séance du lundi 28 septembre 2009
par M. Yves Michaud,
Professeur de philosophie, ancien directeur de l’École nationale des Beaux-Arts
Avant d’évaluer et de juger, la première chose à faire est de décrire le paysage, un paysage complexe et dont on omet souvent des aspects importants en se concentrant sur le plus visible. Les Beaux-Arts sont en effet abordés dans l’université dans des perspectives différentes par des disciplines différentes.
A tout seigneur tout honneur, l’histoire de l’art. Il y a maintenant des départements ou UFR d’histoire de l’art dans quasiment toutes les universités (à quelques exceptions comme Limoges, Nancy, Nice), souvent appelés départements d’Art et archéologie. La discipline dépend des sections 21 et 22 du Conseil national des universités (CNU) Histoire et civilisations. La population étudiante a beaucoup augmenté ces dernières années à la fois dans le cadre du plan Université 2000 des années 1988-1990 et avec l’apparition de débouchés nouveaux dans des secteurs comme ceux du patrimoine, de la vente aux enchères, de l’action culturelle et du tourisme.
Les départements d’Arts plastiques s’occupent aussi de Beaux-Arts. Ce sont, du point de vue de la démographie étudiante, de très gros départements qui ont pour débouchés l’enseignement, la pratique artistique, la médiation culturelle. Leur origine est récente puisque les arts plastiques sont un des seuls héritages de mai 1968, fondés en 1969, avec création en 1972 d’un Capes et en 1975 d’une agrégation. Les activités qui y sont menées sont très hybrides : théorie de l’art contemporain, histoire de l’art moderne et contemporain, pratiques plastiques, théorie sur la pratique, photographie, arts électroniques, etc. Les Arts plastiques dépendent de la section 18 du CNU.
Les départements de philosophie comportent presque tous un philosophe spécialisé en esthétique, qui enseigne la plupart du temps sans contact avec les autres sections présentes dans l’université (histoire de l’art, arts plastiques).
Il ne faut pas oublier les départements, plus rares, de musicologie, d’arts du spectacle (théâtre et cinéma), relevant eux aussi de la section 18 du CNU. Ils sont surtout concentrés à Paris, avec quelques exceptions comme Tours, Lille, Bordeaux. Il y a enfin les départements de communication et information qui s’occupent parfois aussi des arts, et relèvent, eux, de la section 71 du CNU.
Il est important de souligner que ces enseignements et les centres de recherche qui leur sont rattachés sont la plupart du temps très compartimentés, avec à peu près aucune circulation des étudiants d’un secteur à un autre. J’ai ainsi échoué, malgré tous mes efforts, à établir une relation avec le département de musicologie de l’université de Rouen alors qu’une initiation à l’art moderne sous toutes ses formes (musique, arts visuels, littérature) est clairement indispensable à tous les étudiants d’une Unité de Formation et de recherche (UFR) de Lettres. Ce cas n’a rien d’exceptionnel. Même au sein d’une UFR, les départements ne communiquent pas ou à peine.
Il faut maintenant ajouter d’autres lieux où il est question des Beaux-Arts. Evidemment, les départements de Lettres puisqu’après tout la poésie et la tragédie sont des beaux-arts. Malheureusement, l’approche esthétique de la littérature n’a guère cours. Les écoles d’art, qui sont en France au nombre d’une soixantaine, avec des dimensions et des ressources extrêmement différentes, depuis de toutes petites écoles comme celles de Perpignan ou d’Annecy jusqu’aux grosses écoles parisiennes.
Si les écoles d’art ont ici leur place, c’est parce que dépendant en principe d’un ministère différent (le ministère de la Culture) et disposant de statuts différents de celui des universités, elles tendent, depuis la mise en place du Processus de Bologne avec harmonisation des curriculums selon le schéma LMD (licence, mastère, doctorat), à évoluer vers le modèle universitaire ne serait-ce que pour les besoins d’équivalence. La mobilité des étudiants en art est forte, non seulement en France mais aussi à l’intérieur de l’Europe où, dans certains pays, les écoles d’art sont intégrées aux universités (l’Espagne). Il faut donc harmoniser les régimes d’études. Une pression supplémentaire vers l’harmonisation vient du corps enseignant des écoles d’art qui ne verrait pas d’un mauvais oeil l’alignement de ses salaires sur la grille universitaire. Le problème est qu’à terme, ceci implique une colonisation des écoles d’art par des docteurs dans le genre des docteurs en arts plastiques. Le peintre Joan Hernandez Pijuan, doyen de la Facultad de Bellas Artes de l’université de Barcelone, me disait sur un ton résigné il y a une dizaine d’années “bientôt je n’aurais plus comme professeurs que des docteurs”.
