Intervention d’Emmanuel Faber – La gouvernance mondiale de la transition verte : la nouvelle organisation internationale de normalisation de la finance durable

Emmanuel Faber, Président du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité, est intervenu en séance le lundi 5 juin 2023.

Thème de la conférence : La gouvernance mondiale de la transition verte : la nouvelle organisation internationale de normalisation de la finance durable

Synthèse de la séance

Si le lien entre comptabilité et climat s’impose comme une nécessité aujourd’hui compte-tenu des risques financiers liés aux questions de dérèglement climatique et de développement durable, ce n’est que récemment que la communauté comptable et financière a pris conscience de l’importance d’une comptabilité climatique et d’un cadre réglementaire spécifique d’informations liées à la durabilité. C’est à la 26ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques en 2021 à Glasgow que la création de l’ISSB a été annoncée. L’International Sustainability Standards Board est un organisme chargé de créer et développer des normes d’information financière relatives au développement durable afin de répondre aux besoins des investisseurs en matière d’information environnementale. Cette démarche s’inscrit dans la lignée des IFRS (International financial reporting standards) qui depuis 2005 constituent les normes permettant d’uniformiser la présentation des données comptables. La plupart des grandes entreprises européennes et des groupes français cotés ont adopté les IFRS, tel Danone en 2005. L’accélération du dérèglement climatique qui a entraîné par exemple l’arrêt du trafic sur le Rhin en raison de la chute du débit du fleuve ou qui fait dire aux plus grands groupes d’assurance et de réassurance qu’un monde à plus 4°C n’est pas assurable incite à trouver un langage comptable pour intégrer le climat dans l’analyse systémique des risques.

En mars 2022, l’ISSB a publié un projet préliminaire afin de définir le champ lexical du nouveau langage comptable intégrant les risques climatiques et le 26 juin paraîtront les deux premières normes, applicables dès le 1er janvier 2024. La première difficulté rencontrée dans ce travail est qu’aujourd’hui, au sein de la même entreprise, les décisions d’investissements et celles liées à l’application des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) ne sont pas articulées entre elles. Un changement culturel et une véritable stratégie sont nécessaires pour éviter le risque du greenwashing. Par ailleurs, le risque serait que se développe une cacophonie analytique et comptable et que la fragmentation de systèmes de comptabilités se poursuive. L’autre difficulté est politique : les risques financiers liés au climat vont nécessairement faire basculer les marchés financiers mais la transition climatique ne pourra se faire que si elle est acceptée socialement et si les efforts sont répartis de manière équitable. À l’échelle internationale, l’accord de Paris conclu à l’issue de la COP21 a posé ce principe d’une responsabilité commune mais différenciée, les pays du sud demandant à juste titre la justice climatique. Dès lors, comment œuvre-t-on à une transition juste et à un juste partage des efforts ? Quelles réponses apporte-t-on à la fermeture des chaînes de valeur (par exemple des véhicules à moteur thermique qui seront interdits à la vente en Europe en 2035), comment forme-t-on la population à d’autres métiers, comment protège-t-on les plus vulnérables si la transition se traduit par une forte inflation ?

Le climat, bien commun de l’humanité, est peut-être le seul élément qui fasse encore exister un multilatéralisme, bien en berne par ailleurs. Les marchés financiers en sont un allié essentiel, le connecteur le plus universel à l’échelle de la planète. Toutefois, l’émergence de politiques publiques est fondamentale pour tracer la route et encadrer des marchés qui sont aveugles et ne sont pas tout puissant. En termes de gouvernance, il est urgent que la comptabilité du secteur public progresse également et que les États se dotent des outils de pilotage budgétaire à même d’accompagner la transition et de prendre en compte le risque climat dans la comptabilité publique.

À l’issue de sa communication, Emmanuel Faber a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées S. Sur, B. Stirn, J. Tirole, J. de Larosière, J.D. Levitte, J.C. Trichet.

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L’Académie accueille un séminaire de la section du contentieux du Conseil d’État

L’Académie des Sciences morales et politiques a eu le plaisir d’accueillir, ce vendredi 26 mai 2023, un séminaire de la 6ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’État autour de sa présidente Isabelle de Silva.

Notre secrétaire perpétuel Bernard Stirn a ainsi pu faire découvrir les lieux et le fonctionnement de l’Académie et de l’Institut de France aux seize membres présents de la plus haute juridiction administrative.

Bernard Stirn accueille le président australien de la Victorian Law Reform Commission Anthony M. North

Le secrétaire perpétuel de l’Académie et président honoraire de section du Conseil d’État a accueilli au Palais de l’Institut, ce jeudi 25 mai, le président de la Law Reform Commission de l’État fédéré australien de Victoria (au sud est du pays) the honourable Anthony M. North.

