Le goût d’entreprendre

Séance du lundi 4 avril 2011

par M. Yvon Gattaz

 

Monsieur le Président,
Madame la Vice-présidente,
Monsieur le Secrétaire Perpétuel,
Mes Chers Confrères,

Vous me pardonnerez, j’espère, de traiter ce vaste sujet « Le goût d’entreprendre » de façon non-conformiste.

J’ai été flatté que notre Président me demande de faire une communication sur l’un de mes sujets préférés. En fait, c’était un piège car ceux-ci sont nombreux.

En chef d’entreprise, j’ai opté de « me recentrer sur le noyau fort de mes inclinations », comme on dit dans les restructurations industrielles. Et ce noyau central, c’est bien l’esprit d’entreprise.

Vous remarquerez que notre Président ne m’a pas demandé de traiter ici exactement de ce sujet mais d’un thème voisin et non identique : LE GOÛT D’ENTREPRENDRE.

Nous parlerons donc d’entreprendre, mais je voudrais faire quelques remarques liminaires sur le « goût » du titre imposé.

Mon Gaffiot, qui supplée si efficacement ma mémoire scolaire, me rappelle que gustus est à la fois l’action de goûter et le goût d’une saveur. L’exercice imposé est plutôt ici le penchant, l’attrait, l’inclination, voire l’appétence ou même la vocation. Mais cette sensibilité des papilles est-elle génétique et irréversible ? Ou peut-elle se développer avec l’âge et l’exemplarité ? Je crois, pour ma part, que ce goût peut devenir un désir, un besoin, une ardente obligation, une réalisation, une explosion incoercible. Nous le constatons avec les jeunes que nous tentons d’initier à l’acte d’entreprendre et qui ne semblent pas en avoir le goût génétique. Par l’exemple, ils s’interrogent et le désir naît subrepticement.

Et l’on passe ainsi du goût d’entreprendre à l’esprit d’entreprise.

Nous sommes revenus, par ce petit détour, à la case départ, l’esprit d’entreprise.

Le goût d’entreprendre existe donc dans d’innombrables domaines, et vous me pardonnerez de prendre ici l’exemple que je connais le mieux : la création d’entreprise, par une sorte de métonymie, la partie pour le tout.

Remarquons tout de suite que l’esprit d’entreprise peut souffler partout, et toucher toutes les professions. S’il se manifeste le plus spectaculairement dans la création d’entreprises nouvelles, il apparaît cependant, et parfois avec intensité dans des fonctions où on ne l’attendait pas, par exemple chez les fonctionnaires. Nous connaissons des fonctionnaires qui prennent d’innombrables initiatives dans les domaines les plus variés, avec prise corollaire de risques personnels qui pourraient être éventuellement sanctionnés.

Étant petit-fils, fils et père d’enseignants, j’ai pu constater dans ce milieu des initiatives étonnantes : mon père a lâché l’enseignement pour sa passion, la peinture, et pour un poste de Conservateur de musée qu’il assuma pendant trente ans. L’un de mes fils s’occupe activement de jeunes, bénévolement et hors des cours bien sûr, et a rédigé pour eux un petit guide de l’orientation en montagne, ce qui prouve que notre famille s’intéresse à toutes les formes d’orientation. Et autour de nous, combien avons-nous, dans cette enceinte même, d’exemples insignes d’initiatives et du risque qui leur est attaché, avec des réalisations magnifiques dans des domaines inattendus.

Vous le savez, je suis, sans état d’âme, fier d’être « entrepreneur » dans différents domaines, mais surtout entrepreneur dans l’entreprise et l’industrie.

Au passage, je rappellerai que le mot « entreprise » est très récent en France et que le gros Littré de 1980 consacrait une seule ligne sur cinquante-deux à « l’entreprise commerciale » tout en insistant sur les termes de vénerie et en signalant longuement qu’un homme entreprenant était celui qui faisait des avances à une femme. Vous le voyez, l’entreprise que le Littré désignait comme commerciale, a été longtemps inconnue. Or, les Français sont ainsi faits qu’ils ne se familiarisent qu’avec une entité qui porte une dénomination et entre dans une classification précise.

Puisque l’entreprise n’existait pas, qui pouvait vouloir en créer une ?

Lorsque j’étais lycéen, dans mon petit collège de Bourgoin dans l’Isère, notre professeur de sciences naturelles, Monsieur Bouteille nous demandait d’apporter le lundi les insectes que nous aurions pu trouver dans les prés et les bois pendant le week-end. Il cherchait dans ses gros livres le nom de l’insecte, nous le donnait généralement en latin, et s’il ne trouvait pas, il nous le rendait avec cette mention définitive : « Cet insecte n’existe pas », affirmation qui nous plongeait déjà dans un abîme de perplexité. Perplexité que j’ai retrouvée bien longtemps plus tard avec l’entreprise elle-même, insecte qui n’existait pas.

Et pour rester dans l’anecdotique vécu, je vais maintenant vous narrer un petit conte illustrant notre thème de ce jour, « Le goût d’entreprendre ».