Les écoles d’architecture, qui dépendent elles-aussi du Ministère de la culture, doivent évidemment être comptées parmi les lieux où il est question des beaux-arts, à commencer par l’architecture, le paysagisme, le design environnemental ou urbain. Leur contribution est cependant très mince, alors que les enseignements d’histoire de l’art portant sur l’architecture sont eux-mêmes peu nombreux dans le système universitaire français (avec des exceptions comme encore récemment Gérard Monnier à Aix puis Paris 1 ou Franois Loyer à Rennes). L’architecture est la grande oubliée du système français.
Enfin il faut citer à part un certain nombre de lieux “autres” où se mènent des enseignements et des recherches intéressantes : l’école du Louvre qui s’est beaucoup développée et beaucoup professionnalisée, l’école du patrimoine, sorte d’ENA des formations patrimoniales, le CNRS qui fonctionne de manière fermée comme une sorte de ghetto, l’Académie de France à Rome qui est un lieu de recherche avancé pour jeunes historiens, l’école des Hautes Etudes en sciences sociales, qui a accueilli depuis une vingtaine d’années les enseignements les plus novateurs en histoire de l’art (Damisch), certains musées comme celui du Louvre dont les conférences à destination du grand public ont permis de faire connaître la plupart des grands historiens de l’art étrangers et les travaux novateurs, ce que ne font pas les universités, entre autres (mais pas seulement) faute de moyens.
Une mention à part doit être faite de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), créé en 2001 sur le site Vivienne de la Bibliothèque nationale, mais d’ouverture plus récente, qui est une structure fédérant des organismes et des centres de recherche relevant d’institutions différentes et qui a commencé à créer une dynamique réelle de collaboration, d’échanges et de communication attendue depuis longtemps.
Voilà pour le paysage, j’espère n’avoir rien oublié. Il sera apparu sans difficulté qu’il y a un éclatement patent des approches, dont les conséquences sont ambivalentes.
D’un côté, cet éclatement engendre des corporatismes, des effets de chapelle, une absence de communication, une tendance à la fermeture sur soi et un manque de transparence regrettables.
En mme temps, à travers la diversité de ces formations et recherches, l’ensemble des questions est à peu près couvert, même si c’est de manière aléatoire et parfois presque clandestine.
Une autre conséquence est le doublonnage des recherches, l’ignorance dans laquelle sont la plupart des acteurs de l’état des recherches, y compris dans leur domaine et du coup une grande disparité de niveau des travaux.
Un des problèmes majeurs de l’université française est qu’on ne sait jamais trop où se trouvent les ressources et que celles-ci ne se confrontent pas. Je connais ainsi sept spécialistes du kitsch qui s’ignorent entre eux.
Il y a en réalité un manque de confrontation régionale, nationale et, évidemment, internationale. Ceci laisse la porte ouverte à des travaux souvent assez médiocres compte tenu du manque de compétition et d’évaluation comparative.
On touche là malheureusement à des phénomènes qui ne sont pas propres aux “beaux-arts” mais concernent l’évaluation de la recherche universitaire dans les sciences humaines en France. Contrairement à ce qui fut dit lors de la crise entraînée par la mise en place de la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) en 2008-2009, les universitaires français ne sont pas insuffisamment évalués : ils le seraient plutôt trop et la plupart ne cessent de remplir des dossiers destinés à l’évaluation. C’est plutôt que l’évaluation est déficiente : formelle, consanguine et donc très souvent biaisée (quand elle n’est pas purement et simplement malhonnête), faite par un petit nombre d’experts dont souvent l’expertise ne tient qu’à leurs fonctions d’experts quasiment à vie, sans déontologie (en particulier en cas de conflits d’intérêts, nombreux dans un pays de taille réduite), sans point de vue d’experts étrangers. La mise en place de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) a représenté un progrès réel mais on a vu rapidement revenir de mauvaises habitudes en particulier en raison d’un manque de déontologie codifiée (je parle en tant que personne ayant participé à plusieurs évaluations de l’AERES).
