Séance du lundi 4 juin 2007
par Mme. Annie Podeur,
Directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour cette invitation et de saluer ainsi l’intérêt de l’Académie des sciences morales et politiques pour les questions de santé et en particulier pour la politique de l’Etat en matière d’hospitalisation à domicile. Ce préambule me permet aussi de remercier tout particulièrement le Docteur Pierre-Jean Cousteix dont le travail constant depuis des années pour promouvoir le développement de l’hospitalisation à domicile a largement contribué aux avancées que j’ai l’honneur de vous présenter cet après-midi.
Introduction
Les réflexions actuelles sur la modernisation du système de soins, mettent l’accent sur plusieurs enjeux majeurs, que sont une meilleure prise en compte du patient, le vieillissement de la population, une meilleure utilisation des ressources : compétences médicales et paramédicales, plateaux techniques…Ces enjeux nous demandent d’être actifs sur les organisations des soins qui privilégient le suivi des patients, les réponses au besoin de proximité, les approches coordonnées entre professionnels de santé.
L’hospitalisation à domicile est l’un des acteurs, l’une des modalités d’organisation des soins au cœur de ce triple défi, notamment parce que l’HAD contribue à ce recentrage du soin autour d’un axe « patient » ainsi qu’au besoin de coordination des professionnels autour de chaque parcours de santé.
Mode alternatif à l’hospitalisation, qu’elle tende à l’éviter ou à la raccourcir, l’HAD prend en charge dans sa globalité et de manière coordonnée le patient. C’est là sa vraie spécificité. Elle lui apporte à la fois des soins médicaux et paramédicaux mais aussi un suivi psychosocial au sein d’un programme de soins personnalisés au quotidien.
L’HAD constitue une forme de réseau particulier, interface entre l’hôpital et la ville, entre le sanitaire, le médico-social et le social. Ce décloisonnement qu’elle autorise, facilite et sécurise, permet une plus grande flexibilité du système de santé.
L’HAD occupe dès lors une place à part entière dans le système de prise en charge des patients.
Historique
Si le concept de soins à domicile remonte à la révolution française, la mise en place d’une véritable hospitalisation à domicile n’a pas plus d’un demi-siècle d’histoire :
1790 : La ROCHEFOUCAULT-LIANCOURT, Président du Comité de Mendicité de l’Assemblée Constituante, pose le concept de retour à domicile des mendiants et indigents qui étaient placés dans les hôpitaux généraux. L’expérience ne parviendra cependant pas à être mise en œuvre compte tenu de l’actualité tourmentée de l’époque.
1947 : Le Professeur BLUESTONE, de l’hôpital de Montefiore de New-York, crée la première forme d’hospitalisation à domicile qu’il dénomme « Home Care ».
Le concept de « Home Care » ou d’alternative à l’hospitalisation regroupe l’ensemble des soins dispensés au domicile du patient, d’une intensité comparable à ceux qui étaient susceptibles de lui être prodigués dans le cadre d’une hospitalisation traditionnelle.
1951 : La première expérience française voit le jour à l’hôpital Tenon grâce à l’imagination du Professeur SIGUIER. Il s’agit d’une organisation similaire aux « home care » à partir de son service de médecine générale. L’objectif est cependant ici d’assurer l’aval d’un service d’hospitalisation complète saturé.
1957 : La première structure officielle d’Hospitalisation à Domicile est crée à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) organisée avec les hôpitaux Tenon et St Louis.
Dès le départ, la conception française de l’H.A.D. introduit une innovation par rapport au système américain en choisissant de s’appuyer sur la médecine libérale pour assurer la continuité des traitements des patients.
1958 : La structure d’HAD « Santé Service » à Puteaux est créée à l’initiative du Professeur DENOIX, Directeur de l’hôpital Gustave Roussy de Villejuif avec l’aide de la Ligue contre le Cancer. Dans un premier temps, cette structure, sous la forme d’une association loi 1901, de statut privé à but non lucratif, est destinée aux malades cancéreux.
