Guy Stroumsa :
“Religions de salut” :
origines et valeur heuristique
d’un concept

Séance ordinaire du lundi 3 janvier
“Sauver ?”, sous la présidence de Rémi Brague
Président de l’Académie des sciences morales et politiques

“Religions de salut” : Origines et valeur heuristique d’un concept

Guy G. Stroumsa
Professeur émérite de religion comparée à l’Université hébraïque de Jérusalem et d’Oxford

 

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Chers collègues,

En m’invitant à ouvrir cette série de réflexions sur l’idée de salut, qui vous occupera une année entière, à moins que le messie arrive (ou revienne) d’ici-là, mon cher et vieil ami le Président Rémi Brague m’a fait un honneur immérité, et j’ai bien peur qu’il se soit égaré. Le salut du monde, hélas, n’est pas mon affaire. Connaissant mes limites, Rémi a toutefois précisé que c’est seulement le concept de « religions de salut », qu’en tant qu’historien des religions il me demande d’éclaircir.

Un concept absent ?

L’exercice est en fait moins simple qu’il n’y paraît à première vue. On découvre vite que le concept de « religions de salut », qui semble aller de soi, n’est en fait pas utilisé de façon courante par les historiens des religions. Les premières études globales dédiées à l’histoire des religions n’y font pas référence. Ainsi le précurseur Christoph Meiners, dans son histoire « générale et critique » des religions, propose au début du XIXe siècle une taxonomie des religions qui traite successivement du fétichisme, du culte des morts, de celui des étoiles et de l’idolâtrie.[i] De même, vers la fin du siècle, le manuel du Huguenot de Leyde Chantepie de la Saussaye, qui restera pour plusieurs décennies un livre classique, traite des religions des Naturvölker et de celles des Indogermanen, face aux religions des sémites, mais aucun chapitre n’est consacré aux « religions de salut. »[ii] Un autre travail important à l’époque clé pour le développement de la discipline, dans les dernières décennies du XIXe siècle, est celui du néerlandais Tiele, qui rejette le concept de « religion de salut », qui ne lui semble pas pertinent ou être de grande utilité heuristique. Son traité, lui aussi, parle des religions « animistes » et de celle des chinois avant de discuter celles des Chamites et des Sémites, puis enfin celles des Indo-Européens.[iii]

Le terme n’a pas non plus droit à un chapitre dans le manuel du jésuite Pinard de la Boullaye.[iv] Quant aux phénoménologues des religions, ni le hollandais Gerardus van der Leeuw, ni le suédois Geo Widengren ne semblent s’y intéresser dans leurs livres systématiques et synthétiques.[v] De même, plus récemment, le terme n’est analysé nulle part dans les deux volumes sur l’histoire des religions publiés sous la direction d’Henri-Charles Puech dans la Bibliothèque de la Pléiade, et « Salvation religions » ne figure même pas dans l’index de l’Encyclopedia of Religion publiée sous celle de Mircea Eliade.[vi]

Le mot « salut » : du collectif à l’individuel

Le mot même de salut, au sens religieux du terme, nous vient, bien entendu, du latin des chrétiens, puisque salus, dans la langue des anciens romains, se réfère avant tout à l’intégrité physique de la personne, même si cette intégrité peut aussi avoir des dimensions morales, et parfois même, dans un sens métaphorique, religieuses, par exemple quand il s’agit du salus de l’empereur.[vii] Pour les chrétiens de l’antiquité tardive, salus traduit le grec sōtēria : ainsi Jérôme rend « quia salus ex Judaeis est » le grec du Nouveau Testament : « hoti hē sōtēria ek tōn Ioudaiōn estin » (Jean 4 :22) – un verset qui a marqué, entre autres, Léon Bloy, et que les Deutsche Christen, dans les années trente du siècle passé, avaient expurgé du texte sacré.

Chez les Septante, sōtēria, à son tour, renvoie essentiellement (pour être précis, 138 fois), à l’hébreu yeshu’ah– un concept auquel se réfère directement le nom de Josué, Yehoshu’a, (littéralement, « Dieu est salut »), et donc celui de Jésus, Yeshu’a.[viii] Sans prétendre offrir ici une étude philologique (il y a ici-même une autre académie pour cela, et d’excellents dictionnaires nous ont facilité le travail), on peut toutefois remarquer la polyvalence de l’idée de salut dans la Bible hébraïque – et donc aussi dans ses traductions, dès la Septante. Hoshi’a, « il a sauvé, » est proche pour le sens d’autres racines verbales, telles que padah, hitsil, ga’al. Padah, terme juridique à l’origine, représente la rédemption (d’un homme, d’une dette), hitsil fait allusion à un danger auquel on a échappé ; quant à ga’al, son champ sémantique est plus large, et fait référence à la fois aux dimensions individuelles et collectives du salut.

Citons au moins un verset :

« Ainsi parle l’Éternel : Observez le droit, pratiquez la justice, car mon salut (yeshu’ati) est près d’arriver, et ma justice de se révéler. » (Isaïe 56 : 1). Le salut, ici, est celui que Dieu seul détient, et qu’il révélera à Israël – et à travers Israël, à l’humanité entière. Il faut signaler tout de suite sa caractéristique première : si c’est de Dieu que vient le salut, c’est à la pratique humaine de la justice (tsedeq) qu’il est directement lié. Extra iustitiam nulla salus, pourrait-on dire, en faisant écho à l’expression de Cyprien de Carthage, qui limitait dans son Épitre 73 aux seuls chrétiens (orthodoxes) le salut : extra ecclesiam nulla salus.[ix] Ajoutons que le verset d’Isaïe ne fait pas mention du messie, une figure qui n’apparaît qu’assez tardivement dans la religion d’Israël. Le salut de l’humanité passe par la justice entre les hommes, et par des relations honnêtes entre les nations. Voilà une leçon biblique que n’oublieront pas les rabbins de la Mishna et leurs herméneutes : la seule différence entre notre monde et l’époque messianique, dit le Talmud, tient à la fin du colonialisme impérial – à l’époque, il s’agissait de celui des romains, mais la leçon tient pour tout colonialisme, pour tous les rapports entre nations fondés sur l’injustice infligée par le fort sur le faible.

