Séance du lundi 17 février 1997
par M. le Cardinal Joseph Ratzinger et M. le Rabbin Léonard Sztejnberg
Allocution du Cardinal Joseph Ratzinger,
Allocution du Rabbin Léonard Sztejnberg
Allocution du Cardinal Joseph Ratzinger
L’œcuménisme a tôt fait de passer du projet de l’unité au niveau des Églises réformée à celui du dialogue interreligieux. Le but visé, c’est la paix du monde que justement la paix religieuse conditionne. Le défi, c’est de réaliser, au niveau des religions de type mystique et théiste, l’unité dans la diversité, tout en évitant la voie médiane du pragmatisme. Le même défi est à relever au niveau du judaïsme et du christianisme en tant que religions monothéistes, et c’est là que la figure du Christ joue un rôle de premier plan : à la fois elle relie et sépare Israël et l’Église. Mais surtout « elle brise le mur de la haine » et fait parvenir la Bible aux non-juifs, réalisant, en tant que Serviteur de Dieu, la mission d’Israël : porter aux nations la lumière. L’effort de dialogue ne consiste pas à renoncer à la vérité, mais à s’engager profondément. La mission ne s’oppose pas au dialogue, puisque dans le déploiement de la mission, celui qui donne reçoit, celui qui parle écoute.
Immédiatement après la prise de Constantinople, en 1453, le cardinal Nicolas de Cuse a écrit un livre surprenant : De pace fidei. L’Empire en décadence était ébranlé par les guerres de religion ; le cardinal avait lui-même pris part aux tentatives, demeurées finalement vaines, de restauration de l’unité entre l’Église orientale et l’Église occidentale, et l’islam était de nouveau dans le champ de mire de la chrétienté occidentale. Dans les événements de son temps, Cuse découvrait que la paix religieuse et la paix du monde étaient étroitement liées, et il a cherché à répondre à cette question par une sorte d’utopie par laquelle il entendait certainement se mettre très concrètement au service de la paix. « Comme le scandale de la multiplicité des religions sur la terre est devenu intolérable, le Christ en tant que Juge universel convoque un Concile céleste [1] », « dans lequel 17 représentants des différentes nations et religions sont amenés par le Logos divin à reconnaître comment, dans l’Église représentée par Pierre, les désirs religieux peuvent tous être satisfaits [2] ». Dans toutes les sagesses, y déclare le Christ, « vous ne trouvez jamais le présupposé d’une autre foi, mais toujours celui d’une unique et même foi ». « Dieu en tant que Créateur est le Dieu trine et unique ; en tant qu’infini, il n’est ni le Dieu trine ni le Dieu unique ni n’importe quoi que l’on puisse dire de lui. Car les noms qui sont attribués à Dieu proviennent des créatures, tandis qu’il est en lui-même indicible et supérieur à tout ce qui pourra jamais être nommé et exprimé [3] ».
De l’œcuménisme des chrétiens au dialogue interreligieux
Dans l’entre-temps, ce Concile céleste imaginaire est descendu sur terre et, comme la voix du Logos ne se laisse percevoir que de façon morcelée, il est inévitablement devenu beaucoup plus compliqué. Au XIXe siècle, le mouvement œcuménique s’était formé peu à peu, tout d’abord à partir de l’expérience des Églises protestantes qui éprouvaient leur fragmentation en une multiplicité de confessions comme l’obstacle essentiel de leur témoignage dans la rencontre avec le monde païen et reconnaissaient ainsi dans l’unité de l’Église une condition sine qua non de la mission. L’œcuménisme fut, en ce sens, tout d’abord un phénomène du protestantisme mondial, né au moment où il est sorti du monde intérieur de la religion chrétienne [4]. La tentative de représenter la revendication universelle de son message évangélique présupposait que ses représentants ne se contredissent pas et n’apparussent pas en groupes fragmentés, avec des particularités et des oppositions fondées uniquement dans l’histoire du monde occidental. L’impulsion du mouvement œcuménique s’est ensuite, progressivement, étendue à toute la chrétienté. D’abord s’y est jointe l’Orthodoxie, certes prenant au début des distances prudentes. Le rapprochement de l’Église catholique s’amorça à partir de petits groupes dans les pays qui avaient eu à souffrir particulièrement de la division de l’Église, jusqu’à ce que le IIe Concile du Vatican ouvrît toutes grandes les portes de l’Église à la recherche de l’unité de tous les chrétiens. La rencontre avec le monde non chrétien avait donc servi, comme nous l’avons vu, de déclencheur à la recherche de l’unité chrétienne. Mais il n’était pas possible que les religions du monde ne fussent, elles aussi, entendues toujours davantage dans leur propre expression religieuse. Car on n’annonçait pas l’Évangile à des hommes sans religion, sans connaissance de Dieu. Il devenait de plus en plus impossible d’ignorer que l’on parlait à un monde qui était profondément pénétré de convictions religieuses et en était imprégné jusqu’aux détails de la vie quotidienne, en sorte que la piété de ces hommes devait susciter la honte chez les chrétiens, déjà parfois un peu lassés de leur foi. Aussi ne suffisait-il plus du tout de désigner les représentants d’autres religions par le nom élémentaire de païens ou, de façon purement négative, de non-chrétiens. Il fallait connaître ce qui leur était propre ; il fallait aussi se demander s’il était tout simplement permis de détruire leur monde religieux, ou s’il n’y avait pas moyen ou si l’on ne se trouvait pas même devant l’obligation de les connaître de l’intérieur et de faire entrer leur héritage dans le christianisme. Ainsi l’œcuménisme chrétien s’est-il progressivement étendu au dialogue interreligieux [5]. Ce dialogue ne veut pas se contenter, bien sûr, de reparcourir le chemin de la recherche en matière d’histoire des religions aux XIXe et XXe siècles. On s’était alors placé à un point de vue libéral et rationaliste, censément en dehors ou au-dessus des religions, pour juger les différentes religions avec les certitudes de la raison éclairée. Aujourd’hui on est largement convaincu qu’il ne peut y avoir un tel point de vue ; pour la comprendre, on doit sentir la religion de l’intérieur et c’est seulement à travers cette expérience, qui est nécessairement particulière et historiquement liée à son point de départ, que l’on peut parvenir à la compréhension mutuelle, et ainsi à un approfondissement et une purification de la religion.