1960 : La première convention relative à l’Hospitalisation à Domicile est signée entre d’une part Santé Service et l’H.A.D. de l’A.P-H.P. et, d’autre part, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (C.P.A.M.). Dans cette convention se trouvent déjà inscrits les acteurs essentiels de l’HAD : le médecin hospitalier et le médecin traitant, l’assistante sociale, l’infirmière, l’aide soignante et l’aide ménagère.
1973 : La création de la Fédération Nationale des Etablissements d’Hospitalisation à Domicile (FNEHAD) en 1973, permet de réunir les structures d’HAD.
Les textes fondateurs
Le 31 décembre 1970, la loi Hospitalière donne à l’H.A.D. une existence légale en stipulant que « les services des Centres Hospitaliers peuvent se prolonger à domicile, sous réserve du consentement du malade ou de sa famille, pour continuer le traitement avec le concours du médecin traitant ». A ce titre, l’HAD fait donc partie des structures sanitaires.
Les décrets d’application n’ont jamais été publiés. Aussi, en 1974, c’est une convention nationale type, parue dans la circulaire CNAM du 29 octobre 1974, qui précise :
-
les conditions d’admission en H.A.D.,
-
les critères relatifs aux états pathologiques pouvant entraîner une H.A.D.,
-
les conditions de fonctionnement de l’H.A.D.
Il faudra attendre 1986 pour qu’un ensemble de circulaires vienne étendre le champ de l’hospitalisation à domicile à l’ensemble des pathologies, jusqu’à la psychiatrie (évoquée dans le décret 86-602 du 14 mars 1986 relatif à la lutte contre les maladies mentales et à l’organisation de la sectorisation psychiatrique qui précise à l’article 9 que « la prévention, le diagnostic et les soins sont assurés notamment à la résidence des patients »). Par ailleurs l’arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales comportant ou non des possibilités d’hébergement mentionne à l’article 11 que les services d’HAD en psychiatrie « organisent des prises en charge thérapeutiques à domicile associées s’il y a lieu à des prestations d’entretien nécessitées par l’état de dépendance du patient ».
Une définition claire des missions de l’HAD apparaît dans le décret n° 92-1101 du 02 octobre 1992 qui stipule que « les structures dites d’hospitalisation à domicile permettent d’assurer au domicile du malade, pour une période limitée mais révisable en fonction de l’évolution de son état de santé, des soins médicaux et paramédicaux continus et nécessairement coordonnés. Ces soins se différencient de ceux habituellement dispensés à domicile par la complexité et la fréquence des actes. »
A partir de cette date, des circulaires viendront préciser la spécificité de l’hospitalisation à domicile :
La circulaire ministérielle du 30 mai 2000 clarifie le champ d’application de l’HAD. Elle spécifie que « l’hospitalisation à domicile concerne les malades atteints de pathologies graves, aiguës ou chroniques, évolutives et/ou instables qui, en l’absence d’un tel service, seraient hospitalisés en établissement de santé. L’HAD a pour objectif d’éviter ou de raccourcir l’hospitalisation en service de soins aigus ou de suite et réadaptation, lorsque la prise en charge à domicile est possible ».
Elle précise, en les détaillant, la typologie de l’ensemble des actes pouvant être, seuls ou associés à d’autres actes, réalisés à domicile. Elle insiste sur le concept de « projet thérapeutique » et précise les rôles respectifs du médecin hospitalier, du médecin traitant et du médecin coordonnateur de la structure d’HAD.
Une circulaire de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS) du 04 février 2004, selon le même schéma, complète la précédente en abordant les modalités de prise en charge générale. Elle a un double objectif : répondre à la demande des patients et diminuer les durées de séjour en hospitalisation complète. Ce développement s’appuie sur une planification simplifiée.