 

Un conte de création ex nihilo

 

Avec votre permission, je commencerai, comme le dernier livre de Michel Godet, Bonnes nouvelles (enfin !), de façon anticonformiste et peut-être même provocatrice, par la formule enfantine et naïve : « Il était une fois ».

Il était une fois deux jeunes ingénieurs qui n’avaient, dans leur famille d’enseignants, jamais entendu prononcer le mot « entreprise », et qui avaient découvert ce néologisme pendant leurs études dans deux écoles d’ingénieurs différentes. L’un d’eux, étonné par cette découverte tardive, avait même promis à ses camarades de promotion que, dès sa sortie, il tenterait de créer une entreprise, cette entreprise mythique sortie des flots, non pas par vengeance primaire bien sûr, mais par une sorte de rattrapage moral tout comme Deng Xiaoping avait, avec une farouche volonté de revanche, après la mort de Mao en 1976, suscité en trente ans le miracle économique chinois. Dans l’école, l’hilarité ambiante fut forte, certes, mais pas démoralisante au point de faire abandonner ce projet de potache. Avec leurs diplômes en poche, les deux jeunes ingénieurs entamèrent de belles carrières pleines d’avenir, mais ils constatèrent rapidement que le rôle de grimpeur sur l’arête de la pyramide hiérarchique d’une grande entreprise est glissante, laborieuse et aléatoire. Alors qu’en Allemagne les dirigeants sont des grimpeurs qui ont démontré leurs qualités ascensionnelles, en France, le même grimpeur se voit souvent écarté en arrivant au sommet pour laisser la place de dirigeant de la pointe à un parachuté parfois issu du monde politique. Les mauvaises langues, parmi ces grimpeurs déçus, suggèrent perfidement que des parachutés craignent parfois le vertige, et exigeraient d’être hélitreuillés.

Mais quittons l’Égypte pour revenir à l’entreprise : nos deux ingénieurs-aventuriers décidèrent de s’associer pour créer à la fois leur propre emploi et leur propre fauteuil de PDG. C’était la définition avant la lettre de l’auto-entrepreneur, avant même que l’on constate que la multiplication des emplois devait passer par la multiplication des employeurs.

En un mot ils se mirent à leur « conte », à leur conte de fées, car il s’agit bien, ici, d’un conte de fées qu’il ne faut surtout pas démythifier au nom d’un réalisme économique qui, à l’époque, était sévère pour ces aventuriers.

Se mettre à son conte de fées était à l’époque une tentative utopique, surtout pour des diplômés qui avaient d’autres voies royales. La création d’entreprise, en 1952, était réservée aux autodidactes dont c’était la seule voie d’ascension sociale. D’ailleurs le jeune ingénieur avait eu l’imprudence de s’ouvrir de ses audacieux projets au directeur même de son école d’ingénieurs qui s’était exclamé, outré : (je cite) « Tu ne vas pas détourner nos meilleurs élèves de la voie royale des administrations et des grandes entreprises pour les égarer sur de petits sentiers dans les sous-bois ». Il parlait de sous-bois car il n’osait pas parler de sous-emploi ou de sous-carrière.

Nos deux ingénieurs se lancèrent donc dans l’aventure de la création d’entreprise, industrielle, bien sûr, puisqu’ils étaient tous deux techniciens. Et c’est là qu’ils découvrirent LE vrai secret de la création d’entreprise et du goût d’entreprendre : trouver le projet innovant, qu’Octave Gélinier, notre pape du management français (management mot français, qu’il serait dommage de ne pas prononcer à la française, tout comme challenge), que Gélinier, disais-je, appelait le « créneau porteur produit-marché ». Or ce créneau porteur est bien difficile à trouver. Il est le vrai garant de la réussite de l’entreprise innovante. Il est de plus le véritable secret de l’entrepreneur car il n’existe pas et il n’existera jamais de listes exactes de créneaux porteurs, ni glossaires, ni banques de données. Si ces listes existaient, et étaient exactes, toutes les entreprises les achèteraient à prix d’or. Ce secret du créneau reste bien celui de l’entrepreneur qui a le goût d’entreprendre et qui cherche pendant des mois, voire des années, le produit innovant qui trouvera un marché porteur.

Or donc, nos deux aventuriers tentèrent d’inventer puis de réaliser des prototypes de compteur de vitesse moyenne par voie logarithmique (avant l’électronique – état solide bien sûr), puis de petits avions téléguidés, puis des scooters des neiges. Mais toutes ces voies se révélèrent sans issue réelle.

Mais, par bonheur, dame Fortune sourit souvent aux audacieux tenaces à la recherche du secret de leur future entreprise, tout comme le ramasseur de champignons finit par trouver ses trésors s’il va au bon endroit dans les sous-bois et cherche avec persévérance. Il ne trouvera pas de champignons s’il traverse la forêt en voiture avec le panier dans le coffre.

