Communication de Michel Pébereau
Réflexions sur la nécessité de mieux gérer les finances publiques en France

Conférence du lundi 25 septembre 2023 de Michel Pébereau, inspecteur général des finances honoraire, ancien PDG du groupe BNP Paribas

Thème de la conférence : Réflexions sur la nécessité de mieux gérer les finances publiques en France

Synthèse de la séance

Les problèmes de gestion de finances publiques ne sont pas nouveaux en France. Déficits et dettes sont presque aussi vieux que le Royaume de France. Ils débouchent sur les États généraux de 1789 et la banqueroute des 2/3 qui solde en 1796 les dettes de l’Ancien régime et de la révolution. Après plus d’un siècle de stabilité monétaire grâce au franc Germinal, les deux guerres mondiales bouleversent radicalement la situation des finances publiques : elles hissent la dette publique à plus de 150% du PIB, déclenchent une inflation et des dévaluations massives qui font perdre toute valeur à notre monnaie et à notre dette en franc. La mise en ordre du général De Gaulle en 1958 fait disparaître les déficits publics et ses deux successeurs limitent notre dette à 20% du PIB en 1980. Mais François Mitterrand installe un déficit structurel dont les relances keynésiennes augmenteront périodiquement l’ordre de grandeur et que plus personne n’essaiera de faire disparaître. Aujourd’hui, après près de 80 années de paix, notre dette dépasse 100% du PIB en 2020. Tous les pays ont des dettes publiques, mais celles des pays avancés sont plus élevées que les autres et le niveau et les perspectives de la nôtre sont parmi les plus préoccupants. Pour continuer à refinancer notre dette dans de bonnes conditions, il nous faut démontrer que nous pouvons et nous voulons la réduire. Cela suppose une révision générale des dépenses de chacune de nos administrations publiques qui prendra du temps. Or, nous avons une véritable addiction à la dépense publique.

Ces déficits et cette dette considérable qui s’élève à 111% en 2022 présentent de multiples inconvénients : un appauvrissement de l’État dont la situation patrimoniale se détériore, un coût annuel avec la charge que représentent les intérêts dont les taux sont en train de remonter – la charge de la dette va passer de 38,6 milliards en 2023 à 74,4 milliards en 2027 –, une iniquité vis-à-vis des générations futures qui auront à supporter les charges d’emprunt, une détérioration de la balance des paiements courants, et un affaiblissement de notre leadership européen.

L’origine de ces déficits structurels ne réside pas dans une insuffisance de prélèvements obligatoires mais dans le niveau de nos dépenses publiques, qui n’ont cessé d’augmenter depuis 1981. Avant même la crise du COVID, la France se trouvait plus de 8 points au-dessus de la moyenne de l’OCDE. En 2022, les dépenses publiques représentaient 58,3% du PIB. Chacune des grandes catégories de l’administration publique, la protection sociale, les collectivités locales et l’État contribue à cette dérive de nos dépenses publiques. La situation la plus criticable est celle de nos administrations de protection sociale : 33,3% du PIB est consacré à cette protection. C’est un choix de société qui permet de réduire plus que les autres les inégalités mais qui font s’élever les dépenses en 2019 à 763 milliards d’euros – la vieillesse et la maladie représentant 75% du total. L’un des chantiers les plus efficaces serait la réduction du mille-feuille des collectivités locales. Une réduction significative des effectifs d’agents publics démontrerait aux investisseurs la volonté de nos autorités de s’attaquer vraiment à notre problème structurel d’addiction à la dépense publique pour faire disparaître nos déficits.

Verbatim du conférencier

Le verbatim du conférencier sera publié prochainement.

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Séance consacrée à la transition énergétique avec Patrick Pouyanné et Denis Ranque

La séance du 11 septembre 2023 était consacrée à une question d’actualité : la transition énergétique avec deux communicants:

  • Patrick Pouyanné, PDG de Total Energies
  • Denis Ranque, Président de l’Académie des technologies et ancien PDG d’Airbus

Hommages

Le président Jean-Claude Trichet a prononcé des hommages aux académiciens disparus cet été :