La question de l’unité dans la diversité
Si, pour cette raison, on est devenu plus prudent avant d’émettre des jugements définitifs, la question de l’unité dans la diversité n’en demeure pas moins urgente. Le problème de l”œcuménisme interreligieux se pose aujourd’hui dans le contexte d’un monde qui, d’une part, se rapproche toujours plus étroitement, devient toujours plus un unique espace commun d’histoire humaine, d’un monde qui, d’autre part, est ébranlé par des guerres, déchiré par des tensions croissantes entre pauvres et riches, et qui est finalement menacé en ses bases par l’abus du contrôle technique de la terre. Cette triple menace a contribué à la formation d’un nouveau canon de valeurs éthiques qui, par la triade paix, justice et protection de la création, cherche à définir la tâche morale essentielle de l’humanité en cette heure de son histoire. La religion et la morale ne sont pas identiques, mais elles sont néanmoins indissolublement liées. Ainsi est-il clair qu’en cette heure où l’humanité dispose du pouvoir d’autodestruction et de destruction de sa planète, les religions sont placées devant une même responsabilité pour surmonter cette tentation. Elles seront mises de manière toute particulière à l’épreuve de ce canon de valeurs, qui apparaît toujours plus comme leur tâche commune et par là même aussi comme leur formule d’unification. Se faisant l’interprète de beaucoup, Hans Küng a lancé la formule « pas de paix dans le monde sans la paix religieuse », déclarant par là que la paix religieuse, que l’œcuménisme interreligieux, était une tâche obligatoire pour toutes les communautés religieuses.
Mais voilà que se pose la question : comment cela peut-il se réaliser ? Comment une rencontre sera-t-elle possible, face à la diversité des religions et face à leurs contradictions qui souvent, comme de nos jours, s’annoncent sous des formes violentes ? Quelle sorte d’unité sera en réalité possible ? Selon quels critères peut-on aller au moins à sa recherche ? Si l’on essaie de discerner des connexions dans la multiplicité déconcertante des religions du monde, on peut bien tout d’abord distinguer les religions de tribus et les religions universelles, bien que les religions de tribus soient elles-mêmes caractérisées par des modèles fondamentaux communs, qui touchent de différentes manières aux grandes tendances des religions universelles. Par conséquent, il y a entre les deux domaines un échange que nous ne pouvons pas expliquer plus à fond en ce moment, mais qui, dans cette question de l’œcuménisme interreligieux, nous donne toutefois le droit de concentrer d’abord notre attention sur les religions universelles. En celles-ci mêmes, si l’on en croit la recherche actuelle, nous pouvons distinguer deux grands types que J.-A. Cuttat a cherché à caractériser par les notions d’« intériorité » et de « transcendance [6] », et que, sur la base de leur foyer concret et du cœur même de leur acte religieux, je voudrais — non certes sans simplifier quelque peu — opposer l’un à l’autre comme le type théiste et le type mystique de religion. Si ce diagnostic est juste, deux voies se présenteront à l’œcuménisme religieux : soit qu’on cherche à intégrer le type théiste dans le type mystique et qu’on considère donc le type mystique comme le type plus vaste où l’héritage théiste peut trouver sa place, soit qu’on tente le chemin inverse. Aujourd’hui se présente encore une troisième alternative, que je voudrais appeler pragmatique : toutes les religions devraient cesser cette querelle interminable autour de la vérité et reconnaître leur vraie nature, leur véritable but interne dans l’orthopraxie, dont la réalisation semble de nouveau clairement dessinée par les défis du temps présent. L’orthopraxie, dira-t-on, ne peut finalement exister qu’au service de la paix, de la justice et de la protection de la création. Les religions pourraient donc garder chacune leurs formules, leurs formes et leurs rites, mais en les orientant à cette juste praxis : « A leurs fruits vous les reconnaîtrez. » Ainsi pourraient-elles demeurer chacune dans leurs habitudes ; toute querelle deviendrait superflue, et pourtant elles s’uniraient toutes ensemble, comme l’exige le défi de l’heure.
Grandeur et limites des religions mystiques
Je voudrais, dans ce qui suit, essayer de considérer très brièvement les trois voies ainsi ouvertes et, en traitant de la voie théiste, réfléchir particulièrement, comme le requiert le cadre de cette rencontre, à la question du rapport entre monothéisme chrétien et monothéisme judaïque, encore que pour motif de brièveté, le problème de la troisième grande figure des religions monothéistes, l’islam, doive rester en dehors de notre examen. À une époque où nous avons appris à douter de l’intelligibilité du Transcendant et où en outre, dans ce domaine, l’intolérance potentielle de qui revendique pour soi la vérité inspire de la crainte, l’avenir ne semble appartenir qu’à la religion mystique. En celle-ci seulement l’interdiction des images semble être prise totalement au sérieux, alors que — à en croire Panikkar — par exemple l’insistance d’Israël sur un Dieu personnel, connu par son nom, doit être, malgré le manque d’images, encore rangée dans l’iconolâtrie [7]. Ici par contre, dans une théologie strictement apophatique, plus aucune exigence gnoséologique n’est posée à l’égard de la divinité ; la religion n’est plus déterminée par son contenu positif, ni non plus dès lors par son caractère institutionnel sacré. Elle est complètement réduite à l’expérience mystique, et ainsi est exclue d’emblée aussi la confrontation avec la raison scientifique. New Age est pour ainsi dire la proclamation de l’âge de la religion mystique, qui est rationnelle pour autant qu’elle n’élève pas d’exigence gnoséologique, qui est donc aussi tolérante de par sa nature et qui en même temps confère à l’homme l’ouverture à l’Infini dont il a besoin pour vivre et supporter la finitude.