Nos deux aventuriers, après un an et demi de recherches vaines, apprirent que la nouvelle télévision française, avec son procédé SECAM à 819 lignes (plus performant bien sûr que le procédé allemand et américain à 625 lignes) butait, pour sa mise en place, sur le raccordement du câble coaxial de descente d’antenne avec le poste récepteur. Ils se précipitèrent à l’ORTF et, après des mois de projets, de dessins, de maquettes et d’essais, ils réalisèrent la fiche coaxiale de 75 ohms qui est toujours, près de soixante ans plus tard, à l’arrière de votre poste familial, fiche coaxiale qu’ils fabriquèrent par dizaines de milliers pendant huit ans, avant de revendre ce département pour se concentrer sur la fabrication de connecteurs électroniques professionnels plus sophistiqués pour radars, télécommunications, instrumentations, aéronautique et spatial.

Le secret de l’entreprise innovante, cette lampe d’Aladin, avait été trouvé.

Mais le goût d’entreprendre n’assure pas la réussite. Si le talent est un don, la réussite est un chardon, avec d’innombrables épines qui repoussent sans cesse. Entreprendre, c’est l’étincelle instantanée de création, mais développer l’entreprise sans cesse est un acte de gestion de longue durée de nature morphologiquement différente.

 

Le goût d’entreprendre et les qualités nécessaires à sa réalisation

 

En réalité les élites, ou prétendues telles, disposent de deux sortes de qualités bien distinctes : les qualités de réception et les qualités d’émission pour parler comme les électroniciens.

Les qualités de réception ne sont que quatre : la compréhension, qu’au XIXème siècle on appelait l’intelligence, la faculté d’analyse, la faculté de synthèse et la mémoire dont on a toujours sous-estimé l’importance capitale.

Les qualités d’émission, qu’on a parfois appelées qualités de caractère, sont en fait toutes les autres :

  • En tête l’imagination créatrice, malheureusement rare, qu’il ne faut pas confondre avec l’imagination onirique dont nous disposons tous et qui nous permet d’être maharadja dans la durée d’une nuit sans lune.

  • Ensuite le « goût d’entreprendre », notre sujet de ce jour, qui peut être considéré comme une qualité génétique exigeant, pour sa réalisation factuelle, d’autres qualités d’émission.

  • Puis la combativité, la pugnacité, la ténacité (cette qualité que les chefs d’entreprise citent de plus en plus et classent même souvent en tête), le goût du risque (proche du goût d’entreprendre), le sens des responsabilités, le goût du travail en équipe (pour que le patron, souvent solitaire, devienne un patron solidaire, car les talents dans l’entreprise ne s’ajoutent pas mais se multiplient), le charisme et l’ascendant sur les autres ; et l’une des plus importantes : le bon sens que tout le monde croit avoir et qui est en fait très inégalement réparti, avec les conséquences graves que l’on sait. Gare à l’intelligence sans le bon sens, danger !

Comme pour la radiophonie qui assure sa réception avec quelques milliwatts, l’émission avec des kilowatts, il faut une puissance infiniment supérieure pour l’émission que pour la réception.

Si les élites ont longtemps été choisies sur leurs seules qualités d’abstraction et de logique déductive, avec résolution individuelle de problèmes bien posés réputés à solution unique, en revanche, pour la création d’entreprise, il vaut mieux s’entraîner à la résolution collective de problèmes mal posés à solutions multiples.

Les qualités de réception font les érudits et les savants.

Les qualités d’émission font les créateurs et les entrepreneurs.

Mais pour les décideurs, il est bien difficile d’avoir des idées définitivement claires dans un environnement définitivement flou.

Remarquons que les grands créateurs parmi les chefs d’entreprise ont surtout d’immenses qualités d’émission, indispensables à la réussite. Ces patrons inventifs, décideurs et charismatiques décident vite mais écoutent peu. Naguère, on disait d’eux qu’ils étaient atteints de surdité psychologique et leur entourage gémissait : « Ils décident mais ils n’écoutent pas ». Cette prétendue herméticité était, on s’en doute, un grave défaut, car on sait depuis les philosophes grecs qu’il faut réfléchir, donc écouter, avant d’agir.

Longtemps on a cru également que le même individu ne pouvait avoir simultanément des qualités de réception et des qualités d’émission, comme si ces données centripètes et centrifuges passaient par un même canal et dans un seul sens. Mais l’électronique (encore elle !) nous a appris le multiplexage qui permet aux données de circuler simultanément dans les deux sens. Les qualités de réception et d’émission ne sont plus incompatibles et on ne dira plus stupidement : « Il a trop fait d’études pour avoir de l’imagination créatrice et prendre le risque d’une création », poncif qui, on l’a vu, devait détourner les diplômés de la création ex nihilo.

Effectivement, je pense que nous avons exorcisé nos élites et leurs maîtres, et je crois même que mon livre Les hommes en gris, tout premier ouvrage sur la création d’entreprise publié en 1970, a pu jouer un rôle dans cette réhabilitation.

S’il fallait chercher autour de nous un exemple de compatibilité entre réception et émission, nous pourrions citer notre regretté Confrère Maurice Allais dont la compréhension intellectuelle a été sanctionnée par les prestigieux diplômes que l’on sait, mais qui a, toute sa vie, fait preuve d’une créativité non conformiste qui ne s’apprend pas dans les livres.