Ces orientations sont destinées à favoriser le développement de l’hospitalisation à domicile et s’inscrivent dans le cadre de la révision des schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) de deuxième génération.
La place importante confiée par les pouvoirs publics à ce mode de prise en charge est réaffirmée dans l’ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé. Celle-ci a marqué en effet une évolution importante de l’HAD : elle supprime « le taux de change » qui limitait la création de places d’HAD obligatoirement corrélée à l’époque à la suppression de lits d’hospitalisation complète. Elle fait de l’HAD un volet obligatoire des Schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS), obligeant ainsi les acteurs régionaux à une réflexion territoriale sur la place de l’HAD. Enfin, elle exclut cette alternative à l’hospitalisation de la quantification en volume, donnant ainsi plus de latitude à son développement sur le territoire.
Enfin la circulaire du 1er décembre 2006 vient rappeler le caractère polyvalent et généraliste de l’HAD, son régime d’autorisation, ses obligations (sécurisation pharmaceutique, soins palliatifs, continuité des soins), le rôle des différents acteurs internes et externes et son positionnement au sein d’une offre de soins locale. Cette circulaire évoque le nécessaire développement planifié de l’HAD.
Quelques données chiffrées
Le nombre total de structures d’HAD en France s’élève à 205 à ce jour. Le secteur privé est fortement représenté sur l’hospitalisation à domicile totalisant près de 70 % de l’activité (dont 20 % pour les structures associatives participant au service public hospitalier).
L’activité des structures d’HAD s’appréhendent à travers les journées réalisées et à travers la notion de places, la place représentant un potentiel d’activité.
En nombre de journées, l’activité d’HAD augmente régulièrement d’environ 6 à 7 % par an de 2003 à 2005.
2003
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2004
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2005
|
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Nombre de journées totales |
1 679 917
|
1 774 515
|
1 896 175
|
De même, un recensement en 2005 faisait état d’une progression rapide du potentiel d’hospitalisation à domicile : de 3908 en 1999, le nombre de places est passé à 4739 en 2002, 5718 places en 2004 puis 6826 places en 2005.
Cette forte progression est aussi le résultat des mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics pour soutenir le développement de l’HAD : ainsi, aux Journées de l’hospitalisation à domicile de décembre 2005, le Ministre de la Santé s’est engagé à favoriser le doublement du nombre de places d’HAD pour atteindre les 15 000 places en 2010.
La répartition entre les régions montre que toutes ont développé une activité d’HAD. Les disparités restent cependant très importantes entre les plus dotées (comme l’Ile de France : 712 057 journées d’HAD en 2005) et celles où l’implantation n’est pas encore significative (comme l’Auvergne : 16 300 journées d’HAD en 2005). Les inégalités géographiques se réduisent pourtant puisque à ce jour 8 départements seulement ne possèdent aucune structure d’HAD contre 33 en 2002 et 52 en 1999.
Enfin, en ce qui concerne la nature de l’activité des structures d’HAD, il est à noter que sur les 10 premiers diagnostics de prise en charge en HAD, la moitié concerne des pathologies cancéreuses. L’âge moyen des patients pris en charge en HAD est de 61 ans et la durée moyenne de séjour de 14 jours.
10 premiers diagnostics principaux de prise en charge en 2005 par fréquence décroissante
Libellé
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Nombre de journées
|
%
|
Tumeur maligne du sein |
61 994
|
4,1
|
Tumeur maligne des bronches et du poumon |
60 203
|
4,0
|
Diabète sucré insulino-dépendant |
46 385
|
3,1
|
Tumeur maligne du côlon |
37 424
|
2,5
|
Ulcère de décubitus |
31 538
|
2,1
|
Tumeur maligne de l’encéphale |
29 936
|
2,0
|
Tumeur maligne de la prostate |
28 336
|
1,9
|
Sclérose en plaques |
27 933
|
1,8
|
Paraplégie et tétraplégie |
26 497
|
1,8
|
Hémiplégie |
26 345
|
1,7
|
L’organisation et le financement de HAD aujourd’hui
Les patients relevant de l’HAD
Les patients sont admis en HAD s’ils nécessitent des soins complexes et coordonnés comportant une évaluation médicale, des soins techniques quasi-quotidiens (infirmiers, rééducation,…) et psychologiques. Ces soins peuvent aussi être des soins de réadaptation à durée déterminée. Ils incluent les dimensions préventives et éducatives tant pour le patient que pour son entourage.