Il y a surtout un manque criant de partage des expériences pour cause de compartimentations des pratiques, des métiers et des cultures.
La conservation est en grande partie coupée du savoir académique, ou bien développe son propre savoir académique, alors que dans des pays comme les USA, l’Angleterre ou l’Allemagne, les conservateurs sont souvent issus du milieu universitaire et souvent aussi y retournent après un séjour dans les musées. De mme, il y a une coupure tranchée entre les pratiques de création et la théorie, sauf en arts plastiques (et encore !). Cette coupure est particulièrement néfaste pour l’esthétique philosophique qui est presque uniquement une esthétique de la réception et du spectateur sans considération de la poétique de l’art. De mme encore, les études des arts de masse (théâtre, cinéma) sont coupées de celles des arts pour publics réduits (arts visuels), alors même que nos sociétés obéissent dans tous les domaines, y compris les domaines d’élite, à la loi de la production industrielle des biens culturels. Enfin, il y a une coupure surprenante et catastrophique entre les approches patrimoniales ou tournées vers le tourisme culturel et le savoir académique, alors mme que le patrimoine et la création sont de plus en plus portés par la consommation touristique de masse, ce qui est reconnu sans aveuglement dans les pays hispanophones et en Italie.
De manière générale, il y a un manque cruel d’interdisciplinarité et de recherches transversales. J’ai parlé de niveau médiocre des contributions. Il convient d’être plus précis pour ne pas être partial. La médiocrité tient certainement à des défauts durables de l’université française : les mauvais recrutements à base de clientélisme et de localisme, sous l’égide du CNU qui, dans la plupart des matières, reflète purement et simplement les corporatismes déjà en place.
Il faut cependant mettre en cause d’autres facteurs qui ne peuvent être imputés au monde universitaire.
En particulier la charge de travail des universitaires en face d’effectifs étudiants considérables surtout dans les deux premières années, le nombre des thèses qui dévorent le temps, les tâches bureaucratiques innombrables, en particulier en matière d’évaluation, le sous-équipement documentaire de départements sans masse critique, l’absence de congés sabbatiques. On ne peut pas demander aux professeurs de “faire de la thèse” en jugeant les résultats des formations de recherche sur le nombre de thèses et demander en mme temps de la qualité. L’évaluation quantitative du nombre de thses aboutit à une surproduction de travaux médiocres qui dévorent le temps des directeurs de recherche. A défaut d’un système de congés sabbatiques quasiment inexistant (il faudrait que l’année sabbatique fut automatique tous les quatre ou cinq ans), seule aujourd’hui l’existence de l’Institut universitaire de France (IUF) accordant aux meilleurs chercheurs des décharges de service significatives et des crédits de recherche eux aussi significatifs apporte un peu d’air dans une situation étouffante.
Il faut aussi mettre en cause le niveau médiocre des étudiants qui sont peu demandeurs, peu exigeants et contents de peu. Quiconque a enseigné aux USA, en Angleterre ou en Allemagne, et maintenant en Espagne, sait quel peut être l’apport de la demande étudiante, y compris quand elle est passablement pressante voire agressivement consumériste.
Un dernier mal organisationnel est à recenser : dans les hésitations de la politique universitaire, on a favorisé la création de nombreuses formations professionnalisées (DUT, mastères professionnels) souvent petites, précaires, très prenantes, aux débouchés incertains. Dans des domaines comme le tourisme ou la médiation culturelle, cette recherche désordonnée de professionnalisation a eu et a toujours son côté négatif en matière de recherche.