Si telle devait être la voie juste, il faudrait voir dans l’œcuménisme une réduction des principes positifs, des principes revendiquant une vérité de contenu, comme aussi une réduction des structures sacrées à un ordre purement fonctionnel en tant que base d’une entente universelle. Par là, on n’exige nullement l’abandon total des figures théistes jusqu’ici en vigueur. Un consentement semble plutôt se former progressivement en ce sens que les deux manières d’envisager la divinité sont considérées comme compatibles et finalement comme ayant la même valeur significative. Tout dépend au fond de la façon dont on conçoit la divinité : soit de façon personnelle, soit de façon impersonnelle. Le Dieu de la Parole et la profondeur silencieuse de l’Être ne sont finalement, dira-t-on, que deux manières différentes de penser l’Indicible au-delà de toutes les notions. L’impératif central adressé à Israël « Écoute, Israël, ton Dieu est un Dieu vivant », qui par son contenu demeure constitutif également tant du christianisme et que de l’islam, perd de ses contours. Que l’on se soumette au Dieu de la Parole ou que l’on se laisse tomber dans la profondeur silencieuse de l’Être, cela n’a finalement pas, dit-on, grande importance. L’adoration que le Dieu d’Israël exige et le dépouillement de la conscience qui oublie son moi et se laisse dissoudre dans l’Infini pourraient finalement être considérés comme des aspects différents d’une et même attitude vis-à-vis de l’Infini.
Ainsi tout semble-t-il être résolu au mieux : les formes telles qu’elles se sont développées peuvent subsister, mais en admettant la relativité de toute forme extérieure et en se sachant unies dans la recherche de la profondeur de l’Être, dans un processus d’intériorisation qui laisse même encore derrière soi le moi propre, en offrant le contact consolant avec l’Indicible, grâce auquel nous rentrons fortifiés dans le monde du quotidien. Sans aucun doute on exprime ici des choses qui peuvent contribuer à un approfondissement des religions théistes, et en fait, dans leur voie, le courant mystique et même la théologie apophatique n’ont jamais été totalement absents [8]. On n’avait pas cessé d’enseigner que tout ce qui est dit ne reflète finalement que de loin l’Indicible et que la dissemblance par rapport à ce que nous pouvons imaginer et penser est toujours plus grande que toute ressemblance. C’est pourquoi l’adoration se trouve toujours en rapport avec l’intériorisation et l’intériorisation avec l’autotranscendance. Malgré cela, l’identification des deux voies et leur réduction finale à la voie mystique ne peuvent réussir. Car dans ce cas le monde sensible échappe totalement à la relation avec le divin. La notion de création, dès lors, n’est plus utilisable. Le cosmos, qui n’est plus de l’ordre de la création, n’a donc plus rien à voir avec Dieu.
La même chose vaut nécessairement de l’histoire. Dieu ne rejoint plus le monde ; celui-ci devient au sens strict du mot a-thée et vide de Dieu. La religion ne peut plus constituer une communion de pensée et de volonté ; elle se transforme pour ainsi dire en une thérapie individuelle. Le salut se trouve en dehors du monde ; pour notre activité dans le monde, aucune directive ne nous est offerte, et chacun n’a que la force qu’il peut retrouver par un retour régulier à la dimension spirituelle. Mais cette force comme telle ne nous fournit aucun message défini. Dans notre action terrestre nous restons de la sorte livrés à nous-mêmes. Aujourd’hui les efforts en vue d’une nouvelle conception de l’éthique partent volontiers en effet d’une telle idée, et la théologie morale elle-même a commencé à s’accommoder à ce point de départ, Ce qui veut dire que l’éthique reste finalement notre construction. L’ethos perd de son caractère obligatoire et obéit, avec plus ou moins d’hésitation, à nos intérêts. Ici apparaît le plus clairement peut-être que le modèle théiste a, sans aucun doute, plus de points communs avec le modèle mystique qu’on ne pouvait le croire au début, mais qu’il ne se laisse pas pour autant réduire à celui-ci. Car la reconnaissance de la volonté divine fait essentiellement partie de la foi dans le Dieu unique. L’adoration de Dieu n’est pas seulement un anéantissement ; au contraire, elle nous redonne précisément à nous-mêmes, et nous requiert au milieu de notre quotidien, elle exige toutes les forces de notre intelligence, de notre sensibilité et de notre volonté. Si important que soit l’élément apophatique, la foi en Dieu ne peut renoncer à la vérité, à une vérité au contenu déterminable [9].
Le modèle pragmatique
Mais n’est-ce pas alors, à tout le moins, le modèle pragmatique dont nous avons parlé plus haut qui offre une solution adaptée tant aux exigences du monde moderne qu’aux données réelles des religions ? Peu s’en faut pour voir qu’il s’agit ici d’un paralogisme. Naturellement l’engagement en faveur de la paix, de la justice et de la protection de la création est d’une énorme importance, et la religion devrait indubitablement transmettre des impulsions essentielles en faveur de cet engagement. Mais les religions ne disposent d’aucune connaissance a priori concernant ce qui sert hic et nunc à la paix, ni ne nous disent comment peut-être édifiée dans les États et entre les États la justice sociale, ou comment le Créateur veut que soit au mieux assumée la responsabilité en vue de la protection et de la conservation de la création. Ce sont là des choses qui, par un travail rationnel, doivent être recherchées dans le détail. Or cela comporte toujours aussi la libre discussion d’opinions diverses et le respect de voies diverses. Là où, par un moralisme aux motivations religieuses, on saute ce pluralisme fréquemment irréductible de voies et leur discussion rationnelle laborieuse, et où on déclare une des voies comme la seule véritable, la religion en vient à se transformer en dictature idéologique, une dictature dont la passion totalitaire loin d’édifier, détruirait la paix. La religion ne peut pas être soumise à une finalité politique d’ordre pratique, qui deviendrait alors son idole. L’homme ferait de Dieu le serviteur de ses desseins et déshonorerait par là Dieu et lui-même. J.-A. Cuttat a écrit à ce propos, il y a plus de quarante ans, un mot très sage : « Une chose est-elle de tendre à rendre l’humanité meilleure et plus heureuse par l’unification des religions. Une autre chose est-elle d’implorer d’un cœur brûlant l’unité de tous les hommes dans l’amour envers le même Dieu. La première est peut-être la tentation luciférienne la plus subtile qui vise à faire échouer la seconde [10] ». Ce refus de convertir la religion en moralisme politique ne change naturellement rien au fait que l’éducation à la paix, à la justice et à l’amour envers le Créateur et la création compte parmi les tâches essentielles de la foi chrétienne et de toute authentique religion, et qu’ici, à juste titre, peut s’appliquer le mot : à leurs fruits vous les reconnaîtrez.