Alain BESANÇON

Hommage à Alain Besançon

Hommage à Marcel Boiteux

Marcel BOITEUX
Basil Markesinis
Jacques-Yvan Morin

Hommage aux correspondants Basil Markesinis et Jacques-Yvan Morin

Synthèse de la séance

Patrick Pouyanné a rappelé tout d’abord les trois piliers qu’une politique énergétique se doit de respecter : l’énergie doit être disponible – avec la contrainte majeure qu’elle ne peut pas être stockée -, abordable en terme économique et durable en terme écologique. En 2022, 80% de l’énergie mondiale consommée provient des énergies fossiles – parmi lesquelles le pétrole, dont on consomme 300 millions de barils par jour, représente environ 30%. La demande en énergie n’a cessé d’augmenter du fait de l’augmentation de la population et va encore croître du fait de l’augmentation de la demande des pays émergents dont la population a pour l’instant une consommation 8 fois moins importante que la nôtre. Outre le fait que des investissements dans un système d’énergie décarbonée sont nécessaires, il est également important de continuer à investir dans la production pétrolière faute de quoi elle perdra 3 à 4% de sa capacité de production par an.
Par ailleurs, le changement climatique est un phénomène global. Si l’Europe et les États-Unis ont une responsabilité historique dans les émissions de gaz à effet de serre avec respectivement 350 millions de tonnes et 400 millions de tonnes d’émissions historiques, il est impératif aujourd’hui que des pays comme la Chine et l’Inde, qui émettent 40% des émissions mondiales de CO2, participent pleinement à un consensus tel que celui que l’Accord de Paris a tenté de faire émerger en 2015. Par ailleurs, une des mesures les plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique serait d’arrêter la déforestation de la planète. Se pose alors la question de savoir où est la bonne gouvernance mondiale capable de faire respecter une telle mesure ?

Réécoutez l’intervention de Patrick Pouyanné

Denis Ranque a indiqué que si l’on souhaitait atteindre l’objectif du Net Zéro en 2050 cela impliquait de sortir quasiment intégralement des énergies fossiles. Pour cela deux voies sont possibles : la biomasse qui est neutre en carbone mais qui est en quantité limitée et l’électricité décarbonée (renouvelables et nucléaire). Toutefois, la technologie ne peut pas tout et un changement des comportements, voire des valeurs, individuels et collectifs, est indispensable comme l’a rappelé le rapport sur la « Sobriété » publié par l’Académie des technologies en mai 2023. La révolution énergétique est donc une question porteuse de conflits de valeur entre l’objectif climatique et le bien-être actuel. C’est par ailleurs une question éminemment politique et géopolitique, comme l’attestent les tensions franco-allemandes : par le traité de Lisbonne, la France a transféré à l’Europe les règles de la politique énergétique. De ce fait, alors qu’elle est l’un des pays les moins émetteurs de CO2 (chaque Français émettant deux fois mois de CO2 que son voisin allemand), elle subit des pénalités et des sanctions pour non-respect du mix énergétique imposé. La transition énergétique est donc loin d’être un simple sujet technique et technologique mais soulève de nombreuses questions d’ordre moral et politique.

Réécoutez l’intervention de Denis Ranque

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Hommage à Denis Kessler

La séance du lundi 12 juin a été consacrée à un hommage à Denis Kessler, disparu la semaine précédente. Le président Trichet a prononcé les paroles suivantes :

