Marianne Bastid-Bruguière
Les « nouvelles routes de la soie »
et la puissance chinoise

Vendredi 21 octobre 2022
Des Académiciens en Sorbonne
Grand Amphithéâtre de la Sorbonne

10h-11h45


Les “nouvelles routes de la soie” et la puissance chinoise

Marianne Bastid-Bruguière
Membre de l’Académie des sciences morales et politiques

Les inscriptions des classes à cette conférence-débat sont coordonnées par le Rectorat de Paris
en relation avec les Rectorats de Créteil et de Versailles.

 

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La conférencière, Marianne Bastid-Bruguière

 

Normalienne, élève de Pierre Renouvin, agrégée d’histoire et géographie, docteur en histoire, Marianne Bastid-Bruguière a étudié le chinois à l’Ecole nationale des langues orientales vivantes. Elle séjourne en Chine d’août 1964 à septembre 1966, pour enseigner un an la langue et la littérature françaises à la Faculté des langues occidentales de l’Université de Pékin, puis comme étudiante de recherche à la Faculté d’histoire de cette université. Sous la tutelle de Shao Xunzheng, ancien élève de Paul Pelliot, elle y définit le sujet et entreprend le travail de sa thèse, dirigée par Jean-Baptiste Duroselle, sur la réforme de l’enseignement à la fin de l’empire et au début de la république. Entrée au CNRS, où elle fera toute sa carrière, et empêchée pendant douze ans par la Révolution culturelle de poursuivre des recherches en Chine, elle effectue plusieurs longs séjours à l’East Asian Centre de l’Université de Harvard, invitée par J.K. Fairbank comme research associate, et à l’Université de Tokyo. À partir de 1978 reprennent de fréquentes visites en Chine qui nourrissent  ses publications sur l’histoire politique sociale et culturelle de la Chine du début du XIXe siècle à nos jours.

De 1988 à 1993, elle assure la direction de l’École normale supérieure comme directrice-adjointe, puis reprend ses fonctions de directrice de recherche au C.N.R.S., section 33, Formation du monde moderne, rattachée au Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine. Parallèlement à ses travaux de recherche, elle assure des enseignements, pendant huit ans, à l’Institut d’études politiques de Strasbourg, puis pendant plus de trente ans à l’Université de Paris 7 et à l’École des hautes études en sciences sociales.

Dans ses travaux sur la Chine moderne et contemporaine, Marianne Bastid-Bruguière a collaboré avec d’éminents sinologues du monde entier, notamment des universités d’Harvard et de Californie aux États-Unis, de Tokyo, Seikei et Kyoto au Japon. Durant vingt-cinq années, elle a été membre du comité exécutif de la revue China Quarterly à Londres. Elle a également été chargée, sous l’égide de la Fondation européenne de la science, de la réalisation d’un programme européen de recherche sur l’État en Chine. Elle a été présidente de l’Association européenne d’études chinoises.

Ses très nombreux articles et contributions à des ouvrages collectifs lui valent une renommée internationale dans le monde de la sinologie et de l’histoire de la Chine moderne, notamment grâce à des traductions et publications en chinois, anglais, allemand, japonais, coréen, italien, espagnol etc.

Marianne Bastid-Bruguière est membre de l’Academia Europaea, docteur honoris causa de l’Académie des sciences de Russie et de l’Université d’Aberdeen.

 

La conférence

 

Les Nouvelles routes de la soie, comme on les nomme communément en français, sont un programme de coopération multilatérale proposé le 7 septembre 2013, dans un discours à l’Université Nazarbayev du Kazakhstan, par Xi Jinping, alors secrétaire général du parti communiste chinois, président de sa commission militaire centrale et président de la République populaire de Chine. Ce programme était inspiré par le projet de même nature annoncé en juin 2011, à Chennai, en Inde, par Hillary Clinton, alors Secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères des États-Unis), mais non suivi d’effet.

Le nom du programme a varié, aussi bien son appellation chinoise que ses traductions officielles ou non (en anglais « ceinture et route »: One belt one road, abrégé en OBOR ; Belt and road initiative, abrégé en BRI). Les changements de nom correspondent à des adaptations à la conjoncture, à des variations de tactique, mais aussi à un élargissement des objectifs stratégiques. Il s’agit aujourd’hui d’une initiative globale de développement qui vise à instaurer la sécurité et un nouvel ordre dans le monde.

À l’origine, l’initiative est une réponse aux difficultés rencontrées par l’économie chinoise à la suite de la crise financière mondiale de 2007-2008. Elle s’appuie sur les acquis de la rapide croissance économique et militaire de la Chine depuis 1978. Elle est aussi inscrite dans un discours national d’anticipation politique élaboré par la direction centrale du parti communiste chinois et martelé par tous ses moyens et canaux en Chine et au dehors.

