Séance du lundi 26 mai 2003
par M. Denis Maraval
Monsieur le secrétaire perpétuel,
Monsieur le président,
Monsieur le vice-président,
Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames, Messieurs,
Il a plu à votre président, dans le cadre des travaux de votre compagnie sur la biographie, d’entendre le son de cloche d’un éditeur sur ces sujets, puisqu’après tout – et grâce aux ciel pour de longs siècles encore -, la biographie à ambition à la fois scientifique et littéraire, a pour support le livre.
La maison que je représente ici a quelques lettres de noblesse à faire valoir en ce domaine. Dès l’entre-deux-guerres, Arthème Fayard, qui avait déjà conquis de fortes positions en histoire, était devenu un grand éditeur de biographies : qu’il me suffise de citer le Napoléon de Jacques Bainville ou Le Siècle de Louis XV de Pierre Gaxotte, ouvrages l’un et l’autre restés célèbres et à certains égards toujours valables. Par la suite, durant ce que l’on pourrait appeler la ” traversée du désert ” de la biographie en France – les ” Grandes Études historiques ” – la fameuse ” collection jaune ” ont continué à entretenir la flamme. Je relèverai par exemple le Clemenceau de Gaston Monnerville.
Mais c’est, on le sait, à la fin des années 70, que la biographie a retrouvé droit de cité en France, et c’est essentiellement chez Fayard que s’est opéré un renouveau dont la fécondité est loin d’être épuisée. Quoique concurrencées, copiées, parfois même plagiées, les biographies sont l’une des ” vitrines ” de la maison. Je vous entretiendrai principalement des biographies d’histoire, puisqu’elles sont nettement majoritaires dans notre catalogue, mais je tiens à souligner également la présence de la seule collection française vouée aux biographies de musiciens, la plus récente série de biographies d’écrivains et celle – pour l’instant modeste – d’ouvrages sur les peintres et sculpteurs, sans oublier, ici et là, la vie d’autres hommes ou femmes qui ont marqué l’histoire humaine : penseurs, philosophes, savants, économistes, etc. Tous genres confondus, notre catalogue d’ouvrages vivants compte plus d’un millier de biographies dont 700 à 800 pour l’histoire proprement dite.
En évoquant à grands traits vingt-cinq années d’édition de biographies sur le terrain, je m’efforcerai de comprendre les raisons du succès que ce genre connaît et de cerner le rôle qu’un éditeur joue ou peut jouer dans ce phénomène. Comme il est impossible de parler d’édition sans parler d’auteurs, je tenterai d’éclairer la part déterminante qu’ils ont prise dans ce mouvement. Enfin, je dresserai un état des lieux en ce milieu de l’année 2003 et vous suggérerai comment je vois l’avenir.
La tradition du XIXe siècle, qui se voulait positiviste, ne dédaignait certes pas la biographie comme telle, mais elle se condamnait souvent, avec sa religion du fait attesté, à aligner une succession d’épisodes prouvés mais rendus peu intelligibles en raison du faible intérêt porté aux circonstances et au monde dans lesquels ils s’inscrivaient : expliquer la révocation de l’édit de Nantes par le seul fanatisme religieux de Louis XIV et par l’influence pernicieuse de Mme de Maintenon, n’était-ce pas un peu court ? C’était d’ailleurs accorder une place excessive aux dirigeants, aux rois, aux ministres, manifester – même par la négative, en creux – une révérence hors de proportion pour les Grands. D’où les dures critiques émises par les créateurs de l’école des Annales à l’encontre de la biographie : naïve, peu scientifique car ne s’intéressant qu’au politique – par nature peu quantifiable – organisant le culte de la personnalité, quand elle ne se laissait pas submerger par l’anecdote en surdimensionnant la vie privée. Le crédit accordé aux passions humaines rejetait la biographie dans les ténèbres extérieures, aux frontières de l’histoire et de la littérature. Ainsi dissuada-t-on, jusque dans les années 1970, les étudiants de lire quelques chefs-d’œuvre comme les livres de Stefan Zweig, d’André Maurois ou encore comme l’essai de Paul Morand sur Fouquet.