Judaïsme et christianisme
Tournons-nous maintenant encore vers la voie théiste et ses possibilités dans le « Concile interreligieux ». Comme nous le savons, le théisme se présente dans l’histoire surtout sous les trois grandes figures du judaïsme, du christianisme et de l’islam. Ainsi nous faut-il tout d’abord sonder la possibilité interne de réconciliation entre les trois grands monothéismes, avant d’essayer de les mettre en contact avec la voie mystique. Comme il a déjà été dit, je me limite ici au premier schisme dans le monde monothéiste, le schisme entre judaïsme et christianisme, schisme dont la résorption reste fondamentale, et cela également pour le rapport de l’un et de l’autre avec l’islam. Naturellement je ne puis tenter ici, sur ce problème très vaste, que des indications très modestes et je voudrais proposer à ce sujet deux réflexions.
A l’observateur moyen s’imposera à première vue la formule suivante : la Bible hébraïque, l’« Ancien Testament », relie juifs et chrétiens ; la foi en Jésus-Christ comme Fils de Dieu et Rédempteur les sépare. Mais il est facile de voir qu’un tel départage entre ce qui relie et ce qui sépare est superficiel. Car en tout premier lieu il est clair que c’est par l’intermédiaire du Christ que la Bible d’Israël est parvenue aux non-juifs et qu’elle est devenue leur Bible également. Quand la Lettre aux Éphésiens dit du Christ qu’il a brisé le mur séparant les juifs et les autres religions du monde et fondé l’unité, il ne s’agit pas là d’une constatation théologique vide, mais vraiment, d’un donné empirique, même si ce donné empirique ne permet pas de rejoindre la totalité de cette affirmation théologique. Car par la rencontre avec Jésus de Nazareth le Dieu d’Israël est devenu le Dieu des nations. Par lui s’est réalisée en fait la promesse annonçant que les nations prieront le Dieu d’Israël comme le Dieu unique, que la « montagne du Seigneur » sera élevée au-dessus de toutes les autres montagnes. Si Israël ne peut, comme les chrétiens, voir en Jésus le Fils de Dieu, il ne lui est tout de même pas impossible de reconnaître en lui le Serviteur de Dieu, qui porte aux nations la Lumière de son Dieu (Is 49,1-6). Et inversement : même si les chrétiens souhaitent qu’Israël puisse reconnaître un jour dans le Christ le Fils de Dieu et que se résorbe le schisme qui les sépare encore, ils devraient néanmoins reconnaître le dessein de Dieu qui a manifestement confié à Israël, dans le « temps des païens », une mission propre que les Pères décrivaient en expliquant qu’Israël doit rester pour nous comme le premier propriétaire de l’Écriture sainte, afin de constituer de cette manière un témoignage aux yeux du monde.
Mais que dit ce témoignage ? Par là nous en venons à la deuxième réflexion que je voudrais tenter. Je pense qu’on peut dire que pour la foi d’Israël deux choses sont essentielles. Il y a tout d’abord la Tora, la fidélité envers la volonté de Dieu, et par là la construction de son règne, de sa royauté en ce monde. D’autre part il y a le regard d’espérance, l’attente du Messie — l’attente, et même la certitude que Dieu lui-même entrera dans cette histoire et fera justice, cette justice de laquelle nous ne pouvons jamais nous approcher que sous des formes très imparfaites. Ainsi se joignent les trois dimensions du temps : l’obéissance à la volonté de Dieu se rapporte à une parole communiquée, qui a pris sa place dans l’histoire et qui doit être actualisée dans l’obéissance. Cette obéissance qui représente dans le temps un bout de la justice divine est une marche vers l’avenir où Dieu ramassera les fragments du temps et les rassemblera dans sa justice comme un tout. Cette figure fondamentale n’est pas abandonnée dans la religion chrétienne. La triade foi, espérance et charité correspond, sous un certain angle, aux trois dimensions du temps : l’obéissance de la foi accueille la Parole qui vient de l’éternité et qui est communiquée dans l’histoire, et la transforme en charité, et en présence, et ouvre ainsi la porte à l’espérance. Il est caractéristique de la foi chrétienne que ces dimensions sont jointes toutes les trois dans la figure du Christ, qui les endure en lui-même et par qui elles sont en même temps introduites dans l’éternité. En lui le temps et l’éternité subsistent à la fois, et est enjambé le fossé infini entre Dieu et l’homme. En effet le Christ est Celui qui est venu, sans qu’il ait cessé pour autant d’être auprès du Père ; il est présent dans la communauté croyante et il n’en est pas moins, et à la fois, toujours encore Celui qui vient. L’Église elle aussi attend le Messie, qu’elle connaît déjà et qui toutefois doit encore manifester sa gloire. Obéissance et promesse ne font qu’un également dans la foi chrétienne. Le Christ est pour le chrétien le Sinaï, la Tora vivante qui nous engage et nous met en devoir, mais qui par là même nous attire dans le vaste espace de l’amour et de ses possibilités à jamais inépuisables. Il est ainsi la garantie de l’espérance en ce Dieu qui ne laisse pas tomber l’histoire dans le néant du passé, mais la tient et la mène à son terme. Ceci nous permet ainsi également d’affirmer que la figure du Christ à la fois relie et sépare Israël et l’Église : il n’est pas en notre pouvoir de surmonter cette séparation, mais celle-ci nous garde ensembte sur la voie vers Celui qui vient, et ne doit donc pas être cause d’inimitié.
La foi chrétienne et les religions mystiques
Ainsi en arrivons-nous à la question, reportée jusqu’ici, qui concerne très concrètement la place du christianisme dans le dialogue interreligieux : est-ce qu’une religion théiste, d’ordre dogmatique et hiérarchique, est nécessairement intolérante ? Est-ce que la foi en la vérité formulée en dogme rend incapable de dialoguer ? Est-ce que l’aptitude à la paix est liée au renoncement à la vérité ?
