séance du lundi 13 décembre 2010
par M. Rémi Brague
Allocution de Jean Mesnard,
Président de l’Académie des sciences morales et politiques
Cher confrère, Cher ami,
Sur les trois présentations de nouveaux élus auxquelles j’ai été convié à me livrer par les fonctions de président de l’Académie des sciences morales et politiques, se sont rencontrés successivement d’abord un historien, puis un médecin, et maintenant un philosophe. J’ai éprouvé une grande satisfaction à constater cette pluridisciplinarité effective de notre compagnie et à essayer d’y participer. Il s’est trouvé aussi que chacun de ces élus était à l’avance bien connu de moi, si bien que je pouvais prendre un plaisir particulier à les accueillir, non seulement comme des auteurs ou des acteurs de la vie contemporaine, mais un peu comme des familiers. Il en va plus que jamais ainsi encore aujourd’hui.
Cher ami, je considère même comme une date importante pour moi celle où j’ai eu pour la première fois l’occasion de m’entretenir avec vous. C’était au début de l’automne 1975, il y a donc trente-cinq ans ; et c’était au téléphone. Nous étions à la veille du lancement de la revue Communio, grande aventure de l’esprit à la fin du XXe siècle, dont je ne savais encore rien. Vous m’appeliez de la part du groupe de jeunes gens, anciens Normaliens en début de carrière professorale, qui avait pris l’initiative de l’entreprise, avec l’appui des meilleurs esprits du catholicisme français. Vous vous étiez recommandé particulièrement du Père Bouyer, derrière lequel je devinais la caution des Pères Daniélou et de Lubac ; sous doute aussi celle du Père von Balthazar, qui traduisit quelques années plus tard un de mes articles en allemand. Voilà qui nous campe dans un milieu très clérical. S’il faut faire le point à ce sujet, je dirai que ces religieux étaient d’abord des princes de l’esprit, deux d’entre eux étant d’ailleurs entrés à l’Institut, l’un à l’Académie française, l’autre dans notre propre Académie.
Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais cessé de rester en rapport avec ce groupe de jeunes qui, par votre intermédiaire, m’avait envoyé un appel. En une période singulièrement troublée, je trouvais un immense espoir pour l’avenir dans des personnalités qui, à des dons intellectuels éblouissants, joignaient une grande solidité morale, des convictions lucides et assurées, et une joie de vivre contagieuse.
Le temps a passé. La revue Communio, sans rien renier de ses hautes exigences primitives, a gardé un large public. Prenant de l’âge, ses jeunes fondateurs en début de carrière, demeurés collaborateurs toujours assidus, se sont associé des amis plus jeunes, où ils retrouvaient l’esprit qui les animait. Parallèlement, ils sont devenus des autorités dans leurs disciplines ; ils ont occupé de brillantes chaires universitaires, en France et à l’étranger ; et, tout naturellement, l’heure est venue pour eux de manifester de légitimes ambitions académiques. Notre ami Jean-Luc Marion vient de franchir les portes de l’Académie française ; et vous voilà vous-même à celles de l’Académie des sciences morales et politiques, où vous siégez déjà depuis quelque temps et où j’ai la chance de devoir procéder à votre consécration officielle, en essayant de retracer, à ma façon, vos éminents mérites.
***
Je commencerai par vous prendre au mot – en généralisant même. Je suivrai ce que vous dites de vous-même dans la postface de votre livre peut-être le plus personnel, celui qui est intitulé Europe, La voie romaine. Vous y définissez ce que vous appelez votre “objet unique”, et vous écrivez : “Celui-ci n’est pas le contenu de la culture européenne, dont je ne traite que de façon oblique, mais uniquement la forme de celle-ci. Il s’agit pour moi, à propos de la transmission de ce contenu, de tirer au clair le dynamisme interne qui rend possible l’aventure culturelle de l’Europe”. Voilà une déclaration singulièrement audacieuse pour un philosophe, qui semble devoir s’intéresser presque exclusivement à la substance des idées, en laissant éventuellement de côté le “dynamisme” humain qui les porte. Mais notre culture nous a appris, et vous en avez retenu, que toute création est d’abord l’imposition d’une forme. Comme Buffon l’a si bien dit, c’est dans un certain style que se rencontre l’humanité. Eh bien, je vais vous traiter comme vous traitez vos auteurs, en essayant de vous caractériser vous-même par quelques aspects du style de votre œuvre.
Vous avez d’abord le style de la communication. L’important, lorsque vous écrivez, n’est pas d’abord la matière de ce que vous avez à dire, mais le lecteur – il vaudrait mieux dire l’interlocuteur – auquel vous ne cessez de vous adresser, en dépit de son absence. Vous vous dévoilez d’ailleurs vous-même à cet égard par l’étonnant Entretien sur lequel s’ouvre votre livre Au moyen du Moyen Âge, comme si le discours-monologue ne prenait tout son sens qu’autorisé par le dialogue. Pour aller directement à l’effet le plus trivial de cette constatation, vous êtes un auteur de rêve pour Collections de poche, lesquelles ont accueilli presque tous vos ouvrages, soit dès leur lancement, soit au fort de leur succès, obtenant aussi de nombreuses rééditions. Vous vous êtes même offert le luxe de publier sous cette forme des recueils de vos articles, type d’ouvrage qui passe pour invendable. Pourtant vous ne vous recommandez ni comme un favori des media, ni comme un idéologue dans le vent. L’attention privilégiée que vous portez à des époques anciennes n’était pas faite pour plaire à nos générations contemporaines avides d’actualité. Mais vous vous êtes fait une règle de toujours saisir le passé en relation avec le présent, ce qui offre le double avantage de faire mieux comprendre le passé en y découvrant des permanences ou des ruptures, et d’améliorer la perception du présent par le jeu de comparaisons qui, en cette matière, fournissent un incomparable moyen de connaissance. Démarches qui, pour être efficaces, exigent une méfiance constante à l’endroit de l’anachronisme, source d’innombrables méprises dont se nourrissent les idéologies. Mais toutes ces finesses de la recherche vous sont très familières, et la façon dont vous parvenez à vous en jouer, en accompagnant toujours votre pensée de la réflexion qui l’éclaire, contribue à instaurer cette sorte de complicité entre auteur et lecteur qui constitue à la fois le charme et le fruit de la communication. Une pensée aussi naturellement vivante ne peut, en même temps, qu’aspirer à la forme la plus claire. Encore une barrière ôtée sur le chemin qui s’ouvre vers un dialogue possible.
Je reconnaîtrai aussi en vous un style d’autorité. Ce que vous communiquez n’est pas un simple avis personnel, ou, lorsque c’est le cas, vous le déclarez expressément ; votre projet, c’est de mener à bien une quête de vérité. Exigence capitale dans toute œuvre de recherche. Mais ce qui vous distingue, c’est la domination qui s’affirme en vous sur votre savoir.