Les moyens
Les conditions de fonctionnement des structures d’HAD sont rigoureusement précisées par les textes. La nature des locaux et leurs fonctions sont par exemple prévues par l’article D. 6124-307 du code de la santé publique (CSP).
Les textes règlementaires imposent aussi aux structures d’HAD de disposer de personnels (médecin coordonnateur, cadre(s) infirmier(s), équipes de soins, de rééducation, assistantes sociales ou psychologues) dont le nombre et la qualification sont appréciés en fonction de la nature et du volume d’activité effectués, de la fréquence des prestations délivrées et de leurs caractéristiques techniques (article D. 6124-308 CSP). De manière plus précise encore, afin de garantir les conditions de sécurité, l’article D. 6124-308 CSP indique que chaque structure d’HAD doit disposer en permanence d’au moins un agent pour six patients pris en charge. Le personnel exprimé en équivalent temps plein qui exerce dans la structure, en dehors des médecins, doit être constitué au moins pour moitié d’infirmiers. La structure d’HAD doit comporter quelle que soit sa capacité au moins un cadre infirmier.
La coordination
Point de rencontre entre la médecine hospitalière et la pratique ambulatoire, l’HAD est une structure mixte utilisant les compétences internes de ses propres équipes et coordonnant les interventions de professionnels extérieurs tout en prenant en compte l’environnement sanitaire et médico-social participant à la prise en charge éventuelle du patient en amont ou en aval de l’HAD. L’activité des divers intervenants doit donc être coordonnée à partir d’un protocole de soins personnalisé. Cette coordination relève du rôle de l’HAD. elle est principalement incarnée par le médecin coordonnateur, élément clé du fonctionnement médical de la structure. Ce dernier, référent médical de l’établissement ou du service, ne prescrit pas, ne soigne pas, ne se substitue pas au médecin traitant mais il organise le fonctionnement médical de la structure ; il participe à la décision d’admission et de sortie du patient ; il est le garant du respect des protocoles de soins ; il coordonne les échanges d’informations entre professionnels en interne et en externe et forme les équipes.
Qu’il soit ou non le prescripteur, le médecin traitant, le plus souvent choisi librement par le malade et rémunéré ou non par la structure d’HAD, est le pivot de l’organisation d’une HAD. Il dispense des soins de façon périodique, assure le suivi médical, la surveillance des soins lors de ses visites. Il est responsable de son diagnostic et de ses prescriptions.
Cette mixité du suivi médical est, elle aussi, une spécificité de l’hospitalisation à domicile.
Le régime financier de l’HAD
Ici aussi l’hospitalisation à domicile a anticipé sur l’évolution naturelle du financement des établissements de santé en basculant la première sur une tarification liée à l’activité médicale réalisée auprès du patient.
Depuis la loi de financement de la Sécurité Sociale 2006 et à compter du 1er janvier 2006, tous les établissements d’hospitalisation à domicile publics ou privés sont financés pour la totalité de leur activité par une tarification à l’activité.
Ceci justifie le recueil d’informations médicalisées. Les établissements de santé ayant une activité d’hospitalisation à domicile ont ainsi pour obligation de procéder à une analyse de leur activité en application de l’article L. 6113-7 CSP.
La rémunération des activités d’HAD d’un établissement repose sur le paiement d’un forfait pour chaque journée où le patient est hospitalisé à domicile, appelé « groupe homogène de tarif » (GHT).