Je voudrais y répondre en deux étapes. Tout d’abord convient-il une fois encore de souligner que la foi chrétienne comporte une dimension mystique et une dimension apophatique. Si la rencontre récente avec les religions d’Asie est significative pour les chrétiens, c’est parce qu’elle leur rappelle de nouveau cet aspect de leur foi et les aide à briser des durcissements unilatéraux de la positivité chrétienne. Contre ceci s’élèvera l’objection : le dogme de la Trinité et la foi en l’Incarnation ne présentent-ils pas des formes tellement radicales de cette positivité que Dieu y est devenu une forme saisissable, disons même compréhensible, et que le mystère de Dieu y est appréhendé en des formes arrêtées et sous une figure historiquement datable ? A ce point il faudrait se rappeler la discussion entre Grégoire de Nysse et Eunornius : Eunomius affirmait que la Révélation offrait de fait une pleine compréhensibilité de Dieu, tandis que Grégoire au contraire interprète la théologie trinitaire et la christologie comme une théologie mystique qui convie à un cheminement infini en direction du Dieu toujours infiniment plus grand [11]. De fait, la théologie trinitaire est apophatique dans la mesure où elle biffe la notion ordinaire de personne, tirée de l’expérience humaine, tout en acceptant, certes, le Dieu de la Parole, le Dieu-Logos, mais en sauvegardant en même temps le Silence plus grand, duquel provient le Logos et auquel il nous renvoie. Une chose semblable pourrait être montrée pour l’Incarnation. De fait, Dieu devient pleinement concret saisissable dans l’histoire. Il se rapproche de l’homme physiquement. Mais ce Dieu devenu saisissable est précisément le Dieu tout à fait mystérieux. Son abaissement librement choisi, sa « kénose », est pour ainsi dire, d’une nouvelle façon, la nuée du mystère dans lequel il se cache et à la fois se montre. Car quel paradoxe pourrait être plus grand que précisément celui-ci : Dieu est vulnérable et peut être mis à mort ? La Parole qui est le Verbe Incarné et le Crucifié excède toujours incommensurablement toutes les paroles humaines, et c’est ainsi que la kénose de Dieu est exactement le lieu où les religions peuvent se rapprocher sans prétentions de domination. Le Socrate de Platon montre, en particulier dans l’Apologie et dans le Criton, le rapport entre la vérité et la non-violence, entre la vérité et la pauvreté. Socrate est crédible parce que son plaidoyer pour « le Dieu » ne lui procure ni position ni possession, mais l’a repoussé, au contraire, dans la pauvreté et finalement dans le rôle d’accusé [12]. La pauvreté est la forme authentiquement divine d’apparition de la vérité : ainsi peut-elle exiger l’obéissance sans perte d’identité.
Thèses conclusives
Reste la question : qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Qu’est-ce qu’une telle conception du christianisme laisse espérer pour le dialogue interreligieux ? Est-ce que le modèle théiste, incarnatoire, mène plus loin que le modèle mystique et que le modèle pragmatique ? Disons-le tout de suite ouvertement: qui mise sur l’unification des religions comme résultat du dialogue interreligieux ne peut qu’être déçu. Ceci n’est guère possible en ce temps de notre histoire, et peut-être ne serait-ce même pas souhaitable. Mais qu’en est-il dès lors ? Je voudrais dire trois choses.
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Ce n’est pas en renonçant à la vérité que la rencontre des religions sera possible, mais en s’engageant plus profondément en elle. Le scepticisme ne rassemble pas, pas plus que le simple pragmatisme. Les deux choses ne servent que de porte d’entrée aux idéologies qui se présentent ensuite avec d’autant plus d’assurance. Renoncer à la vérité et à ses convictions n’élève pas l’homme, mais le livre au calcul du profit, le prive de sa grandeur. Mais ce qu’il faut exiger, c’est le respect de la foi de l’autre et la disponibilité à rechercher, dans les éléments étrangers que je rencontre, une vérité qui me concerne et qui peut me corriger, me mener plus loin. Ce qu’il faut exiger, c’est d’être prêt à rechercher dans les manifestations peut-être déconcertantes la réalité plus profonde qui se cache derrière elles. Ce-qu’il faut exiger, c’est en outre d’être prêt à faire éclater les étroitesses de ma compréhension de la vérité, à mieux me mettre à l’écoute de ce qui est mon bien propre, en comprenant l’autre et en me laissant mettre sur la voie du Dieu plus grand dans la certitude que je n’ai jamais totalement en main la vérité sur Dieu et que, devant elle, je suis toujours un apprenti, que, en marchant vers elle, je suis toujours un pèlerin dont le chemin ne prendra jamais fin.
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S’il en est ainsi, s’il faut toujours rechercher également en l’autre le positif et que, dans cette mesure, l’autre est nécessairement aussi pour moi une aide dans la poursuite de la vérité, cela ne signifie pourtant pas que l’élément critique puisse et doive manquer. La religion offre pour ainsi dire un abri à la perle précieuse de la vérité, mais elle la dissimule aussi sans cesse, et elle court toujours à nouveau le risque de rater ce qui fait sa nature propre. La religion peut tomber malade et peut se transformer en phénomène destructif. Elle sait et elle doit conduire à la vérité, mais elle est aussi capable de couper l’homme de celle-ci. La critique des religions dans l’Ancien Testament n’a de loin pas perdu son objet. Il peut nous être relativement facile de critiquer la religion des autres, mais il nous faut tout autant être prêts à l’accepter également pour nous-mêmes, pour notre propre religion. Karl Barth a distingué dans le christianisme la religion et la foi. Il avait tort pour autant qu’il voulait séparer totalement les deux, voyant uniquement dans la foi un facteur positif, tandis qu’il considérait la religion comme un facteur négatif. La foi sans la religion est irréelle, la religion en fait partie et il est de la nature de la foi chrétienne qu’elle soit une religion. Mais il avait raison dans le sens que même chez le chrétien la religion peut tomber malade et devenir de la superstition, que la religion concrète dans laquelle la foi est vécue doit donc être continuellement purifiée à partir de la vérité qui se manifeste dans la foi et qui, d’autre part, permet, dans le dialogue, de reconnaître de façon neuve son mystère et son infinitude.
