Dieu

Séance du lundi 30 juin 2003

par M. Régis Debray

 

 

En historien émérite qu’il est, et quasiment éponyme, puisqu’il donne à l année en cours le nom de ses héros de prédilection, M. Le Roy Ladurie est peut-être un évhémériste. Ainsi appelle t-on l’adepte du romancier grec Evhemeros, vivant au III siècle av. J.C., dont on sait fort peu de choses sauf qu’il voyait dans les dieux de son temps des grands rois divinisés des hommes de l’Histoire élevés par la piété de leurs successeurs à la dignité d’un Ouranos ou d’un Zeus.

Notre Bible représenterait d’après cette conception une biographie autorisée de l’Eternel en deux volumes encore qu’y figurent maints passages assez compromettants, notamment dans le premier , les prophètes faisant alors fonction d’historiographes du Souverain de l Univers. Qu’il me pardonne mais je n’imagine pas d’autre explication à la présence un peu cocasse, au beau milieu de votre galerie de portraits, de l’Etre Suprême dont il n’y a pas de portrait, ni d’ailleurs d état-civil. Sa date de naissance est très discutée -600 av. J-C, celle du Deutero-Isaïe sa date de décès sujette à caution (tant on a connu de faire-part, depuis celui de Nietzsche, régulièrement suivis de quelque chose comme « la nouvelle de ma mort est très prématurée »).

Je plaisante bien sûr. Car votre Président est trop avisé pour ne pas savoir que les sciences des religions ne se satisfont plus depuis longtemps de ces naïvetés historicistes qui tiraient l’Absolu de l’exceptionnel, ou le transcendant de l’extraordinaire. Car enfin, s’il n’y avait en la personne divine que du héros politique transfiguré, pourquoi tant d’humbles gens ont-ils pu et peuvent-ils encore y trouver leur compte ? Et ce, depuis plus de deux mille cinq cents ans, et bien après la désacralisation du politique ? Toutes les sociétés qui maîtrisent l’écriture, car Dieu n’existe pas en société orale, se sont dotées de chefs, rois ou « big man », la plupart ont ignoré notre Dieu unique, l’évhémérisme ne rend pas compte de ce hiatus. Exit Evhemeros.

