L’Académie coorganisait, ce mardi 27 mai, la troisième édition des Printemps du Droit sur le thème : Raisonner la raison d’État, Où en est l’Europe ?

Objet d’un ouvrage majeur publié à la fin des années 80 (Raisonner la raison d’État, vers une Europe des droits de l’homme), le thème de la raison d’État permet d’interroger le moment de contestation des droits humains, de la prééminence du droit et des formes démocratiques dont la construction et les expériences européennes offrent un observatoire de premier plan.
Au moment de la rédaction de l’ouvrage, l’Europe est toute autre : le mur est encore là, l’Union n’existe pas encore, seules les communautés sont installées mais n’exercent qu’une contrainte apparemment marginale sur ces questions auxquelles elles ont peu les moyens de s’intéresser. Aussi est-ce avant tout l’Europe du Conseil de l’Europe et en particulier le mécanisme de sauvegarde des droits humains qui est au cœur de l’ouvrage et permet d’examiner le rôle et la place reconnus à la raison d’État, les formes éventuellement nouvelles ou particulières au moyen desquelles elle se déploie. Titre et sous-titre soulignent alors que la raison d’État loin de disparaître avec l’avènement d’une « Europe des droits de l’homme » est à la fois légitimée et encadrée, ouvrant la voie à la perspective qu’elle soit ainsi « raisonnée ».
La création et le développement de l’Union européenne, la place centrale et le rôle existentiel qu’y ont pris les droits humains, la prééminence du droit et la question démocratique ont profondément modifié le paysage.
Aujourd’hui, le moment dans lequel se trouve prise l’Union européenne – entre « libéralisme autoritaire », « illibéralisme » et démocratie militante, sécuritarisme et sécuritisation – paraît appeler à une reprise de la démarche, non que la raison d’État soit la clé de lecture de ce moment mais peut-être plutôt l’un des impensés (ou peu pensés) sur lesquels il serait fécond de revenir.
Pour ce faire, la journée est conçue autour de quatre séquences, croisant les approches de théorie politique et théorie du droit, de politique criminelle et de droit public, de droit constitutionnel, droit pénal et droit européen.
La première séquence a pour ambition de revisiter les catégories du droit de la raison d’État (entre dérogation, exception et restriction) en explorer les variantes éventuellement nouvelles et les usages.
La deuxième séquence examine la combinaison des modes (méthodes ou techniques) de légitimation, d’encadrement et de « raisonnement » -sorte de synthèse (dont il faudra discuter des conditions de possibilité) de la légitimation et de l’encadrement- de la raison d’État.
La troisième séquence prend acte d’une involution des processus d’internationalisation du droit, soumis à des contre-dynamiques dont il s’agit de prendre la mesure en dégageant les forces motrices et les résistances.
La quatrième et dernière séquence ouvre sur l’hypothèse d’une raison d’État européenne qui saisirait l’ensemble, la relation Europe(s)-États, les relations Europe-Europe et Europe-monde.
Chacune de ces séquences sera animée par un.e ou deux « passeurs » (passeur de parole et passeur de pensée, leur tâche serait de faire le lien soit entre les interventions soit entre
celles-ci et la pensée de Mireille Delmas-Marty) et comportera des interventions brèves (15-20 minutes), en nombre décroissant au fil de la journée, construites à partir de la lecture ou relecture de passages de « Raisonner la raison d’État ». Ce texte constituant le trait d’union entre intervenants qui ne sont pas forcément familiers de la pensée de Mireille Delmas-Marty ou en accord avec elle.
9h : Propos d’ouverture
Pierre-Michel Menger, Membre de l’Académie des Sciences morales et politiques (verbatim)
9h20-10h50 : Les catégories de la raison d’État
Point de vue d’un philosophe, Thomas Berns, professeur à l’Université Libre de Bruxelles
Point de vue d’une constitutionnaliste, Charlotte Girard, professeure à l’Université Paris Nanterre
Point de vue d’un pénaliste, Florian Jessberger, professeur à l’Université Humboldt de Berlin
Passeur :
- Luis Arroyo Zapatero, Président de la Société internationale de défense sociale, correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques
11h10-13h : Les modes de « raisonnement » de la raison d’État
Législation anti-terroriste et infractions contre l’État : Manuel Cancio Melia, Professeur à l’Université Autonome de Madrid / Olivier Cahn, professeur à l’Université Paris Nanterre
Droit des étrangers, Karine Parrot, Professeure à l’Université de Cergy
Droit des réseaux de communication, Félix Tréguer, chercheur associé au Centre Internet et Société du CNRS
Passeur :
- Françoise Tulkens, ancienne vice-présidente de la Cour européenne des droits de l’homme
14h50-16h10 : Raison d’État et internationalisation du droit : les contre-dynamiques à l’œuvre
Atteintes à la dignité humaine, Emanuela Fronza, professeure à l’Université de Bologne
Criminalité économique, Stefano Manacorda, professeur à l’Université de Campanie
Passeur :
- Nicolas Guillou, juge à la Cour pénale internationale
16h30-17h45 : L’hypothèse d’une raison d’État européenne
Perspective intra-européenne : Juliette Tricot, maîtresse de conférences à l’Université Paris Nanterre
Perspective extra-européenne : Francesca Bignami, professeure à l’Université Georges Washington
Passeurs :
- Geneviève Giudicelli-Delage, professeure émérite à l’Université Paris 1
- Carlo Sotis, professeur à l’Université de Tuscia
17h45 : Mots de clôture
Bernard Stirn, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences morales et politiques (verbatim)




Verbatims des intervenants
Propos d’ouverture par Pierre-Michel Menger
Propos de conclusion de Bernard Stirn