La tradition herméneutique moderne oppose le salut collectif, celui du peuple, ou par extension de l’humanité, tel qu’on le trouve dans la Bible hébraïque, au salut personnel, en particulier à celui que proclame le christianisme. Plus précisément, dans cette tradition le salut exige pour le judaïsme une dimension publique qu’il perd dans le christianisme, où, établi sur la foi en la personne de Jésus Christ, il est décerné à l’individu par le mystère de la grâce divine. La Cité de Dieu, l’opus magnum d’Augustin, pensé et formulé sous le coup de la conquête de Rome, en 410, par le roi Wisigoth Alaric, représente sans doute l’effort le plus audacieux et le plus radical pour réinterpréter dans les catégories chrétiennes la conception juive de salut de l’humanité, pour en conserver, en les modifiant, les dimensions collectives.

L’idée même de salut implique une opposition radicale entre l’état de la personne ou de la communauté sauvée et toute situation de non-salut. Qu’il soit personnel ou collectif, le salut implique une transformation intégrale : du soi dans le premier cas, du monde dans le second. L’ambiguïté entre dimensions personnelles et collectives du salut, en fait, est essentielle au concept même, car on passe naturellement de l’individu à la communauté, et vice versa. Tout comme l’usage commun, le vocabulaire savant identifie trop souvent rédemption et salut, alors que dans le sens non métaphorique seul le premier de ces termes fait avant tout allusion à une transformation de l’individu.[x] Ainsi, par cette identification, l’idée de salut se trouve trop souvent limitée à ses dimensions personnelles, évacuant pour ainsi dire, sans presque qu’on s’en rende compte, ses dimensions collectives. Un pas de plus, et l’idée de salut religieux devient pratiquement identifiée à celle du salut chrétien : c’est par la foi au messie, mort, précisément, pour nous racheter du péché, que l’individu peut être sauvé.

Une apparition tardive

Comme pour toute discipline historique, ce sont les chercheurs qui font l’histoire des religions. Eux-mêmes sont définis par leur propre milieu culturel et religieux. L’effort des premiers historiens des religions (tous des chrétiens, au moins au sens culturel du terme) dans l’Europe moderne fut avant tout taxonomique : comment organiser notre savoir sur les religions de l’humanité, à travers les continents, et au passé comme au présent, et comment classifier les religions. La taxonomie la plus traditionnelle, héritée du moyen âge, oppose les religions païennes (ou polythéistes) aux religions monothéistes. Si le christianisme est la seule religion vraie (vera religio, dit Augustin), le judaïsme et l’islam, religions erronées (falsae religiones), hérésies en quelque sorte, l’une en amont, l’autre en aval du christianisme, partagent avec cette religion l’idée du Dieu Un. Pour identifier cette famille de religions, judaïsme, christianisme et islam, on utilise aujourd’hui couramment le concept de « religions abrahamiques », un concept relativement récent.[xi]

Ce n’est que plus tard que se forma le concept de « religion de salut » dans la nouvelle discipline de l’histoire des religions (Religionswissenschaft en allemand, Comparative religion en anglais). Le terme n’apparaît pas avant l’apogée de la discipline, vers la fin du XIXe et le début du XXe siècle, même s’il puise à des sources plus anciennes, en particulier à l’approche de l’histoire des religions dans la philosophie romantique. En allemand, deux termes sont utilisés pour représenter l’idée de salut : das Heil, à côté de die Erlösung. Le premier, statique, fait référence à un état, le second, dynamique, à un processus, impliquant aussi l’existence d’un sauveur, der Erlöser. Il faut remarquer, cependant, qu’il est difficile de noter une différence sémiotique nette entre ces deux termes, à la fois dans l’usage courant et dans la langue théologique.[xii]

Les savants allemands qui, les premiers, dans la dernière décennie du dix-neuvième siècle, parlent d’Erlösungsreligionen enseignent dans des facultés de théologie protestante.[xiii] Ces savants sont à la fois les héritiers et les continuateurs d’une longue tradition théologique, qui, trouvant ses racines dans les écrits de Luther, prend son essor chez les théologiens protestants du Romantisme allemand. Pour Friedrich Schleiermacher (1768-1834), de tous ces théologiens celui dont l’influence fut la plus profonde et la plus durable, l’idée de salut, ou rédemption (Erlösung), est l’essence même du christianisme. Dès le départ, son ouvrage majeur, La foi chrétienne selon les principes de l’Église évangélique, définit le christianisme – la plus parfaite de toutes les formes de religion – comme la religion monothéiste dans laquelle tout tient à la rédemption par la personne de Jésus Christ. Une telle centralité de la rédemption, ajoute-t-il, ne se retrouve dans aucune autre religion, pas même dans les deux autres religions monothéistes, le judaïsme et l’islam. En fait, pour Schleiermacher, le judaïsme comme l’islam, malgré leur indéniable caractère monothéiste, font problème par certains de leurs traits fondamentaux, et leurs croyants peuvent être comparés à des polythéistes.[xiv] Dans le présent contexte, l’attitude de Schleiermacher vis-à-vis du judaïsme est plus importante que celle qu’il a vis-à-vis de l’islam. Pour lui, malgré les origines juives de Jésus, le judaïsme, qualifié dans ses Discours sur la religion (1799) de religion « morte depuis longtemps » n’est pas plus pertinent pour comprendre la genèse du christianisme que les religions grecque et romaine, où le monothéisme apparaissait déjà en germe avant la naissance de Jésus.[xv] Il s’agit là, en quelque sorte, d’un retour à Marcion, et à la dévaluation théologique de l’Ancien Testament et de l’historia sacra. Jésus ne s’inscrit plus dans l’histoire d’Israël. Ce point, d’abord élaboré par Schleiermacher, marquera profondément l’enseignement des facultés de théologie protestante en Allemagne. Il est d’une importance capitale pour comprendre la genèse de l’idée de religion de salut, telle qu’elle apparaitra chez les historiens des religions vers la fin du siècle. C’est précisément contre cette tradition que s’insurgera Nietzsche, pour lequel l’idée de rédemption (Erlösung) est un concept négatif – et profondément nuisible – justement à cause de ses connotations chrétiennes.[xvi]