L’époque était aux masses, à un marxisme sommaire : le moteur de l’Histoire n’était-il pas la lutte des classes ? Je sais bien que ni Bloch, ni Febvre, ni Braudel n’ont été marxistes, mais la grande méfiance de certains de leurs épigones pour l’individu participait d’un climat : la biographie était un genre bourgeois. Seuls quelques irréductibles, les historiens des relations internationales, les médiévistes et les antiquistes, sans oublier quelques grands journalistes bien placés pour juger du rôle des hommes, continuaient à écrire des livres biographiques.
Pour l’ensemble des historiens, comme pour les éditeurs, la chape de plomb a commencé à se soulever avec le recul du marxisme dans les années 70. Il est assez symbolique de relever que deux livres, sans aucun rapport entre eux, aient paru en France en 1974, tous deux avec un très grand succès : la biographie sur Louis XI, écrite par historien américain peu connu ici, Paul Murray Kendall, et les deux premiers volumes de L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljénitsyne. Ce milieu des années 70 annonce le retour de l’individu, le désenclavement de l’histoire politique, le refus d’une histoire sociale envahissante. Un verrou a sauté. Cela coïncide aussi avec l’essoufflement du nouveau roman, et la désaffection rapide du public pour les histoires où il n’y a pas d’histoire – peut-être ces deux phénomènes sont-ils d’ailleurs liés dans les profondeurs de l’inconscient collectif. Sans avoir la prétention d’être exhaustif, je risquerai encore une autre hypothèse : quand le mythe de la lutte des classes perd de son prestige, peut-être a-t-on moins de haine pour les puissants, même ceux du passé, et peut-être également l’individu démocratique se sent-il plus volontiers de plain-pied avec Périclès ou Napoléon. Observons encore que dès 1970, il y a en France (et même à l’extérieur, excepté en Chine) pénurie de grands hommes vivants. De Gaulle et Churchill ne sont plus, Staline est voué aux gémonies. Comment s’évader de l’histoire banale que tricotent à l’ombre des missiles nucléaires des hommes d’État ordinaires ?
On pourrait réfléchir à l’infini sur les racines de la résurrection de la biographie. En donnant ces quelques pistes, j’ai voulu montrer qu’il était absurde d’avancer, comme on le lit encore ici ou là, que les éditeurs auraient à eux seuls repéré, exploité, décliné un filon rentable. On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, et j’aimerais beaucoup que l’on m’indique comment imposer non seulement un livre mais plusieurs centaines de titres – de surcroît avec un outillage de marketing dérisoire – à des lecteurs qui n’en auraient pas envie.
Cette part étant faite à la modestie, n’attendez pas de moi que je soutienne que les éditeurs n’ont joué aucun rôle. Ce serait d’autant plus mal venu de ma part que c’est justement chez Fayard que la pièce s’est jouée. Ce que je n’ai pas dit tout à l’heure, c’est que le succès de Louis XI a été le contraire d’un succès programmé. On n’a jamais vraiment pu savoir qui, des nombreux présidents qui se sont succédé en ces années à la tête de la maison, avait résolu d’acheter les droits de ce livre ; une fois la traduction payée, il fallut bien le publier ; mis en place petitement il est, comme on dit, parti tout seul. Ce qui va moins de soi, c’est la suite, la construction systématique à partir de 1980, d’une série – le mot ” collection ” ne me semble pas adéquat tant les livres sont, à dessein, dissemblables – consacrée aux biographies sous des couvertures rappelant par leur graphisme le livre de Kendall. Comment s’y est-on pris pour lancer une machine d’un dynamisme tel qu’il perdure près d’un quart de siècle après ? Malgré tout ce que l’on dit sur la morosité du marché, l’année 2002 ne nous a-t-elle pas permis d’enregistrer un succès quantitativement comparable à ceux que nous avons connus au début des années 80… Je veux parler de la biographie de Catherine II écrite par Hélène Carrère d’Encausse.