Elle éclate d’abord par l’extension considérable du domaine que vous entendez couvrir. Certes, vous êtes d’abord philosophe, et c’est sur ce terrain que vous avez la formation la plus complète. Mais, comme j’y ai déjà insisté, les idées ne vous intéressent jamais seules ; vous y ajoutez leur accompagnement humain ; vous les insérez dans la culture qui les porte. Vous devez donc aussi recourir à l’histoire, et vous ne cessez de le faire. Bien entendu, vous vous imposez des limites, et vous avez une spécialisation très marquée. D’abord dans les matières, mais elles ont elles-mêmes une énorme extension, puisqu’elles concernent à la fois le judaïsme, le christianisme et l’islam, c’est-à-dire qu’elles incluent le domaine religieux. Ajoutons-y encore tout le savoir linguistique qui en commande l’accès et que vous possédez fort bien pour la théorie et pour la pratique, sans oublier toutes les techniques d’interprétation des textes. On aboutira aux mêmes constatations si l’on s’interroge sur la manière dont vos recherches se localisent dans l’espace et dans le temps. Vous êtes surtout helléniste et médiéviste, et cantonné principalement dans l’univers méditerranéen et européen. C’est là s’imposer de bien larges limites, d’autant que celles-ci sont largement problématiques, et que, pour les situer exactement, il faut savoir les reculer, au moins à titre d’hypothèse, et les changer selon les époques. Enfin le reste du monde, historique et géographique, ne cesse jamais d’avoir à jouer son rôle. Vous n’ignorez rien de tout cela, et vous vous piquez d’en tenir compte.
Votre domination sur votre savoir ne s’affirme pas seulement par les étendues considérées, mais par la profondeur du regard que vous leur appliquez. Les multiples analyses de détail que vous proposez se prolongent en vastes synthèses. L’un des fils conducteurs de votre œuvre est, me semble-t-il, constitué par le rapport étroit que vous établissez entre cosmologie et anthropologie. Il apparaît dans votre grande thèse, Aristote et la question du monde, publiée en 1988, et se retrouve amplement dans votre livre La Sagesse du monde (1999), où l’histoire de ce rapport est présentée comme dominant toute l’histoire intellectuelle, morale et spirituelle de l’Occident. Vous avez eu, certes, des inspirateurs, mais, au fil des pages, votre thème prend toutes sortes de figures neuves et imprévues.
Puisque j’ai voulu vous reconnaître un style d’autorité, je me dois de préciser encore un peu ce que j’entends par là. Si cette distinction peut avoir un sens, ce n’est pas l’autorité d’un chef, mais celle d’un maître. L’autorité de ce dernier n’est pas seulement personnelle, elle est surtout reçue, reçue d’autres autorités qui sont sa caution et dont il est le témoin. Ainsi, l’autorité de textes et de documents auxquels il se doit de faire référence, non sans apprécier leur valeur. Éventuellement aussi, dans le cas des religions, des autorités sacrées qui peuvent s’insérer, selon des modalités diverses, dans des discours humains. Le texte de vos œuvres abonde en manifestations d’un souci scrupuleux de manifester votre dette et votre dépendance à l’égard de ces autorités garantes de la vôtre. Vous avez même la coquetterie de signaler telle perte possible d’autorité que peut entraîner de votre part une information reçue de seconde main. On souhaite que ce qui peut sembler excessif pour vous devienne la règle pour d’autres.
Après ce que je viens de dire, on sera peut-être surpris que je garde en réserve, comme un autre trait de votre style, sur lequel je terminerai mon propos, ce que j’appellerai le style de l’essai. Avec le genre de l’essai, nous restons certes dans le domaine des idées, mais elles s’expriment avec une liberté toute nouvelle ; elles restent beaucoup plus étroitement liées à leur inventeur ; elles se présentent comme des suggestions plus que comme des démonstrations ; elles peuvent se prêter à la fantaisie. Comment concilier les contrariétés qui se rencontrent ainsi ?
Que le problème se pose vraiment, vous nous en donnez vous-même la preuve. Vous témoignez fréquemment d’exigences qui sont celles de l’érudition la plus rigoureuse. Mais vous employez à peine moins fréquemment le mot “essai” pour désigner vos ouvrages. Ainsi dans le sous-titre de votre savante et très universitaire thèse de doctorat. Ainsi dans la postface d’Europe. La Voie romaine. On pourrait penser que le mot serait employé là dans un sens un peu vague, et fort éloigné de son usage premier et de celui qu’il reçoit chez Montaigne. Mais ce serait mal reconnaître l’exactitude impeccable de votre langue française. Ce serait surtout oublier à quel point le mot correspond bien à l’un des aspects de votre style.
Dans cette perspective, il serait possible d’éclairer d’une lumière nouvelle certaines observations déjà faites. Celles en particulier qui font ressortir une présence constante de votre moi tout au long de votre discours. J’ai noté un exemple d’introduction dialoguée à l’entrée d’Au moyen du Moyen Âge : nous étions là en présence d’un style de communication. Mais vous vous livrez aussi, quelques pages plus loin, à l’intérieur de l’ouvrage lui-même, à une présentation en forme qui ressortit davantage au genre de l’essai. Vous l’intitulez Autoportrait d’un transfuge – ce dernier mot appelant une explication qui permet d’introduire un nouveau procédé caractéristique de l’essai.
Si vous vous donnez la qualité de transfuge, c’est parce que, ayant éprouvé d’abord une vocation pour l’étude de la philosophie grecque, vous vous êtes trouvé, par le hasard de votre carrière, conduit à celle du Moyen Âge, et que vous vous y êtes complu, découvrant, chemin faisant, celle des Arabes et celle des Juifs. De cet itinéraire tourmenté vous est finalement resté une passion pour le Moyen Âge que vous estimez urgent de faire partager, et qui vous conduit, pour ce faire, à avancer des raisons devenues peu à peu impersonnelles et universelles. Inutile de dire que le récit de cet itinéraire, si sérieux qu’en soit l’objet, se déroule sur un ton plein d’humour, fort éloigné de celui qu’exige l’exposé classique de la philosophie, mais qui n’apparaîtra pas out à fait étranger à la philosophie si l’on songe aux Dialogues de Platon et aux Essais de Montaigne.
De cet humour, dont la présence est à peu près constante tout au long de vos œuvres, comme, d’ailleurs, dans votre conversation, il me semble qu’il faut, comme le mot “essai”, l’entendre dans son sens le plus obvie. Il comporte dérision de soi-même, affectation de modestie, visant à atténuer, sans la dissimuler, la gravité des sujets abordés et à préserver le rapport humain dans l’échange des idées. Il a aussi pour effet d’adoucir les arêtes du langage et d’étoffer le sens des mots de manière à en accroître la force suggestive, en allant parfois jusqu’au jeu de mots et à la superposition féconde des sens. On peut en relever de nombreux exemples significatifs dans vos titres, ceux des ouvrages eux-mêmes et ceux des sous-titres intérieurs qui confèrent une clarté supplémentaire à votre texte.
Comme exemples, retenons d’abord la formule titre qui annonce votre ouvrage le plus connu, “Europe. La Voie romaine”. Quelle superposition de sens propres et de sens figurés ! Mais ces doubles sens ne sont pas des non-sens. Au contraire, ils multiplient le sens : car chaque lecture en a un. Vous dites dans votre postface, en vous déclarant “penaud” de l’avouer, que ce beau titre vous a été suggéré par Jean-Luc Marion. Permettez-moi de croire que c’est Jean-Luc Marion contaminé par Rémi Brague, car les titres de notre ami, lorsque des jeux semblables s’y trouvent, sont à la fois plus abstraits et plus énigmatiques, à l’exemple d’un certain Étant donné… ouvrant un livre de phénoménologie. Reconnaissons que vous savez vous aussi cultiver l’énigme, comme pour le titre de La Sagesse du monde, expression dont le sens n’est pas celui qui est habituellement reçu, et, mieux encore, dans cet ouvrage, la longue analyse de ce que vous appelez L’excès abrahamique.