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Est-ce que cela veut dire que la mission doit cesser et être remplacée par un dialogue où il ne s’agisse pas de la vérité, mais plutôt de s’aider mutuellement à devenir de meilleurs chrétiens, juifs, musulmans, hindous ou bouddhistes ? Je réponds par un non. Car ce ne serait là, de nouveau, que le manque total de convictions dans lequel — sous prétexte de nous confirmer dans ce que nous avons de meilleur — nous ne prendrions au sérieux ni nous-mêmes ni les autres et nous renoncerions définitivement à la vérité. La réponse me paraît au contraire consister dans le fait que mission et dialogue ne peuvent plus être pris comme des oppositions, mais doivent se compénétrer mutuellement. Le dialogue n’est pas un entretien sans but, mais il vise au contraire à convaincre, à trouver la vérité, autrement il resterait inutile. A l’inverse, la mission ne pourra plus se dérouler, à l’avenir, comme si l’on communiquait à un sujet jusque-là privé de toute connaissance de Dieu ce qu’il doit croire. Cela peut arriver et cela arrivera peut-être toujours plus souvent dans le monde, en plus d’un endroit en passe de devenir athée. Mais dans le monde des religions, nous rencontrons des hommes qui ont entendu parler de Dieu à travers leur religion et qui cherchent à vivre en relation avec lui. De la sorte, l’annonce du message doit nécessairement devenir un processus de dialogue. On ne dit pas à l’autre des choses totalement inconnues, mais on lui découvre la profondeur cachée de ce qu’il a déjà touché dans sa foi. Et inversement, celui qui annonce n’est pas seulement quelqu’un qui donne, mais quelqu’un qui reçoit. En ce sens, le dialogue interreligieux devrait donner lieu à ce que Cuse a exprimé comme souhait et espérance dans sa vision du Concile céleste : le dialogue interreligieux devrait devenir toujours plus une écoute du Logos qui nous montre l’unité au milieu de nos séparations et de nos contradictions.
Allocution du Rabbin Léonard Sztejnberg
Comment se fait-il que chaque jour, au mépris du respect des Droits de l’Homme et malgré les efforts de dialogues interreligieux, s’élèvent sur tous les continents et dans les cœurs de nouveaux « murs de Berlin », avec leurs cortèges de pauvres, de génocides, de destruction de l’environnement et de poussées fondamentalistes de tous bords ?
Une réponse s’impose au bon sens: La nature humaine, depuis la haute préhistoire, n’a pas encore appris à élaborer une identité autrement que par rejet de l’Autre et ce, en raison du mécanisme mentalo-religieux pervers et idolâtre, fondé sur la déification d’un concept, alors érigé en Divinité Absolue.
Trouver dès lors, le dénominateur commun œcuménique efficace auprès de cultures religieuses qui, dans la pratique, s’excommunient au nom du monopole de la Vérité et de Dieu, est une gageure pourtant réalisable.
Il suffit pour cela de mettre en exergue la notion religieuse de SAGESSE INCRÉÉE NON DIVINE, sagesse intuitive, inhérente à la vie et sublimation de la raison. C’est elle qui donne le désir du dépassement de soi et de l’anoblissement de l’âme, parce qu’elle procède et tire sa consistance de sa verticalité à la Transcendance Divine.
La pédagogie judaïque du shabbath bien comprise, lorsqu’elle n’est pas instrument de terreur religieuse, libère les personnes en favorisant la maturation de l’identité unique de chaque être humain appelé à être reflet sur terre de la Transcendance Divine saine, parce que non issue des imaginaires humains. L’espèce humaine ne peut plus se permettre de faire l’économie de la découverte et du vécu de la sagesse incréée non divine (dont il est question dans les Bibles juive et chrétienne, Gen. 1,1, Prov. 8,22 et I Cor. 13,8 … ), ce fondement de toute onde, particule, vie et réelle Spiritualité.
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Poser un regerd qui se veut lucide sur notre humanité contemporaine devant votre assemblée, Mesdames et Messieurs, c’est à mes yeux, se demander pourquoi, une majorité de notre espèce, n’a pas encore appris à comuniquer avec autrui sans avoir l’angoisse, souvent irraisonnée, de perdre l’identité et l’énergie vitale.
Il m’apparait que la quasi totalité des atrocités commises dans l’Histoire, y compris à notre époque, proviennent principalement de l’absence de confiance réciproque dans les relations interpersonnelles et internationales.
A l’origine de ce drame humain qui met finalement en cause la pérennité de notre espèce, il y a l’hypertrophie de l’IDÉE, qu’elle soit culturelle, scientifique ou religieuse. Cette déification de l’idée-image et du présupposé, interdit de facto tout réel dialogue avec autrui parce que les représentations inhérentes à la mémoire, fondatrice de la personnalité et de l’identité, se trouvent fréquemment remises en question lors d’une vraie et saine relation à l’autre, celle-ci étant souvent dérangeante pour les rites de nos sociétés, tant au nord qu’au sud de la planète.
A cet handicap s’ajoutent les idéologies contemporaines qui déclarent que sans le concept rien ne peut prendre consistance, rien ne peut exister. Cette phénoménologie de la conscience si chère à nos philosophes et à nombre de scientifiques modernes, nourrit l’athéisme ambiant de notre civilisation.
Pour ma part, en lieu et place de la sentence classique «. Je pense donc je suis » (cogito ergo sum), je suggère « j’ai de l’intuition donc je suis », dès lors que ladite intuition, cette sagesse incréée, est corroborée par des faits concrets et pratiques, afin d’en exclure les délires pathologiques de toutes natures.
Qui d’entre nous n’a pas expérimenté maintes fois dans sa vie sociale et personnelle ces moments où le hasard (je dirais la providence) permet la conjonction de circonstances concrètes inouïes, dont notre pensée rationnelle n’aurait jamais pu prévoir la réalisation ? Le positivisme idéologique et scientifique trouve là ses limites.
Ici se pose la question fondamentale qui conditionne notre avenir sur cette terre et dans l’espace : Faut-il admettre qu’une Réalité incontournable, non fondée sur des observations scientifiques incontestables, existe malgré tout ?
