L’Académie a rendu hommage à Bernard Bourgeois lors de la séance du Lundi 22 avril 2024.
Discours lu par le Président de l’Académie des sciences morales et politiques Bruno Cotte
Bernard Bourgeois nous a tout récemment quittés.
Il occupait le fauteuil 3 de la section « Philosophie » où il avait été élu le 2 décembre 2002, au fauteuil laissé vacant par le décès d’Olivier Lacombe.Président de notre Académie en 2014, année durant laquelle il avait proposé d’organiser nos travaux autour du thème des « Sciences politiques », Bernard Bourgeois était jusqu’à il y a encore très peu de temps, d’une grande assiduité à nos séances et événements divers. Ses prises de parole, d’une profonde vérité, exprimées avec conviction et une réelle éloquence étaient attendues et appréciées.
Bernard Bourgeois était l’un des grands philosophes de notre temps et ses travaux sur Hegel font mondialement autorité.
Né le 2 septembre 1929 à Varennes-Saint-Sauveur en Saône-et-Loire, Bernard Bourgeois était ancien élève de l’École Normale Supérieure (promotion 1951) dont il était sorti en 1954, agrégé de philosophie. Après son service militaire en tant qu’officier de Tirailleurs (1954-1957), il enseigna la philosophie au lycée de Mâcon de 1957 à 1963.
Sa carrière universitaire débuta en 1963 et elle s’étendra jusqu’en 1999, date où il fut nommé professeur émérite. D’abord enseignant à la Faculté des Lettres de Lyon comme assistant puis maître-assistant, il devient, après avoir obtenu son doctorat ès lettres en Sorbonne en 1972, professeur titulaire à l’Université Lyon II (1973-1974), puis à l’Université Lyon III – Jean Moulin (1974-1989). En 1989, il est élu professeur à l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne.
Doyen de la faculté de Philosophie de Lyon à deux reprises (1970-1973, puis 1974-1979), puis vice-Président de l’Université Lyon III – Jean Moulin (1979-1983), Bernard Bourgeois fut membre de la Commission sectorielle des Sciences humaines et Sociales au ministère de l’Éducation Nationale (1987-1989), et membre du Conseil national des Universités de 1976 à 1996, presque sans interruption. Il a également été membre de la Commission française pour l’UNESCO (1979-1984).
De 1991 à 2009, il a présidé la Société française de Philosophie, créée notamment par Léon Brunschwicg et André Lalande, tous deux membres de l’Académie. Il était également membre de l’Institut international de Philosophie depuis 1995 et il a assuré la direction de la « Revue de métaphysique et de morale », présidée par Paul Ricœur.
S’il fut un grand intellectuel au sens le plus noble du terme, Bernard Bourgeois fut également un grand professeur dont les cours ont été très fréquentés. Bon orateur, je viens de le souligner, il était capable de présenter des problèmes complexes d’une façon presque familière, variant le ton, recourant à l’anecdote et proposant un cheminement clair.
Bernard Bourgeois était l’un des plus éminents spécialistes de la philosophie allemande et, en particulier, de l’idéalisme allemand – notamment de Fichte et Hegel. Son œuvre en ce domaine est particulièrement solide, aussi est-elle reconnue.
On lui doit plusieurs milliers de pages de traduction de Hegel, ainsi que de nombreux ouvrages, notamment celui paru chez Vrin en 1986, Le droit naturel de Hegel, ainsi que des études sur l’idéalisme allemand abordant tour à tour des problèmes tels que le droit naturel, la raison et le droit politique, la décision, les rapports de la religion et de la philosophie…
La richesse de sa pensée, ses remarques pertinentes et sa profonde amabilité vont nous manquer.
S’il était à coup sûr un grand philosophe, Bernard Bourgeois était aussi un humaniste au sens où l’homme comptait pour lui.
Discret, modeste, attentif aux autres, attentionné même – c’est devenu si rare – nous étions tous conquis par sa simplicité et par sa gentillesse.
A titre personnel, je n’oublierai pas les petits mots de remerciements qu’il m’a adressés après les communications que j’avais faites lors des années de présidence de Gilbert Guillaume et de François d’Orcival… des messages de remerciements délicieux, inattendus, témoignant d’une sensibilité attentive à un jeune confrère dont les connaissances n’égalaient certes pas les siennes !
Je vous propose, chères consœurs, chers confrères d’observer une minute de silence en hommage à notre confrère Bernard Bourgeois que, oui, nous regretterons beaucoup.
Bruno COTTE, Séance de l’Académie des sciences morales et politiques du 22 avril 2024