Mais ces dernières remarques et ces derniers exemples, dont je laisse chacun chercher l’explication dans le livre, fournissent le moyen de résoudre une difficulté que je relevais dans la présentation de mon propos. Comment la fantaisie de l’essai, surtout portée à son comble comme c’est le cas avec vous, peut-elle se concilier avec la rigueur technique de l’exposé conceptuel ? C’est qu’une même pensée est présente de part et d’autre ; qu’elle vise toujours à déboucher sur une réalité ; et que la diversité des moyens d’expression ne fait que répondre, d’une manière sans doute particulièrement adéquate, à la complexité d’une recherche où le rapport avec le monde doit se transcrire dans le rapport avec les hommes.
J’ai beaucoup parlé de vous, comme il m’appartenait de le faire pour cette présentation officielle. Vous allez parler vous-même de notre regretté confrère Jean-Marie Zemb. Pour en dire moi-même quelques mots, je relèverai seulement quelques traits par lesquels vous vous ressembliez, produisant ainsi dans notre compagnie le sentiment que sa succession a été dignement assurée. En tous les deux, d’abord, se réalise une association étroite de la philosophie et de la linguistique, complétée par un grand amour des langues. Puis une connaissance approfondie de la langue et de la culture allemandes, qui se complète, chez vous, par celle que possède aussi votre épouse. Enfin, un attachement philosophique profond à l’œuvre d’Aristote, auquel vous tenez toutefois vous-même à associer Platon. Mais vous en parlerez mieux que moi. Vous avez la parole.
La vie et les travaux de Jean-Marie Zemb par Rémi Brague,
Membre de l’Académie des sciences morales et politiques
Monsieur le Président,
Chers Confrères,
Chers Amis,
Chers Membres de la famille de Jean-Marie Zemb,
Qu’on me permette de commencer par une remarque personnelle.
Comme il arrive parfois dans la rédaction d’une notice sur un prédécesseur, l’étude de la vie et de l’œuvre de Jean-Marie Zemb m’a permis, non seulement de mieux connaître sa personnalité et ses réalisations scientifiques, mais, si je puis dire, de m’éprendre de cet homme et d’entrer en sympathie avec lui.
À ce point que l’expression un peu figée « le regretté Jean-Marie Zemb » a pris pour moi un sens autrement profond. Je regrette effectivement de n’avoir pu lui parler que deux fois, à l’occasion de mes deux précédentes candidatures. Certes, le courant passa tout de suite entre nous. Mais la crainte de donner l’impression que ma sympathie pourrait être intéressée, qu’on pourrait l’interpréter comme une façon de pousser un pion sur l’échiquier d’une prochaine élection, seule cette crainte m’a empêché de la cultiver plus avant. Ce que, rétrospectivement, je regrette aujourd’hui amèrement.
Certes, nous avions d’emblée des affinités électives très manifestes, entre autres l’amour de la philosophie grecque et celui de la langue allemande. Mais il me semble que ces affinités sont appelées en moi à s’approfondir et se multiplier encore au contact de son œuvre. Le mort saisit le vif. De la figure imposée, voire du pensum de bizuthage académique, est sortie la prise de conscience d’une parenté qui n’était alors que simplement soupçonnée. La présente notice est donc à comprendre comme constituant pour moi le programme d’une tâche de familiarisation accrue avec cet homme-source.
Je suivrai un plan des plus classiques. Je commencerai par parcourir les principales étapes de sa vie, non sans souligner de temps à autre ce qui en fait la cohérence profonde. Puis je tenterai de ressaisir les lignes de faîte de son œuvre. Enfin, je me risquerai à une esquisse de sa pensée grammaticale.
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Jean-Marie Zemb était né le 14 juillet 1928 à Erstein, ville située à quelques vingt kilomètres au Sud de Strasbourg et qui comptait alors un peu plus de cinq mille habitants. On y parle un dialecte alsacien de la famille alémanique. Comme son pays d’origine, pris entre deux États et deux cultures, Jean-Marie Zemb sut faire de ce qui aurait pu être un handicap, et qui le fut à maints égards, un avantage.
Le mot « zemb » désignerait, dans le dialecte alémanique de la région de Entlebuch, en Suisse, dans le canton de Lucerne, non loin d’Emmenthal, un arbre, l’épicéa ou le mélèze. Les ancêtres de Jean-Marie Zemb étaient pêcheurs, menuisiers, paysans.
Jean-Marie Zemb se décrivait lui-même comme un Alsacien de langue maternelle française. Il parlait le français avec l’accent prononcé de sa région, et l’allemand officiel (haut-allemand) avec un accent alémanique. Il parlait en outre le dialecte local, et il faut donc parler dans son cas moins de bilinguisme que de trilinguisme.
Il fit ses études secondaires à Strasbourg, sous le régime français d’abord, puis allemand à partir de 1940. À la fin de la guerre, l’adolescent fut enrôlé, bien entendu sans qu’on lui ait demandé son avis, dans la DCA (Flak) de la Wehrmacht, à Kehl. Un autre gamin, âgé d’un an de plus, le petit Sepp Ratzinger, devenu depuis, entre autres, membre associé étranger de notre Académie, dut lui aussi servir dans la DCA, et déserta à peu près au même moment. En novembre 1944, Jean-Marie Zemb dut sa vie à un sergent d’un certain âge qui dit aux enfants dont il avait à s’occuper : « Demain, vous partez pour le front de l’Est ; ce soir, je ne ferai pas l’appel ». Jean-Marie Zemb s’échappa donc. Grâce à son ami Pierre Zinck, il put se cacher dans le clocher d’une église voisine. Il ne dut pas attendre longtemps, car l’armée Leclerc, à la surprise générale, libéra la région peu après. Cette évasion lui rapporta la distinction dont il était le plus fier, la Médaille des Réfractaires.
De 1946 à 1953, Jean-Marie Zemb poursuivit des études supérieures de philosophie en France, puis en Allemagne. Entré chez les Dominicains du Saulchoir, qui était revenus alors en France à Étiolles, il y obtint en 1950 une licence de philosophie scolastique. La personnalité qui le marqua le plus fut alors Yves Congar, théologien spécialiste d’ecclésiologie, qui sera plus tard fait cardinal, et dont Jean-Marie Zemb resta très proche. La formation scolastique permit à Jean-Marie Zemb d’acquérir une grande familiarité avec la pensée de saint Thomas d’Aquin et celle d’Aristote, qui était la référence philosophique principale de Thomas et qui restera la sienne propre.
En juillet 1951, il épousa Gertrude (Traute) Wolsegger, une jeune autrichienne, artiste-peintre, à qui une bourse de l’Académie des Beaux-arts de Vienne avait permis de gagner Paris pour y étudier à l’atelier de Fernand Léger ; en 1953, naît leur premier fils Thomas, chimiste ; et en 1957, leur second, Patrick, médecin gynécologue et obstétricien.
Jean-Marie Zemb obtint ensuite une licence et un D.E.S. de philosophie à la Sorbonne (1952-1955), où il fut marqué par l’enseignement de René Poirier. La licence consistait encore en quatre certificats. Un personnage de son dialogue à trois, qui lui ressemble d’ailleurs étrangement, se souvient de l’oral du certificat de logique et philosophie générale, où il avait déjà montré quelque réticence à l’égard de la façon traditionnelle d’enseigner la syllogistique.