Cette autorité indépendante vise notamment à formuler des recommandations lors de projets de réforme du droit dans cet État. L’influence de cette structure est considérable puisque, depuis 2001, trente rapports de la commission ont été suivis d’effets par le gouvernement et par les parlementaires. Ses recommandations ont ainsi généré des changements législatifs majeurs.

Intervention de Lionel Zinsou – Réflexions sur la meilleure gouvernance des pays en développement et émergents, en particulier des pays africains

Lionel Zinsou, Ancien Premier ministre du Bénin (2015-2016) et Président de Southbridge, est intervenu en séance le lundi 22 mai 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la meilleure gouvernance des pays en développement et émergents, en particulier des pays africains

Synthèse de la séance

L’Afrique a un appétit de liberté, de solidarité et d’union. Tout « prince », en charge des affaires publiques, est confronté aux mêmes devoirs génériques, qui ne relèvent en rien d’un quelconque folklore. Il faut garantir une pérennité de l’action et une union des populations, ce qui relève de la gageure lorsqu’elles parlent 14 langues et qu’elles se sont souvent combattues. Il y a aussi à délivrer des résultats sociaux, notamment lorsque la jeunesse de la population fait parfois augmenter de 100 000 élèves en un an le nombre d’écoliers. Il faut également délivrer de la sécurité, notamment dans des régions où sont présentes des filiales de Daesch ou d’Al Qaeda, capables de s’unir pour co-produire de la barbarie, et dont les intentions sont bien plus politiques que religieuses, comme l’atteste le pourcentage élevé des victimes parmi les musulmans. La gouvernance africaine n’est pas une gouvernance exotique. Les responsabilités politiques sont les mêmes que partout ailleurs et il s’agit de déconstruire un certain nombre de clichés ou d’erreurs d’analyse. Tout d’abord, celle qui consisterait à penser qu’il faudrait un régime autoritaire pour engendrer un développement économique. Les exemples du Maroc, du Sénégal ou du Ghana invalident cette hypothèse erronée. La deuxième erreur serait de penser que la corruption est un inhibiteur de croissance. Certes elle a des effets, moraux et économiques, dévastateurs mais les plus fortes croissances- notamment asiatiques – sont-elles exemptes de corruption ? La troisième erreur serait de penser que les capacités de développement africaines seraient plombées par une croissance démographique excessive. Les raisons structurelles qui expliquent aujourd’hui que la croissance démographique reste forte en Afrique tiennent à l’allongement de l’espérance de vie et non à la fécondité qui régresse partout. Dans certains pays, comme en Tunisie, l’indice synthétique de fécondité est aujourd’hui inférieur au seuil de renouvellement des générations (1,8). La démographie n’inhibe donc en rien le fonctionnement politique et l’Afrique bénéficie d’un rapport très favorable entre les actifs et les inactifs, à l’instar de l’Inde. Une autre erreur serait de considérer qu’il y a un fort taux d’analphabétisme empêchant une large part de la population de s’intéresser aux affaires publiques. Or, aujourd’hui, le demos a beaucoup changé : il est parfaitement informé par les réseaux sociaux et a le sentiment de bien connaître les problèmes et les solutions possibles. Il y a une forte opinion publique, consciente et éclairée en Afrique aujourd’hui, avec de fortes aspirations démocratiques, comme on peut le constater au Bénin, au Sénégal, au Nigéria, au Kenya, en Tanzanie ou encore en Namibie.

La gouvernance économique a fait encore plus de progrès que la gouvernance politique. De nombreuses start up technologiques sont devenues des licornes. La progression du secteur économique est d’autant plus notable qu’il n’y avait pas de secteur privé au moment des indépendances.

Concernant la gouvernance mondiale, l’Afrique n’y est pas invitée. Elle a par ailleurs du mal à s’aligner sur l’Occident, pour des raisons mémorielles – dans son histoire, l’Occident n’a pas été la parfaite incarnation des valeurs qu’il défend, passant du code Noir au régime de l’indigénat et inventant le travail forcé après avoir aboli l’esclavage ; et pour des raisons immédiates. L’Afrique attend de voir si le dialogue, notamment concernant les négociations environnementales, est équilibré et souhaite peser du poids de ses 54 États qui peuvent peser s’ils s’unissent pour parler d’une même voix.

À l’issue de sa communication, Lionel Zinsou a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées X. Darcos, H. Korsia, J.R. Pitte, G. Alajouanine, F. d’Orcival, H. Gaymard, P. Delvolvé, M. Bastid-Bruguière.

