rôle à jouer et où la France se place dans le peloton de tête de ces transformations profondes.

À l’issue de sa communication, Patricia Barbizet a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées D. Kessler, P. Delvolvé, J. de Larosière, J.C. Casanova, H. Korsia, M. Pébereau.

Consultez le verbatim du conférencier

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Intervention d’Emmanuel Roman en séance le lundi 27 mars 2023

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