Wilhelm Bousset, un spécialiste du judaïsme, du Nouveau Testament, et de la gnose, est l’une des figures de proue de l’école de l’histoire des religions (Religionsgeschichtliche Schule) de Göttingen dans les années 1890. Il traite de l’idée d’Erlösungsreligion, en particulier dans un livre de haute vulgarisation, L’essence de la religion.[xvii] Pour Bousset, le terme fait avant tout référence aux courants religieux fondés par le Bouddha et Platon, qu’il oppose aux religions légalistes (Gesetzesreligionen) : le judaïsme, le parsisme (c’est à dire le zoroastrisme) et l’islam. Les religions de salut sont pour lui les religions les plus élevées, le prophétisme israélite (qu’il conçoit comme étranger au judaïsme) et le christianisme. Dans les religions de salut, la conscience rejette la vie ordinaire, pour lui préférer une existence spirituellement plus élevée. Comme le bouddhisme se définit en s’opposant à l’hindouisme polythéiste, le christianisme s’oppose au judaïsme légaliste, mais la foi chrétienne, la plus élevée dans l’histoire des religions, est aussi supérieure aux religions de salut.[xviii]

La taxonomie développée par Bousset, toutefois, reste celle d’un théologien, pour lequel le christianisme représente un unicum, une catégorie en soi dans l’histoire des religions. Ailleurs, le christianisme est considéré comme l’exemple le plus pur d’une religion de salut. En tant que telle, le christianisme souligne le caractère subjectif, intérieur à la personne, et sa forme la plus spirituelle, le protestantisme, est perçu en opposition à une religion avant tout définie par ses rituels, comme la religion romaine, le judaïsme, ou le catholicisme.  Même si certains ecclésiastiques catholiques (en particulier parmi les missionnaires en Asie et au nouveau monde) avaient manifesté, dès les débuts des temps modernes, un intérêt profond pour l’étude des religions (à une époque où les théologiens protestants n’en exprimaient encore aucun pour les religions non chrétiennes), l’approche comparative ne pouvait en aucun cas, pour eux, toucher au christianisme – religion sui generis, la seule vraie, et donc incomparable, incommensurable aux autres religions, toutes fausses. C’est dire que les savants allemands protestants étaient aussi des théologiens, profondément marqués par leur éducation et leur identité religieuses. Pour eux, le salut, qui reste essentiellement individuel, et implique une évasion du monde d’ici-bas, représente le noyau dur de la religion.

On se doit de noter l’existence chez les neurologues et les psychologues, vers la fin du dix-neuvième siècle, quand les historiens des religions allemands formulaient l’idée de « religions de salut », d’une puissante vague d’intérêt pour les phénomènes de dissociation de la personne[xix]. Une telle coïncidence chronologique ne me semble pas fortuite. La fascination à cette époque pour les phénomènes psychologiques se retrouve dans les approches des historiens des religions protestants, pour lesquels le besoin religieux de salut personnel, accompli par les phénomènes d’extase dans les religions hellénistiques à mystères et les diverses traditions mystiques, ainsi que la sortie de l’âme hors d’un monde condamné par sa matérialité essentielle, semblent faire écho au puissant attrait émotif et intellectuel du dédoublement de soi dans certains phénomènes psychologiques. En quelque sorte, le salut de l’individu représente aussi un phénomène radical de dissociation psychologique.

Salut autonome ou hétéronome ?

A côté du double sens, personnel et collectif, du salut, les historiens des religions distinguent le salut atteint par les seuls efforts de l’individu de celui qui nécessite l’intervention d’un sauveur.[xx] Les religions indiennes, c’est à dire, à côté de la tradition védique, le jaïnisme et le bouddhisme, représentent l’exemple parfait des conceptions « autonomes » de l’idée de salut, où l’homme se sauve par la transformation qu’il accomplit, seul, en lui-même.[xxi] Les conceptions « hétéronomes », celles qui nécessitent l’action d’un sauveur aidant les humains à trouver la voie du salut, se retrouvent, sous des formes diverses, dans les religions apparues dans le Proche Orient ancien. Comme le christianisme fait partie de ces religions, et que les savants européens qui au XIXe siècle créent en tant que discipline l’histoire des religions sont chrétiens, au moins dans leur culture, ou juifs, c’est surtout le salut apporté par un sauveur qui va nous préoccuper ici.[xxii]