En Allemagne, Jean-Marie Zemb étudie à l’université de Fribourg- en-Brisgau. Dans l’immédiat après-guerre, la ville et l’université étaient marquées par la figure de Martin Heidegger. Celui-ci n’enseignait plus depuis la fin de la Guerre, mais restait dominant. Zemb ne semble pas avoir été marqué par l’enseignement du penseur de Messkirch.
Jean-Marie Zemb termina ses études de philosophie par un doctorat. Il se choisit comme directeur Max Müller, qui enseignait à Fribourg depuis 1946. J’ai pu examiner rapidement la dissertation sur un exemplaire que j’ai fait venir de Fribourg à Munich. Cet ouvrage dactylographié de 89 pages s’intitule: Éthique de l’essence et éthique de la situation à la lumière d’une métaphysique de la liberté humaine. Les références sont des plus classiques : Aristote, Thomas d’Aquin, Spinoza. Jean-Marie Zemb devait revenir aux préoccupations éthiques, près d’un demi-siècle plus tard, dans une communication faite devant cette Académie à la fin 2002, « La morale est-elle durable ? »
Les années d’apprentissage philosophiques de Zemb et son enseignement en Allemagne ont produit un petit ouvrage sur Aristote, qu’il rédigea en allemand. Il en était resté très fier et le considérait comme son chef d’œuvre. Publié pour la première fois en 1961, ce petit livre fut seize fois réédité et traduit en japonais, en grec, en coréen, et enfin en français.
Jean-Marie Zemb n’abandonna jamais son intérêt initial pour la philosophie. S’il ne produisit pas lui-même de travaux personnels dans cette discipline, il traduisit plusieurs ouvrages de l’allemand au français. Sa thèse complémentaire était une traduction, précédée d’une introduction, de la Métaphysique générale de Gottfried Martin. Ce travail resta inédit, mais Jean-Marie Zemb présenta l’ouvrage de Martin dans un article de la Revue de Métaphysique et de Morale paru en 1969.
Il arrive à Jean-Marie Zemb de faire allusion à quelque chose comme une position philosophique personnelle, lorsqu’il parle d’un « réalisme critique » et de « son attachement constamment renouvelé et approfondi à la cohérence ultime et à l’intelligibilité de l’Être ».
Entre 1952 et 1961, Jean-Marie Zemb enseigne à l’Institut Français de Hambourg, et donne également quelques heures comme lecteur à l’Université locale. Trois autres personnalités sont en même temps que lui présentes à l’Institut, qui feront parler d’elles : Michel Foucault, qui en devint le directeur en 1958, Jean-Louis Gardies, philosophe des mathématiques, qui fut professeur à l’Université de Nantes, et Gilbert Kahn, ami de Simone Weil et traducteur de la fort ardue Introduction à la métaphysique de Heidegger. C’est également à Hambourg que Jean-Marie Zemb fit la connaissance du physicien Carl-Friedrich von Weizsäcker dont il suivit le séminaire pendant le semestre d’hiver 1959-1960. En outre, assisté du compositeur Claude Ballif, il occupa une partie de son temps à monter une troupe de théâtre qui, faute de moyens pour payer des costumes, ne jouait qu’en ombres chinoises.
Jean-Marie Zemb entreprend en même temps des études de germanistique et de grammaire comparée sous la direction de Jean Fourquet. Il achève cette reconversion et opte définitivement pour une carrière en France en passant l’agrégation d’allemand en 1960. Après l’année de stage, il enseigne quelques années dans des lycées parisiens : Carnot (1961-1962), puis Paul Valéry (1962-1966).
Grâce au professeur François Lhermitte, qui fut de nos confrères, Jean-Marie Zemb occupa également, de 1964 à 1966, un poste de vacataire à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière dans le service de diagnostic et de traitement des aphasies. Il y observa les éléments du langage que les malades perdent ou conservent, selon leur type de troubles. C’est sur cette base expérimentale qu’il échafauda sa théorie des trois parties constituantes de toute langue.
Ces années 50 et 60 sont marquées par une activité intense dans le domaine de l’édition. Il le dut en partie à son amitié pour Rainer Biemel, un saxon de Roumanie. Celui-ci avait publié sous le pseudonyme de Jean Rounault un roman où il décrivait le camp soviétique où il avait été captif. Le livre fut l’objet d’un procès analogue au procès Kravchenko. Biemel avait un rôle important aux éditions Desclée de Brouwer et avait lui-même fondé la maison d’éditions Office Central De Librairie (O.C.D.L.), qui s’occupait essentiellement de manuels scolaires et universitaires. C’est dans ce cadre que Jean-Marie Zemb refit le célèbre Bescherelle. La seconde édition du volume L’Orthographe pour tous est de lui. De même, il publia en 1970 un volume d’exercices de grammaire où il tente de mettre à la portée des instituteurs et de leurs élèves les méthodes de découpage des énoncés qui étaient les siennes.
Pour Desclée de Brouwer, il effectua près d’une dizaine de traductions. Elles sont signées Marc Zemb, son prénom dans l’ordre dominicain, et les catalogues des bibliothèques les répertorient sous ce nom. On peut les diviser en deux groupes : Il y a, d’une part, des ouvrages philosophiques de Max Müller, Bernard Welte et Gustav Siewerth. Il y a d’autre part des travaux d’histoire de la liturgie catholique dus à Joseph Andreas Jungmann, Pius Parsch, Theodor Klauser, Franz Dölger. Cette activité intense — pas moins de dix livres entre 1953 et 1962 — a pu avoir des raisons alimentaires.
Reste que le choix des auteurs et des thèmes est particulièrement intéressant et révélateur. D’une part, il ne s’agit que de personnalités scientifiques de tout premier plan, qui furent des célébrités outre-Rhin. D’autre part, la liturgie chrétienne, dans sa version catholique, doit intéresser quiconque s’occupe de sémantique. Le sacrement, qui, selon la formule consacrée, « réalise ce qu’il signifie » (efficit quod significat), présente un problème de philosophie du langage particulièrement passionnant.
Jean-Marie Zemb n’a pas seulement traduit de l’allemand vers le français. Il traduisit également du français à l’allemand, pour la collection de monographies de l’éditeur Rowohlt, deux volumes des collections parallèles Maîtres Spirituels et Écrivains de toujours que publiaient alors les Éditions du Seuil. Ce fut le cas du livre d’Émile Dermenghem sur Mahomet, ou de celui d’Yves Bonnefoy sur Rimbaud.
L’activité de traducteur n’est pas quelque chose d’extérieur par rapport aux préoccupations du linguiste. En effet, elle n’oblige pas seulement, ce qui est très évident, à acquérir une connaissance approfondie de la langue de départ et de la dextérité dans le maniement de la langue d’arrivée. La pratique de la traduction implique aussi de se poser la question du rapport entre langue et pensée. La tendance aujourd’hui dominante — en attendant, probablement, un prochain coup de balancier — est à prétendre tout uniment que la pensée n’est rien d’autre que le langage. Cependant, si les deux ne sont que l’avers et le revers d’une même pièce de monnaie, comment peut-on traduire ? Que traduit-on, au juste, sinon quelque chose comme une pensée qui reste, dans l’idéal d’une traduction sans traîtrise, la même au-delà des différences entre langues ? Là aussi, il faut se garder d’hypostasier « le langage » qui planerait au-dessus des différentes langues concrètes. On peut céder à la tentation de réduire la pensée à ce « langage » fantomatique. Mais personne n’oserait dire que la pensée se réduit à une langue concrète sans que quiconque a fait l’expérience de la traduction ne s’esclaffe. C’est sur le fond de sa pratique de la traduction que Jean-Marie Zemb se mit à chercher l’universel qui s’incarne dans chaque langue.