Le classement de chaque journée de présence dans un GHT est réalisé par un programme informatique qui utilise quatre variables tarifantes : mode de prise en charge principal, mode de prise en charge associé (s’il existe), indice de Karnofsky (degré de dépendance du malade) et durée de prise en charge au sein d’une même séquence de soins.
L’arrêté du 31 janvier 2005 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d’hospitalisation à domicile et pris en application de l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, définit les règles de facturation des GHT aux caisses d’assurance maladie. Le II de l’article 5 précise notamment : « Un forfait « groupe homogène de tarifs » est facturé pour chaque journée où le patient est hospitalisé à son domicile ». Il existe 31 tarifs différents en fonction de la lourdeur des soins dispensés.
Le positionnement de l’HAD dans l’offre générale de soins
Comment se situe l’HAD dans l’ensemble des modes de prise en charge offerts aux patients et aux professionnels ?
L’HAD fait tout d’abord partie des modes de prise en charge visant à favoriser le maintien à domicile et donc à restreindre le recours à l’hospitalisation complète. Elle participe ainsi à la régulation des soins et son développement peut être à terme facteur de désengorgement des urgences et des lits hospitaliers.
De manière plus générale, et comme évoqué en introduction, l’HAD respecte le choix et le souci de confort psychologique et physique du patient en le repositionnant au cœur de la décision et du suivi de la prise en charge. Dans une logique proche, ce mode d’hospitalisation respecte les liens existant entre le malade et son médecin traitant, qu’elle maintient au centre du processus décisionnel, en lien avec l’ensemble des autres acteurs de la sphère sanitaire et médico-sociale.
L’HAD comme garante du choix et de la qualité de vie du patient et de ses proches
Même si le choix exprimé par les patients plaide pour le développement de l’hospitalisation à domicile qui correspond davantage à leur souhait de se réapproprier leur prise en charge dans un univers moins anxiogène, la superposition entre espace de soins et lieu de résidence n’est pas toujours facile et connaît parfois des limites qu’il convient d’anticiper par un vrai bilan complet de l’environnement avant admission en HAD.
Une prise en charge réappropriée dans un univers moins anxiogène
-
Une hospitalisation écourtée ou évitée et donc un environnement moins déstabilisant :
Lors d’un épisode de crise chez un patient, en particulier chez un sujet âgé, une hospitalisation est souvent génératrice de perturbations. Le malade souvent âgé est parfois désorienté par le transport et l’hospitalisation qui favorisent les pertes de repères et constituent des facteurs d’aggravation de la pathologie. L’arrivée bien souvent non préparée des patients aux urgences participe à l’engorgement de ces dernières au grand désagrément du patient qui attend parfois longtemps une décision médicale prise quelquefois après de longs et coûteux bilans biologiques ou d’imagerie.
-
Une prise en charge davantage responsabilisante pour le patient et ses aidants
L’HAD intervenant de manière coordonnée mais ponctuelle au domicile du patient, celui-ci ou son entourage est donc en toute logique davantage sollicité. L’hospitalisation à domicile passe par la prise en charge par le patient ou par ses proches de certaines tâches ou actes médicaux rapatriés dans la sphère domestique. Le patient ou ses aidants intègrent de fait l’équipe soignante en tant qu’acteurs de la prise en charge. L’éducation thérapeutique du patient et des aidants « naturels », passage obligé qui permet que s’accomplissent en toute sécurité ces gestes et attitudes de soins effectués par des non professionnels et rééquilibre la relation soignant-soigné.
L’hospitalisation à domicile concourt alors à la responsabilisation des malades à l’égard de leur processus de soins. Ces derniers sont dès lors plus réceptifs aux traitements mis en œuvre, ils retrouvent leur place, leur dignité.
Les limites du maintien à domicile
La prise en charge du malade en HAD repose sur l’élaboration d’un projet thérapeutique parfois complexe auquel s’ajoute un véritable projet de vie au domicile dans lequel va prendre place l’entourage familial.