C’est bien dans le cadre d’une réflexion sur les origines chrétiennes, entre apocalyptique et gnose, que naît l’idée de religion de salut. Que ces origines s’inscrivent dans le cadre du judaïsme, c’est l’évidence même. Ainsi, Marcel Simon, l’historien strasbourgeois des origines chrétiennes, pour lequel le christianisme représente « le type même de la religion de salut » note que la sotériologie paléochrétienne reste « étroitement tributaire du judaïsme. »[xxiii]

Or c’est à l’encontre même de cette évidence que le concept de religion de salut est d’habitude utilisé. Dans un volume intitulé Religions de salut, Léon Hermann note que le salut ne se conçoit dans la religion nationale qu’est le judaïsme que comme la survie collective du peuple élu – pour lui, parler du salut de la communauté, du salut collectif, c’est faire un abus de langage.  C’est Paul, ajoute Hermann, qui transforme le judaïsme en un mystère de salut, sous l’influence des mystères du monde gréco-romain, en insistant sur la valeur sotériologique du rite initiatique baptismal. Le christianisme représente ainsi la transformation du judaïsme en religion de salut.[xxiv]

Une telle vue des choses a une longue filiation. Alfred Loisy, déjà, voyait en Jésus un « dieu-sauveur », qui, tel un Osiris, un Attis, un Mithra, appartenait à l’origine au monde céleste, et avait ressuscité après sa mort violente. La représentation de Jésus en un tel « dieu-sauveur », ne mourant que pour renaître, était commune chez les contemporains allemands de Loisy, surtout autour du cercle de la Religionsgeschichtliche Schule de Göttingen.[xxv]

Le dieu sauveur, qui par sa mort sauve les hommes, avant de renaître, est à l’origine de la conception, surtout gnostique et manichéenne, du salvator salvandus, telle qu’elle est présentée par Augustin dans sa polémique anti-manichéenne.[xxvi] Dans plusieurs mouvements religieux du Proche Orient et du monde méditerranéen de l’antiquité tardive se retrouve l’idée d’un sauveur envoyé à l’humanité par le Dieu suprême, mais devenu prisonnier des forces du mal. Ce sauveur doit maintenant se sauver lui-même afin de pouvoir accomplir sa mission. L’Hymne de la Perle syriaque (IIIe siècle) est sans doute le texte capital concernant ce mythe. Le problème du mal se retrouve au cœur même de tous les systèmes dualistes, des gnoses au manichéisme. Dans ces systèmes, l’élément central est l’opposition au monde matériel, créé par un demiurge vil ou méchant, et la nécessité d’échapper à ses griffes, en réussissant à s’enfuir du monde. Cette fuite de l’âme (c’est à dire de l’essence même de l’homme) hors du monde matériel est une sorte d’extase radicale, rendue possible par le sacrifice volontaire et salvifique du sauveur.

Entrée en scène du concept

Quand Bousset traite d’Erlösungsreligion, de « religion de salut », le concept a déjà été mis en vogue par Eduard von Hartmann et Hermann Siebeck, deux philosophes s’inscrivant dans la lignée de Hegel et de Schopenhauer, mais qui font ici écho aux idées de Schleiermacher.[xxvii] Tous deux expriment un grand intérêt pour l’histoire des religions. Il semble bien que ce soit à Eduard von Hartmann qu’on doive l’introduction du concept de Erlösungsreligion dans le vocabulaire technique de l’histoire des religions. C’est dans un livre publié en 1888, que von Hartmann développe ses vues. [xxviii]Pour von Hartmann, le judaïsme est l’exemple même d’une religion fondée sur la Loi (Gesetzesreligion).  Résumant l’évolution du judaïsme en tant que religion nationale, von Hartmann note que le pharisaïsme ne sait rien d’un messie qui doit mourir, son œuvre demeurant encore inachevée, avant de ressusciter. Le messie juif reste pour lui un héros guerrier, qui rétablira le royaume de David. Dans un long chapitre (pp. 546-627), il traite de la « realistische Erlösungsreligion » incarnée dans le paléo-christianisme, qu’il appelle « la religion du Christ hétéro-sotérique » (« die heterosoterische Christusreligion »), pour laquelle le salut des hommes nécessite l’intervention de la figure du Sauveur, du Christ comme messie. Une telle conception du salut reflète les racines juives du paléo-christianisme. La religion du Fils se transforme finalement en celle de l’Esprit, quand le trinitarisme chrétien devient unitariste. La conclusion du livre souligne que la religion de l’Esprit représente l’accord final de l’évolution religieuse de l’humanité. On peut aisément percevoir ici une tentative pour intégrer à la conception hégélienne de la religion celle de Kant.

Dans son manuel, Lehrbuch der Religionsphilosophie, publié en 1893, Hermann Siebeck, lui aussi essentiellement philosophe plutôt qu’historien des religions, prolonge l’approche de von Hartmann, mêlant lui aussi l’approche kantienne de la religion à celle de Hegel.[xxix] Dans son analyse historique des religions, Siebeck consacre soixante pages (101-161) à l’Erlösungsreligion, qui, succédant à la Moralitätsreligion, elle-même venant après la Naturreligion, représente le troisième et dernier stade de l’évolution religieuse de l’humanité. Siebeck insiste sur le fait que le salut signifie une sortie du monde: c’est du monde qu’on peut, et qu’on doit, se sauver. Dans son analyse historique, Siebeck conçoit l’ancienne religion d’Israël comme étant de caractère éthique, mais conservant les traces d’un passé animiste. Pour lui, les prophètes d’Israël avaient déjà annoncé le salut futur, notant toutefois que c’est le passage du judaïsme au christianisme qui représente le pinacle de cette évolution, la sortie de l’ère de la religion éthique et l’entrée dans celle de la religion de salut. Siebeck consacre plusieurs pages à la transformation du brahmanisme et à l’émergence du bouddhisme, phénomène reflétant pour lui un mouvement parallèle à la naissance du christianisme. À l’encontre du judaïsme, la conception évangélique du salut se distingue par sa nature directe, ainsi que par l’insistance, typique du christianisme, sur le principe de la victoire sur le monde. Dans la présentation de Siebeck du passage du judaïsme au christianisme, on peut discerner l’écho des analyses du grand bibliste Julius Wellhausen. C’est Augustin, dans sa polémique contre les pélagiens, qui consacre la victoire du salut par la grâce divine, au faîte de la religion de salut.