Le 18 Juin 1968 Jean-Marie Zemb soutient sa grande thèse intitulée Les Structures logiques de la proposition allemande : Contribution à l’étude des rapports entre la langue et la pensée. Elle avait été préparée sous la direction de Jean Fourquet, spécialiste de grammaire allemande et de littérature allemande du Moyen-Âge, mort centenaire en 2001 après avoir formé des générations de germanistes français. L’ouvrage fut publié la même année. Le titre préfigure le futur intitulé de sa chaire au Collège de France. Le contenu porte essentiellement sur le « lien » entre le thème et le rhème, qu’il devait plus tard appeler le « phème ».
Cette thèse permet à Jean-Marie Zemb de commencer une carrière dans l’enseignement supérieur. Il enseigne la linguistique allemande, d’abord comme maître de conférences à Besançon (1966-1968). Il est ensuite élu professeur à Paris VIII, alors à Vincennes (1968-1969). « Par erreur », expliquait-il : sa barbe et ses remarques non-conformistes l’avaient fait prendre par les gauchistes qu’on avait parqués en ce lieu pour un des leurs. L’erreur rectifiée, il trouva refuge à Paris III-Censier (1969-1976), et enfin à Paris X-Nanterre (1976-1985).
Parallèlement à son activité à Besançon, Jean-Marie Zemb donnait des cours au département d’allemand de la Sorbonne encore indivise, au Grand Palais. Je dispose sur cet enseignement d’un témoignage de première main, celui de mon épouse. Elle a le souvenir d’un cours de grammaire où ce professeur inhabituel avait commencé par parler d’Aristote, à la grande surprise des étudiants dont la plupart ne connaissaient du philosophe grec guère plus que le nom. Le cours était à la fois très ardu et parfaitement passionnant. Les étudiants savent très bien si un professeur se donne du mal pour eux. C’était le cas de Jean-Marie Zemb, qui était donc respecté et aimé. Il arrivait souvent en cours avec une feuille polycopiée sur laquelle figuraient des dizaines de phrases, les unes en allemand, les autres en une apparence d’allemand. Tous les mots étaient authentiques, mais la syntaxe ou le simple ordre des parties du discours y étaient impossibles. Le jeu cruel consistait à démasquer les phrases qui faisaient seulement mine d’être de l’allemand, mais ne pouvaient pas en être ; et surtout, il fallait dire pourquoi…
En 1985, Jean-Marie Zemb fut élu au Collège de France où il enseigna treize ans, de 1986 à 1998. L’intitulé qu’il avait choisi pour sa chaire : Grammaire et pensée allemandes, dit bien les deux aspects qu’il ne voulait à aucun prix séparer. Il prononça sa leçon inaugurale le 25 avril 1986. Sa leçon terminale fut multiple, puisqu’il parla, en français, au Collège le 16 décembre 1997, à Strasbourg le 24 mars 1998 et, en allemand, à Hambourg le 10 juin de la même année.
La carrière de Jean-Marie Zemb est jalonnée de plusieurs distinctions françaises, allemandes et autrichiennes. En 1980, il reçut la croix du mérite de la République Fédérale Allemande (Bundesverdienstkreuz) et, vingt ans plus tard, en 2001, la Légion d’Honneur.
En 1989, ses élèves et amis lui offrent un recueil de mélanges.
Depuis 1996, il était membre correspondant à titre étranger de l’Académie des Sciences d’Autriche, et depuis 1999 également membre correspondant à titre étranger de la Joachim-Jungius-Gesellschaft der Wissenschaften, de Hambourg.
Enfin, le 11 janvier 1999, Jean-Marie Zemb fut élu à l’Académie des Sciences morales et politiques, en section de philosophie, au fauteuil où s’était porté candidat Emmanuel Lévinas, auquel on avait alors préféré le R. P. Raymond Bruckberger, o.p.
Jean-Marie Zemb mourut le 15 février 2007 à Lorient, où il était allé avec sa femme rejoindre son fils médecin. L’avant-veille, il avait achevé son dernier ouvrage, un dialogue à trois entre un philosophe, un grammairien et un logicien. Parmi ses dernières paroles, une en allemand : « Alles ist fraglich ; Gott ist evident » et une en français : « Je quitte l’ombre pour la lumière ».
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Ce qui frappe, dans les œuvres de Jean-Marie Zemb, c’est d’abord l’extrême virtuosité dans le maniement de la langue, à l’oral comme à l’écrit. En français comme en allemand, il jongle avec les vocabulaires techniques de différentes disciplines, avec les niveaux de langue et, surtout pour l’allemand, avec les variétés dialectales. Son style est rempli d’images, d’allusions ou de réminiscences littéraires. Il appréciait tout particulièrement ces expressions juteuses qui font le sel d’une langue.
Jean-Marie Zemb a passé sa vie entre l’allemand et le français, appliquant sa réflexion à la confrontation des deux langues. Son chef d’œuvre est de toute évidence sa monumentale Grammaire comparée du français et de l’allemand. Elle comporte deux volumes : Comparaison des deux systèmes, paru en 1978, et L’économie de la langue et le jeu de la parole, publié en 1984. Il s’agit d’un véritable océan, dans lequel certaines courtes parties sont dues à des élèves. Cette œuvre apparemment sans rivage était pourtant inachevée. Un troisième volume était prévu, qui devait s’appeler L’art et la nature.
Jean-Marie Zemb publia d’autres travaux sur l’allemand, cette fois en langue allemande. Ce furent, en 1972 Phrase, Mot, Discours. Structures sémantiques de la phrase allemande, puis en 1994 Clarifications cognitives. Dialogues sur la phrase allemande.
La somme grammaticale de Jean-Marie Zemb est un ouvrage bilingue, mais dont les deux textes sont différents : la page impaire en français n’est en rien la traduction de la page paire en allemand. Il est tout entier pensé dans les deux langues, qu’il confronte constamment (c’est son objet même), mais il est rédigé différemment dans chacune.
Il en est de même de ses émissions vidéos Thème – phème – rhème (Nancy, 1994) et Le billard de l’attribut (Collège de France, 1998), qui éclairent très utilement sa pensée souvent difficile. Elles aussi existent dans une version allemande qui n’est pas la traduction de la version française. D’où un effet étrange : Jean-Marie Zemb s’est fait filmer au moment où il prononçait le texte français ; dans la version allemande, c’est bien sa voix, mais elle dit parfois tout autre chose, sans bien sûr que les sons émis et perçus correspondent aux mouvements des lèvres.