Je réponds oui, notre biologie humaine en portant témoignage, dès lors que le refus d’écouter notre « cœur », notre intuition profonde et spontanée ou notre sagesse innée, incréée, nous perturbe ensuite au point de nous rendre malades.
En réalité, notre environnement naturel et notre vécu individuel nous portent au désir de dépassement de nos limites culturelles, sociales, physiques et religieuses, afin de ne pas perdre le sel de la vie et notre vocation au bonheur.
Physiologiquement les spécialistes savent à quel point les nourrissons et les enfants ont un besoin impératif de saines stimulations pour nourrir leur système nerveux en formation. Cette faim de stimuli est légitime, car les excitations constituent des ingrédients indispensables à notre corps afin de lui permettre la production d’énergies vitales nécessaires au maintien de sa bonne santé mentale, physique et sociale. Malheureusement trop souvent le culte de l’idée reçue, y compris religieuse, inhibe ces besoins essentiels.
Dans ce contexte, la foi juive, afin de préserver la sagesse incréée de chaque personne, enseigne, lorsqu’elle est bien comprise, le rejet de toute divinisation de l’imaginaire humain et donc du culte de l’idée, du concept et de l’image. Cette saine discipline, cette prophylaxie, prend dans le judaïsme la forme d’un rejet total de toute représentation mentale et matérielle de la Divinité afin d’ouvrir un espace disponible pour le cœur, un champ de conscience à l’existence d’une Réalité ultime qui ne dispose pas ici-bas, dans notre espace-temps, d’une assise palpable et scientifiquement probante selon les critères humains.
La Bible juive enseigne en effet l’interdiction de toute représentation des réalités de notre environnement naturel afin de ne pas leur rendre un culte, car l’esprit humain s’autodéifie en déformant forcément ce qu’il observe dans le ciel, sur la terre et sous les eaux (Exode 20,4-5). Dans le même esprit la Tora indique que nul ne peut voir Dieu et vivre (Exode 33,20). Ces préceptes procèdent manifestement d’une pédagogie religieuse vecteur de mesures d’hygiène affective, mentale et spirituelle favorisant la maturation de la personnalité et du Moi.
En effet, toute localisation du Divin en quelque lieu que ce soit, s’accompagne, ipso facto, d’une hypertrophie de formes ou d’images correspondant à la création de dieux idoles, ces prédateurs de la sagesse. Ceci se traduit ensuite aux niveaux neurophysiologiques et chimiques du corps par des déséquilibres relatifs à l’électrogenèse cérébrale et à la synthèse mentale qui génèrent en particulier le fil continu de la conscience ; déséquilibres qui ne sont pas sans incidences sur les réactions immunologiques de l’organisme.
Il est donc parfaitement erroné de séparer arbitrairement les sciences contemporaines des disciplines religieuses, opérationnelles au niveau des motivations du comportement humain et au niveau de la santé physique et mentale.
Nous avons donc besoin d’apprendre en chaque instant à relativiser le regard que nous portons sur le monde extérieur. Il s’agit là de la clé essentielle à la réussite de toute démarche œcuménique.
On comprend dès lors pourquoi dans la phrase principale du credo de la foi juive « Écoute, Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est Un » (Deutéronome 6,4), prière citée par le fondateur du christianisme selon l’Évangile de Marc 12,29, mais souvent bien mal traduite, les mots principaux sont « L’Éternel est Un » (Adonaï E’had). Ceux-ci signifient, en effet, comme nous allons le voir dans l’analyse du premier verset de la Bible, que la Divinité, référence de tout ce qui est, se trouve de ce fait en contraste bénéfique absolu avec la conscience et la sensibilité humaine.
Cette prière sacrée du judaïsme est destinée à promouvoir l’ouverture d’esprit vers une « Réalité absolue », non codifiable par les cultures et les diverses langues. Elle se propose de préserver de cette manière chez le fidèle la liberté affective, mentale et spirituelle, grâce à un recul pris sur les hypnotismes ambiants et manipulateurs. Ainsi se trouvent protégés l’identité unique et l’équilibre vital de chaque personne, objectif également de la charte des Nations Unies signée à San Francisco en 1945.
Pour la foi juive, la Divinité est inconcevable, elle est hors du champ de toute concrétisation mentale et matérielle au point qu’un Grand Rabbin de Paris défunt a pu écrire : « Sur D. on ne peut rien dire sinon des bêtises. »
Cette conviction judaïque fondamentale constitue la pierre d’achoppement sur laquelle se heurtent les relations séculaires souvent dramatiques entre les diverses sensibilités chrétiennes et le judaïsme. Celui-ci rejette inévitablement, au nom des enseignements de la Tora, les dogmes chrétiens tels que la Trinité, l’Eucharistie… qui sont, à ses yeux, des vecteurs représentatifs du Divin inconcevable par essence ; les autorités du judaïsme refusant de s’engager dans un débat théologique, pourtant salutaire, sur ces croyances, faute, me semble-t-il, d’avoir su approfondir les questions que j’aborde aujourd’hui à l’Institut de France devant vous.
Lors d’un colloque entre juifs et chrétiens à Paris en mars 1995, le P. Bernard Dupuy OP, ancien secrétaire du comité épiscopal français pour les relations avec le judaïsme, déclarait que le dialogue judéo-chrétien a eu « des aspects conflictuels et tragiques, mais on se parle ». Le malaise subsiste car les juifs restent sceptiques quant à la sincérité du nouveau regard chrétien porté sur le judaïsme.
On comprend dès lors dans ces conditions, que nombre de penseurs et de savants, depuis deux millénaires, ont eu la conviction qu’au travers des relations entre les fois juive et chrétienne se trouvent focalisées les questions essentielles du comportement humain.
En réalité, l’échec séculaire des communications entre ces deux grandes confessions religieuses, malgré quelques progrès encore insuffisants sur le fond du contentieux, hypothèque gravement l’avenir de notre civilisation, ouvrant la porte à toutes les aventures idéologiques et religieuses sanguinaires que l’on sait. Durant les dernières années de sa vie, je m’en suis souvent et longuement entretenu à son domicile avec le Grand Rabbin de France honoraire défunt Jacob Kaplan, qui fait partie de votre Académie (selon la tradition juive, les Justes décédés sont appelés « Les vivants », c’est pourquoi je viens de parler au présent). Il approuvait de toute sa conviction mes travaux destinés à combattre sur le fond l’incompréhension religieuse entre juifs et chrétiens. Honneur à sa mémoire.