Quant à l’islam, il représente pour Siebeck, comme pour toute la tradition hégélienne, une réaction à l’émergence de la religion de salut que représente le christianisme, et une régression spirituelle, un retour du troisième et dernier stade de l’évolution religieuse au stade précédent, celui de la conception légaliste de la religion. En quelque sorte, donc, un retour au judaïsme, cette fois adopté aux Arabes.

Ernst Troeltsch, avec son ami Max Weber l’un des fondateurs de la sociologie religieuse, travaille essentiellement sur les églises et les sectes dans l’histoire du christianisme. Bien que ne faisant pas partie au sens strict de l’ecole de Göttingen, il reste cependant très proche du mouvement et de ses membres les plus importants.[xxx] Troeltsch insiste sur l’importance religieuse du salut. Il s’inscrit lui aussi dans la perspective hégélienne sur l’histoire des religions, pour laquelle le christianisme représente la forme la plus élevée, la plus pure, ou absolue, de religion. Pour lui, le christianisme n’est pas seulement le sommet de l’histoire des religions, il représente aussi le point de convergence de toutes les formes connues de religion. A cette religion spirituelle s’opposent les religions « légalistes », dont les plus remarquables représentants sont le judaïsme pharisaïque, sa directe continuation historique, le judaïsme rabbinique – et enfin l’islam, une religion dont l’universalisme n’est que formel, et cache mal sa dimension nationale arabe. L’islam représente une régression vis-à-vis non seulement du christianisme, mais aussi du judaïsme. Ainsi, le christianisme est, de toutes les religions, la plus robuste, et représente la révélation la plus inclusive de la religiosité personnelle. Si l’on cherche des parallèles aux conceptions chrétiennes, c’est donc plutôt vers le bouddhisme que vers le judaïsme ou l’islam qu’il faudra s’orienter. Le judaïsme et l’islam sont ainsi les seules religions exclues du milieu syncrétiste « hellénistique » dans lequel le christianisme se forme et se développe jusqu’à la fin de l’antiquité tardive.[xxxi] L’idée même de syncrétisme, remarque judicieusement Hans Kippenberg, semble être utilisée ici afin d’éloigner le christianisme du judaïsme.

Dans ses nombreuses études sur l’histoire des religions, publiées dans les deux dernières décennies de sa vie, Max Weber, qui meurt en 1921, réussit à identifier différents types de salut proposés par les grandes religions d’orient et d’occident. Une clé essentielle pour comprendre la logique de son argumentation est la dialectique entre certains « types idéaux », tels les comportements ascétiques et mystiques, ainsi que les attitudes d’acceptation et de rejet du monde.[xxxii] Pour Weber, les conceptions du salut insistent soit sur la conduite rituelle, soit sur la foi en un sauveur, soit sur un savoir salvifique, la gnose – qui reste ésotérique, n’étant divulguée qu’aux élus. Ainsi, dans le paléo-christianisme, une controverse capitale a lieu, sur les modalités du salut, entre ceux qui mettent l’accent sur la pistis, et ceux qui à la foi trouvent supérieur le savoir, la gnosis.

Le sociologue des religions Joachim Wach, qui trouva à Chicago un refuge dans sa fuite du troisième Reich, s’inscrit surtout dans la lignée de Troeltsch dans son approche émique de l’histoire des religions, c’est à dire une approche selon les catégories internes à chaque religion. Pour lui, c’est l’essence même de la nature humaine que reflète le besoin religieux de salut.[xxxiii] Plus directement dans la tradition wébérienne, la « théorie de la religion » de Martin Riesebrodt évite toute discussion de l’idée de religion de salut. Riesebrodt, qui conçoit la religion comme un phénomène universel, est en fait plus directement intéressé par la configuration de deux grands champs religieux (pour utiliser le vocabulaire de Pierre Bourdieu), les religions abrahamiques d’un côté, face aux religions asiatiques, surtout l’hindouisme et le bouddhisme, de l’autre. En fait, Riesebrodt reprend à son compte les deux grandes familles de religions de salut : celles pour lesquelles le salut des hommes passe par un sauveur, et celles pour lesquelles il passe par la transformation autonome de l’individu.[xxxiv]