Cette pratique est cependant limitée par la capacité du patient et des aidants à faire face à des responsabilités souvent très lourdes. Elle peut mettre à l’épreuve la solidité du lien familial et l’appui des aidants peut atteindre ses limites au fil d’une prise en charge dont la durée se compte quelquefois en mois. L’hospitalisation complète peut alors apparaître comme une solution de répit si elle est acceptée par le patient comme une phase temporaire dans son projet de soins et de vie.
De plus, la symbiose entre domicile et espace de soins peut être non désirée ou mal vécue par le patient qui craint de devoir imposer aux siens au quotidien l’image de la maladie qu’il a lui-même du mal à accepter.
Certains soins éprouvants comme la chimiothérapie sont mieux vécus lorsqu’ils se déroulent dans un univers neutre comme peut l’être l’hôpital, que dans un espace familier associé alors, dans la mémoire du patient, à un épisode douloureux. Le choix de l’hospitalisation à domicile ne reflète donc pas toujours une évidence et nécessite, ici encore, la pleine participation du patient et de son entourage.
L’HAD comme acteur du décloisonnement de l’offre de soins
Le développement actuel de l’HAD pourrait être lié au rôle particulier qui est le sien dans les liens qu’une structure peut créer entre les différents professionnels de santé au sein d’un même territoire. Mais elle est, elle aussi, un élément parmi un ensemble d’acteurs de santé avec lesquels ses rapports doivent être constants et convergents.
L’HAD comme acteur de décloisonnement
-
L’HAD fonctionne selon une approche globale du patient
L’HAD est par nature polyvalente et généraliste. Cet aspect a été rappelé par la circulaire du 1er décembre 2006.
Une de ses caractéristiques propres tient au fait qu’elle fait fi des spécialités médicales qui cloisonnent bien souvent la prise en charge en hôpital. Il ne peut, par principe, exister d’HAD spécialisée, ce qui représente un facteur « facilitateur » pour la prise en charge somatique des malades « polypathologiques » comme les personnes âgées. La porte d’entrée en hospitalisation n’est plus la pathologie mais le patient
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L’HAD fonctionne selon une approche continue de la prise en charge du patient
Lors d’une hospitalisation à domicile le patient reste pris en charge par son médecin traitant sans rupture. Ce professionnel connaît parfaitement ses antécédents et peut continuer le suivi de son patient dans une relation de confiance et dans un environnement mieux sécurisé.
Les professionnels paramédicaux de l’HAD peuvent êtres salariés par l’établissement mais aussi et c’est souvent le cas, libéraux payés à l’acte. Ici aussi ce lien avec la ville peut s’avérer intéressant dans le suivi du patient une fois prononcée la sortie du patient de l’HAD.
- L’HAD fonctionne selon une approche complémentaire des besoins du patient
En dehors des professionnels associés de manière permanente à la structure d’HAD, cette dernière peut avoir recours à certains paramédicaux : infirmiers, psychologues, professionnels de rééducation…rémunérés ponctuellement à la prestation.
Les professionnels médicaux et paramédicaux impliqués participent au travail d’élaboration du protocole de soins piloté par le médecin coordonnateur. C’est ce protocole qui clarifie le décloisonnement médical/paramédical.
Plus encore qu’en hospitalisation complète, les acteurs sociaux sont des professionnels primordiaux dans le cadre de l’hospitalisation à domicile.
Le service social évalue les possibilités du réseau familial et social afin de garantir les conditions les plus adaptées du retour ou du maintien à domicile.
L’accompagnement psychosocial durant l’hospitalisation à domicile est souvent nécessaire et parfois essentiel aussi bien auprès du malade que de sa famille et des aidants, tout particulièrement pour éviter l’épuisement de ses derniers et la ré-hospitalisation des malades.