Rappelons aussi que notre Confrère le Professeur Lucien Israël a écrit un livre sur « le cerveau droit et le cerveau gauche » qui confirme que, si le cerveau gauche est bien celui de l’intellectualisme (donc de la réception), le cerveau droit est celui de la création, artistique ou non (donc de l’émission). Nous avons eu l’occasion tous deux de rapprocher nos théories lors d’une conférence commune il y a quelques années.

En résumé, on peut dire que le goût d’entreprendre est bien la réalisation de ces qualités d’émission qu’il serait dommage de ne pas utiliser.

 

Goût d’entreprendre et goût du risque

 

Le premier ne va pas sans le second. Celui qui entreprend court toujours un risque et doit le savoir avant.

Dans la création d’entreprise qui nous intéresse particulièrement ici, le risque, ou plutôt les risques sont évidents : risques techniques sur le produit fabriqué, risque sur la capacité du marché, risque de non équilibre du compte de résultat (euphémisme comptable pour indiquer tout simplement qu’on perd de l’argent), risque d’assèchement de trésorerie, risque de mésentente dans l’équipe fondatrice, etc.

Le risque, on le voit, est le corollaire de l’acte d’entreprendre, et le nouveau « principe de précaution » pavé de bonnes intentions, pourrait, s’il était trop poussé, condamner tout simplement les créations d’entreprises si risquées et si nécessaires. C’est pourquoi, lorsque nous analysons les qualités d’émission des jeunes candidats à la création d’entreprises, nous cherchons de suite à savoir s’ils ont ou non ce goût du risque, génétiquement transmis, mais largement évolutif par la suite.

La démonstration simple du risque pour les jeunes est celle de la conduite d’un véhicule la nuit : les projecteurs n’éclairent que cinquante mètres et il faut cent mètres pour s’arrêter. Le risque est représenté par les cinquante mètres d’obscurité. Démonstration lumineuse !

Quand nous parlons aux jeunes du goût d’entreprendre et du goût du risque qui lui est étroitement associé, nous leur rappelons l’image instructive de « l’escalier du risque » qui descend toujours et ne remonte jamais pour les convaincre d’utiliser le plus tôt possible ce goût du risque sans attendre une expérience réputée nécessaire, mais en fait plus inhibitrice qu’incitative. En effet, nous sommes dotés génétiquement d’un certain taux de risque qui est à son maximum vers vingt ans, et qui ne fait que descendre dans cet impitoyable « escalier du risque » dont la première marche est l’accumulation (parfois excessive) de diplômes, celle de l’université parking. La seconde marche est la trop belle situation de salarié sécurisé. La troisième marche est une belle famille avec de nombreux enfants auxquels on ne souhaite pas faire courir trop d’aléas. Et l’escalier du risque descend inexorablement de marche en marche jusqu’aux rhumatismes et au cholestérol qui freinent définitivement le goût et le risque d’entreprendre.

La conclusion s’impose : jeunes, n’attendez pas pour vous lancer dans la création d’entreprise, d’être descendu trop bas dans notre infernal escalier du risque, et imitez plutôt les Bill Gates ou autres Steve Jobs qui se sont lancés avec fougue avant vingt ans dans un créneau produit-marché qui s’est révélé exceptionnellement porteur ! Les plus belles entreprises du monde ont été créées, à l’origine, par des jeunes, avec l’exception qui confirme la règle, celle des frères Mc Donald qui ont créé leur chaîne de restauration rapide à l’âge de la retraite.

 

Le rôle meurtrier de Mai 68 sur le goût d’entreprendre

 

Nous avons vu que, pendant des décennies, les Français se sont benoîtement demandé si les nouvelles entreprises naissaient dans les choux ou étaient apportées par les cigognes, sans chercher à savoir comment avaient bien pu naître les entreprises Michelin, Renault, Citroën ou Peugeot.

Après la dernière guerre, dans l’enthousiasme de la reconstruction de notre pays, quelques créations ont cependant eu lieu dans la discrétion et la modestie. Malheureusement les statistiques que j’ai faites à cette époque prouvaient que dans les écoles d’ingénieurs (les mieux placées évidemment pour créer des entreprises industrielles), le taux de création de ces entreprises industrielles restées viables au bout de trois ans, était de 0.3 %, soit une création pour une promotion de trois cents élèves. Chiffre affligeant, très inférieur aux chiffres américains par exemple.

Croyant aux vertus irremplaçables de l’exemplarité, les aventuriers de la création d’entreprise pensaient naïvement faire école. Mon ami Francis Bouygues a été LE créateur de la promotion 47 de l’École Centrale de Paris, comme je le fus moi-même pour la promotion 48, nos deux créations ex nihilo ayant eu lieu la même année en 1952, mais avec des pentes de développement fort différentes, comme vous le savez, Francis Bouygues ayant toujours été un entrepreneur à hauts risques, à très hauts risques, qu’il a su magnifiquement maîtriser.