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Intervention d’Alain Minc – la gouvernance des entreprises concurrentielles dans une économie capitaliste de marché

Alain Minc, haut fonctionnaire et chef d’entreprise, président d’A.M. Conseil et de la SANEF, est intervenu en séance le lundi 15 mai 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la gouvernance des entreprises concurrentielles dans une économie capitaliste de marché

Synthèse de la séance

Alain Minc commence par dresser le panorama mondial des systèmes capitalistes qui sont en concurrence, comme des entreprises. Le capitalisme français, tout d’abord, se caractérise par trois traits spécifiques. Il est premièrement intensément capitaliste. La présence de groupes familiaux dans les entreprises du CAC 40 est extrêmement importante en France, du fait du poids de groupes récents dans le secteur du luxe mais aussi de groupes familiaux transmis de génération en génération. Ainsi, hormis la Californie, l’endroit où il y a le plus de grands capitalistes serait la France. Cet étrange paradoxe pourrait s’expliquer par l’hypothèse – provoquante – que l’on s’éduque peut-être mieux au capitalisme dans un environnement socialisant voire socialiste, même si l’on est entré aujourd’hui dans une période davantage « business friendly ». La deuxième caractéristique du capitalisme français est la présence des acteurs mutualistes et la troisième, celle des salariés comme actionnaires des entreprises capitalistes. Ceci est le produit des actionnariats salariés nés des privatisations, de l’existence d’une législation favorable à l’octroi d’avantages pour tous les plans d’actionnariats salariés et enfin d’une volonté politique « trans-courant » à l’intérieur du « cercle de la raison ». Il en résulte des entreprises où la part des salariés au capital est extrêmement importante, comme dans les groupes Bouygues, Eiffage ou Vinci par exemple. Ce principe de l’actionnariat salarié est d’ailleurs la seule manière de corriger la distorsion qui s’est creusée au cours des dernières années entre capital et travail au profit du capital, sans recourir à des hausses massives de salaires, impossibles du fait de la perte de compétitivité vis-à-vis de nos concurrents internationaux que cela induirait. Il serait bon qu’une loi fixe pour les sociétés cotées en bourse d’atteindre, dans les 3 ans, au moins 10% de leur capital détenu par les salariés, et pour les sociétés non cotées, d’émettre des actions sans droits de vote au profit des salariés.

Le capitalisme allemand se caractérise par la cogestion, la célèbre Mitbestimmung, qui fait que les conseils de surveillance sont partagés entre les représentants des actionnaires et ceux des salariés désignés par les syndicats. Contrairement à la France, qui dispose de banques exceptionnelles, le système capitaliste allemand s’accompagne de banques médiocres et ambiguës dans leur fonctionnement, mais sa richesse vient des entreprises moyennes, le Mittelstand, relevant de la propriété familiale, et non de la bourse.

Concernant le capitalisme anglo-saxon, la variante anglaise est plus pure car bâtie sur un schéma très simple : une action donne droit à un vote ; tandis que le système américain, plus ambigu, autorise d’avoir des actions avec de multiples droits de vote, des actions sans droit de vote et crée des mécanismes qui donnent un pouvoir léonin aux fondateurs des entreprises, comme on le voit pour les créateurs des GAFA dans la Silicon Valley.

En Asie du Sud-Est, et bientôt en Afrique, ce sont des oligarchies de pouvoir qui contrôlent des entreprises cotées. En Russie, on pourrait qualifier le capitalisme de capitalisme comprador, du terme employé par Marx pour désigner la bourgeoisie de rentiers.

Enfin, reste le capitalisme chinois dont la vitesse considérable de développement s’est néanmoins faite à l’ombre du Parti communiste et à la merci d’une mainmise du pouvoir politique sur le pouvoir économique.

Au cœur du capitalisme, quelle que soit sa forme, existe une matrice : l’entreprise. Qu’est qu’une entreprise ? une entité appartenant à ses actionnaires, une entité faite du capital (les actionnaires) et du travail (les salariés), une entité qui fait la synthèse entre les parties prenantes (actionnaires, salariés, clients, parties prenantes de l’environnement…). Depuis la loi PACTE de 2019, sont aussi apparues en France les entreprises à mission.

Un modèle français de la gouvernance d’entreprise gagnerait à emprunter aux règles anglo-saxonnes ce qu’elles ont de bon en termes de compliance (respect des règles) et d’accountability (transparence) et à rester très latin et attaché à un principe d’empirisme.