« Ce grand mot ténébreux tout gonflé de clarté », vous lui avez mis, par chance une majuscule. D’un point de vue historique, quand on n’a que 36 minutes devant soi, c’est une aubaine car c’est un sérieux raccourci. Cette nuance typographique nous permet en effet d’enjamber les quelques cent mille années où les puissances invisibles qui ordonnaient le monde s apparentaient plutôt à des esprits mi-humains mi-animaux, comme chez les aborigènes, ou bien au Soleil, puissance cosmique, comme en Egypte, ou à des divinités mortelles et toujours en péril, comme chez les Aztèques. Ce Créateur incréé, que vous avez faufilé dans votre Panthéon laïque et dont j’ai naguère tenté de retracer l’itinéraire, naissance et mutations, refuse l’article défini comme l’indéfini. C est donc clairement un nom propre. Cette majuscule solitaire est tard-venue dans l’histoire de l’humanité, une création de dernière minute pour ainsi dire. Le D majuscule désigne en effet plus qu’une entité, la pure intelligence contemplative, le principe supérieur de qui dépend notre destinée et auquel sont dus respect et obéissance. Dieu le Père, ce n’est pas le Un platonicien, le Principe intelligible, ni le théos d’Aristote, qui n’est qu’une fonction logique, la cause des causes, le Premier Moteur immobile du monde. (le otheos = l’homme = l’espèce humaine). Ce n’est donc pas le Dieu des philosophes sans identité ni contours, évasif et gazeux, le Dieu pensé de l’hénothéisme, qui ne demande que l’acquiescement et non l’adhésion, qui n’intervient pas dans l’histoire des hommes et ne prend à partie aucun égaré. C’est le Dieu d’Isaac, d’Abraham et de Jacob, non plus élusif mais intrusif, qui ne se contente pas de créer le monde pour aller se reposer ensuite, comme les dieux d’Epicure, qui nous regardent impassibles du haut d’un balcon. C’est le Dieu romanesque et épique, interventionniste et dramatique du monothéisme, qui fait rentrer l’Eternel dans l’histoire. C’est déjà un Etre étonnamment ambigu puisqu’il allie, là est le coup de génie si l’on peut dire, deux qualités en principe incompatibles : la transcendance et la proximité. D’une part, il est radicalement extérieur au monde créé, au point que le nommer est déjà sacrilège, alors que tous ses prédécesseurs putatifs (avec lesquels on le confond souvent), comme le Aton d’Akhenaton ou le Président mésopotamien de l’Assemblée des dieux, restent en continuité avec la nature ou la société. Et d’autre part, cet Infini auquel la finitude humaine par définition ne saurait s’élever par ses propres moyens personne ne pouvant accéder au supra-humain par ses propres forces, le monothéisme ne peut être que révélé ce Dehors absolu, donc, va hanter du dedans l’intimité d’un peuple élu, hébreu en l’occurrence, puis de tout le monde et de n’importe qui, avec la révolution chrétienne de l’intime conviction, ou de la foi personnelle. Dieu, ou le moi de l’Infini, comme l’appelait Victor Hugo, auteur d’un poème théologique intitulé L’âne, est un Il inaccessible pris dans une relation de tu à toi avec son allié national, ou ses adorateurs individuels. Cette sidérante synthèse du plus proche et du plus lointain, de l éthéré et du ressenti, a conféré à ce mythe pris au sens valérien du terme: « j’appelle mythe tout ce qui n’a que la parole pour cause » un pouvoir invasif considérable dans l’esprit des hommes. Pouvoir dont rien ne permet de dire qu’il est inusable ou éternel mais qui semble plus que jamais en service, au Proche et Moyen-Orient, aux Etats-Unis d’Amérique, en Asie, en Amérique Latine pour ainsi dire partout sur le globe sauf en Europe.

Il y a une différence de taille, ou plutôt de nature entre cette diphtongue, ce phonème passe-partout, et vos grands hommes. Dieu est au départ un fait de langage. Ce que ne sont pas vos brillants orateurs qui eurent tous un corps physique, un père et une mère, un berceau et une tombe. Vos grands capitaines ont pu se servir de l écrit, mais ils ne sont pas nés de l’écriture comme celui qui doit sa conception en tant que Dieu portatif à la cassure alphabétique des apparences sensibles, associé, en l’occurrence, au nomadisme pastoral en milieu semi-désertique. Vos images d’Epinal ont d’autres attestations documentaires que des textes inspirés. L’existence de Celui dont vous avez demandé une brève esquisse au moins qualifié pour le faire (les clercs, porte-parole attitrés, étant infiniment plus compétents) a pour première et ultime attestation les textes bibliques de la tradition, auxquels il faut, bien sûr, ajouter le Coran incréé, dictée surnaturelle d’Allah à son prophète illettré, du moins selon la légende reçue en tradition. Dis-moi quelle est ta langue, je te dirai quel est ton dieu. La personnalisation de l’Absolu doit sans doute beaucoup à une structure de langage qui ignore l’aoriste, ce passé au moment indéterminé, et le neutre abstrait. Au contraire de la langue grecque qui peut généraliser le singulier (to kalon, le beau, ou to idéin, le voir), l’hébreu singularise la généralité et détermine l’indéterminé. La rencontre du grec et de l’hébreu, ou plutôt l’expression en grec de la pensée juive a permis de fondre l’attirail d’une monolâtrie (comme s’appelle le culte public d’une religion nationale), dans la logique conceptuelle de l’hénothéisme. Cette rencontre d’un récit avec un discours, ou d’une épopée nationale avec une architecture intellectuelle d’une toute autre nature, a cristallisé dans ce que nous appelons le credo monothéiste. Que serait un Dieu qui ne fût pas Dieu des hommes et pour les hommes, ces animaux doués de langage, et donc de Raison ? Vos têtes de chapitre n’ont pas trouvé leur source dans le Logos, alors qu’il est, pour notre sujet d’aujourd’hui (et qui fut en Occident, jusqu’au XIIIe siècle, le seul sujet légitime des lois, des événements et des institutions), proprement matriciel.