De cette situation assez déprimante il y a un symptôme qui ne trompe pas : la baisse de niveau des publications d’histoire de l’art moderne ou contemporain, la multiplication des publications collectives de journées ou colloques sans grande rigueur éditoriale publiées quasiment à compte d’auteurs puisque ce sont les subventions des équipes de recherche aux presses universitaires locales qui les paient pour l’essentiel. J’ai moi-mme pris la décision de fermer en 2002 la collection Rayon Art fondée en 1988 parce que je ne trouvais plus de manuscrits d’auteurs français de qualité et me voyais contraint de ne publier que des traductions.
Cette situation ne peut pas être imputée uniquement au monde universitaire, à son organisation et à ses maux endémiques. Le dynamisme d’une discipline tient aussi au dynamisme du contexte social et culturel. La vitalité de la scène de l’art des années 1970, lors de l’apparition des dernières avant-gardes du 20me siècle, a joué un rôle non négligeable dans le nouveau dynamisme de l’histoire de l’art des années 1980 et 1990.
Or il apparaît que la scène de l’art actuelle n’est plus ce qu’elle fut il ya encore trente ans. Les “Beaux-Arts” eux-mêmes sont non pas en crise (ils l’ont toujours été dans leurs réorganisations incessantes, comme l’ont montré les études de Kristeller) mais connaissent des changements considérables qui dessinent une nouvelle scène.
D’abord il faut être conscient que nous assistons à une redéfinition de la hiérarchie des arts. La montée au premier plan du cinéma est probablement terminée. Les arts visuels qui ont eu tellement d’importance au 20me siècle en ont beaucoup perdu. Le design, la musique (notamment électro-acoustique) ont pris une place considérable et surtout l’architecture revendique clairement sa primauté.
Ensuite la scène des Beaux-Arts a subi l’effet brutal de la massification de la consommation et de la production. Nous sommes dans les temps de la production industrielle des biens culturels diagnostiquée par Walter Benjamin ds les années 1930 mais qui a pris une ampleur sans commune mesure avec ce qu’il annonçait. L’illusion romantique de l’individu créateur s’est évanouie. En même temps sont apparus de nouveaux instruments de production dont nous ne connaissons ni les possibilités ni le caractère viable : Internet, vidéo, livre électronique, téléphone mobile.
Tout ceci pourrait se résumer dans l’affirmation que les Beaux-Arts n’en sont plus mais que pour autant il y a de plus en plus d’art sous des formes nouvelles, populaires, massifiées. Le monde universitaire ne peut pas ne pas réagir à ces changements, mais il le fait dans le désordre, parfois avec retard, parfois avec des réflexes de défense, parfois aussi avec des engouements puérils.
Quels sont maintenant les perspectives et, pourquoi pas, les remèdes à cette situation ?
Il me semble que les perspectives immédiates sont sombres, compte tenu de l’état de l’université française.
Une dizaine d’universités, en particulier dans les domaines scientifiques, sont d’ores et déjà bien placées pour profiter pleinement des possibilités que donne la loi de réforme universitaire, mais la plupart des autres, surtout dans les sciences humaines, auront du mal à bénéficier rapidement des possibilités de réforme. Beaucoup profiteront de la nouvelle autonomie pour se cacher la réalité. Il y a donc une période noire de huit à neuf ans à traverser, celle correspondant aux mandats renouvelables des actuels présidents dont beaucoup sont médiocres, élus d’un clan contre un autre ou, pire, élus consensuels ne pouvant faire valoir des choix courageux.
Les perspectives sont sombres aussi compte tenu des personnes déjà en place, des corporatismes et des scléroses quasiment immémoriales, de l’absence de mobilité. Les pouvoirs renforcés concédés pour cause de concession aux adversaires de la réforme au CNU ne vont pas dans le sens d’une amélioration, bien au contraire. Certaines institutions para-universitaires comme l’école du Patrimoine posent problème dans leur principe même : ce me semble une erreur d’avoir créé une sorte d’ENA du patrimoine et des musées en recrutant dès leur plus jeune âge des futurs fonctionnaires doués mais choisis trop jeunes pour des métiers en complète évolution et redéfinition…
Les perspectives sont sombres enfin compte tenu de la situation des arts dont j’ai parlé : la situation artistique est atone, endormie, sans grand dynamisme, frileuse devant la moindre discussion qui pourrait déboucher sur de la polémique. L’art tend à devenir un sujet professionnel parmi d’autres pour des professionnels comme les autres.
