In memoriam Moriaki Watanabe

Moriaki Watanabe s’est éteint le 11 avril 2021 à Tokyo.
Lors de la séance du 3 mai 2021, le Président André Vacheron a prononcé une allocution en sa mémoire et fait observer une minute de recueillement.

 

Moriaki Watanabe, élu correspondant de la section Morale et Sociologie le 6 décembre 2004 à la place laissée libre par le décès de Pierre-Louis Mallen, s’est éteint le 11 avril 2021 à Tokyo. Avec Akira Hayami, disparu il y a deux ans, il illustrait une tradition de présence nippone au sein de l’Académie, inaugurée avec l’élection de l’historien et économiste Tokuzo Fukuda en 1927.

Né en 1933 à Tokyo, Moriaki Watanabe entreprit, la guerre terminée, des études de langue française à l’Université. La lecture de deux articles du grand intellectuel Katô Shûichi l’amena à se passionner pour un sujet qui guida sa vie : l’œuvre théâtrale de Paul Claudel. De 1956 à 1959, boursier à la Sorbonne, il travailla sur les Archives Claudel auxquelles la famille lui donna un large accès et, en 1975, il soutint sa thèse sur les influences du théâtre japonais sur l’écriture claudélienne.  Il a été assistant puis professeur titulaire et, depuis 1993 professeur émérite de l’Université de Tokyo, puis professeur et vice-président de l’Université des Ondes de Tokyo.

Moriaki Watanabe a joué un rôle éminent dans la mise à disposition du public japonais de nombreux textes littéraires français, et principalement du théâtre du XXe siècle. On lui doit de nombreux ouvrages sur Claudel, Artaud, Genet, la mise en scène, l’avant-garde culturelle au Japon, ainsi que sur la philosophie de Jacques Derrida, Roland Barthes et des entretiens avec Michel Foucault. À cela s’est ajoutée une activité considérable de traducteur : outre plusieurs pièces de Claudel,  il a traduit cinq tragédies de Racine, des textes de Mallarmé, des pièces de Jean Genet, le Sur Racine de Roland Barthes et plusieurs ouvrages de Michel Foucault.
Il ne fut pas seulement un théoricien de l’espace théâtral mais un dramaturge et metteur en scène de talent :  pendant plus de trente ans, d’Eschyle à Racine, Marivaux ou Musset,  Rostand, Cocteau, Shakespeare et Tchekhov, il s’est attaché aux plus grands.  Il donnait aux textes en langue étrangère une dimension empreinte de sa culture japonaise et du théâtre Nô, où l’itinéraire intérieur est constitutif du spectacle. Invité par Antoine Vitez à montrer son Phèdre à Chaillot, il connut un vif succès à Paris, renouvelé lors de la présentation de Madame de Sade de Mishima au Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet en 1995-96.  Comme l’avait fait Antoine Vitez à Paris en 1987, il fut le premier à mettre en scène Le Soulier de satin dans sa version intégrale – soit 11h – au Japon en 2016 alors qu’il présidait le Centre de Recherche Interdisciplinaire pour les Arts de la Scène de l’Université de Kyoto. L’oeuvre fut montrée en France en 2018 à la Maison de la Culture du Japon à Paris.

La période que nous traversons nous incite à rappeler le sous-titre du Soulier de satin si cher à son cœur  : «  Le pire n’est pas toujours sûr ».

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