Denis KESSLER

“Élu le 11 janvier 2016 dans notre compagnie au fauteuil de Michel Albert, dans la section Économie politique, statistique et finances, Denis Kessler était une grande figure de notre Académie. Il incarnait à la fois le brillant universitaire, l’intellectuel toujours présent dans le débat économique et social, le redoutable débatteur et le chef d’entreprise lucide et courageux. Denis Kessler incarnait pour tous nos confrères une figure imposante dans nos débats et conversations académiques, par son éloquence, par l’usage remarquable de ses métaphores et par la grande rigueur et le courage de ses analyses. Courage intellectuel et courage physique dont il a fait preuve en luttant jusqu’au bout contre la maladie qui devait l’emporter.
Né le 25 mars 1952 à Mulhouse, Denis Kessler a été élève au lycée Albert Schweitzer de Mulhouse puis au lycée Kléber à Strasbourg. En 1973 il intègre HEC et en sort diplômé en 1976. Il cumulera cette formation qui le prépare à son destin d’homme d’action et de dirigeant d’entreprise avec une maîtrise de sciences politiques, une maîtrise d’économie appliquée ainsi que par un DEA de philosophie à l’université Panthéon Sorbonne, avant de soutenir un doctorat d’État en économie en 1987. Il est nommé chargé de recherche au CNRS en 1986 et réussit le concours d’agrégation de sciences économiques en 1988, avant de devenir professeur des universités à l’université de Strasbourg Nancy, puis d’être nommé directeur d’études à l’EHESS (l’Ecole des hautes études en sciences sociales).
Une nouvelle période de sa vie s’ouvre alors, couronnée de succès grâce à son audace, son goût pour les idées novatrices et à son esprit d’entreprise. Il devient en 1990 le président de la Fédération française des sociétés d’assurance, avant de devenir directeur général et membre du comité exécutif d’AXA en 1997 et 1998.
S’inscrivant toujours davantage dans le paysage entrepreneurial français il devient vice-président du MEDEF de 1998 à 2002, en contribuant à instaurer et diffuser une nouvelle vision du risque et de sa place pour l’entrepreneur mais aussi dans la société entière.
Une nouvelle et longue page de la vie de Denis Kessler s’ouvre le 4 novembre 2002 lorsqu’il devient président directeur général du groupe de réassurance, SCOR, qu’il va animer et hisser à la 4èmeplace mondiale et dont il a été le président pendant 21 ans, de sa nomination à son décès. Il en avait encore présidé la dernière assemblée générale le 25 mai dernier, avec une détermination et une volonté inaltérées, malgré la maladie.
Mais il manquerait encore une pierre à l’édifice de la vie trop brièvement retracée ici de Denis Kessler si l’on n’évoquait pas la dernière aventure dans laquelle il s’était lancé et qui résume peut-être les talents et les multiples qualités de cet universitaire-entrepreneur. Il s’agit de son entrée dans le monde éditorial avec la constitution en 2016 du groupe Humensis, né de la fusion des Puf et Belin, qui regroupe des maisons prestigieuses comme les Puf, qui étaient menacées de disparition du paysage éditorial français, ainsi que d’autres maisons comme les éditions de l’Observatoire, Le Pommier ou de nouvelles maisons comme Passés Composés qui est à l’origine de livres d’Histoire remarquables. C’est aux éditions Belin, que Denis Kessler a eu la fierté de publier des outils pédagogiques permettant d’éveiller les élèves à l’économie dans le cadre du nouveau programme de Sciences économiques et sociales en partie inspiré des travaux menés par la section Economie.

Réunion de la section Économie politique, statistique et finances au Palais de l’Institut le 17 avril 2023 en présence du doyen Jean-Claude Casanova, de Pierre-André Chiappori, Denis Kessler, Michel Pébereau, Dominique Senequier et du correspondant George de Ménil


C’est à ces multiples visages de Denis Kessler que la journée organisée le 20 avril dernier par l’Institut Aspen à la Fondation del Duca, autour de « Des hommes qui lisent » a rendu hommage. Reçu dans cette grande salle des Séances par Michel Pébereau qui avait mis en exergue ses nombreuses qualités, parmi lesquelles une capacité d’analyse exceptionnelle, le sens du bien commun, une remarquable lucidité dans l’évaluation des risques, un don incontestable de pédagogue, mais aussi celles de réformateur et de mécène, Denis Kessler incarnait de manière remarquable les multiples qualités de notre compagnie.”

Après cette lecture, l’Académie a observé une minute de silence.

Intervention d’Emmanuel Faber – La gouvernance mondiale de la transition verte : la nouvelle organisation internationale de normalisation de la finance durable

Emmanuel Faber, Président du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité, est intervenu en séance le lundi 5 juin 2023.

Thème de la conférence : La gouvernance mondiale de la transition verte : la nouvelle organisation internationale de normalisation de la finance durable

