Michel Bertrand : La cardiologie interventionnelle

Séance ordinaire du lundi 17 mai 2021
« Santé et Société », sous la présidence d’André Vacheron
Président de l’Académie des sciences morales et politiques

La cardiologie interventionnelle
Histoire et évolution

Michel Bertrand
Institut Universitaire Coeur Poumons, Lille
ancien président des sociétés française et européenne de cardiologie

 

Au cours de la dernière partie du siècle dernier, la cardiologie a vu l’émergence de nombreuses avancées diagnostiques et thérapeutiques : celles-ci ont été particulièrement importantes dans le domaine de la pathologie des coronaires : un pas décisif fut la coronarographie sélective initiée par Mason Sones à Cleveland en 1964 permettant de reconnaitre les caractéristiques et l’étendue de l’athérosclérose au niveau de ces vaisseaux, ce qui a permis  en 1967 la réalisation des  pontages aorto coronaires initiés par René Favaloro à Cleveland. Cette intervention chirurgicale a transformé le pronostic de nombreux patients souffrant d’angine de poitrine ou ayant fait un infarctus du myocarde. Cette intervention était relativement lourde, nécessitant anesthésie générale, ouverture du thorax, isolement du cœur par une circulation extra corporelle, hospitalisation prolongée. Dix ans plus tard, cette approche thérapeutique fut completée par une méthode moins agressive, qui devint une véritable spécialité dans la spécialité, dénommée cardiologie interventionnelle parce qu’il s’agit d’intervention réalisée non par les chirurgiens mais par les médecins cardiologues. L’angioplastie coronaire fut le premier geste de la cardiologie interventionnelle.

La première angioplastie coronaire fut réalisée par Andreas Gruentzig1 le 14 septembre 1977. Andreas Gruentzig, originaire de Dresde en Allemagne, avait émigré avec sa famille en Argentine,  était revenu en 1956 à Leipzig et effectua ses études à Heidelberg. Il gagna ensuite Zurich et se spécialisa en angiologie. En 1971, il travailla dans le département de Bollinge qui faisait la dilatation mécanique des rétrécissements athéroscléreux de l’artère fémorale prônée par Charles Dotter2. Apprenant que le Dr Portmann à Berlin-Est utilisait des ballons en plastique entourés d’une cage métallique il tenta de construire de la même manière des ballons de ce type à utiliser dans les coronaires. Le 22 octobre 1975, avec des ballons fabriqués sur sa table de cuisine il effectua la première dilatation coronaire chez le chien. Après le sacrifice de l’animal, les anatomopathologistes notèrent l’élargissement de la lumière artérielle au prix d’une dissection du vaisseau : en conséquence ils recommandèrent vivement d’arrêter cette recherche. L’année suivante il partit pour San Francisco où il effectua des dilatations coronaires peropératoires chez l’homme et qui étaient complétées par sécurité par un pontage avec Richard Myler : trois procédures furent couronnées de succès. De retour en Suisse, Andreas Gruentzig chercha vainement un patient pour pouvoir faire une dilatation coronaire chez l’homme. C’est Bernard Meier qui allait identifier le patient adéquat : un ingénieur de 38 ans souffrant d’une angine de poitrine de classe III avec une ischémie myocardique typique au test d’effort. Le 14 septembre 1977 avec un ballon assez artisanal il effectua la dilatation d’une sténose de l’artère interventriculaire antérieure proximale avec un bon résultat. Celui-ci fut contrôlé le 16 septembre avec un résultat qui se maintint et enfin le 20 octobre l’artère avait retrouvé un calibre assez satisfaisant.

Andreas Gruentzig effectuait de longues marches dans les Alpes avec un cardiologue allemand Martin Kaltenbach. Ils avaient décidé de faire la première tentative à Zurich et la seconde à Francfort. Il est intéressant de noter que cette deuxième dilatation portait en fait sur un tronc commun coronaire gauche ce qui pendant longtemps fut considéré comme une contre-indication,  compte tenu du risque létal important en cas de faillite opératoire, : l’intervention fut effectuée avec succès et dans la foulée un troisième patient avec un tronc commun plus une artère coronaire droite fut traité. Ceci fut suivi de quatre dilatations chez d’autres patients sans aucune complication.