Par ailleurs, le protocole de soins prend en compte les besoins d’aides supplémentaires : aide ménagère, travailleuse familiale, repas à domicile, garde à domicile … Cet aspect est réévalué périodiquement.
Les réunions périodiques de coordination, les échanges entre les différents acteurs de la prise en charge au travers du système d’information utilisé par la structure d’HAD, permettent ce travail pluridisciplinaire d’équipe autour d’un protocole de prise en charge ou chacun a sa place tout en étant tenu de partager son savoir avec d’autres.
- L’HAD fonctionne selon une approche de subsidiarité entre la ville et l’hôpital
Les structures d’HAD et les établissements d’hospitalisation complète sont associés à double titre :
-
La complexité des pathologies en HAD impose un renforcement de la collaboration des professionnels intervenant à domicile avec les services hospitaliers spécialisés. En effet, ces derniers ont un rôle d’expert pour certaines pathologies fréquemment traitées en HAD, comme la cancérologie, la cardiologie, la neurologie,… Ces services hospitaliers organisent la mise à disposition de la structure d’HAD de procédures et protocoles thérapeutiques et peuvent participer à la formation des médecins traitants et des personnels soignants de l’HAD.
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Le processus de prise en charge du patient conduisant parfois ce dernier à des allers-retours entre HAD et hospitalisation complète, la continuité des soins nécessite que soient organisés les passages entre les structures afin d’éviter les ruptures de prise en charge. Ainsi, les établissements d’hospitalisation complète s’engagent au minimum à réadmettre, sans délai et dans le même service, un patient transféré en HAD sans passage aux urgences.Une fois le patient réadmis, le service hospitalier doit également s’engager à faire participer l’équipe d’HAD au protocole de soins, à informer régulièrement le médecin coordonnateur de l’HAD et le médecin traitant de l’évolution de l’état de santé du patient hospitalisé.
Point de rencontre entre la médecine hospitalière et la pratique ambulatoire, l’HAD est susceptible de faire bénéficier le malade de l’offre graduée de soins entre un niveau de proximité représenté par le médecin traitant, le niveau intermédiaire qu’elle représente et le niveau de recours du centre hospitalier ou l’expertise du CHU.
- L’HAD fonctionne selon une approche de confrontation d’opinions entre professionnels
Les contacts entre médecin coordonnateur, médecin traitant et médecin prescripteur sont fréquents au sein de l’HAD. Ainsi, l’activité médicale de chacun d’entre eux se trouve en permanence confrontée à l’opinion de ses confrères.
De même la rencontre du médecin traitant et de l’équipe soignante du service d’HAD avec le médecin prescripteur le plus souvent hospitalier est de nature à faciliter la prise en charge et le suivi du patient et doit, de ce fait, être systématique.
Les paramédicaux de ville et les salariés regroupés au sein des équipes d’HAD participent régulièrement à l’évaluation de leurs propres pratiques et à leur évolution éventuelle.
L’HAD au coeur du décloisonnement
L’HAD comme modalité particulière de prise en charge du patient se trouve confrontée à une offre de soins de prise en charge de proximité diverse (service de soins infirmiers et d’aide à domicile, centres de soins infirmiers, réseaux des santé,…) et il arrive qu’au vu du public ou des professionnels, les frontières entre l’ensemble des acteurs du domicile n’apparaissent pas toujours comme évidentes. Pourtant chacun a sa place et ce n’est qu’au travers de la complémentarité clarifiée entre chacun d’entre eux et d’un rapprochement préalable que la prise en charge à domicile pourra être la plus efficace.
L’HAD et les SSIAD
L’HAD est complémentaire des structures telles que les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), dont elle a vocation à prendre éventuellement le relais, si la situation du malade s’aggrave, et a contrario auxquels elle peut confier un malade stabilisé. Même si l’HAD se distingue des SSIAD par le niveau de soins que l’on y dispense et par la coordination médicale des soins, la continuité des soins entre SSIAD et HAD doit être assurée à l’image de la complémentarité souhaitée avec les établissements d’hospitalisation complète évoquée précédemment.
