Les académiciens ont lu …

Santé, le grand bouleversement

un livre de Jean-François Mattei

lu par André Vacheron
Vice-Président de l’Académie des sciences morales et politiques
Président Honoraire de l’Académie nationale de médecine

lundi 28 septembre 2020

Jean-François Mattei souligne au début de son ouvrage, qu’il n’est rien à la fois de plus permanent et de plus changeant que la médecine. Le progrès continu des connaissances, avec des innovations de rupture, est inscrit dans son histoire. Parmi ces innovations, le généticien Jean-François Mattei montre l’intérêt des cellules souches qui ouvrent la voie à une médecine régénérative et réparatrice. Il montre aussi l’apport du séquençage du génome et de l’analyse génétique pour le diagnostic du présent et la prévision de l’avenir. La thérapie génique en plein essor va permettre une médecine de précision, notamment en cancérologie, adaptée au profil génétique des tumeurs. L’intelligence artificielle, avec l’utilisation d’algorithmes de plus en plus robustes, augmente les capacités du diagnostic fondé sur l’interprétation des images dans de nombreuses disciplines : oncologie, neurologie, ophtalmologie, dermatologie. Elle améliore la stratégie thérapeutique et les chances de guérison, mais elle ne peut pas remplacer le médecin et son humanité : c’est lui qui doit rester maître de la décision prise en conscience et « pas seulement » en science. Il y a trois décennies, mon ami Jean Hamburger regrettait déjà de voir ses élèves passer plus de temps à regarder leur ordinateur qu’à dialoguer avec leur patient. Jean-François Mattei rappelle que les malades veulent rencontrer un être humain et pas une machine. L’humanisme médical et la médecine digitale ne s’opposent pas mais se potentialisent. Comme l’a écrit Nietzsche, la modernité est dangereuse quand elle cesse de s’interroger sur elle-même. Jean-François Mattei, qui a rapporté à l’Assemblée Nationale les premières lois de bioéthique en 1994, souligne que la permanence d’une conscience éthique vigilante doit permettre de maintenir la personne malade au centre de l’attention du médecin et du colloque. Il souligne aussi que le médecin ne doit jamais chasser le doute de son esprit tout en se gardant d’être sceptique ; le scepticisme, c’est ne pas croire alors que le doute, c’est poser des questions. Dans son chapitre consacré à l’évolution des mœurs et à la société post-moderne, Jean-François Mattei regrette le développement de l’individualisme de masse, avec l’évanescence de la matrice culturelle commune. Il constate que seule la survenue de grandes catastrophes fait resurgir les liens qui nous unissent avec le besoin urgent de faire face ensemble, ce que nous observons aujourd’hui avec la pandémie mondiale du coronavirus.

Il souligne l’aberration des oppositions déraisonnables aux faits médicaux scientifiques démontrés, en particulier les oppositions aux vaccins. En 2019, l’OMS a classé l’hésitation vaccinale parmi les 10 menaces les plus importantes contre l’humanité. Mais chacun revendique pour lui le dogme de la liberté en refoulant le devoir de solidarité collective, sauf quand il en a besoin.

Jean-François Mattei n’oublie pas qu’il a été ministre de la Santé de 2002 à 2004 et consacre ses derniers chapitres à la modernisation indispensable de notre système de soins, qui incarne la solidarité. Il souligne l’importance de la prévention, des soins de suite, de l’accompagnement médico-social à la sortie de l’hôpital, de la préparation et de l’accompagnement du vieillissement, enfin la nécessité d’une territorialisation des soins, avec développement des maisons médicales pluridisciplinaires dans les déserts médicaux. Il rappelle dans sa conclusion, que la permanence d’une médecine de la personne continuera de s’imposer car elle est profondément humaine. Le médecin de demain ne doit pas devenir un technicien, un prestataire de service. La santé publique est nécessaire parce que nous sommes tous solidaires et qu’il nous faut agir ensemble pour être plus heureux. J’ai aimé ce livre. Santé, le grand bouleversement, comment serons-nous soignés demain ?  est un bon et un beau livre. Je vous invite à le lire.

 

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