Vos personnages, dont nul ne peut mettre en doute l’existence, font l’objet d’un savoir. Le mien, si j’ose dire, même s’il peut soutenir, en produit dérivé, un discours rationnel, la théologie, est le complément d’un verbe spécifiquement humain, le verbe croire; et plus précisément, de l’application de ce verbe à des paroles consignées et gravées sur du papyrus, du parchemin ou du papier. Le Dieu à majuscule, à vrai dire, est le complément d’objet du verbe « lire ». Louis XIV, sans Saint-Simon, existerait encore, et De Gaulle ou Churchill mériteraient notre admiration s’ils n’avaient pas écrit leurs Mémoires. En revanche, sans les Ecritures saintes, pas de Dieu unique. Même le Christ, Verbe incarné en deuxième lecture pour ainsi dire, doit s’entendre selon les Ecritures. Les déesses-mères étaient vues, offertes au regard, plastiquement épanouies. En revanche, il n’est de Dieu que lu, déchiffré et glosé.

Par sa généalogie, en amont, Dieu relève donc en propre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; par ses exercices et son influence, il ne manque pas d’intérêt pour les Sciences morales et politiques. J’imagine que la psychologie et les agissements du personnage qui introduit la réflexivité dans l’Infini, vous intéresse plus que les conditions de possibilités de son émergence dans la vie des sociétés. Mieux connaître le tout-Puissant, ce serait déjà entrer dans les secrets de la Puissance. Tous les noms propres qui figurent sur votre liste (pour Jeanne d’Arc avec quelques nuances) correspondent à des gens de pouvoir. Leurs contemporains ont eu à ressentir, en bien ou en mal, les effets pratiques de leur ascendant. Et sans doute vous êtes-vous dit qu’il y aurait, en la personne du Très-Haut, un archétype ou un portrait-robot de l’homme des hautes sphères, l’homme d’exception, dominateur et sûr de lui. Et de fait, notre Dieu biblique, c’est le moins qu on puisse en dire, a du caractère. Il est complexe, haut en couleurs, avec des traits on ne peut plus contrastés, étant à la fois, Seigneur de la Paix et de la Guerre, promoteur de la Croisade pour Dieu et de la Trêve de Dieu.

Je dirais même que notre Fregoli céleste a une plasticité, une ouverture de compas, une capacité de métamorphose au regard de quoi vos têtes d’affiche font figure de psychorigides un peu trop programmés. Lui, il peut jouer tous les rôles. Lui, le tueur miséricordieux, le jaloux charitable, le colérique tendre, le vindicatif qui sait pardonner. Et il a eu autant d’identités que la situation l’exige, et la demande sociale. Le Dieu des Armées, le Sabaoth du peuple hébreu n’est pas le Dieu d’intimité et de consolation du chrétien classique, qui n est pas le Dieu de justice et des petits artisans du quaranthuitard romantique. Le principe d’ordre et de résignation auquel en appelle aussi bien Voltaire que Napoléon Ier (qui a écrit à Roederer: « Quand un homme meurt de faim à côté d’un autre qui regorge, il faut une autorité qui lui dise ” Dieu le veut ainsi “), n’est certainement pas celui que priait Charles de Foucault au désert (« Mon père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira »). Lequel n’est pas non plus le Dieu qu’invoque au Brésil la communauté chrétienne de base pour qu’il « renverse les potentats de leur trône, élève les humbles, rassasie les affamés et renvoie les riches les mains vides » . Il y a un Dieu de cour, un Dieu de ville, un Dieu des banlieues ; il y a le protecteur des gens de bien et le vengeur des gens de rien. Tout cela est trivial et a été dit mille fois.