La création de structures mixtes ou de « plates-formes » offrant à la fois un SSIAD et une HAD, gérées par un même opérateur peut être d’ailleurs fortement soutenue par les tutelles car ce type d’organisation favorise le continuum de la prise en charge dès lors que les indications respectives sont clairement définies.
L’HAD et les organismes prestataires de services
Les organismes prestataires d’aide à la personne (portage de repas, prestations domestiques et aides aux actes de la vie courante) trouvent naturellement leur place dans la liste des acteurs facilitant le maintien à domicile des patients d’HAD. Les structures d’hospitalisation à domicile renforcent d’ailleurs progressivement leurs liens avec ces organismes sur les zones de résidence des patients pris en charge.
L’HAD et les réseaux de santé
Les structures d’HAD participent de plus en plus aux divers réseaux de santé implantés sur le territoire qu’elles desservent, en fonction des thématiques portées par ces réseaux. Cette participation à des structures de coordination de professionnels que sont les réseaux de santé facilite la maîtrise des liens entre les divers intervenants précédemment évoqués au sein de l’environnement sanitaire. Pour des structures de prise en charge qui se veulent généralistes et polyvalentes, cette participation permet de partager les expertises sur certaines pathologies et populations. Dans le sens inverse, une structure d’HAD peut constituer un terrain déjà préparé, un maillage de professionnels divers mais complémentaires pour l’organisation d’un réseau de santé sur un territoire.
L’HAD comme acteur de la maîtrise des coûts
L’HAD se révèle être un mode de prise en charge économiquement intéressant. C’est ce que révèle en effet une étude de l’Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé (IRDES) de juillet 2006 et relative au coût d’une hospitalisation en soins de suite et de réadaptation (SSR) en HAD en comparaison des coûts de SSR en hospitalisation complète.
Il en ressort qu’en rythme stabilisé, le coût de fonctionnement moyen journalier est 1,6 fois plus élevé en hospitalisation complète qu’en HAD : 263 euros en hospitalisation complète contre 169 euros en HAD.
Perspectives et conclusion
L’hospitalisation à domicile n’a pas eu de mal à convaincre les professionnels de santé qui savent chaque jour davantage faire appel à ses prestations ou y participer directement. Elle ne se construit pas en effet sur un terrain vierge mais utilise les acteurs existants pour mieux coordonner leurs actions tout en respectant les responsabilités de chacun et en développant des relations moins hiérarchisées que dans une structure d’hospitalisation complète.
Les pouvoirs publics sont convaincus également de l’intérêt de ce type de prise en charge et en soutiennent le développement. En témoignent l’engagement ministériel de 2005 et la publication récente d’un ensemble de textes règlementaires facilitant la création de structures d’HAD (obligation d’inscription de la politique régionale en matière d’HAD dans un volet du SROS, passage en 2006 à une tarification à l’activité attractive, non opposabilité à des objectifs régionaux quantifiés en volume, possibilité de créer des structures d’HAD sans être tenus de supprimer en contrepartie des lits d’hospitalisation complète). Ce nouveau cadre juridique et financier simplifié est bien le signe de la volonté de rééquilibrer les cartes au bénéfice de cette alternative.
L’ambition ministérielle est maintenant de poursuivre le développement de l’HAD, dans le cadre d’une réponse au besoin de proximité. Nous souhaitons également poursuivre les réflexions sur l’extension de la notion de domicile : par exemple, le décret 2007-241 du 22 février 2007 rend aujourd’hui cette intervention possible en maison de retraite. D’autres établissements d’hébergement pourraient demain revendiquer la même possibilité, afin d’éviter aux personnes les plus fragiles et les plus dépendantes, hébergées dans des structures médico-sociales (personnes âgées, handicapés,…) un transfert perturbant en hôpital.
Je vous remercie de votre attention.