À l’issue de sa communication, Alain Minc a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées H. Gaymard, M. Pébereau, F. d’Orcival, G.H. Soutou, J.C. Trichet, J.R. Pitte, H. Korsia, L. Ravel, Th. Fortsakis.

Verbatim du conférencier

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Ouverture de la succession au fauteuil laissé vacant par Mireille Delmas-Marty

Le fauteuil n°1 de la section Morale et Sociologie a été déclaré vacant lors de la séance ordinaire de l’Académie des Sciences morales et politiques du lundi 15 mai 2023.  Il était auparavant occupé par Mireille Delmas-Marty, décédée le 12 février 2022.

Les candidatures seront reçues au secrétariat de l’Académie à compter de ce jour et jusqu’au lundi 12 juin 2023.

Rencontre avec une délégation taiwanaise de l’Académie Sinica

Marianne Bastid-Bruguière a accueilli la délégation taïwanaise

Jeudi 11 mai 2023, une délégation taïwanaise composée de membres de l’Academia Sinica, et de son président James Liao, est venue rencontrer les académiciens au Palais de l’Institut de France. Cette rencontre a eu lieu en présence de Madame Ching-fang Hu, directrice du centre culturel de Taïwan à Paris. Fondée en 1928 sous le gouvernement nationaliste de Chiang Kai-shek, par une des grandes figures du monde intellectuel chinois de l’époque Cai Yuanpei (1868-1940), l’Academia Sinica a été conçue comme une fusion entre l’Académie des sciences d’URSS et l’Institut de France. Elle comprend aujourd’hui une quarantaine de laboratoires de recherche, 28 instituts, 10 musées, répartis entre trois divisions : Mathématique et sciences physiques, Sciences de la vie, Humanités et sciences sociales et compte 281 académiciens (105 locaux, 176 résidents d’outre-mer), dont 7 Prix Nobel. L’ASMP, tout comme l’Académie des sciences, a entretenu depuis longtemps d’importants liens avec l’Académie Sinica.

Les participants

  • President James Liao, Academia Sinica
  • Dr. Roy Tseng, Director of the Secretariat, Research Fellow of Research Center for Humanities and Social Science
  • Dr. Tzu-Ching Meng, Director of Department of International Affairs Research fellow of Institute of Biological Chemistry
  • Dr. Miaw-fen Lu, Deputy Executive Secretary of Central Academic Advisory Committee ; Research fellow of Institute of Modern History
  • Dr. Kuan-Min Huang, Director of Institute of Chinese Literature and Philosophy
  • Dr. Chien-Liang Lee, Director of Institutum Iurisprudentiae
  • Ms. Ren Huang, PM of Department of International Affairs
  • Mme Ching-yi Lin, director of Taipei Representative Office in France
  • Mr. Kevin Chuang, secretary of Taipei Representative Office in France
  • Mme Ching-fang Hu, director of Taiwan cultural center in Paris
  • Mr. Te-chun Wang, secretary of Taiwan cultural center in Paris

Lancement des groupes de travail « La culture générale aujourd’hui »

À la suite du colloque inaugural « La culture générale aujourd’hui » qui a rencontré un vif succès, le cycle d’études “La culture générale aujourd’hui – une question d’éducation et de pédagogie” de l’Académie des sciences morales et politiques, soutenu par la Fondation Simone et Cino Del Duca et porté par Olivier Houdé, membre de l’Académie, engage une phase de réflexion collective.

Celle-ci débutera lundi 5 juin, de 9h à 12h30, en Grande Salle des Séances de l’Institut de France (23, Quai de Conti, Paris 6e) avec l’installation des groupes de travail :

Olivier HOUDE

9H – Ouverture de la salle, installation des participants

9H30 – Mot d’accueil par Bernard Stirn, Secrétaire perpétuel de l’Académie

9H40 – Bilan de la journée du 7 mars et lancement de quatre groupes de travail par Olivier Houdé, responsable du Cycle d’études :

  • GT1 : La culture générale sous toutes ses facettes : portrait-type de « l’honnête humain » du XXIe siècle.
  • GT2 : Formats et médiations : comment relier les formats classiques et nouveaux ? Livres, BD, jeux vidéo, musées, plateformes numériques, IA, etc.
  • GT3 : Baromètre de la culture générale à l’école. En partenariat avec l’Éducation nationale (DEPP).
  • GT4 : Pédagogie de la culture générale : éveil et outils. En partenariat avec le réseau pédagogique et collaboratif Lea.fr et L’éléphant, revue de culture générale.

10H15 – 12H30 : réunions parallèles des quatre groupes de travail dans des salles du Palais.

Pour toute demande de renseignement, merci d’écrire à marianne.tomi@asmp.fr