Synthèse de la séance

Si le lien entre comptabilité et climat s’impose comme une nécessité aujourd’hui compte-tenu des risques financiers liés aux questions de dérèglement climatique et de développement durable, ce n’est que récemment que la communauté comptable et financière a pris conscience de l’importance d’une comptabilité climatique et d’un cadre réglementaire spécifique d’informations liées à la durabilité. C’est à la 26ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques en 2021 à Glasgow que la création de l’ISSB a été annoncée. L’International Sustainability Standards Board est un organisme chargé de créer et développer des normes d’information financière relatives au développement durable afin de répondre aux besoins des investisseurs en matière d’information environnementale. Cette démarche s’inscrit dans la lignée des IFRS (International financial reporting standards) qui depuis 2005 constituent les normes permettant d’uniformiser la présentation des données comptables. La plupart des grandes entreprises européennes et des groupes français cotés ont adopté les IFRS, tel Danone en 2005. L’accélération du dérèglement climatique qui a entraîné par exemple l’arrêt du trafic sur le Rhin en raison de la chute du débit du fleuve ou qui fait dire aux plus grands groupes d’assurance et de réassurance qu’un monde à plus 4°C n’est pas assurable incite à trouver un langage comptable pour intégrer le climat dans l’analyse systémique des risques.

En mars 2022, l’ISSB a publié un projet préliminaire afin de définir le champ lexical du nouveau langage comptable intégrant les risques climatiques et le 26 juin paraîtront les deux premières normes, applicables dès le 1er janvier 2024. La première difficulté rencontrée dans ce travail est qu’aujourd’hui, au sein de la même entreprise, les décisions d’investissements et celles liées à l’application des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) ne sont pas articulées entre elles. Un changement culturel et une véritable stratégie sont nécessaires pour éviter le risque du greenwashing. Par ailleurs, le risque serait que se développe une cacophonie analytique et comptable et que la fragmentation de systèmes de comptabilités se poursuive. L’autre difficulté est politique : les risques financiers liés au climat vont nécessairement faire basculer les marchés financiers mais la transition climatique ne pourra se faire que si elle est acceptée socialement et si les efforts sont répartis de manière équitable. À l’échelle internationale, l’accord de Paris conclu à l’issue de la COP21 a posé ce principe d’une responsabilité commune mais différenciée, les pays du sud demandant à juste titre la justice climatique. Dès lors, comment œuvre-t-on à une transition juste et à un juste partage des efforts ? Quelles réponses apporte-t-on à la fermeture des chaînes de valeur (par exemple des véhicules à moteur thermique qui seront interdits à la vente en Europe en 2035), comment forme-t-on la population à d’autres métiers, comment protège-t-on les plus vulnérables si la transition se traduit par une forte inflation ?

Le climat, bien commun de l’humanité, est peut-être le seul élément qui fasse encore exister un multilatéralisme, bien en berne par ailleurs. Les marchés financiers en sont un allié essentiel, le connecteur le plus universel à l’échelle de la planète. Toutefois, l’émergence de politiques publiques est fondamentale pour tracer la route et encadrer des marchés qui sont aveugles et ne sont pas tout puissant. En termes de gouvernance, il est urgent que la comptabilité du secteur public progresse également et que les États se dotent des outils de pilotage budgétaire à même d’accompagner la transition et de prendre en compte le risque climat dans la comptabilité publique.

À l’issue de sa communication, Emmanuel Faber a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées S. Sur, B. Stirn, J. Tirole, J. de Larosière, J.D. Levitte, J.C. Trichet.

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Intervention de Lionel Zinsou – Réflexions sur la meilleure gouvernance des pays en développement et émergents, en particulier des pays africains

Lionel Zinsou, Ancien Premier ministre du Bénin (2015-2016) et Président de Southbridge, est intervenu en séance le lundi 22 mai 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la meilleure gouvernance des pays en développement et émergents, en particulier des pays africains