Plus intéressant que ses variations socioculturelles, nous paraît l’invariant dualiste du Dieu unique. Il ne relève pas du changement de décor mals du rôle lui-même. Le Très-Saint n’échappe pas, et comment le pourrait-il, à la bipolarité du sacré, du sacer romain, fascinosum et tremendum, repoussant et effrayant, attirant et redoutable. Le sacré, chacun le sait, est à l’image du pouvoir profane, et cette ambivalence même est sans doute ce qui donne ici-bas un halo de sacralité au pouvoir suprême. Le sacré est un monde de forces de nature opposée, bienfaisantes et malfaisantes, fastes et néfastes. Le contact avec le pouvoir rend impur (comme dans le judaïsme le contact avec les livres saints rend les mains impures). Le pouvoir aussi est contagieux et impur, comme le sacré. Il faut toujours, avant ou après qu’on l’aborde, se laver les mains.

Je ne reprendrai pas ici ce que j’ai exposé à loisir dans Le feu sacré (bis repetita non placent), à savoir l’insoutenable ambiguïté de l’Etre Suprême, qui fait en l’occurrence sa capacité d’emprise aussi paradoxale qu’imparable. Facteur d’unification et responsable de division. Objet d’amour et inspirateur de haine. Incitant à la paix et cause de guerres. Lumière et ténèbres. Euphorie et dysphorie. Ses incohérences même rendent Dieu plausible aux yeux des humains, puisqu’ils ont les mêmes. Le feu brûle et réchauffe. Il civilise et il dévaste. C’est la nature crucifiante du religieux en général, que de produire un nous, une intégration collective, et donc un eux, une exclusion. C’est la dialectique entre l’individuation collective, qui forge une identité et garantit aux adeptes une sorte de communion, et la dissociation discriminante puisque le nous, comme le moi, se pose en s’opposant à un eux. Les fidèles s opposent aux infidèles, les baptisés aux mécréants, et chaque religion s’est construite sur et contre ses antécédentes ou rivales. Tel serait l’effet pervers du Bien, ou le fond diabolique de Dieu. Pour représenter la double nature d’une divinité à la fois cannibale et protectrice, les grecs ont inventé le Dieu dithyrambique, sous la forme d’un monstre cornu, corps d’homme et tête de bête. Le Dieu de nos théologies a expulsé le Diable de lui-même pour en faire un Adversaire, l’Ennemi indispensable, car ce qui vaut pour les hommes vaut aussi pour les dieux: on ne sait plus qui on est quand on ne sait plus à quoi on s’oppose. Le Dieu sans diable des philosophes manque singulièrement de capacité d’attraction et de cohésion. Sans popularité lui-même, il ne polarise aucune ferveur collective. Comment se situer par rapport à un Dieu incapable lui-même de se situer dans un champ de forces reconnaissable axe du Bien, axe du Mal?

Il ne faut pas faire porter au monothéisme la responsabilité d’un dédoublement qui existait bien avant Lui. La Grèce aussi avait double visage. Il y a l’Hellade lumineuse et sereine d’Athéna et la Grèce labyrinthique et ténébreuse du Minotaure. Et c’est là même. Apollon et Dionysos se côtoient. Mais il ne faut pas non plus s’imaginer qu’avec le Dieu unique on peut se débarrasser des envers d’ombre de la Lumière. Les sociétés monothéistes, peuples élus ou nations saintes, pensons aux Etats-Unis d’Amérique d’aujourd’hui, sont des parangons d’ambivalence, et il n’est pas étonnant qu’elles inspirent, y compris chez leurs alliés, des sentiments également ambivalents. C’est un rendu pour un prêté. Paranoïaques et généreux, les Américains ont toujours exigé des Européens qu’ils soient à la fois Européens et pseudo-américains, qu’ils soient autonomes et serviles, vertueux et corrompus, qu’ils leur fassent faire des affaires tout en en faisant de bonnes eux-mêmes. Cela correspond à leur propre caractère, puisque la nation avec une âme d’Eglise aussi est double : à la fois conquérante du monde extérieur, et incapable d’imaginer qu’il puisse exister un autre monde que l’Amérique. Matérialistes et évangélisateurs, légalistes et bandits de grands chemins, bellicistes et pacifistes, ainsi sont les craignant-Dieu.