Une origine impure

Ces remarques succinctes sur la naissance du concept de religions de salut n’ont pas encore expliqué son origine. Pourquoi et comment l’idée se concrétise-t-elle vers la dernière décennie du XIXe siècle chez certains philosophes et théologiens allemands ? Si j’ai fait référence, au début de mon propos, à la conception du salut dans la Bible hébraïque, c’est pour mieux souligner l’étrangeté de l’émergence du concept de « religions de salut » pour, en quelque sorte, permettre au paléo-christianisme de radier l’enracinement de la nouvelle religion dans le judaïsme contemporain.  À travers tout le XIXe siècle, les savants européens apprennent à penser les religions de l’humanité en se libérant (plus ou moins) des traditions théologiques, et à les étudier de façon comparative. Ainsi s’établissent les catégories et les taxonomies qui permettent la naissance de l’histoire des religions en tant que discipline scientifique et accompagnent ses premiers développements, jusqu’à son apogée, à la veille de la première guerre mondiale. Mais l’histoire de toute discipline, certainement dans les sciences humaines, ne peut guère se comprendre sans faire appel à un cadre historique plus large. L’innovation scientifique fait partie de l’histoire intellectuelle d’une société. L’étude comparée des religions, c’est l’évidence même, ne pouvait naître que dans une Europe non pas sécularisée (l’idée d’une société totalement sécularisée reste une vue de l’esprit) mais en voie de sécularisation. Les diverses Églises, tant qu’elles tenaient le haut du pavé, ne pouvaient aucunement permettre une réflexion faisant fi de leurs instincts conservateurs autant que de leurs dogmes. Mais on oublie trop souvent que les Lumières, en éclairant des pans entiers de l’aventure humaine, créèrent aussi quelques zones d’ombre, parfois profondes.

Dans un livre publié au printemps dernier, The Idea of Semitic Monotheism : The Rise and Fall of a Scholarly Myth (Oxford, 2021), j’ai tenté de montrer comment s’était effritée, dès les mouvements des Lumières et du Romantisme, la conception traditionnelle, depuis l’antiquité tardive, et à travers tout le Moyen-Âge, d’une relation de famille (pour parler comme Wittgenstein) entre les trois grandes religions monothéistes. De façon paradoxale (au moins à première vue), le processus de sécularisation de la pensée européenne avait permis d’insister sur l’identité culturelle chrétienne de l’Europe, permettant en quelque sorte d’en expulser mentalement à la fois juifs et musulmans. Un tel mouvement avait été bien sûr accéléré par la découverte, vers la fin du XVIIIe siècle, des liens profonds entre le sanskrit et les langues européennes. D’une famille linguistique, attestée sans conteste, on passa trop vite à une famille supposée de peuples, les Indo-Européens (les allemands préféraient parler d’Indogermanen), ou Aryens, et à celle, pas moins hypothétique, de leurs mythologies et de leurs religions. À cette nouvelle famille de religions on apprit tout de suite à opposer les religions sémitiques, c’est-à-dire essentiellement, pour les religions vivantes, le judaïsme et l’islam.

Ernest Renan se fit très vite le chantre de la nouvelle taxonomie linguistique et religieuse, se chargeant d’en étudier le pendant sémitique, alors que son ami Max Müller, le sanskritiste d’Oxford, travaillait surtout sur les langues et les mythologies des peuples « aryens ». Pour Renan, les sémites sont en tout inférieurs aux aryens. Renan parle de races, mais il faut souligner qu’il sait aussi qu’il s’agit là d’un usage métaphorique du terme. Renan n’est pas raciste au sens fort du mot, ni non plus antisémite, même s’il partage le vocabulaire et les instincts de son temps. On peut cependant le considérer comme islamophobe, en utilisant le terme de façon anachronique.[xxxv] Le mémoire que Renan présenta dans cette salle même en 1859, « Nouvelles considérations sur le caractère général des peuples sémitiques et en particulier sur leur tendance au monothéisme » occupa les séances de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres pendant plusieurs mois.

J’ai tenté dans mon livre de suivre les péripéties de ce que j’ai appelé « La querelle du monothéisme » chez de nombreux savants européens, pendant toute une génération. Les efforts faits des deux côtés du Rhin, pour tenter d’éloigner le christianisme, autant que possible, de son berceau juif sont proprement effarants. Même si l’on a du mal à prendre au sérieux aujourd’hui une telle conception « aryenne » du christianisme, il est impératif de souligner la force avec laquelle elle fut présentée et développée – jusqu’à la fameuse polémique entre la Bible et Babylone, le Babel-Bibel Streit des toutes premières années du XXe siècle, qui signale les prodromes intellectuels de l’antisémitisme Nazi. Depuis Voltaire, au moins, l’antisémitisme avait développé des tendances raciales presque inconnues plus tôt. Dans les deux dernières décennies du XIXe siècle, un tel antisémitisme avait atteint une virulence et une propagation dans la société qui n’épargnait pas les milieux savants. C’est, me semble-t-il, le cadre, au moins partiel, dans lequel il nous faut insérer la naissance de l’idée de religion de salut : elle proclame que c’est de la religion et de la tradition philosophique grecque que le christianisme est proche, et non pas du judaïsme, auquel il s’oppose en tout. De telles élucubrations étaient particulièrement attirantes pour les théologiens dits libéraux de Göttingen et d’ailleurs, toujours fascinés par la rupture incomplète entre judaïsme et christianisme. Comme l’écrira plus tard le théologien berlinois Adolph von Harnack, Marcion avait trop tôt rejeté l’Ancien Testament, et Luther, qui aurait pu le faire, avait manqué le coche. Le temps était venu de ne pas répéter son erreur.[xxxvi]

Conclusion

On peut s’interroger brièvement, pour conclure, sur la valeur heuristique de l’idée de religions de salut. Toute science exige la création de systèmes taxonomiques, qui seuls permettent d’organiser le savoir, et par la comparaison d’imaginer des structures regroupant les phénomènes, les subsumant à des catégories plus larges. Que l’histoire des religions n’échappe pas à cette règle, c’est l’évidence même. Il est ainsi totalement justifié de classifier les religions selon différents critères. Religions mortes ou vivantes, religions ethniques, polyethniques ou universelles, religions de l’oralité ou du livre, religions polythéistes, dualistes, ou monothéistes, religions archaïques ou prophétiques, et ainsi de suite. Certaines religions insistent sur l’idée de salut – une idée ambiguë autant que polyvalente, comme nous l’avons vu. La recherche historique et anthropologique, cependant, montre à quel point la réalité est complexe, et comment nos catégories classificatoires ne représentent, dans le meilleur des cas, que ce que Weber appelait des « types idéaux ».