Synthèse de la séance

L’Afrique a un appétit de liberté, de solidarité et d’union. Tout « prince », en charge des affaires publiques, est confronté aux mêmes devoirs génériques, qui ne relèvent en rien d’un quelconque folklore. Il faut garantir une pérennité de l’action et une union des populations, ce qui relève de la gageure lorsqu’elles parlent 14 langues et qu’elles se sont souvent combattues. Il y a aussi à délivrer des résultats sociaux, notamment lorsque la jeunesse de la population fait parfois augmenter de 100 000 élèves en un an le nombre d’écoliers. Il faut également délivrer de la sécurité, notamment dans des régions où sont présentes des filiales de Daesch ou d’Al Qaeda, capables de s’unir pour co-produire de la barbarie, et dont les intentions sont bien plus politiques que religieuses, comme l’atteste le pourcentage élevé des victimes parmi les musulmans. La gouvernance africaine n’est pas une gouvernance exotique. Les responsabilités politiques sont les mêmes que partout ailleurs et il s’agit de déconstruire un certain nombre de clichés ou d’erreurs d’analyse. Tout d’abord, celle qui consisterait à penser qu’il faudrait un régime autoritaire pour engendrer un développement économique. Les exemples du Maroc, du Sénégal ou du Ghana invalident cette hypothèse erronée. La deuxième erreur serait de penser que la corruption est un inhibiteur de croissance. Certes elle a des effets, moraux et économiques, dévastateurs mais les plus fortes croissances- notamment asiatiques – sont-elles exemptes de corruption ? La troisième erreur serait de penser que les capacités de développement africaines seraient plombées par une croissance démographique excessive. Les raisons structurelles qui expliquent aujourd’hui que la croissance démographique reste forte en Afrique tiennent à l’allongement de l’espérance de vie et non à la fécondité qui régresse partout. Dans certains pays, comme en Tunisie, l’indice synthétique de fécondité est aujourd’hui inférieur au seuil de renouvellement des générations (1,8). La démographie n’inhibe donc en rien le fonctionnement politique et l’Afrique bénéficie d’un rapport très favorable entre les actifs et les inactifs, à l’instar de l’Inde. Une autre erreur serait de considérer qu’il y a un fort taux d’analphabétisme empêchant une large part de la population de s’intéresser aux affaires publiques. Or, aujourd’hui, le demos a beaucoup changé : il est parfaitement informé par les réseaux sociaux et a le sentiment de bien connaître les problèmes et les solutions possibles. Il y a une forte opinion publique, consciente et éclairée en Afrique aujourd’hui, avec de fortes aspirations démocratiques, comme on peut le constater au Bénin, au Sénégal, au Nigéria, au Kenya, en Tanzanie ou encore en Namibie.

La gouvernance économique a fait encore plus de progrès que la gouvernance politique. De nombreuses start up technologiques sont devenues des licornes. La progression du secteur économique est d’autant plus notable qu’il n’y avait pas de secteur privé au moment des indépendances.

Concernant la gouvernance mondiale, l’Afrique n’y est pas invitée. Elle a par ailleurs du mal à s’aligner sur l’Occident, pour des raisons mémorielles – dans son histoire, l’Occident n’a pas été la parfaite incarnation des valeurs qu’il défend, passant du code Noir au régime de l’indigénat et inventant le travail forcé après avoir aboli l’esclavage ; et pour des raisons immédiates. L’Afrique attend de voir si le dialogue, notamment concernant les négociations environnementales, est équilibré et souhaite peser du poids de ses 54 États qui peuvent peser s’ils s’unissent pour parler d’une même voix.

À l’issue de sa communication, Lionel Zinsou a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées X. Darcos, H. Korsia, J.R. Pitte, G. Alajouanine, F. d’Orcival, H. Gaymard, P. Delvolvé, M. Bastid-Bruguière.

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Intervention d’Alain Minc – la gouvernance des entreprises concurrentielles dans une économie capitaliste de marché

Alain Minc, haut fonctionnaire et chef d’entreprise, président d’A.M. Conseil et de la SANEF, est intervenu en séance le lundi 15 mai 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la gouvernance des entreprises concurrentielles dans une économie capitaliste de marché

Synthèse de la séance

Alain Minc commence par dresser le panorama mondial des systèmes capitalistes qui sont en concurrence, comme des entreprises. Le capitalisme français, tout d’abord, se caractérise par trois traits spécifiques. Il est premièrement intensément capitaliste. La présence de groupes familiaux dans les entreprises du CAC 40 est extrêmement importante en France, du fait du poids de groupes récents dans le secteur du luxe mais aussi de groupes familiaux transmis de génération en génération. Ainsi, hormis la Californie, l’endroit où il y a le plus de grands capitalistes serait la France. Cet étrange paradoxe pourrait s’expliquer par l’hypothèse – provoquante – que l’on s’éduque peut-être mieux au capitalisme dans un environnement socialisant voire socialiste, même si l’on est entré aujourd’hui dans une période davantage « business friendly ». La deuxième caractéristique du capitalisme français est la présence des acteurs mutualistes et la troisième, celle des salariés comme actionnaires des entreprises capitalistes. Ceci est le produit des actionnariats salariés nés des privatisations, de l’existence d’une législation favorable à l’octroi d’avantages pour tous les plans d’actionnariats salariés et enfin d’une volonté politique « trans-courant » à l’intérieur du « cercle de la raison ». Il en résulte des entreprises où la part des salariés au capital est extrêmement importante, comme dans les groupes Bouygues, Eiffage ou Vinci par exemple. Ce principe de l’actionnariat salarié est d’ailleurs la seule manière de corriger la distorsion qui s’est creusée au cours des dernières années entre capital et travail au profit du capital, sans recourir à des hausses massives de salaires, impossibles du fait de la perte de compétitivité vis-à-vis de nos concurrents internationaux que cela induirait. Il serait bon qu’une loi fixe pour les sociétés cotées en bourse d’atteindre, dans les 3 ans, au moins 10% de leur capital détenu par les salariés, et pour les sociétés non cotées, d’émettre des actions sans droits de vote au profit des salariés.