Nous pensions donc tous les deux faire un peu école pour le goût d’entreprendre, lorsque survinrent les événements de Mai 68 que certains ont considéré comme une révolution. Or, si Mai 68 a été sans doute une révolution politique (appréciée ou non), certainement une révolution des mœurs (appréciée ou non), ce fut une fausse révolution économique. En effet « la plage sous les pavés », « l’interdit d’interdire », « la contestation tous azimuts », « le rejet des anciens », « le refus de la discipline », « la contestation du travail » et « l’égalitarisme » n’ont jamais été des valeurs entrepreneuriales. Ce n’est que plus tard qu’on a découvert que l’égalitarisme soixante-huitard n’était que l’expression vertueuse de la jalousie sociale.

Les faux révolutionnaires de 68 ont tenté d’usurper la place des vrais révolutionnaires, ces jeunes qui se lançaient dans la création d’entreprises nouvelles, sans argent mais avec une montagne d’efforts et d’optimisme.

Et contrairement à ce qu’on a parfois tenté de faire croire, Mai 68 n’a nullement suscité le goût d’entreprendre, mais il l’a au contraire stérilisé. Une anecdote authentique va le prouver : le fils d’un grand patron vint me demander conseil en 1969 pour la création éventuelle d’une nouvelle entreprise dans le domaine des composants aéronautiques. C’était un jeune ingénieur brillant et motivé, dont le projet industriel me semblait cohérent. Je l’encourageai vivement. Il disparut et comme je demandais à son père où en était son projet, il m’envoya une longue lettre détaillant à nouveau son plan avec ses produits, ses clients, son financement. Et cette belle lettre se terminait par cet aveu pathétique : « Tout est en ordre, mais que penseraient mes copains si je devenais patron ? », et le rideau tomba.

Voilà une conséquence factuelle directe de Mai 68, et personne ne sait que 1969 fut la seule année, depuis la guerre, avec 1981, qui ne connut pratiquement aucune création d’entreprise, tuée par Mai 68. Les statistiques le confirment, mais personne ne le dit.

 

Le vrai secret de la création d’entreprise

 

Les innombrables traités de management détaillent avec délectation les nombreux secrets de la réussite d’une entreprise. Il est vrai que ces conditions sont nombreuses et chaque auteur, souvent un consultant, souhaite donner sa propre recette.

Pour avoir conseillé moi-même des dizaines de créateurs d’entreprises et pour avoir analysé avec eux les facteurs de réussite, j’ai acquis une certitude : s’il est indispensable bien entendu d’avoir le goût d’entreprendre à la fois développé et incoercible, s’il est nécessaire de disposer de ces fameuses qualités d’émission si différentes des qualités de réception et de leurs diplômes, s’il est utile d’avoir établi un bon plan de développement, s’il est intéressant d’avoir réuni les fonds nécessaires au démarrage, il reste que le véritable secret de cette création est LE (avec une majuscule) « créneau produit-marché porteur » pour reprendre la formule d’Octave Gélinier, ou le « projet réellement innovant qui rencontrera un marché », comme on dit aujourd’hui.

Nous avons vu que pour les deux jeunes ingénieurs aventuriers de 1952, le secret du créneau porteur a été fort difficile à trouver. La chance sourit parfois aux audacieux qui trouvent le projet innovant sous les pieds d’un cheval sans chercher, par hasard. Mais c’est rare, très rare. Nous conseillons aux jeunes qui pensent avoir découvert ce secret stratégique, de le garder jalousement sans en parler à personne car il pourrait être copié, voire devancé. Par bonheur les jeunes ont une remarquable intuition des marchés porteurs, beaucoup plus forte que celle des anciens. Voilà pourquoi les seniors ne doivent jamais orienter ni même juger les projets des jeunes qui peuvent leur échapper totalement. Or, plus le projet semble farfelu aux anciens, plus il a de chances de devenir important.

C’est la raison pour laquelle j’ai toujours refusé de présider ces jurys de concours de créations d’entreprises, qui ont la prétention de faire juger les projets d’un jeune par un aréopage de seniors pleins de sagesse et de prudence. Bien m’en a pris puisque le premier jury a donné le premier prix à un projet convenu, raisonnable et dépassé…. et l’entreprise a fait faillite en moins d’un an. Et alors s’est répandue cette triste plaisanterie : si vous voulez faire faillite, obtenez un prix de la meilleure création d’entreprise !

Seniors, soyons modestes, et reconnaissons sans état d’âme notre incapacité à juger les projets innovants de demain présentés par des jeunes.

Ceux-ci craignent fréquemment que les créneaux soient déjà tous pris et qu’il n’y ait plus de place aujourd’hui pour leurs projets, même innovants. Craintes infondées car, en extrapolant la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say, on peut admettre que les créneaux nouveaux sont infinis. Simplement, ils sont fort différents des nôtres d’il y a cinquante ans. Mais ils sont beaucoup plus nombreux.