Après publication des premiers résultats, la technique connut un grand succès mais Gruentzig, soucieux de garder une technique de qualité organisa des démonstrations lors de symposia très suivis à Zurich. Il trouva enfin une firme qui accepta de préparer et commercialiser les ballons de dilatation (Schneider Medintag). Toutefois pour que d’autres investigateurs puissent obtenir ce matériel il était nécessaire d’avoir assisté à un de ses cours à Zurich et les cathéters ne pouvaient être obtenus qu’au compte-goutte.

De 1977 à 1981 la technique se développa très lentement car le cathéter était très gros et trop rigide: le montage du matériel d’angioplastie sur la table de cathétérisme était très compliqué. L’inflation du ballonnet se faisait par une seringue métallique remplie de produit de contraste poussé par une pompe à pied. A cette date Gruentzig lui-même disait que la technique serait limitée à quelques cas, en particulier les sténoses de l’artère interventriculaire proximale et du premier/deuxième segment de la coronaire droite. L’artère circonflexe était le plus souvent inaccessible car ces cathéters, dont l’extrémité se terminait par un petit flexible étaient trop rigides pour pouvoir prendre le virage tronc commun-artère circonflexe. A cette époque un cardiologue américain, Maurice Buchbinder, avait créé un matériel dont la parte distale pouvait être pliée et s’adaptait à ce virage.

En France la première dilatation coronaire fut réalisée par Jean Léon Guermonprez à Paris et presque simultanément par Jean Marco à Toulouse et Michel Bertrand à Lille début 1979. Au Canada, Robert David et aux États-Unis, Spencer King et John Douglas réalisèrent leurs premières angioplasties en 1980.

1 – Première révolution : le guide dirigeable : le ‘steerable guidewire’

La technique connut une première révolution lorsque John Simpson3 décrivit la technique du « steerable guidewire » c’est-à-dire un cathéter coaxial se déplaçant sur un fil métallique très flexible à son extrémité et que l’on pouvait façonner de manière à le diriger vers des branches coronaires et jusqu’aux extrémités les plus distales La méthode se trouva extraordinairement simplifiée et le nombre de cas d’angioplastie augmenta de façon exponentielle. Il y avait cependant des limites à cette technique dans la mesure où l’on pouvait difficilement échanger le ballon pour utiliser des ballons de taille plus importante ce qui impliquait son retrait et donc la perte de la sécurité qu’offrait le maintien du guide à travers la sténose.

Il fut proposé des rallonges emmanchées sur le guide et aussi la technique du long guide proposé par Martin Kaltenbach.

Quelque temps plus tard un cardiologue interventionnel de Fribourg, Tassilio Bonzel4 proposa la technique du monorail qui permettait d’échanger très facilement des ballons de tailles différentes, le guide restant en place. À partir de 1985, le nombre de procédures augmenta très significativement mais il restait quand même un certain nombre de problèmes à régler. Le premier était d’améliorer la sécurité de la procédure car l’angioplastie coronaire pouvait entraîner une occlusion liée soit à une dissection de l’artère soit à une thrombose in situ de telle sorte que 6 à 10 % des patients dilatés étaient envoyés en urgence en chirurgie cardio-vasculaire pour un pontage. Il était donc nécessaire de pratiquer ces procédures dans un centre disposant de la chirurgie cardiovasculaire Le plus souvent cette intervention de sauvetage laissait quand même une nécrose myocardique d’importance variable. En deuxième lieu on s’aperçut que 35 à 40 % des patients traités développaient une resténose à l’endroit dilaté et devaient faire l’objet soit d’une nouvelle dilatation soit même d’un pontage coronaire.

Parallèlement de nouveaux outils furent proposés : l’imagination des cardiologues interventionnels était sans limites. On a vu ainsi éclore des outils comme l’athérectomie directionnelle, permettant de réaliser une véritable biopsie de la sténose coronaire. Plus tard est apparu le TEC (Transluminal extracting coronaire) de Richard Stack permettant d’aspirer les débris créés par un outil rotatif tranchant : il était surtout employé à traiter les sténoses des pontages aortocoronaire dégénérés.

En 1990 Michel Bertrand et Jean-Louis Fourier ont effectué le premier Rotablator c’est-à-dire l’utilisation d’une technique avec une fraise rotative tournant à grande vitesse qui abrasait la plaque d’athérosclérose et la réduisait en microparticules éliminées à travers les capillaires sanguins et captées par le système réticuloendothélial.