Une politique d’offre consistait à proposer l’excellence, c’est-à-dire à faire appel à des auteurs qui connaîtraient parfaitement l’époque et si possible le personnage – mais pas nécessairement. Sans que ce fût un critère obligé, on a constaté qu’il s’agissait souvent d’historiens de métier ou de journalistes rompus à la méthode historique, et non plus des écrivains d’histoire qui avait connu et pour certains connaissaient toujours une heure de gloire. Cette intime connaissance du contexte est évidemment la meilleure façon de faire parler les documents qui se rapportent plus précisément au personnage évoqué. Un néophyte peut bien accumuler les lectures et les témoignages, même inédits, sur les faits et gestes de Benito Mussolini, il comprendra mal (et exposera plus mal encore) pourquoi et comment le fascisme s’est implanté en Italie : ne faut-il pas, pour cela, connaître le passé proche et même lointain de la péninsule, aller aux sources de l’irrédentisme et du mouvement national, sans oublier de comprendre les formes qu’y a épousées le socialisme ? J’ai l’air d’enfoncer une porte ouverte, mais cela va mieux en le disant : combien de biographies n’évoquent les circonstances dans lesquelles s’inscrit le personnage que comme une simple toile de fond, le passé tenant lieu de couleur locale ?
Il n’est bien sûr pas possible de faire un portrait-robot du bon biographe. Une judicieuse politique éditoriale consiste justement à se montrer d’une grande souplesse non seulement en acceptant mais, mieux, en souhaitant que X ne procède pas comme Y : tout auteur n’a-t-il pas besoin, dès lors qu’il dispose de la science et du talent d’écrivain, de la plus grande liberté ? Rien ne me répugnerait plus que d’imposer un moule, une grille auxquels tous devraient se conformer. Il en va de même pour les dimensions physiques d’un livre : comment traiter à fond d’un sujet riche et complexe en se sachant limité en pages ? Je ne dis pas que cela ne nous pose pas quelquefois, à nous éditeurs, quelques casse-tête économiques, mais je pourrais presque établir une corrélation entre la pagination d’une biographie et son succès. Un livre épais, retraçant la vie d’un homme, ne ménage-t-il pas au lecteur autant de satisfactions qu’un ample roman ? Pour peu qu’ils soient éclairants, le détail, l’anecdote significative ne sollicitent-ils pas, sous la plume d’un auteur de talent, la curiosité et l’intelligence ? Au passage, un mot du prix de certaines biographies : il ne m’a jamais semblé qu’en proposant un livre que nous estimons irremplaçable et incomparable (au sens littéral de ces deux adjectifs) à 30 ou 32 €, nous nous privions d’une part significative de clientèle. Outre que ces prix tiennent compte du coût élevé de la fabrication (papier non acide, reliure souple, index, cartes, tableaux, cahiers d’illustrations, etc.), je ne crois pas que l’on achète une biographie par impulsion, sauf, comme cela arrive parfois, lorsqu’elle fait partie des livres à la mode. Je ne crois pas non plus que l’on renonce à l’achat d’une biographie de Louis XIV parce que 30 seraient trop élevés, au profit d’une biographie de César qui, elle, coûterait 25 €. Il n’y a donc guère de raisons, d’aucun ordre, qui m’obligeraient à mettre les auteurs à la portion congrue.
Pour revenir au choix des auteurs, nous ne nous sommes pas imposé d’autres critères que ceux de leur compétence et de leur talent. Nous nous efforçons de rester constamment en éveil, de parler, de lire, d’écouter, afin de savoir qui pourrait faire quoi, traiter quel personnage ; il peut arriver aussi que ce soit l’inverse : souhaitant que tel auteur nous rejoigne, nous essayons d’imaginer quel sujet lui conviendrait le mieux, ou encore c’est lui qui nous donne l’ idée. Comme nous n’avons pas trop mauvais caractère et comme nous aimons nos auteurs, ceux-ci nous le rendent bien et souvent nous présentent de leurs amis, disciples ou collègues désireux d’étudier de près tel personnage. Vous êtes ici nombreux à l’avoir fait et à le faire encore, et tous vous savez quelle est notre gratitude.