L’exécution du programme a jusqu’ici augmenté l’aire géographique et les modes d’intervention de la puissance chinoise. Les opérations du programme concernent l’Eurasie continentale, le continent africain, aussi bien que les mers. Dans une première phase surtout diplomatique, l’action s’emploie à constituer des organes et instruments d’intervention (Organisation de coopération de Shanghai dite SCO, Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures dite AIIB) et à mobiliser des acteurs de coopération dans les pays étrangers par la signature d’accords-cadres, on se borne à recycler d’anciens projets abandonnés. La mise en œuvre planifiée de nouveaux grands projets ne s’engage qu’à partir de 2016. L’exécution se révèle alors assez chaotique et on observe une forte disparité selon les régions.

Le bilan des résultats de ces dix années montre un fort accroissement de la puissance matérielle chinoise dans tous les domaines et l’expansion de son influence partout dans le monde, relayée non seulement par les communautés de Chinois d’outre-mer anciennement installées dans le Sud-Est asiatique, en Amérique ou quelques pays d’Europe, mais aussi par de très nombreux nouveaux expatriés dont les entreprises publiques ou privées essaiment en Afrique, en Amérique latine, dans toute l’Asie et l’Europe. Le pouvoir d’attraction de cette hégémonie chinoise sur un nombre grandissant de gouvernements et de populations dans le monde, qui y voient un mode alternatif de croissance rapide dégagée de la contrainte des normes occidentales imposées par les institutions internationales, est une réalité. Cependant l’agressivité et l’incohérence de la démarche chinoise sur le terrain ainsi que le poids de la dette ont provoqué le recul ou la méfiance de nombreux pays partenaires. Critiques et hostilité ont monté parmi les populations locales, avec, dans ces derniers temps, des tensions souvent vives et croissantes, sinon encore vraiment coordonnées. En Chine même, les Nouvelles routes de la soie font l’objet d’un débat permanent dans le monde officiel, parmi les universitaires et le grand public, depuis leur lancement. Aujourd’hui souterrain, en raison d’une censure absolue, le débat porte sur les dangers de l’aventurisme, de la surextension stratégique, du triomphalisme, sur la définition de l’intérêt national et des priorités politiques, sur la part des ressources à consacrer à la projection extérieure et à un développement intérieur encore insuffisant et fragile. Les Nouvelles routes de la soie seraient un fardeau inutile et nocif.

Mots-clés : Programme de développement, infrastructures, dette, sécurité, ordre mondial, discours national, géostratégie, Nouvelles routes de la soie, BRI (Belt and Road Initiative), Organisation de coopération de Shanghai SCO (Shanghai Cooperation Organization). 

 

En résonance avec les programmes

 

  • Lycée, Enseignement commun d’histoire, classe terminale
    « Les relations entre les puissances et l’opposition des modèles politiques, des années 1930 à nos jours »

Thème 2 : « La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970).
Chapitre 2. Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde.

Thème 3 : « Les remises en cause économiques, politiques et sociales des années 1970 à 1991 »,
Chapitre 1 : « La modification des grands équilibres économiques et politiques » dont Deng Xiaoping, acteur majeur d’un nouveau capitalisme.

  • Lycée, Enseignement commun de la géographie, classe terminale
    « Les territoires dans la mondialisation : entre intégrations et rivalités »

Thème 1 : « Mers et océans : au coeur de la mondialisation »
Parmi les études de cas possibles : « La mer de Chine méridionale : concurrences territoriales, enjeux économiques et liberté de circulation. »

  • Lycée, voie générale, Spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques , classe de 1ère
    « Acquérir des clefs de compréhension du monde contemporain »

Thème 1 : « Analyser les dynamiques des puissances internationales »
Axe 2 – Formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique. Jalons : « La maîtrise des voies de communication : les « nouvelles routes de la Soie ».

  • Lycée, voie générale, Spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques, classe terminale
    « Analyser les grands enjeux du monde contemporain »

Thème 1 : « De nouveaux espaces de conquête »
Axe 1 – Conquêtes, affirmations de puissance et rivalités. Affirmer sa puissance à partir des mers et des océans ; la dissuasion nucléaire et les forces de projection maritime.
Objet de travail conclusif – La Chine : à la conquête de l’espace, des mers et des océans. Jalons : Une volonté politique d’affirmation (discours, investissements, appropriations…). Des enjeux économiques et géopolitiques considérables pour la Chine et le reste du monde.

 

Pistes de réflexion
Matière à penser (citation pour aiguiser la réflexion)

« Les hommes sont semblables par nature, ils ne diffèrent que par leurs habitudes », Confucius

 

Pour aller plus loin

 

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