Le créneau génial, trouvé parfois par hasard, peut faire croire à la facilité et créer des problèmes lorsqu’il se raréfie ou qu’il est abondamment copié. Comme disait Antoine Riboud, le créateur génial de Danone : « Attention, la croissance facile rend présomptueux et c’est là que les patrons font des bêtises ». Pour faire simple, nous disons à nos jeunes qu’ils ne doivent pas avoir un ego supérieur à leur cash flow.

Ajoutons que le tertiaire présente d’innombrables possibilités nouvelles, avec des coûts incomparablement inférieurs à ceux de la création industrielle, que des créateurs disposent tous aujourd’hui d’une voiture, d’un téléphone et d’un ordinateur, ce qui n’est pas rien, que l’environnement leur est enfin favorable et que le financement de départ peut être trouvé si on est tenace et convaincant.

 

Le goût d’entreprendre et l’humble spontanéité

 

La bulle Internet de l’an 2000 a fait croire qu’il était plus efficace de démarrer haut et fort que de démarrer bas et tout petit. Il est vrai que dans cette invraisemblable période, il suffisait que le créateur dépose une raison sociale du type « createur.com » pour lever des fonds importants. C’était le démarrage royal mais présomptueux. Nombre de ces start-up connurent une évolution affligeante avec parfois dépôt de bilan.

Nous conseillons au contraire aux jeunes créateurs le démarrage modeste à partir de zéro. On ne dit pas assez que la pauvreté est un atout puissant pour ceux qui ont l’ambition de réussir. Le loup gras court moins vite que le loup maigre et affamé. Comme la création est une école de modestie, il vaut mieux partir discrètement, comme « artisan de fond de cour » suivant l’expression convenue et grandir régulièrement par itération, voire par tâtonnements. Les Chinois disent qu’il faut traverser les rivières en mettant les pieds sur chaque pierre, pierre qu’on ne voit pas toujours de la rive. Les tâtonnements ne sont pas des hésitations mais des repères pour la marche en avant.

Lorsqu’un Ministre bien intentionné mais incompétent m’avait soumis naguère un projet de relance de la création d’entreprise en France (je cite) « en attribuant une somme significative aux seuls diplômés de l’enseignement supérieur », je lui ai démontré sa double erreur :

  • le manque d’argent au départ est une épreuve liminaire hautement formatrice,

  • le diplôme d’études supérieures n’est pas une preuve du goût d’entreprendre et de la volonté de réussir, qualités d’émission.

Par bonheur, le projet tourna court et retourna dans les tiroirs du bureau Louis XV du Ministre mal informé.

Nous préconisons aussi un endettement minimal car le mot « financement » si abusivement employé, devrait, dans le dictionnaire de l’Académie Française, être remplacé par la locution définitivement soudée par un trait d’union « financement-remboursement », dont le second terme est si souvent oublié, ou même discrètement occulté par des prêteurs abusifs. L’Association Jeunesse et Entreprises utilise une boutade mnémotechnique pour les jeunes créateurs : « le malheur est dans le prêt ».

Bien sûr, une entreprise nouvelle n’est que rarement bénéficiaire dès les premiers mois, mais celle qui tarde trop à devenir « in bonis » doit se poser des questions sur sa pérennité.

Et c’est là qu’intervient la différence entre les entreprises crées par des autodidactes inspirés et celles crées par des diplômés de l’enseignement supérieur.

Nous avons vu que les qualités d’émission et en particulier l’imagination créatrice, sont à peu près également réparties dans la population entre diplômés et non diplômés. Leur chance de réussite dans cette création ex nihilo sont donc égales au départ.

En revanche, les choses changent pour la croissance de l’entreprise. Après le jaillissement de l’étincelle créatrice, ce petit big bang à partir de rien, il faut passer à une autre action fort différente : la gestion de la croissance. On connaît des « serial entrepreneurs » qui s’ennuient dans la gestion et revendent leur enfant tout petit, pour en créer d’autres, ce qui n’est nullement condamnable comme la récidive des crimes ou délits.

Or, développer une entreprise nouvellement créée est un impératif économique. J’ai rappelé récemment dans le journal Les Échos les quatre impératifs de la croissance pour une entreprise :

  • la raison biologique, car l’entreprise est un être vivant, et comme tel, si elle ne croît plus, elle décroît et se dirige vers sa disparition,

  • la raison psychologique car on ne peut animer une équipe et rassembler les talents qu’avec des projets de croissance et non de récession, surtout à notre époque où le talent de la gestion c’est la gestion des talents,

  • la raison managériale car la « croissance-éponge » efface les principales erreurs : surinvestissement, surstock, surendettement, sureffectif qui deviennent, grâce à elle, des anticipations géniales.

  • la raison « emploi » la plus impérieuse car toutes les mesures d’atténuation du chômage ne sont que de pâles succédanés à l’emploi royal créé obligatoirement par la croissance. Le vrai secret de l’emploi, c’est toujours la croissance, encore la croissance, ce que les nostalgiques de la non-croissance et du temps des diligences ne semblent pas avoir compris.