D’autres auteurs avaient proposé l’utilisation du laser : la première tentative peropératoire fut effectuée chez l’homme durant un pontage en 1983 et réalisée par Jean Marco, Dan Choy, Simon  Stertzer et Fournial à Toulouse. Divers outils ont aussi été proposés en espérant qu’il provoquerait moins de resténoses : citons le ballon chauffant de Richard Spears, le Rotacs de Martin Kaltenbach pour les occlusions chroniques, le ballon à éversion linéaire de Thomas Fogarty, les ultrasons thérapeutiques de Robert Siegel, le Cutting balloon de Peter Barath. Presque tous ces outils ont été abandonnés à l’exception du putting balloon et du Rotablator.

À cette époque on pensait que la resténose était entièrement liée à un processus d’hyperplasie de type cicatriciel et de ce fait de multiples essais tentèrent de prévenir cette cicatrisation exubérante par la prescription de médicaments les plus divers : c’est ainsi que pendant plusieurs années, 67 essais randomisés comparant une nouvelle drogue à un placebo ont été effectués chez près de 50 000 patients. Pratiquement tous ces essais se sont montrés négatifs et la recherche du médicament miracle pour prévenir la resténose se présentait un peu comme la quête du St Graal.

Parallèlement les indications de l’angioplastie coronaire évoluaient : initialement réservée aux patients avec une ou deux lésions coronaires, d’autres investigateurs se sont attaqués aux multi tronculaires en particulier sous l’impulsion de Geoffrey Hartzler un cardiologue de Kansas City, particulièrement habile.

Toutefois il restait un certain nombre de problèmes de sécurité puisqu’environ 5 à 10 % des patients traités par angioplastie devaient encore être envoyés en chirurgie pour un pontage coronaire en urgence qui dans la plupart des cas permettait de sauver le malade Mais surtout, persistait le problème irritant de la resténose.

2 – La seconde révolution de l’angioplastie coronaire fut le ‘stenting’.

Il s’agissait  ni plus ni moins que de maintenir l’artère ouverte à l’endroit de la dilatation ou, en d’autres termes, d’effectuer une sorte de tunnellisation du vaisseau. Il faut savoir cependant que, autrefois, les Égyptiens traitaient les sténoses post-gonococciques de l’urètre par l’introduction d’un fin tube de bambou pour élargir l’urètre et qu’en 1912 Alexis Carrel avait publié les résultats de l’intubation permanente de l’aorte thoracique et en 1969 que Charles Dotter  avait introduit des tubes  dans les artères périphériques

Le stent coronaire est né de la rencontre de deux Suédois vivant à Zurich : l’un est Hans Wallsten, un industriel fabriquant du matériel d’imprimerie et l’autre un chirurgien thoracique, Ake Senning. C’est au cours d’un cocktail à Zurich que le chirurgien a expliqué à l’industriel qu’il avait bataillé toute l’après-midi avec une dissection aortique. Celui-ci lui a suggéré de placer un tube en grillage métallique pour stabiliser les parois du vaisseau. Cette sorte de ressort pour être introduit dans l’artère devait être contraint par une membrane inventée par un ingénieur anglais, Christian Imbert. La rétractation de cette membrane permettait l’auto-expansion du grillage qui venait donc se plaquer contre la paroi du vaisseau et maintenait donc la lumière ouverte

Deux groupes d’investigateurs avaient effectué des recherches sur l’animal : Jacques Puel à Toulouse et Ulrich Sigwart à Lausanne 5. La première implantation chez l’homme fut effectuée par Jacques Puel à Toulouse en mars 1986 chez un patient porteur d’une lésion de l’artère interventriculaire antérieure proximale.

L’implantation d’un stent permettait de stabiliser les dissections et occlusions per opératoires et d’éviter ainsi la chirurgie de pontage en urgence qui pour la plupart des équipes ne deviendra nécessaire que dans moins de 0,1 % des cas.

Les investigateurs commencèrent à effectuer des implantations électives de stent c’est-à-dire en dehors des cas d’urgence, mais très vite il apparut que le stent, véritable corps étranger dans la circulation pouvait déclencher une thrombose. Si les premiers patients n’avaient pas eu de thrombose coronaire, les cas suivants développèrent une occlusion thrombotique dont le nombre avoisinait les 15%, malgré l’administration d’anticoagulants puissants.  Il en résulta que le nombre d’implantations électives diminua. De nombreux protocoles d’anticoagulation furent proposés : ils étaient de plus en plus agressifs mais n’empêchaient pas la thrombose et déterminaient des saignements et des hématomes importants notamment au point d’introduction des cathéters avec des faux anévrismes nécessitant une réparation chirurgicale. Fin1990 début 1991 le stent était pratiquement mort et n’était presque plus employé en dehors des procédures de sauvetage.