Il est une seconde contrainte à laquelle nous ne voulons pas nous soumettre : en aucun cas, chez Fayard, les biographies – mais c’est vrai aussi des autres livres d’histoire et même de l’ensemble de la politique de la maison -, ne sont l’organe, la vitrine, le bras séculier d’un courant historiographique ou institutionnel, d’écoles, d’universités, de revues ou de journaux. Cet éclectisme ne signifie pas que nous refusions de prendre parti, mais l’expérience montre que c’est l’auteur qui doit primer. Notre catalogue rassemble le meilleur de ce que peuvent écrire des gens très divers, voire qui sont sur des positions antagoniques. Et je crois bien que nous sommes les seuls à faire cela : toutes les autres maisons – où se publient au demeurant des livres excellents – sont peu ou prou des hauts-parleurs de réseaux que tout initié peut repérer.
S’il ne fallait ne tirer qu’une seule leçon de vingt et quelques années de réussite intellectuelle et commerciale, ce serait celle-ci : l’éditeur de biographies choisit ses auteurs autant que ses auteurs le choisissent. C’est lui qui persuade tel illustre historien qui s’identifie avec la ” nouvelle histoire ” de se lancer dans un genre dont il s’est longtemps méfié ; qui convainc tel maître des relations internationales de retracer la vie d’une grand homme d’État français, tel spécialiste des finances pontificales d’évoquer quelques grands règnes du Moyen Âge, etc.
Tout cela est bel et bon, me fait-on remarquer – pas toujours avec de très pures intentions : vous avez en effet les meilleurs auteurs, vous avez de belles réussites à votre actif, votre catalogue est éloquent, mais de quoi sera fait votre avenir ? Vous avez pratiqué la politique de la terre brûlée : à force de publier des ouvrages indépassables sur tous les premiers couteaux de l’Histoire (au moins de France), il ne vous reste plus beaucoup de sujets disponibles. Vous allez en être réduit aux deuxièmes ou troisièmes couteaux.
Il est vrai qu’une légère érosion s’observe dans les chiffres de vente par rapport aux premières années 80 : quoi de plus étonnant ? À l’époque, Fayard était à peu près le seul éditeur de biographies historiques : sur les quelques dizaines de parutions annuelles, nous en assurions probablement la moitié. L’espace – pour ne pas dire le marché – était alors quasiment vierge pour les biographies nouvelle manière. Depuis, nous nous sommes faits nos propres concurrents en multipliant les publications (entre 30 et 50 par an, cela fait plusieurs centaines en vingt ans) ; ensuite, des confrères courageux et imaginatifs, ont flairé la bonne affaire, allant jusqu’à s’inspirer de nos couvertures, et l’on sait bien qu’il arrive que la monnaie médiocre ou mauvaise chasse la bonne. Nos ventes moyennes se sont néanmoins maintenues à un niveau enviable, en particulier en ce qui concerne le fond que nous réimprimons systématiquement afin qu’il soit toujours disponible puisqu’il est toujours demandé. Et quand on additionne nos ventes, qui restent florissantes en général et parfois exceptionnelles, à celles de cinq ou six confrères, on se dit que, loin de régresser, la biographie progresse dans le public : un rapide coup d’œil dans une librairie suffit pour s’en convaincre, le ” linéaire ” de l’histoire, comme on dit, gagne du terrain.… Je ne crois donc pas que l’appétit du public soit moindre.
Ajoutons qu’à toute chose malheur est bon et que le papy-boom qui vient – et qui sera à la retraite avec un pouvoir d’achat non négligeable – va constituer un nouveau public de choix : il suffit d’observer la croissance impressionnante des effectifs des universités du troisième âge ou inter-âges, à Paris comme en province. Tous ceux qui acceptent d’enseigner à ce public m’expliquent qu’il s’agit d’auditoires attentifs, animés d’une libido sciendi sans bornes, et je puis attester, dans quelques cas précis, que ce type d’enseignement favorise les achats ; ces lecteurs deviennent ensuite eux-mêmes d’excellents agents d’influence. On ne peut que s’affliger de la montée de l’inculture générale en particulier dans les milieux, la bourgeoisie, où elle était proscrite (n’en déplaise à Flaubert), mais elle ne s’accompagne pas d’une incuriosité, bien au contraire.