 

Malheureusement notre pays, dans sa générosité spontanée, porte plus d’attention aux petites entreprises fragiles, surtout si elles sont souffreteuses, et les Pouvoirs publics leur viennent volontiers en aide. C’est notre « culte de l’ourson » chétif et maladif qu’on maintient souvent sous la tente à oxygène gouvernementale. En revanche on feint de croire que les entreprises de croissance n’ont pas besoin de ces aides qui, en fait, consistent surtout à leur éviter des contraintes et des charges inadaptées, pari que les Allemands et les Américains ont fait depuis longtemps. C’est ce qui explique que la France ne compte que 4.600 entreprises de taille intermédiaire de 250 à 5.000 salariés, les ETI, alors que les Anglais en ont 10.000 et les Allemands 12.000 sous forme du Mittelstand dont l’efficacité est bien connue. Et ceci avec une fiscalité française d’une horrible complexité et peu incitative, ni pour la création, ni pour la croissance.

Notre fiscalité d’entreprise est en France un véritable millefeuille, mais aussi un immense château de cartes à l’équilibre instable, et dans lequel aucun responsable politique n’a le courage d’enlever une carte, de peur de faire effondrer l’édifice.

En effet, si la France compte :
100 cathédrales
200 familles (de 1936, devenues 200.000 en 2011)
300 fromages gastronomiques

elle compte : 400 fromages fiscaux, fromages fiscaux qu’on pourrait faire disparaître et remplacer par des aides fiscales à la création d’entreprise et à la croissance des nouvelles entreprises.

On le voit, parmi les qualités d’émission, la création d’une entreprise et sa croissance ultérieure exigent plus que de la ténacité, de l’acharnement.

 

Quelques conseils conclusifs pour ceux qui ont le goût d’entreprendre

 

1°) L’accumulation de diplômes,

 

d’expériences et fonds financiers est peu utile. J’avais dans une causerie à HEC donné une recette culinaire sollicitée par un élève. Pour créer une entreprise, il faut mettre sur le feu :
10 % de finances (ça suffit)
10 % de compétences (ou de diplômes)
mais     40 % de vaillance
et         40 % d’inconscience (ou de goût du risque)
… et servez chaud !

 

2°) Il faut savoir déchirer ses diplômes,

 

car, dans la création d’entreprises, nous sommes tous des autodidactes. Donc, sachons relever nos manches et redevenir éventuellement des « factotum » d’occasion. Conrad Hilton répondait aux jeunes qui sollicitaient un conseil pour créer une chaîne d’hôtels :

« Jeune homme, il suffit de savoir que le rideau de douche doit toujours être à l’intérieur de la baignoire ».

Souci du détail puisque le diable, paraît-il, se loge dans les détails.

 

3°) Faut-il viser le gigantisme verticalisé ?

 

Non, il faut garder des établissements, des unités à taille humaine où l’on peut éventuellement commander à vue et à voix comme sur un bateau. Ce problème de communication entre les hommes est essentiel car il varie comme le carré de l’effectif, la communication entre deux personnes dans un groupe N résultant de la formule des combinaisons N (N – 1) / 2, qui démontre que lorsque les effectifs se multiplient par dix, les difficultés de communication se multiplient par cent.

Jean-Paul Ballerin avait, pour les jeunes, une image plus impressionnante, celle des dinosaures et de leur réaction : « lorsqu’un moustique leur piquait la queue, disait-il, ils mourraient de la gangrène avant que le signal de la douleur ne soit parvenu à leur cerveau ».

Il en déduisait qu’un kilo de moustiques était plus efficace qu’un kilo d’éléphant.

C’est ce qui limite le gigantisme verticalisé et oblige les world companies à créer des réseaux d’entreprises de taille humaine avec délégation locale des relations humaines qui ne sont pas centralisables pour des établissements lointains.

 

4°) Le radinisme industriel

 

Le bénéfice d’une entreprise n’est que le résultat de la lutte contre le gâchis, comme disait Gélinier. La création d’entreprise doit donc pratiquer, sans état d’âme, ce que nous appelons le « radinisme industriel », expression argotique sans doute provocante, mais inévitable car « les économies » sont revendiquées par tout le monde et leur proximité au singulier avec des théories modèles ne facilite pas leur compréhension. En revanche, le mot « avarice » est toujours un défaut. Il fallait donc une expression de la force d’avarice et de la noblesse d’économie. Vous pardonnerez donc l’expression aujourd’hui reconnue de radinisme industriel qui doit être pratiqué partout dans l’entreprise et à chaque instant.

En 1989, nous avons eu à l’Académie un exemple magnifique de radinisme industriel puisqu’à chaque séance on remettait à chaque Académicien une demi-feuille de papier longuement découpée par un huissier. Gribouillant largement, j’avais sollicité une feuille supplémentaire. Ce fut le Chancelier Bonnefous lui-même qui trancha ce grave problème de dépense somptuaire : chaque Académicien aurait dorénavant une feuille complète, étant entendu que ceux qui ne l’utilisent pas, devaient la rendre à la sortie.

Pour démontrer la continuité vertueuse du radinisme industriel de notre Académie, je pourrais citer, pour terminer, l’achat individuel des sandwichs à quatre Euros lors des réunions de notre Section Économie qui justifie, ainsi, son appellation.