C’est presque par hasard que fut découverte, l’efficacité du double traitement antiagrégant plaquettaire. Lors des réunions de cardiologie interventionnelle, chaque équipe rapportait  ses résultats et seul, un cardiologue marseillais, P. Barragan, ne déplorait pas de thrombose de stent :   un registre français fut ouvert  et en procédant par étape,  on observa chez des malades qui recevaient aspirine et ticlopidine, que l’on pouvait supprimer les anticoagulants et que l’on avait moins de saignements, de réparation chirurgicale et de thrombose de stent si l’on donnait pendant un mois l’association de ces 2 antiagrégants plaquettaires. Parallèlement en Italie, Antonio Colombo utilisant extensivement l’échographie endocoronaire   soutenait que la thrombose des stents était liée à une mauvaise implantation de la prothèse.

Les essais randomisés comparant ticlopidine+aspirine au traitement conventionnel furent conduits simultanément en Allemagne par A. Schömig et en France par Michel Bertrand.  Ces deux essais confirmèrent la presque disparition de la thrombose de stent par ce double traitement anti-agrégant plaquettaire et ceci fut confirmé plus tard par un essai américain STAR. Ultérieurement, l’essai clinique CLASSIC (M. Bertrand) démontra que le clopidogrel était plus sûr que la ticlopidine ; dès lors le traitement standard après pose d’un stent était cette double association d’antiagrégant plaquettaire : aspirine + clopidogrel .Avec les   nouveaux stents apparus sur le marché, commença une véritable ‘Stentomanie’.  Parallèlement les essais Benestent 1 & 2 de Patrick Serruys confirmèrent le rôle préventif mais modeste de ces prothèses sur la resténose.

3 -Troisième révolution : Le stent ‘actif’

Il fallut attendre encore 10 ans pour que le problème de la resténose soit réglé en habillant les barreaux de la prothèse par un polymère imprégné d’une substance antiproliférative. Serruys et De Souza réalisèrent une première évaluation de ces nouvelles prothèses habillées, (« drug eluting stent ») chez 15 patients suivis par angiographie coronaire quantitative et échographie endocoronaire. Ils constatèrent l’absence de prolifération intrastent et l’absence de resténose. Un essai de plus grande ampleur RAVEL6 comparant ces stents ‘actifs’ à des stents standard montra à la grande stupeur des cardiologues interventionnels la disparition de la resténose. Ce fut la troisième révolution dans l’histoire de la cardiologie interventionnelle coronaire. D’autres substances anti prolifératives furent proposées et plusieurs essais (SIRIUS-TAXUS) confirmèrent le bénéfice immédiat dans diverses situations cliniques, en notant toutefois que chez les diabétiques et les vaisseaux de petit calibre persistaient un petit pourcentage de resténose péri ou intra stent

Toutefois divers auteurs firent remarquer que l’on pouvait observer des thromboses tardives, au-delà du premier mois suivant la pose de prothèse.  Toutefois, la communauté cardiologique interventionnelle fut rassurée par la prolongation du double traitement antiagrégant plaquettaire (6 mois/1 an) La longueur de cette prolongation fait encore débat aujourd’hui.

Rassuré sur la sécurité des procédures comportant l’implantation d’un stent actif, plusieurs essais randomisés ont comparé la chirurgie de pontage aorto coronaire moderne c’est-à-dire avec des greffons artériels, à l’angioplastie avec implantation de stent actif chez les patients pluri tronculaires. L’essai SYNTAX comparant angioplastie avec stenting à la chirurgie de pontage avec pontages artériels permit d’établir un score autorisant des indications plus précises en particulier chez les malades avec lésions multi tronculaires.  Un peu plus tard l’essai FREEDOM démontra que chez les diabétiques multi tronculaires la chirurgie de pontage moderne restait supérieure en termes d’événements et de nécessité d’intervention ultérieure. Enfin Serruys et coll. s’attachèrent à la mise au point d’un stent résorbable qui offre l’avantage de restituer à la paroi une vasomotricité acceptable et de ne pas laisser indéfiniment un corps étranger dans la paroi vasculaire7