Une production à laquelle il contribua gagna un large public dans les pays de langue allemande. Il s’agit d’une série télévisée destinée à l’apprentissage de la langue française, et réalisée entre 1974 et 1976. L’entreprise se replaçait dans le cadre d’un effort des deux pays voisins pour développer l’étude de la langue du partenaire, effort des plus louables, et enthousiasme dont on peut regretter qu’il se soit refroidi depuis. La série s’intitulait « Les Gammas ! Les Gammas ! » L’intrigue est très simple : les héros sont trois extra-terrestres, à l’allure tout à fait humanoïde, venus de la planète Gamma, à la grande surprise des terriens — d’où l’exclamation apeurée qui sert de titre à l’émission. Les héros sont contraints, à la suite d’une avarie de leur vaisseau spatial, d’atterrir dans un pays qui se trouve, comme par hasard, être la France. Forcés d’entrer en contact avec la population locale, il leur faut communiquer en une langue qu’ils doivent apprendre à partir de rien. Le téléspectateur partage donc les émois et les surprises de nos extra-terrestres et, en trente-neuf leçons, reconstruit le français à partir de ses éléments les plus simples. Jean-Marie Zemb prit la responsabilité didactique de cette série, qui a eu un grand succès. Je me souviens d’en avoir regardé un épisode en Autriche, dans la famille d’une jeune fille au pair que nous avions employée, et qui nous disait le plus grand bien de l’efficacité pédagogique de l’émission.
Mais l’entrée la plus spectaculaire de Jean-Marie Zemb sur la scène publique des pays germaniques s’opéra au moment de la réforme orthographique. Cette réforme était déjà étrange. L’orthographe de l’allemand ne cause guère de difficultés, en tout cas, beaucoup moins que ce n’est le cas pour notre chère langue maternelle, et ne parlons pas de l’anglais. L’orthographe allemande semblait donc ne guère avoir besoin d’une réforme, pas plus, par exemple, que celle de l’espagnol. Et pourtant, une telle réforme fut proposée en 1996. Elle ne concernait que quelques points comme la question de savoir quels mots on considère comme des substantifs qui prennent la majuscule, comment germaniser les mots d’origine étrangère, comment écrire — d’un seul tenant ou en deux morceaux — les verbes « composés », où mettre la virgule, etc. Les modifications proposées ont presque entraîné une guerre civile. Jean-Marie Zemb a combattu certaines bizarreries de la réforme, d’abord par des articles dans la presse, puis, en 1997, par un petit livre qui a connu n grand retentissement : Pour une orthographe sensée. Invitation à réfléchir sans perdre la face.
Outre son activité d’érudit et de professeur, Jean-Marie Zemb avait une haute conscience de ses devoirs de citoyen. Il avait été très vivement intéressé par son année passée comme auditeur de l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale en 1970. Depuis son lancement en 1996, il participait aux travaux de la Commission générale de terminologie et de néologie, à laquelle présidait alors notre confrère M. Gabriel de Broglie.
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La pensée de Jean-Marie Zemb est loin d’être facile à comprendre. Même ses collaborateurs les plus proches m’ont avoué avoir mis des années à en saisir les subtilités. Je ne saurais prétendre faire mieux en quelques mois d’étude. Tout au plus pourrai-je donner quelques indications.
Et tout d’abord, il me semble que, pour avoir quelque chance de pénétrer cette pensée, il faut comprendre à quelle discipline Jean-Marie Zemb entendait se rattacher.
Il ne se nommait pas lui-même linguiste. Je ne me souviens d’ailleurs pas d’avoir très souvent rencontré sous sa plume le mot « linguistique ». Il préférait se désigner comme « grammairien ». L’objet propre de la linguistique est en effet, comme son nom l’indique, le langage. Or, selon Jean-Marie Zemb, le langage n’existe pas, il n’y a que des langues. Le terme de « grammaire » est alors des plus adéquats, puisqu’on ne parle pas de « la grammaire » en général, mais seulement de la grammaire d’une langue déterminée, parlée dans une aire géographique dont on peut tracer les frontières, qui évolue avec le temps, par exemple celle du français et de l’allemand.
Jean-Marie Zemb parlait également de « grammaire philosophique ». Il se replaçait ainsi dans la tradition médiévale de la grammaire spéculative (grammatica speculativa). Cette expression de grammaire philosophique est d’ailleurs quelque chose comme un pléonasme, puisque, dès l’origine, ce sont des philosophes qui ont forgé les catégories grammaticales. C’est le cas de Platon dans le Cratyle et le Sophiste, que Jean-Marie Zemb aimait citer. C’est aussi celui d’Aristote, en particulier dans le traité De l’interprétation. C’est enfin celui des Stoïciens. Il n’y a peut-être jamais eu de grammaire qui n’ait été philosophique.
Et c’est aux philosophes grecs, qu’il connaissait fort bien, que Jean-Marie Zemb ne cessait de renvoyer, même là où il rendait compte de subtilités grammaticales de langues modernes. Ainsi, jusque dans un manuel à l’intention des étudiants, il a recours à la distinction entre les catégories aristotéliciennes de lieu (pou) et de position (thesis) pour expliquer l’emploi de l’accusatif et du datif selon qu’il y a ou non ce que les manuels traditionnels appellent « mouvement ». Il montre de la sorte la fécondité de la réflexion des penseurs de l’Antiquité. Une chercheuse allemande qui a consacré un article à ce nouveau départ n’hésite d’ailleurs pas à l’intituler : « Une linguistique aristotélicienne. Le nouveau commencement de la grammaire philosophique par Jean-Marie Zemb ».
L’énoncé de la chaire que Jean-Marie Zemb occupa au Collège de France, « grammaire et pensée allemandes », est mis par lui-même en parallèle avec la distinction, devenue classique depuis Ferdinand de Saussure, entre langue et parole, entre le système des possibilités ouvertes par le vocabulaire et la syntaxe et les réalisations d’une partie de celles-ci dans des énoncés concrets.
Jean-Marie Zemb livre une indication précieuse sur les raisons qui l’ont amené à se pencher sur la grammaire : « Mes interrogations […] sont toutes surgies de la conscience, aux deux sens du mot, de l’enseignant qui ne veut pas — ne peut pas — enseigner comme sûres des doctrines qui lui paraissent d’abord douteuses et ensuite, quand se profilent leurs raisons, carrément fausses ». Ces milliers de pages sont donc sorties tout entières du scrupule du professeur devant sa classe, qui refuse de transmettre ce dont il ne peut être absolument certain. Il explique, chez cet homme qui respectait les traditions, le tour critique que prennent bien de ses remarques sur la grammaire traditionnelle. Pour reprendre un jeu de mots qui figure dans le titre d’un des articles de Jean-Marie Zemb, l’éristique et l’heuristique débouchent l’une sur l’autre.
Le reproche global qu’il adresse à la grammaire traditionnelle est d’accorder trop d’importance à la forme, et de négliger la fonction. Il va donc falloir analyser sans se laisser influencer par des erreurs en théorie grammaticale devenues inconscientes parce que cent fois répétées depuis les petites classes.
Prenons quelques exemples. On classe les phrases en principales et subordonnées. La principale se distingue de l’indépendante parce qu’elle fait dépendre d’elle une autre phrase. Mais comment analyser un énoncé comme : « Le consul se fâche parce que le licteur a giflé le prêteur » ? Il est gros d’une ambiguïté qui éclate si on lui applique la négation. En effet, on obtiendra alors deux énoncés que l’on ne pourra différencier que par la prosodie, ou, si on les couche par écrit, par la ponctuation. Soit d’une part : « Le consul ne se fâche pas parce que le licteur a giflé le prêteur » ; et d’autre part : « Le consul ne se fâche pas, virgule, parce que le licteur a giflé le prêteur ». Nous sommes devant deux situations totalement différentes. Dans le premier cas, le pauvre consul avait tellement de raisons de perdre patience que cette altercation entre le sbire et le juriste n’était que le cadet de ses soucis, et ne saurait expliquer le courroux qu’il laissa bruyamment exploser. Dans le second cas, cette tête à claques de prêteur avait tellement agacé le consul que celui-ci fut soulagé lorsque le licteur passa à l’acte, réalisant ainsi un vœu qu’il ravalait depuis longtemps ; ce pourquoi il resta de marbre devant l’incident. L’application de la négation montre de la sorte que l’énoncé forme un tout. Et un tout dans lequel les rôles s’inversent, la prétendue principale étant, quant à son sens, pour ainsi dire à son tour dépendante de la subordonnée. Devant ces saturnales, Jean-Marie Zemb préférait dire que l’énoncé que l’on appelle « proposition principale » est un foncteur, et rien de plus.