 

5°) Le goût d’entreprendre chez les femmes

 

Je voudrais dire à nos quatre Consœurs que je ne les ai pas oubliées. Lorsqu’en 1986 j’ai eu l’occasion de présider le Congrès mondial des femmes chefs d’entreprise, l’assistance se composait à peu près de trois tiers :

  • un tiers de veuves d’entrepreneurs (conséquences lointaines de la dernière guerre),

  • un tiers de filles d’entrepreneurs,

  • et seulement un tiers de femmes entrepreneurs elles-mêmes.

Mais ces pourcentages ont considérablement évolué en vingt-cinq ans et aujourd’hui les femmes entrepreneurs que nous n’osons pas encore appeler entrepreneuses, constituent plus de la moitié des femmes chefs d’entreprise.

En effet, les femmes ont démontré qu’elles avaient le goût d’entreprendre et l’esprit d’entreprise, et que les entreprises qu’elles créaient étaient aussi performantes, et parfois plus, que celles créées et dirigées par des hommes.

On reconnaît universellement aux femmes une sensibilité supérieure, une détection subtile des marchés porteurs, une spontanéité dans les rapports humains, une ténacité sur le long terme et un souci du détail que n’ont pas toujours les hommes. Voilà la preuve de supériorités féminines constatées.

Tout au plus, une étude américaine déjà ancienne prétendait-elle que les femmes auraient moins d’imagination créatrice que les hommes, qualité fort difficile à quantifier, donc à vérifier.

Par bonheur, nous sommes bien loin de l’époque de Marie Curie interdite d’Académie des Sciences à cause de sa condition féminine et de l’impossibilité de porter le pantalon et l’épée, alors qu’elle avait acquis deux Prix Nobel, un de physique avec son mari Pierre, puis un de chimie. C’était la triste époque où les machistes affirmaient que les hommes avaient un cerveau et les femmes une cervelle, et où les plus élégants contempteurs affirmaient que les femmes devaient rester des fleurs et que, comme telles, et contrairement aux edelweiss, elles craignaient l’altitude.

Mais aujourd’hui, s’il existe, paraît-il, un plafond de verre pour les hauts dirigeants des grandes entreprises, le goût d’entreprendre se réalise superbement chez les femmes dont les créations de nouvelles entreprises non conformistes sont insignes.

On peut affirmer que, pour la création d’entreprises, l’égalité des sexes est enfin réalisée.

 

6°) Comment démultiplier le goût d’entreprendre chez les jeunes ?

 

La preuve en est faite, les cours ex cathedra sont inadaptés et inefficaces. Un traité exhaustif détaillant toutes les difficultés financières, administratives, sociales et fiscales de la création d’entreprises, serait un frein plutôt qu’une incitation à créer. De plus, je crois à la nécessité de quelques épreuves liminaires qui permettent la sélection des candidats. On doit abaisser les murs infranchissables, certes. Mais on ne doit pas les faire totalement disparaître car ils servent à l’entraînement des candidats pour des épreuves autrement difficiles qu’ils subiront plus tard.

La seule vraie méthode efficace que nous ayons trouvée résulte de la vertu irremplaçable de l’exemplarité, que nous avons affichée dans les bureaux de Jeunesse et Entreprises avec la formule :

« Citer pour susciter »

Citer des exemples pour susciter des vocations. Et ça marche !

 

Pour conclure

 

On l’a compris, le goût d’entreprendre et l’acte de création ne relèvent pas de théories intellectuelles. C’est un impetus qu’on peut susciter ou amplifier.

On persuadera les jeunes en leur transmettant du tonus, de l’espoir, de l’enthousiasme créateur et en leur montrant tout simplement ceux qui ont réussi ce défi parce qu’ils ne savaient pas que c’était impossible.

Les créateurs sont, finalement, ceux qui ont tout d’abord le « goût d’entreprendre », objet de cette communication, mais aussi une sorte de naïveté loin du scepticisme ambiant, naïveté qui leur fait croire que tout est possible, naïveté qui les pousse à découvrir ce mythique créneau-porteur, naïveté qui leur fait rassembler des amis, des collaborateurs, des clients et des fournisseurs pour constituer une communauté entrepreneuriale. Et, par miracle, cette naïveté réussit souvent. C’est ainsi que nos statistiques montrent que le taux d’échec réel des nouvelles entreprises que nous avons conseillées et épaulées, est très faible, ce qui prouverait que le risque entrepreneurial est moins important qu’on ne le croit pour les naïfs acharnés.

Épargnons à nos jeunes enthousiastes cette délectation morose, ce pessimisme ambiant, ce SBT, ce Scepticisme de Bon Ton, qui fait florès dans les dîners en ville et ne freinons pas leurs rêves de réussir, leurs ambitions, leurs élans et surtout leur enthousiasme créateur.

Comme disait Chamfort dans des circonstances autrement tragiques :

« Si les raisonnables ont duré, les enthousiastes, eux, ont vécu ».

Texte des débats ayant suivi la communication