Communication de Jean-Baptiste GUÉGAN « Géopolitique du sport. Une autre compréhension de la puissance et du monde »

Communication du lundi 3 novembre de Jean-Baptiste Guégan, Rédacteur en chef de la revue « La Géographie »

Thème de la communication : Géopolitique du sport. Une autre compréhension de la puissance et du monde

 Synthèse de la séance

Révélateur de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être, le sport constitue un « fait social total » qui révèle la nature profonde des sociétés et transcende largement le cadre du simple divertissement. L’approche du sport par la géopolitique constitue ainsi une autre grille de compréhension du monde.

Par essence et contrairement au discours commun, le sport est politique et géopolitique à toutes les échelles. Il forme un couple évident et indissociable avec la puissance, allant bien au-delà de la seule puissance douce : il s’affirme comme un outil de gouvernance, un levier géopolitique et un instrument de pouvoir flexible et efficace.

Après avoir réfuté le mythe de l’apolitisme et de la neutralité du sport, notamment dans le cadre du CIO, le sport se confronte aujourd’hui au « piège de Coubertin », cette contradiction originelle entre la volonté de de s’abstraire des relations internationales et son usage réel comme instrument de puissance. Depuis l’ère moderne et la relance des Jeux Olympiques, le sport ne cesse d’être un enjeu, un moyen et un révélateur des relations internationales depuis la décennie 1930.

La géopolitique du sport permet en cela de mesurer et de comprendre l’expression de la puissance étatique dans toutes ses dimensions dans le sport, avec le sport et par le sport. Plusieurs expressions de la puissance par le sport se manifestent. Le hard power sportif révèle l’avancement des sociétés et les inégalités mondiales. Le soft power sportif dépasse pour sa part la simple attractivité pour devenir un instrument politique et d’influence. Les stratégies étatiques font ainsi du sport un levier stratégique au service du nation branding (valorisation de l’image nationale à l’extérieur) et du nation building (cohésion et unité nationales). Le sport étant de plus en plus « arsenalisé », il convient cependant de ne pas se limiter au seul prisme du soft power. Il doit être désormais considéré comme un outil de gouvernance à part entière et un support de la « puissance de l’imaginaire » parce qu’il permet d’imposer les narratifs nationaux dans la « guerre des récits ».

Plusieurs exemples illustrent les facettes de cette instrumentalisation stratégique. Singapour et la Slovénie utilisent des stratégies de marketing territorial pointues, valorisant leur excellence organisationnelle et la durabilité environnementale tout en employant les compétitions sportives et les athlètes pour les mettre au service de leur visibilité internationale, de leur attractivité et de leur développement. Le Qatar utilise le sport comme un des piliers de sa Vision 2030 pour exister sur la scène internationale, diversifier son économie et renforcer la fierté nationale, via une approche à 360° intégrant l’organisation d’événements majeurs (Coupe du monde 2022) et l’intégration des instances, tout en soutenant la famille Al Thani au pouvoir. Le Rwanda emploie le sport sous l’angle du sponsoring (« Visit Rwanda »). Sous la férule de Paul Kagamé et tout à son profit, il développe une stratégie de développement qui n’hésite pas à mêler le sport washing et le nation branding pour faire oublier l’image du génocide des Tutsis, la dimension autoritaire du pouvoir tout en projetant une image de modernité haut de gamme susceptible de dynamiser son économie et le tourisme local.

En conclusion, le sport peut être considéré comme une « avant-scène des relations internationales », témoignant d’une recomposition et d’une désoccidentalisation du sport mondial. Le monde sportif connaît en effet un basculement de ses centres de gravité vers l’Asie et le Golfe arabo-persique, porteurs de valeurs et d’ambitions différentes de l’Occident. Face à cette « arsenalisation du sport » et sa nouvelle géographie, les démocraties doivent repenser leurs stratégies d’une part. Il est impératif pour elles de prendre conscience de cette puissance et d’ « armer et réarmer le sport » pour utiliser toutes ses dimensions et ne pas laisser cet outil stratégique aux régimes autoritaires. D’autre part, le sport et ses instances de gouvernance doivent en parallèle enfin assumer pleinement leur dimension géopolitique et leurs responsabilités pour se mettre au service du développement et de la paix.

À l’issue de sa communication Jean-Baptiste Guégan a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées P. Delvolvé, O. Houdé, R. Brague, J. de Larosière, M. Pébereau, G.H. Soutou, S. Sur, J.C. Trichet, L. Bély.

 Verbatim du communicant

 Le verbatim sera disponible prochainement.

 

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