Un second exemple pourrait être la terminologie grammaticale qui pratique des distinctions peu pertinentes. Ainsi, nous avons tous appris dans les petites classes à distinguer la préposition qui est suivie d’un nom, et la conjonction qui est suivie d’un verbe. Elle est de la sorte amenée à distinguer « après la pluie », « après qu’il a plu », « après avoir été trempé ». Le critère est de pure forme, alors que la fonction est rigoureusement la même.
On distingue également, d’une part l’attribut du verbe « être », et divers compléments, de lieu, de temps, de manière. Nous avons pris l’habitude de réserver le terme « attribut » à la prédication d’une qualité, laissant de côté d’autres prédications pourtant très semblables. Mieux vaudrait retourner à l’école d’Aristote et regrouper sous le même terme de « catégories » (« catégories de l’accident » si l’on y tient) tous les prédicats exprimables par le verbe « être ». Et ce, qu’ils soient qualitatifs (« nous sommes français »), quantitatifs (« nous sommes une quarantaine »), temporels (« nous sommes l’après-midi du 13 décembre »), de position (« nous sommes assis ») et autres.
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La conception du langage propre à Jean-Marie Zemb repose sur la distinction et l’articulation de trois éléments. Pour nommer cette structure tripartite, il reprit les dénominations très classiques, grecques d’origine, de thème et de rhème. Mais il y ajouta un troisième mot, phème. Ce mot (phèma) qui, à la différence du très classique phèmè, n’est attesté en grec ancien qu’une fois, et dans un glossaire collectionnant les mots à coucher dehors, fut frappé par le logicien et philosophe américain C. S. Peirce.
Le thème est ce dont on parle, le « sujet » si l’on veut. Non pas au sens grammatical de sujet de la phrase, mais au sens plus général de ce dont on parle, comme on dit indifféremment le « thème » d’un exposé ou le « sujet » de la conversation. Le thème est de l’ordre de la désignation, il relève de la perception ou de l’imagination. Ses éléments peuvent être juxtaposés en une simple parataxe dans laquelle l’ordre ne compte pas.
Le rhème est ce que l’on dit à propos du thème, l’information que l’on communique à son sujet. Le mot désignait en grec ce que nous appelons le verbe, qu’on peut également dire « prédicat ». Le verbe n’est pas là non plus ce que la grammaire classique appelle ainsi. Dans « pêcher à la ligne », c’est l’expression entière qui constitue un verbe, et qui d’ailleurs peut être exprimée par un seul et unique mot, comme c’est le cas en anglais, allemand, russe, etc. Le rhème est de l’ordre de la signification, il relève du concept. Il est essentiellement structuré, car l’ordre des mots y change le sens : « savoir faire » et « faire savoir » n’ont pas le même sens. Cette structure, Jean-Marie Zemb l’appelle hypotaxique.
Le phème recouvre à peu près ce qui s’appelait en grammaire classique la copule, mais ne s’y épuise pas. Celle-ci, comme son nom l’indique, relie, associe, accouple sujet et prédicat. C’est avec le phème que font leur apparition le vrai et le faux. Le phème « modalise la relation entre la signification conceptuelle portée ou connotée par le rhème et le fragment de réalité désigné ou dénoté par les coordonnées thématiques ».
Mais, alors que la copule au sens habituel se réduit au seul verbe être, Jean-Marie Zemb y voit une sorte de pont à plusieurs arches, dont chacune symbolise ce qu’il appelle des modalités. Le mot est employé en un sens plus large que lorsque l’on parle de « modalité » du jugement, désignant par là les catégories de la possibilité et de la nécessité. Jean-Marie Zemb distingue quatre de ces arches, qu’il classe selon un ordre décroissant du plus objectif au plus subjectif.
La première concerne l’affirmation ou négation, et donc le vrai ou le faux. Jean-Marie Zemb l’appelait en conséquence modalité « aléthique ».
La seconde modalité concerne le caractère nécessaire ou simplement possible de ce qui est asserté. C’est ce que les philosophes, Kant en particulier, appellent « modalité » tout court.
La troisième modalité, que Jean-Marie Zemb appelle « épistémique », concerne le degré de probabilité, non pas des faits, mais de la connaissance que nous en avons. En relèvent des formes comme « peut-être », « probablement » ou, à l’inverse, « sans doute », « à coup sûr ». Il ne faut pas la confondre avec la possibilité des faits, avec laquelle elle peut être en syzygie, ou au contraire en opposition : « Peut-être pourra-t-il venir » ; « Aucun doute, il se peut qu’il vienne ».
Enfin, la plus subjective des modalités est la quatrième, que Jean-Marie Zemb nomme « affective » ou « sociale ». C’est celle qui ajoute une couleur à l’énoncé et nous fait dire : « heureusement » ou « hélas », ou encore : « comme chacun sait ».
Ces quatre modalités sont présentes dans toutes les langues.
Cependant, Jean-Marie Zemb dit à plusieurs reprises que le langage n’existe pas, et qu’il n’y a que des langues concrètes. Il s’est donc attaché à décrire deux langues particulières, et sans juger l’une par rapport aux critères de l’autre. Donnons-en un exemple.
Tous les étrangers qui ont tenté d’apprendre l’allemand connaissent ce phénomène déroutant qu’on appelle l’« inversion ». En un mot : le verbe se met, dans les propositions indépendantes et les propositions dites principales, à la même place qu’en français, c’est-à-dire à la seconde place, après le sujet et son groupe. Mais dans les subordonnées, il gagne l’extrême fin de la phrase, non sans dérouter les non germanophones ou encore, non sans susciter l’humour de Mark Twain. C’est ce que l’on désigne à l’accoutumée par les termes d’« inversion » ou de « rejet ». Ces dénominations supposent que l’ordre naturel des mots dans la phrase serait celui qui est de mise dans les propositions indépendantes, les subordonnées faisant preuve par rapport aux principales d’une certaine perversion, pour ne pas dire d’une certaine insubordination. En fait, ladite dénomination montre surtout que les catégories de la grammaire allemande ont été forgées à un moment, le XVIIIe siècle, où le français exerçait une sorte d’impérialisme culturel et faisait passer ses propres idiosyncrasies pour « normales ».
Or, selon Jean-Marie Zemb, en allemand, c’est dans la proposition dite subordonnée que les mots apparaissent dans leur ordre naturel, de telle sorte que ce sont plutôt les autres types de propositions qui sont à l’envers. En fait, c’est tout simplement que le français et l’allemand procèdent dans deux directions différentes. Empruntant sa terminologie à la syntaxe structurale de Lucien Tesnière, que son maître Fourquet devait faire rééditer, Jean-Marie Zemb distingue des langues « centrifuges » et des langues « centripètes ». Dans les langues centrifuges, le déterminé précède le déterminant ; dans les langues centripètes, c’est le déterminant qui précède le déterminé. Alors que le français est centrifuge, l’allemand, comme le latin, est centripète. Un exemple simple : la place normale de l’adjectif, en allemand comme en anglais est avant le substantif ; en français, l’adjectif se place après le substantif, sauf lorsqu’il constitue avec celui-ci une unité de sens, comme on distingue « homme grand » et « grand homme ».