Le capitalisme allemand se caractérise par la cogestion, la célèbre Mitbestimmung, qui fait que les conseils de surveillance sont partagés entre les représentants des actionnaires et ceux des salariés désignés par les syndicats. Contrairement à la France, qui dispose de banques exceptionnelles, le système capitaliste allemand s’accompagne de banques médiocres et ambiguës dans leur fonctionnement, mais sa richesse vient des entreprises moyennes, le Mittelstand, relevant de la propriété familiale, et non de la bourse.

Concernant le capitalisme anglo-saxon, la variante anglaise est plus pure car bâtie sur un schéma très simple : une action donne droit à un vote ; tandis que le système américain, plus ambigu, autorise d’avoir des actions avec de multiples droits de vote, des actions sans droit de vote et crée des mécanismes qui donnent un pouvoir léonin aux fondateurs des entreprises, comme on le voit pour les créateurs des GAFA dans la Silicon Valley.

En Asie du Sud-Est, et bientôt en Afrique, ce sont des oligarchies de pouvoir qui contrôlent des entreprises cotées. En Russie, on pourrait qualifier le capitalisme de capitalisme comprador, du terme employé par Marx pour désigner la bourgeoisie de rentiers.

Enfin, reste le capitalisme chinois dont la vitesse considérable de développement s’est néanmoins faite à l’ombre du Parti communiste et à la merci d’une mainmise du pouvoir politique sur le pouvoir économique.

Au cœur du capitalisme, quelle que soit sa forme, existe une matrice : l’entreprise. Qu’est qu’une entreprise ? une entité appartenant à ses actionnaires, une entité faite du capital (les actionnaires) et du travail (les salariés), une entité qui fait la synthèse entre les parties prenantes (actionnaires, salariés, clients, parties prenantes de l’environnement…). Depuis la loi PACTE de 2019, sont aussi apparues en France les entreprises à mission.

Un modèle français de la gouvernance d’entreprise gagnerait à emprunter aux règles anglo-saxonnes ce qu’elles ont de bon en termes de compliance (respect des règles) et d’accountability (transparence) et à rester très latin et attaché à un principe d’empirisme.

À l’issue de sa communication, Alain Minc a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées H. Gaymard, M. Pébereau, F. d’Orcival, G.H. Soutou, J.C. Trichet, J.R. Pitte, H. Korsia, L. Ravel, Th. Fortsakis.

Verbatim du conférencier

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Intervention de Patricia Barbizet – La gouvernance optimale des entreprises privées françaises

Patricia Barbizet, présidente du Haut Comité pour le gouvernement d’entreprise (HCGE), future présidente de l’Association française des entreprises privées au 1er juillet prochain et ancienne directrice générale de la société Artémis, est intervenue en séance le lundi 17 avril.