Cela dit, j’espère avoir montré comment l’idée de religions de salut, telle qu’elle naît et se développe dans certaines universités allemandes de la fin du XIXe siècle, reste tributaire à la foi des identités religieuses et des préjugés ethniques ou raciaux des élites intellectuelles européennes. En excluant le judaïsme et l’islam des religions de salut, on effectuait une trahison brutale, grotesque même, de l’évidence historique, et on proposait une vision manifestement fausse du christianisme des origines. Il s’agissait donc plus que d’une catégorie inutile du point de vue heuristique –d’une catégorie dangereuse.  Le concept de religions de salut, en créant un abîme entre judaïsme et islam d’une part, et christianisme de l’autre, ne pouvait que mettre de l’huile sur le feu impur de la haine raciale et religieuse qui finirait, dans la première moitié du XXe siècle, par embraser l’Europe. Il n’est pas vraiment sûr que le continent se soit totalement remis de cette haine, dont les musulmans font aujourd’hui, peut-être plus que les juifs, les frais.

Je ne crois pas comme l’Évangéliste, chers collègues, que le salut vienne des juifs. Mais je suis convaincu, avec les prophètes d’Israël et les rabbins du Talmud, que le salut, s’il signifie quelque chose, est avant tout celui de la communauté, de l’humanité. Le salut, c’est la responsabilité même des humains, pas des dieux, et c’est par le savoir et par les actes, plutôt que par la foi, qu’il nous faut l’espérer et l’appeler. En attendant, c’est hic et nunc, dans un monde que nous n’avons pas encore réussi à sauver, et qu’il nous faut sauver, que nous devons apprendre à vivre.

Références

[i] Ch. Meiners, Allgemeine kritische Geschichte der Religionen (Hanovre, 1806). Je tiens à remercier Hildegard Cancik-Lindemaier pour ses remarques judicieuses sur mon texte.

[ii] P. D. Chantepie de la Saussaye (Hrg), Lehrbuch der Religionsgeschichte (Fribourg, Leipzig, 1897 [2eme éd.]). Sur les religions des sémites et des aryens, voir G. G. Stroumsa, The Idea of Semitic Religion: The Rise and Fall of a Scholarly Myth (Oxford, 2021).

[iii] C. P. Tiele, Manuel de l’histoire des religions : Esquisse d’une histoire de la religion jusqu’au triomphe des religions universelles (Paris, 1880). Le livre est traduit de l’original néerlandais par Maurice Verne, l’un des principaux acteurs de l’établissement de l’histoire des religions comme discipline en France.

[iv] H. Pinard de la Boullaye, S. J., Étude comparée des religions : Essai critique, trois volumes (Paris, 1922 [3e éd.]).

[v] G. van der Leeuw, Phänomenologie der Religion (Tubingen, 1933). G. Widengren, Religionsphänomenologie (Berlin, 1969).

[vi] H. C. Puech (éd.) Histoire des religions, 2 vols. (Paris, 1970-1972). Encyclopedia of Religion, 16 vols. (New York, Londres, 1987). Sur le concept de religion de salut, voir Carsten Colpe, « Erlösungsreligion, », Handbuch der religionswissenschaftlichen Grundbegriffe II (1990), 323-329.

[vii] Voir par exemple Moshe Blidstein, “Invoking Humans in Roman-Era Oaths: Emotional Relations and Divine Ambiguity,” Numen 68 (2021), 382-410.

[viii] Pour l’idée de salut dans la Bible, voir par exemple, dans l’Anchor Bible Dictionary, “Redemption,” 650-655, et “Salvation,” 907-914. Voir aussi Theological Dictionary of the Old Testament, “Ga’al”, 350-355, et “Yisha”, 440-463. Voir de même « Erloösung », Reallexikon für Antike und Christentum VI (1966), 54-219. Sur le nom de Jésus, avec son allusion directe au salut, voir Jacqueline Genot-Bismuth, Un homme nommé Salut : Genèse d’une « hérésie » à Jérusalem (Paris, 1986). Pour le Nouveau Testament, voir « Sōzō, sōtēria, sōtēr, sōtērios » dans le Theological Dictionary of the New Testament VII, 965-1024.

[ix] Voir Ludwig Hagemann, “Ausserhalb der Kirche kein Heil?” in Adel Theodor Khoury et Peter Hünermann, eds., Was ist Erlösung ? Die Antwort der Weltreligionen (Fribourg, 1985), 141-156.

[x] Voir I. Marcoulesco, “Redemption”, Encyclopedia of Religion 12 (1987), 228-231, ainsi que R. J. Zwi Werblowsky and C. Jouco Bleeker, eds., Types of Redemption (Leiden, 1970). Sur diverses conceptions du salut dans l’histoire des religions, voir aussi Eric J. Sharpe et John R. Hinnels, eds., Man and his Salvation : Studies in Memory of S. G. F. Brandon (Manchester, 1972).

[xi] Voir par exemple Adam Silverstein et G. G. Stroumsa, avec M. Blidstein, eds., Oxford Handbook of the Abrahamic Religions (Oxford 2015).

[xii] Voir par exemple G. Lanczkowski, « Heil und Erlösung », Theologische Realenzyklopädie 14 (1985), I, Religionsgeschichtlich, 605-609, et R. Flasche, « Heil », Handbuch der religionswissenschaftliche Grundbegriffe III, 66-74.

[xiii] Voir Hans G. Kippenberg, Entstehung der Religionsgeschichte: Religionswissenschaft und Moderne (Munich, 1997), 172-178.

