Avis de l’Académie des sciences morales et politiques sur l’énergie nucléaire en France (26 mars 2012)

L’Académie des sciences morales et politiques a organisé le lundi 19 mars un débat public sur la place de l’électricité nucléaire dans la stratégie énergétique française. Au terme de ce débat, et après en avoir délibéré, l’Académie a adopté, dans sa séance du 26 mars, l’avis suivant :

L’Autorité de sûreté nucléaire établit dans son rapport que les centrales nucléaires françaises ont un bon niveau de sécurité, et demande aussi que des mesures complémentaires soient prises pour tenir compte de l’expérience de Fukushima. Les travaux de l’Académie des sciences et son avis du 17 janvier 2012  ont confirmé cette analyse. Les trois accidents graves survenus en quarante ans à des centrales nucléaires dans le monde montrent que, si un accident est toujours possible, ses conséquences peuvent être maîtrisées par une préparation suffisante. Le niveau de risque encouru ne doit pas conduire à renoncer à la technologie nucléaire, mais au contraire engager à poursuivre les travaux pour renforcer à la fois l’efficacité et la sécurité de cette technologie.

Des réductions considérables des émissions de gaz à effet de serre sont nécessaires pour combattre le risque du changement climatique. Notre pays doit remplir ses engagements européens et internationaux dans ce domaine. Cela justifie de donner la priorité à l’amélioration de l’efficacité énergétique et à la maitrise de la demande. Il importe aussi de  développer les énergies renouvelables, notamment éolienne et solaire, dans des conditions où elles puissent devenir économiquement compétitives et où elles respectent l’environnement. Mais le caractère intermittent de ces sources d’énergie les rend nécessairement complémentaires d’une alimentation de base que le nucléaire peut assurer sans émission de CO².

L’avantage économique des centrales nucléaires existantes vis-à-vis des énergies alternatives est considérable. Il demeurera significatif pour les nouvelles centrales de troisième génération si l’on tient compte, pour elles comme pour les énergies concurrentes, des effets d’expérience.

Dans tous les scénarios qui pourraient être retenus, des investissements importants seront nécessaires pour le renouvellement des centrales et le renforcement des réseaux. Il faut donc les préparer et en prévoir le financement en leur donnant la priorité nécessaire.

En définitive, l’arrêt ou l’affaiblissement de l’effort national sur le nucléaire conduirait la France et son industrie à perdre l’avantage que lui procure un coût de l’électricité sensiblement inférieur à celui de ses concurrents, et affaiblirait la compétitivité, déjà préoccupante, de notre économie.

Il mettrait en danger l’industrie française du secteur nucléaire, filière industrielle d’excellence où nous disposons d’un avantage comparatif certain et dont les débouchés vont croître avec la demande mondiale d’énergie et les nécessités de la lutte contre le réchauffement climatique.

Il entraînerait enfin, par une importation croissante de combustibles et la perte d’opportunités d’exportation d’électricité nucléaire ou d’équipements industriels, un alourdissement sensible de notre déficit commercial, alors que la réduction de ce déficit est une nécessité absolue.

Compte tenu de ces différents éléments et pour ces raisons, l’Académie des sciences morales et politiques considère que la meilleure stratégie pour la France est de combiner la poursuite d’un programme nucléaire dynamique avec des actions d’économies d’énergie et d’efficacité énergétique, et le développement des énergies renouvelables.

Notre pays ne peut se limiter à prolonger la durée de vie des centrales existantes, mais doit aussi en organiser le renouvellement par des centrales optimisées de troisième génération, et accélérer les recherches sur la quatrième génération et la fusion, en se donnant l’objectif de toujours renforcer la sécurité et l’efficacité.

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