Thème de la conférence : La gouvernance optimale des entreprises privées françaises

Synthèse de la séance

La réflexion sur les modes de gouvernance est ancienne et on la trouvait déjà dans La République de Platon. Toutefois le questionnement sur la bonne gouvernance des entreprises est relativement récent. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, les entreprises étaient majoritairement possédées et dirigées par leur fondateur ou ses descendants. Depuis, le capital des entreprises a été progressivement ouvert à des tiers, la production industrielle a changé d’échelle, les chaîne de valeur se sont mondialisées, les marchés financiers internationalisés et un mouvement de privatisation s’est développé à la fin du XXème siècle. Ces transformations ont amené à une réflexion sur les critères de bonne gouvernance.
Trois pouvoirs cohabitent dans les entreprises et sont concernés par ces bonnes pratiques : le pouvoir des actionnaires, le pouvoir exécutif qui assure la conduite quotidienne de l’entreprise et le pouvoir de supervision exercé par le conseil d’administration qui examine et valide les orientations stratégiques.
La quête de la bonne gouvernance est illusoire. Chaque modèle de gouvernance présente des particularités et doit donc être adapté à chaque entreprise. D’autre part, la gouvernance n’est pas un objet théorique mais une affaire de pratiques. Elle résulte d’un équilibre effectif de rapports de force.

La cristallisation des principes de bonne gouvernance d’entreprise date de 1978 et de la publication aux États-Unis par l’American bar association d’un guide du dirigeant de société côté. La France s’empare de la réflexion en 1995 avec le rapport Vienot, tandis que l’OCDE publie en 1999 un guide sur « les Principes de gouvernement d’entreprise ». Même si des traditions demeurent, comme le principe de Mitbestimmung en Allemagne, des principes communs de gouvernance sont aujourd’hui répandus dans le monde. Après les scandales Enron et Worldcome au début du XXIème siècle, le rapport Bouton en 2002 poursuit le travail d’amélioration du gouvernement d’entreprise selon le double prisme de la transparence et de l’efficacité. Aujourd’hui, le code Afep-Medef présente un ensemble de recommandations exigeant et précis et est adopté par la quasi-totalité des sociétés du SBF 120. Même si de mauvaises pratiques existent encore et que des écueils restent à éviter, tels que l’impréparation de la succession à la tête de l’entreprise, une priorisation excessive du court-terme, une répartition floue des responsabilités, ou encore le manque d’humilité et de mesure des dirigeants, la France est dans le peloton de tête de la bonne gouvernance des entreprises.

Institué en 2013, le Haut Comité de Gouvernement d’Entreprise suit et accompagne les entreprises dans l’application du code Afep-Medef. L’objectif du HCGE et l’application du droit souple qu’il promeut est d’inciter sans contraindre, selon le principe « appliquer ou expliquer » afin que les entreprises adoptent des pratiques vertueuses tout en tenant compte de leurs besoins et de leurs spécificités. Le HCGE est également très mobilisé par les règles de composition des conseils d’administration dont les visages ont beaucoup changé depuis les années 1990. Aujourd’hui la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises constitue un nouvel enjeu de gouvernance. Se posent la question du partage de la valeur au profit de l’ensemble des parties prenantes, au-delà des seuls actionnaires ; et celle de la prise en compte des enjeux climatiques. La dernière modification du code Afep-Medef en tient également compte. C’est un nouveau chapitre de la gouvernance des entreprises qui est en train de s’écrire, dans lequel le HCGE a un rôle à jouer et où la France se place dans le peloton de tête de ces transformations profondes.

À l’issue de sa communication, Patricia Barbizet a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées D. Kessler, P. Delvolvé, J. de Larosière, J.C. Casanova, H. Korsia, M. Pébereau.

Consultez le verbatim du conférencier

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Intervention d’Emmanuel Roman en séance le lundi 27 mars 2023

Emmanuel Roman, PDG de la Pacific Investment Management Company (PIMCO), fonds d’investissement obligataire gestionnaire de près de 2000 milliards de dollars d’actifs et ancien directeur général de Man Group, est intervenu en séance le lundi 27 mars 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la bonne gouvernance du secteur privé au niveau mondial et remarques sur les règles actuelles d’éthique et de prudence

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Intervention de Mark Carney en séance le lundi 13 mars 2023

Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, président honoraire du Conseil de stabilité financière, envoyé spécial des Nations Unies pour le financement de l’action climatique, est intervenu en séance le lundi 13 mars 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la bonne gouvernance environnementale mondiale

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Intervention d’Alain Lamassoure en séance le lundi 6 mars 2023

Alain Lamassoure, ancien ministre du budget, ancien député des Pyrénées-Atlantiques et député européen honoraire, conseiller référendaire honoraire à la Cour des comptes, est intervenu en séance le lundi 6 mars 2023.

Thème de la conférence : Y-a-t-il une gouvernance européenne de la paix ?

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