[xiv] F. Schleiermacher, Der christliche Glaube nach den Grundsätzen der evangelische Kirche (première édition Berlin, 1821-1822), Paragraphes 8-12. Voir en particulier paragraphe 8.4 pour le judaïsme et l’islam, et paragraphe 11.2-3 pour la centralité du terme Erlösung dans le christianisme. De façon similaire, F. C. Baur, dans la préface de son Die christliche Lehre von der Versöhnung, publié en 1838, définit le christianisme comme « die Religion der Erlösung », en opposition au judaïsme et au paganisme. Je remercie Johannes Zachhuber pour avoir attiré mon attention sur ces textes.

[xv] Der christliche Glaube, paragraphe 12. Cf. Amy Newman, “The Death of Judaism in German Protestant Thought from Luther to Hegel,” Journal of the American Academy of Religion 61 (1993), 455-484.

[xvi] Voir par exemple F. Nietzsche, Also sprach Zarathustra, II, “Von der Erlösung”. (Nietzsche rédige ce livre entre 1883 et 1885).

[xvii] W. Bousset, Das Wesen der Religion, dargestellt an ihrer Geschichte. J’utilise la quatrieme edition (Tübingen: Mohr Siebeck, 1920). La première édition date de 1903. Les huit chapitres représentent le texte de conférences données par Bousset à Hanovre pour un public non universitaire.

[xviii] W. Bousset, Das Wesen der Religion, chapitres 6 et 7, en particulier pages 153-157 et 166-167.

[xix] Voir Ian Hacking, Rewriting the Soul : Multiple Personality and the Sciences of Memory (Princeton, 1995).

[xx] Voir Colpe (n. 6 supra).

[xxi] Voir Jean Przyluski, “Erlösung im Buddhismus”, Eranos Jahrbuch 1937, 93-136, et Helmuth von Glasenapp, Immortality and Salvation in Indian Religions (Calcutta, 1963).

[xxii] Voir les différents articles dans S. G. F. Brandon, ed., The Saviour God : Comparative Studies in the Concept of Salvation presented to Edwin Oliver James (Manchester, 1963).

[xxiii] M. Simon, “Remarques sur la sotériologie du Nouveau Testament”, dans Brandon, The Saviour God, 144-159, ici 149.

[xxiv] AL. Hermann, “Le salut dans le christianisme primitif”, dans Armand Abel et al., éds., Religions de salut (Bruxelles, 1962), 75-80

[xxv] Otto Pfleiderer est l’un des premiers spécialistes du Nouveau Testament à comparer le Christ aux dieux mourants et renaissants, dans son Das Christusbild des urchristlichen Glaubens in religionsgeschichtlicher Beleuchtung (Berlin, 1903); cf. Jonathan Z. Smith, Drudgery Divine: On the Comparison of Early Christianities and the Religions of Late Antiquity (Chicago, 1991).

[xxvi] Voir Carsten Colpe, “Die gnostische Gestalt des Erlösten Erlösers”, Der Islam 32 (1956), 195-214

[xxvii] W. Bousset, “Die Religionsgeschichte und das Neue Testament”, Theologische Rundschau 7 (1904), 265-277. Cf. H. G. Kippenberg, “Max Weber im Kreise von Religionswissenschaftlern”, Zeitschrift fur Religions- und Geistgeschichte 45 (1993), 348-366, qui montre que chez les historiens des religions en Allemagne a la fin du XIXe siècle, le terme Erlösungsgeschichte est conçu comme le moteur même de l’histoire des religions.

[xxviii] E. von Hartmann, Das religiöse Bewusstsein der Menschheit (Leipzig, 1888).

[xxix] H. Siebeck, Lehrbuch der Religionsphilosophie (Fribourg, Leipzig, 1893).

[xxx] E. Troeltsch, « The Dogmatics of the History-of-Religions School », dans un recueil anglais de certains de ses articles, Religion in History (Minneapolis, 1991), 87-108.

[xxxi] E. Troeltsch, Die Absolutheit des Christentums und die Religionsgeschichte (Tubingen, 1912 [2e ed.]), en particulier 89. Cf. Michael Pye, “Troeltsch and the Science of Religion”, in Ernst Troeltsch, Writings on Theology and Religion (Atlanta, 1977), 234-252.

[xxxii] M. Weber, « Zwischenbetrachtung : Theorie der Stufen und Richtungen religiöser Weltablehnung », dans ses Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie, I (Tübingen, 1920), 536-573.

[xxxiii] J. Wach, Der Erlösungsgedanke und seine Deutung (Leipzig, 1922). Cf. Joseph Kitagawa, « ‘Verstehen’ and ‘Erlösung’ : Some Remarks on Joachim Wach’s Work », History of Religions 11 (1971), 31-53.

[xxxiv] M. Riesebrodt, Cultus und Heilsversprechen : Eine Theorie der Religionen (Munich : Beck, 2007) ; en version anglaise, plus simplement The Promise of Salvation : A Theory of Religion (Chicago, Londres : Chicago University Press, 2010).

[xxxv] En fait, son antisémitisme, comme le remarque le savant juif allemand Moritz Steinschneider, dans un article qui voit la toute première instance du terme, est une attitude de mépris vis-à-vis des peuples sémitiques. Voir à ce sujet Stroumsa, The Idea of Semitic Monotheism, 116, n. 22.

[xxxvi] Voir Samuel Loncar, « Christianity’s Shadow Founder : Marcion, Anti-Judaism, and the Birth of Liberal Protestantism, » in Marginalia, 19 Novembre 2021 (https://theemarginaliareview.com).

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