En revanche certaines perspectives sont plus encourageantes dans des domaines émergents comme l’histoire sociale de la musique, la musique électro-acoustique, le design, la consommation culturelle, les comportements esthétiques élargis, la sociologie de la production artistique. On voit aussi apparaître chez les jeunes chercheurs une certaine audace qui est malheureusement tempérée voire anesthésiée par la rareté des postes et, plus encore, les conditions académiques très normalisatrices et conformistes de recrutement.
Je me risque pour finir à suggérer quelques remèdes qui vont du domaine du réalisable à l’espérance peut-être utopique.
Il faudra certainement regrouper des départements pour que les organismes atteignent la taille critique nécessaire, ne serait-ce qu’en ressources documentaires Des modes d’évaluation plus sérieux et plus honnêtes sont indispensables aussi bien pour l’évaluation des individus que pour celle des équipes de recherche. L’AERES constitue de ce point de vue une chance, à condition qu’elle ne soit pas gagnée par les inerties et les vieux démons.
Les statuts dérogatoires temporaires du type Institut universitaire de France doivent être multipliés, à moins que l’on mette en place un vrai régime de congés sabbatiques. Il faut aussi que ces statuts soient réellement et effectivement temporaires pour ne pas tomber dans la tranquillité de type CNRS.
Il faut absolument favoriser les actions de l’Institut national d’histoire de l’art en le désenclavant, en lui donnant des moyens plus importants et en élargissant son champ d’intervention qui reste encore trop “histoire de l’art”.
Dans le registre utopique, on peut souhaiter que disparaisse le CNU ou en tout cas que ses modes de désignation soient profondément modifiés : le problème est que, jusqu’ici, toutes les modifications apportées n’ont pas changé grand-chose, y compris quand on tira au sort ses membres.
On peut souhaiter aussi la disparition de l’Ecole du patrimoine pour favoriser le recrutement de conservateurs ayant des expériences diverses et le va-et-vient entre les musées et les universités.
Ma dernière préconisation n’est ni utopique ni réaliste mais elle touche au comportement français et, comme telle, concerne des réflexes profonds dont on se demande comment ils pourraient évoluer.
Dans le champ des Beaux-Arts comme dans bien d’autres disciplines, on doit s’étonner qu’il nÕexiste pas, en France, d’organisation professionnelle transversale prenant en main les problèmes de la profession. Il y a bien un Comité français d’histoire de l’art (CFHA) mais c’est plus un organisme à réunion annuelle rituelle qu’autre chose. Il y a bien une Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des universités (APAHAU) mais elle a défend surtout les intérêts de la profession et regroupe exclusivement les historiens de l’art. Il manque une organisation transversale, sur le modèle du College Art Association né aux USA en 1911 ou de l’Association of Art Historians fondé en Angleterre en 1974.
Ces organismes permettent, lors de sessions larges et de rencontres ouvertes, de prendre connaissance de l’état de la discipline, des problématiques, des discussions, voire des antagonismes. Ils permettent aussi d’élaborer la déontologie de la profession et de veiller à son respect. Aux USA, les sessions du CAA sont aussi une foire aux emplois et aux positions académiques. Un simple coup d’oeil sur les thmes de session proposés pour le prochain congrès de l’AAH en 2010 à Glasgow donne une idée de l’éventail des questions abordées : les renaissances celtiques, Heidegger et l’oeuvre d’art, la cité et les reliques, l’exposition comme recherche, l’intervisualité dans l’art médiéval, la poétique du béton dans la vie moderne, l’espace discursif du film d’artiste, etc., etc.
On rêve qu’au lieu de juxtaposer une organisation étatique bureaucratique pyramidale (le CNU), des fonctionnements cloisonnés et quasiment secrets (les UFR et départements) et des revendications syndicales ritualisées tous ceux qui s’occupent d’art et de beaux-arts se rencontrent professionnellement pour mettre en commun leurs recherches, leurs désaccords et leurs accords, leurs préoccupations et leurs principes de vie en commun.