Pendant longtemps, en raison de la taille des cathéters à ballonnet, on utilisa des cathéters guides de gros diamètre : 8F et même 9F (soit 3mm de diamètre). Le corollaire était la survenue d’hématomes importants au point de ponction et de faux anévrysmes nécessitant une réparation chirurgicale de l’artère fémorale. Les fabricants de cathéters proposèrent des cathéters guides de plus petit diamètre mais avec une paroi mince autorisant une large lumière. Parallèlement les cathéters à ballonnet furent plus profilés et passaient facilement dans ces cathéters guides de taille 5F ou 6F. Cette évolution ouvrit la porte à la voie radiale. Jusqu’alors, le cathétérisme diagnostique et interventionnel se faisait par la voie fémorale ce qui nécessitait une compression prolongée et le repos strict au lit pendant 24 heures, retardant d’autant la sortie du patient. Ferdinand Kiejmenedj proposa la voie radiale : les mini cathéters provoquaient moins de réaction spastique de la radiale. Cette technique, née en Hollande, vulgarisée par Louvart et Hamon en France, mit plusieurs années avant de franchir l’Atlantique. Un autre progrès important fut la mesure de la FFR « fractional flow reserve ». Proposée par Nico Piljs, elle permet d’identifier les sténoses véritablement ischémiques et d’éviter des dilatations inutiles.

L’angioplastie avec stent a révolutionné le traitement des syndromes coronaires aigus : le pronostic de l’infarctus du myocarde a été très amélioré et la mortalité à la phase aiguë est passée de 30 à 4%. Aujourd’hui la cardiologie interventionnelle est la méthode essentielle (80% des cas) de revascularisation myocardique : elle est préférée par les  patients : pas d’ouverture du thorax, pas d’anesthésie générale, pas de circulation extra corporelle (cœur poumons), pas d’infection post opératoire, hospitalisation minime (1 à 2 jours), facilité de sa répétition et moindre coût : 4438 Euros pour angioplastie avec pose de stent contre 14.260 euros pour le pontage aorto coronaire. En 2018, 189.000 angioplasties avec stents ont été réalisées en France.

 

4 – Cardiologie Interventionnelle valvulaire

Le cadre de la cardiologie interventionnelle dépassa celui des artères coronaires et s’intéressa à d’autres domaines et en particulier les lésions valvulaires. Peu après les débuts de l’angioplastie coronaire, certains auteurs essayèrent d’appliquer la dilatation au ballonnet à des rétrécissements valvulaires : en cardio-pédiatrie, la sténose valvulaire pulmonaire congénitale fut traitée par dilatation avec succès. Au niveau mitral un ou deux gros ballons introduits par voie transseptale permettaient d’élargir l’orifice mitral sténosé au décours d’un rhumatisme articulaire aigu. Ces procédés de dilatation furent simplifiés par l’utilisation de la technique d’Inoué utilisant un ballon spécial qui devint le standard de dilatation du rétrécissement mitral. Un grand nombre de patients bénéficièrent de cette technique comme le montra l’impressionnante série de Alec Vahanian à Paris. Avec l’éradication du rhumatisme articulaire aigu, le nombre de rétrécissements mitraux diminua très sensiblement.

Rapidement on observa que la pathologie valvulaire la plus fréquente était le rétrécissement aortique du sujet âgé, un rétrécissement serré, dégénératif, calcifié. Cette pathologie longtemps silencieuse nécessitait une intervention chirurgicale dès qu’elle devenait symptomatique. La mortalité s’élève à en effet à 80% des cas dans les 3 ans suivant l’apparition des symptômes : toutefois le remplacement valvulaire chirurgical chez un patient âgé et porteur de diverses comorbidités était irréalisable dans plus d’un tiers des cas et les résultats de cette chirurgie étaient ‘limites’ chez des octo ou nonagénaires. En 1985 Alain Cribier (Rouen) proposa de dilater l’orifice valvulaire aortique calcifié avec un ballonnet : les résultats immédiatement encourageants furent rapidement décevants par la réapparition de la sténose. C’est dans ces conditions que Cribier8 proposa la mise en place d’un stent incluant une bio prothèse valvulaire au niveau de l’orifice aortique.