Elle est sans doute dans ce noir-et-blanc, la raison d’invoquer parmi les figures de proue de l’agir humain le Seigneur des Mondes, le Maître du Jour du Jugement, comme nec plus ultra du pire et du meilleur propres aux fils d’Adam. Le Dieu unique, c’est le tout en Un de l’ambivalence humaine. C’est en quoi la formule monothéiste, à bien des égards la plus élégante, expédiente et exportable qui soit, si elle pose moins de problèmes théologiques qu’elle n’en résout, en pose encore de graves. L’unicité de Dieu, créateur de toutes choses, le rend directement comptable du Mal dans sa Création ce à quoi les théologiens ont dû trouver des parades qui font toujours débat, même si Satan, Lucifer ou le Diable furent là, dès le début, pour répondre aux objections. A ce problème moral, qu’on appelle la théodicée, ou Justice de Dieu, s’ajoute le problème plastique de la représentation. Sous quels traits représenter Celui qui est à la fois jeune et vieux, guerrier fougueux et arbitre serein, colérique et miséricordieux, et certains ajoutent: masculin et féminin ? La réponse ici s appelle l’aniconisme, qui consiste, au fond, à interdire ce qui serait de toute façon impossible à concrétiser: la figuration ou la physionomie. Ces deux problèmes ne se posent pas aux cultures qui ont eu la sagesse de ventiler les diverses fonctions spécialisées nécessaires à la vie d’une société complexe sur plusieurs figures divines. Le compactage monothéiste des attributs oblige à une certaine invisibilité ou abstraction, celle du tétragramme biblique, doublées de quelques maux de tête, ceux de Job sur son fumier.

Les effets politiques sont incontestablement une montée aux extrêmes, des deux côtés, amour et haine. En matière de violences et de guerres, les faits témoignent d’un aggravant monothéiste. Sans aller jusqu’à dire que le monothéisme est un polythéisme imparfait ou déficient (la Trinité, la Vierge Marie et le culte des Saints, dans le christianisme, ont comblé à leur manière ce déficit de pluralité), il apparaît sage, sous cet angle, de modérer les enthousiasmes enthousiasme, l état de ceux qui portent Dieu en eux, en theos et, qui parce qu ils portent l Unique en eux-mêmes, en arrivent facilement aux dernières extrémités puisque si mon Dieu est le vrai et le seul, les autres sont des faux et s ils sont des faux, je dois les éradiquer si je crois en mon Dieu. Ce fut la conclusion en tout cas que Justinien en a tiré, le devoir de persécution. Quoi qu il en soit, un Churchill du monothéisme l aurait peut-être qualifié comme la pire des solutions apportée au sentiment du divin, à l exception de toutes les autres.

 

Comment résumer en quelques mots cette démarche cavalière s il en est ? Vous aviez conçu que la gageure était de taille. Comment résumer d un mot ? Je dirai que, clivé comme il est, notre Dieu abrahamique fait un bon réflecteur pour l homme de la rue. Plus l astrophysicien s éloigne, avec ses télescopes, du système solaire, plus il remonte dans le passé de l univers jusqu à rêver de pouvoir photographier un jour son point zéro  ; de même plus et mieux nous scrutons l être de Dieu, plus nous pénétrons les secrets embarrassants de l homo sapiens, par quoi l histoire des religions peut faire figure d archéologie des dessous ambigus du phénomène humain et peut-être même de plongée dans l inconscient collectif. C est peut-être ce qui fait de la théologie une voie royale vers l anthropologie ou l inverse, c est selon.

Ou l inverse, disais-je en pensant à Voltaire, déiste anti-clérical. « Dieu, écrit-il, a fait l homme à son image et l homme le lui a bien rendu. » Un humaniste respectueux des divins mystères serait plutôt tenté de renverser la formule. L’homme a fait Dieu à son image, et le Dieu de Moïse et de Josué, de Saint Vincent de Paul et de la Saint Barthélemy, de IB’n Arabi et de Ben Laden le lui a bien rendu. Parfois même au centuple.

Je vous remercie.