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Pourquoi se donner tant de peine à rétablir l’analyse véritable des langues, par-delà les bévues des grammaires traditionnelles ? Jean-Marie Zemb a lui-même répondu brièvement à cette question en faisant valoir trois points :
« Une théorie plus proche des faits et solidairement plus logique facilite la programmation de plusieurs types de traitements de textes, notamment de la traduction automatique, c’est-à-dire davantage assistée par l’ordinateur. C’est un enjeu économique et politique considérable à moyen terme.
Une théorie plus philosophique que les grammaires scolaires […] rendrait intérêt et dignité à l’enseignement du français, notamment dans la perception des formants de ses complexes à structure centripète et réhabiliterait l’intérêt de l’étymologie et de l’orthographe.
Une théorie plus adéquate du créole noble qu’est le français faciliterait aussi son apprentissage par les étrangers et notamment par les immigrés en faisant préférer au manuel unique, simplifié et néanmoins indigeste, voire décourageant, des méthodes spécifiques parce que plus attentives aux contrastes particuliers aux couples de langues concernés ».
En préparant cette notice, et en m’interrogeant sur le patronyme de mon prédécesseur, je me suis aperçu, non sans surprise, que « zemb », prononcé comme « jambe », est en français un nom commun. Il figure dans le Littré, qui, citant un géographe, le définit comme un insecte, une espèce de taon vivant en Abyssinie. Pour le commun des mortels, le taon n’est pas un animal très sympathique, et on lui préfère l’abeille industrieuse ou la gentille coccinelle. Il n’en est pas ainsi pour le philosophe, surtout s’il est amateur de philosophie grecque, comme l’était notre ami disparu. Le taon est en effet l’animal auquel aimait se comparer le saint patron de la corporation philosophique, Socrate en personne. Dans son Apologie de Socrate, Platon fait dire à son maître qu’il est comme un taon qui piquerait un cheval de bonne race, mais un peu paresseux comme l’était la cité d’Athènes, pour l’empêcher de s’endormir sur ses lauriers et l’exciter à chercher sans relâche. Notre regretté confrère était de cette race. Écrivant des dialogues dans lesquels il imite la maïeutique socratique, il s’est montré, non seulement grammairien, mais tout aussi décidément philosophe.
Notes
Jean-Marie Zemb, Wesensethik und Situationsethik im Lichte einer Metaphysik der menschlichen Freiheit, Freiburg i. B., Philosophische Fakultät, Dissertation v. 26. février 1955, 90p.
Jean-Marie Zemb, Aristoteles in Selbstzeugnissen und Bilddokumenten (Rowohlt Monographien, n° 63), Reinbeck bei Hamburg, Rowohlt, 1961, 174p.
Gottfried Martin, Allgemeine Metaphysik. Ihre Probleme und Ihre Methode, Berlin, De Gruyter, 1965, VII-358p.
Jean-Marie Zemb, « Gottfried Martin et la métaphysique générale », Revue de Métaphysique et de Morale n° 2, 1969, p. 137-145.
Jean-Marie Zemb, « Peut-on faire confiance à la tradition grammaticale de l’analyse dite logique et grammaticale ? », Conférence à l’ASMP, 18 avril 2005.
Jean Rounault, Mon ami Vassia. Souvenirs du Donetz, Paris, Sulliver, 1949, 326 p. ; réédition suivie d’un dossier établi par A.-M. Biemel-Montarnal et J.-L. Panné, Paris, Le Bruit du temps, 2009, 477 p.
Jean-Marie Zemb, Jeux et travaux de grammaire. Fiches de classes de 6e à 3e, Paris, OCDL, 1970, 222p.
Max Müller, Crise de la Métaphysique. Situation de la philosophie au XXe siècle, Paris DDB, 1953, 125p. ; (avec L. Foucrault) Bernard Welte, Vraie et fausse religion, précédé de Communauté de la foi, Paris, DDB, 1954, 65p. ; Id., La Foi philosophique chez Jaspers et Thomas d’Aquin, Paris, DDB, 1958, 282p. ; Gustav Siewerth, Ontologie du langage, DDB, 1958, 187p.
Joseph Andreas Jungmann, Les idées fondamentales du canon de la messe. La grande prière eucharistique, Paris, Cerf, 1955, 140p. ; Id., Des lois de la célébration liturgique, Paris, Cerf, 1956, 183p. ; Pius Parsch, Apprenons à lire la Bible, Paris, DDB, 1956, 185p. ; Theodor Klauser, Petite histoire de la liturgie occidentale, Paris, Cerf, 1956, 143p. ; Franz Dölger, Lumen Christi, Paris, Cerf, 1958, 121p.
E. Dermenghem, Mohammed in Selbstzeugnissen und Bildnisdokumenten, Hambourg, Rowohlt, 1960, 192p.; Y. Bonnefoy, Arthur Rimbaud: Mit Selbstzeugnissen und Bilddokumenten, Hambourg, Rowohlt, 1962, 192p.
Jean-Marie Zemb, Les Structures logiques de la proposition allemande : Contribution à l’étude des rapports entre la langue et la pensée, Paris, O.C.D.L., 1968, 348p.
E. Faucher, F. Hartweg et J. Janitza (ed.), Sens et Etre. Mélanges en l’honneur de Jean-Marie Zemb, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1989.
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Jean-Marie Zemb, Satz, Wort, Rede. Semantische Stukturen des deutschen Satzes. Mit einem grammatischen Nachspiel aus Klopstocks Fragmenten. Florilegium prälinguistischer Linguistik, Fribourg et al., Herder, 1972, 125p.
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V. Schenker, P. Valentin, J.- M. Zemb, Manuel du germaniste, tome I : Grammaire. Phonologie—Structures–Exercices, Paris, O.C.D.L., 1967, p. 152.
Elisabeth Leiss, „Aristotelische Linguistik. Der Neubeginn einer philosophischen Grammatik durch Jean-Marie Zemb“, Sprachwissenschaft, 23/2, 1998, p. 141-165.
Je me suis aidé d’une conférence de Mme Claire Lecointre (Lille III), « Des Pudels Kern. Sens et structure(s) dans la théorie de Jean-Marie Zemb », au cours du colloque : Déconstruction, reconstruction. La pensée de Jean-Marie Zemb, Université de Tours, 20-21 novembre 2009.
Jean-Marie Zemb, « Réflexions éristiques et heuristiques sur le tertium comparationis », Langages, 39, 1975, p. 65-80.
GC, t. 2, p. 97 ; NNN, p. 151. Et voir C.S. Peirce, « Prolegomena to an Apology for Pragmaticism » [1906], dans Collected Papers, éd. C. Hartshorne et P. Weiss, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1960, t. 4, p. 538.
Jean-Marie Zemb, « Peut-on faire confiance à la tradition grammaticale de l’analyse dite logique et grammaticale ? », Conférence à l’ASMP, 18 avril 2005.
Lucien Tesnière, Éléments de syntaxe structurale [1959, posthume], Préface de Jean Fourquet, Paris, Klincksieck, 1988 ; et NNN, p. 185.