Cette technique avait été initialement effectuée par Philip Bonhoeffer au niveau de l’orifice pulmonaire. Toutefois le défi était plus important et plus difficile au niveau de l’orifice aortique.  Au Danemark, Anderson avait effectué une étude expérimentale d’implantation percutanée d’une bio prothèse niveau aortique.

C’est Alain Cribler qui réalisa la première implantation chez un malade âgé avec déchéance poly viscérale et une gangrène des membres inférieurs.

Celle-ci fut un succès et dès lors les études se succédèrent montrant les bénéfices importants que l’on pouvait atteindre chez des patients à haut risque puis à risque intermédiaire au point de faire de cette technique (TAVI : Transaortic Valvular Implantation) une alternative à la chirurgie de remplacement valvulaire. Le nombre de TAVI augmenta de façon substantielle ; des modifications et des améliorations de la prothèse furent réalisés et aujourd’hui plusieurs études ont montré qu’après 75 ans, le TAVI était le traitement de choix pour ces patients porteurs d’un rétrécissement aortique valvulaire serré. En 2019 et en France, 13.722 patients ont reçu une implantation percutanée de la valve aortique

Dans le domaine mitral, l’insuffisance mitrale a fait ces dernières années l’objet d’un certain nombre de travaux concernant sa correction par voie percutanée : cerclage de l’anneau mitral et surtout le MitraClip qui en transformant l’orifice mitral unique en deux orifices séparés, en ‘canon de fusil’ permet de réduire la régurgitation mitrale.

Plus récemment, une technique plus ou moins comparable commence à s’attaquer à l’insuffisance tricuspidienne.

 

Conclusion

La cardiologie interventionnelle est l’une des grandes révolutions de la cardiologie de la fin du siècle dernier, et continue d’évoluer de façon très satisfaisante grâce à l’innovation et à l’imagination sans limite des chercheurs, des ingénieurs et des cardiologues.

Elle a débordé dans d’autres domaines (gastro-entérologie, néphrologie, pneumologie etc..) et s’inscrit dans cette évolution médicale très importante consistant à remplacer un geste agressif par une technique simple, peu invasive, ambulatoire et moins couteuse dans une grande majorité de cas. On peut, sans risque de se tromper, dire que la cardiologie interventionnelle n’a pas fini de nous étonner et qu’elle est promise à un très brillant avenir

 

Références

1-Gruentzig A Transluminal dilatation of coronary-artery stenosis Lancet 1978; 1:263

2-Dotter CT, Judkins MP: Transluminal treatment of arteriosclerotic obstruction: Description of a new technic and a preliminary report of its application Circulation 1964;30: 654-670.

3-Simpson JB, Baim DS, Robert EW, Harrison DC. A new catheter system for coronary angioplasty. Am J Cardiol. 1982; 49:1216-22.

4-Bonzel T, Wollschläger H, Kasper W, Meinertz T, Just Hither sliding rail system (monorail): description of a new technique for intravascular instrumentation and its application to coronary angioplasty Kardiol. 1987;76 :11

5-Sigwart U, Puel J, Mirkovitch V, Joffre F, Kappenberger L Intravascular stents to prevent occlusion and restenosis after transluminal angioplasty N Engl J Med. 1987;316:701-6

6-Morice MC, Serruys PW, Sousa JE, Fajadet J, Ban Hayashi E, Perin M, Colombo A, Schuler G,  Barragan P, Guagliumi G, Molnàr F, Falotico R; RAVEL Study Group. A randomized comparison of a sirolimus eluting stent with a standard stent for coronary revascularization. N Engl J Med. 2002;346: 1773-80

7-Serruys PW, Ormiston J, van Genus RJ, de Bruyne B, Dudek D, Christiansen E, Chevalier B, Smits P, McClean D, Koolen J, Windecker S, Whitburn R, Meredith I, Warungu L, Ediebah D, Veldhof S, Onuma Y.  A Polylactide Bioresorbable Scaffold Eluting Everolimus for Treatment of Coronary Stenosis: 5-Year Follow-Up. J Am Coll Cardiol. 2016; 67:766-76.

8- Cribier A, Eltchaninoff H, Bash A, Borenstein N, Tron C, Bauer F, Derumeaux G, Anselme F, Laborde F, Leon MB.: Aortic Percutaneous transcatheter implantation of an aortic valve prosthesis for calcific stenosis: first human case description. Circulation. 2002; 106:3006-8.

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