Le public existera toujours. Quant aux auteurs, ils ne manqueront pas non plus. Outre que, Dieu merci, les grands anciens sont toujours là et pour longtemps, on voit se lever des générations d’historiens quadra et quinquagénaires parvenus à maturité. Leurs préoccupations, leurs méthodes viennent enrichir les travaux de leurs devanciers. Nés à l’histoire après la fin du ” grand schisme “, ils ont moins de lances à rompre avec leurs collègues, confrères, ou prédécesseurs, ce qui leur donne un œil neuf et une fringale d’archives inédites.
Enfin, ce serait de la part d’un éditeur d’histoire un comble de ne pas voir l’histoire passer et ne pas prendre conscience du vieillissement de certains livres. L’un de nos meilleurs médiévistes ne vient-il pas de montrer que, trente ans – soit une génération au moins – après le grand livre de Kendall, il était nécessaire de reprendre la biographie de Louis XI – entre autres raisons, parce que, depuis la rédaction du livre américain dans les années 60, la correspondance du roi a été intégralement éditée ? Plus encore, tel de nos auteurs très réputés a accepté d’écrire pour nous un nouveau livre sur un personnage dont il avait déjà parlé il y a vingt-cinq ans. Gageons que cette biographie, sans périmer celle que nous continuons à réimprimer régulièrement (et que nous maintiendrons au catalogue), profitera de trente ans de travaux et de lectures personnels, de directions de thèses, d’expérience humaine et d’un surcroît de savoir-faire.
Public, auteurs, projets nouveaux, élargissement des curiosités, sortie – pour le meilleur et pour le pire – du strict cadre de l’État-nation et de sa construction au cours des âges : de nombreux éléments sont en place pour favoriser un nouvel essor de la biographie. L’histoire récente, de Gorbatchev à Ben Laden et Bush fils, a achevé de convaincre les ultimes sceptiques qu’un individu pouvait détenir entre ses mains soit positivement soit par défaut une parcelle du destin de l’humanité, et qu’il n’y avait pas de raison qu’il n’en ait pas été de même par le passé. Quant au relativisme et au scepticisme de l’esprit du temps, on peut ruser avec eux : il y a de moins en moins de réputations à défendre à toute force, plus personne ne se soucie de ne pas désespérer Versailles ou Billancourt. Qui, dans le camp laïc comme dans le camp clérical -ou ce qu’il en reste – s’offusquera ou ricanera en apprenant que le petit père Combes a eu, des années durant, une liaison – épistolaire, certes – avec la supérieure du carmel d’Alger ? En dépit des apparences, les idées simplistes et manichéennes qui ont longtemps – de tous les côtés – régné sur l’Occupation sont en train de changer ; plusieurs biographies en cours le montreront dans les années qui viennent. Les historiens et les biographes en particulier prennent de plus en plus en compte la complexité chère à Edgar Morin. Ainsi, une récente biographie établit-elle que si Pierre Cot n’a pas été un agent soviétique stipendié, il a été davantage qu’un compagnon de route du communisme : moralement il s’en sort mieux, politiquement, le dossier est plus accablant encore, mais on n’a pas entendu là-dessus les cris d’orfraie qui avaient surgi sur cette même question il y a peu encore.
Tout cela donne – et donnera – des biographies de plus en plus passionnantes qui s’abstiendront à la fois de propager une vérité officielle ou bienséante et de déboulonner les statues pour le simple plaisir de le faire. Bref, ces biographies seront au plus près de l’homme. Les romanciers feraient peut-être bien d’y réfléchir.
Je ne porte pas un regard très tendre sur notre temps, et ma nature ne me porte pas toujours à l’optimisme. Mais est-ce de ma faute si le domaine où j’exerce l’ensemble de mes activités me paraît plein de promesses ?
Je vous remercie.