Mon propos s’adresse non seulement à l’Église catholique romaine représentée ici par Son Éminence et Ami le cardinal Joseph Ratzinger, mais aussi à toutes les sensibilités chrétiennes qui se réclament des grands dogmes fondamentaux issus des premiers et essentiels conciles de Nicée, Constantinople et Chalcédoine.
Je vais maintenant avoir l’honneur de développer ici ma pensée et mes propositions, selon le plan suivant :
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Étude analytique du premier verset de la Genèse et connexions
avec le Nouveau Testament (NT). -
Exposé sur la pédagogie du shabbat.
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Signification des Alliances. Notion du Juste (Tsaddik) en parallèle avec l’Oint Jésus du christianisme. Exégèse de la Lumière spirituelle (Chekhinah). Nouvelle interprétation de l’holocauste d’Isaac par Abraham. Référence aux croyances issues de l’Asie en connexion avec les sciences contemporaines.
Étude analytique du premier verset de la Genèse et connexions avec le NT
Le Pentateuque, dénominateur commun des grandes confessions monothéistes, commence par un verset clé (Genèse 1, 1) dont la traduction imparfaite est à l’origine d’un grand nombre de malentendus qui ne sont pas étrangers aux ambiguïtés des relations entre chrétiens et juifs, au point que récemment un ancien grand rabbin d’Israël allait jusqu’à demander à ses disciples de brûler les brochures chrétiennes qu’ils recevaient (Le Figaro du 15 décembre 1996, Vie internationale).
Traditionnellement, les Bibles juive et chrétienne traduisent le premier verset hébraïque du livre de la Genèse Berechit bara Elohim èth ha-chamaym vé èth ha-arèts par : « Au commencement, Dieu avait créé le ciel et la terre », selon la version massorétique, cette traduction française étant reprise avec quelques nuances secondaires par toutes les traductions des Bibles chrétiennes. Or, comme fort pertinemment le grand rabbin honoraire de Genève Alexandre Safran l’a rappelé dans son ouvrage La Cabale, (p. 309 chez Payot), les termes hébraïques « Berechit bara Elohim… » que l’on traduit habituellement par « Au début Dieu créa… » devraient être traduits par « Au début créa Elohim… » « Le véritable sujet de cette proposition manque ; le verbe, au singulier, est suivi du pluriel : Elohim, qui a, en réalité, la valeur d’un complément direct. Ce qui revient à dire qu’au début (Dieu, le Caché, le Mystérieux, l’Ineffable) créa la notion d’Elohim, de pluralité, de Créateur et de créature, et conçut de la sorte la possibilité d’une coopération future » (fin de citation).
Si certains savants juifs, à l’instar du grand rabbin Safran, ont bien vu à quel point les traductions traditionnelles occultent la référence au Dieu caché, inconcevable, qui n’apparaît pas dans le premier verset de la Bible parce que la Transcendance Divine ne se dit pas, ne s’écrit pas, ne se voit pas, ils n’ont pas suffisamment cerné et explicité la notion essentielle d’Elohim, artisan avec le sujet divin absent, de la création du ciel et de la terre. Ce grave déficit est une des raisons majeures à l’origine des incompréhensions dramatiques entre les cultures, les êtres humains et les peuples, qui ne savent pas encore communiquer comme l’attestent les drames sanglants dont l’actualité quotidienne se fait l’écho.
Il faut savoir que le mot Elohim, dans la Tora ou Pentateuque, fondement de la foi juive, a plusieurs sens : il peut signifier « Dieu Un », mais aussi les idoles, des individus influents, des maîtres religieux, des juges (Psaumes 58,2, 82,6). Le mot Elohim a ici le sens de la sagesse (hokhmah) éternelle et incréée, que j’appelle Elohim hokhmah, celle-ci n’ayant de consistance et de réalité qu’en raison de sa relation verticale permanente au sujet absent du verbe bara, sujet qui ne se dit pas, ne s’écrit pas, n’étant pas un concept. C’est de cette relation avec l’Inouï Divin, qu’Elohim hokhmah tire sa consistance, sans avoir jamais été créée, car il s’agit là d’un état de fait éternel et incontournable, inhérent à l’univers, sans qu’il y ait la possibilité d’y échapper en quoi que ce soit.
Aussi, le premier verset de la Bible signifie à mon sens ceci : Au commencement s’exprime le rapport entre le Divin caché, inconcevable (sujet absent du verbe bara) et la sagesse incréée, l’Elohim hokhmah, opérationnelle dans la création constante du ciel (chamaym) et de la terre (arèts).
Sans avoir le temps ici de rentrer dans une étude trop technique, j’ajoute que le savant juif du Moyen Age, Maïmonide, dans son livre Le Guide des Égarés, commente le mot èth (avec) de ce verset en liaison avec le Livre d’Isaïe 48,13 au sujet du processus de création de l’univers qui implique le ciel et la terre. Ce faisant, il traite de la sagesse incréée non divine dans sa relation inouïe au Transcendant Divin caché.
Cette interprétation de Genèse 1,1 est corroborée par le livre des Proverbes, en particulier dans le chapitre 8, lorsque la sagesse (Elohim hokhmah) déclare au verset 30 : « Alors, j’étais à ses côtés (il s’agit du sujet absent du verbe bara donc du Divin Transcendant caché), habile ouvrière, dans un enchantement perpétuel, goûtant en sa présence des joies sans fin, m’égayant sur son globe terrestre et faisant mes délices des fils de l’homme ». Ceci est d’autant plus évident que la sagesse, avait dit au verset 22 : « L’Éternel m’a acquise au début de son action (Adonaï — en réalité Dieu caché — kanani rechit), antérieurement à ses œuvres. » C’est le sens « acquérir » et non « créer » que j’utilise ici (le verbe hébreu kana ayant les deux sens), pour bien montrer que la sagesse est incréée, coexistante au Divin caché de toute éternité, en sorte qu’elle tient sa consistance de sa relation intime de contraste absolu avec la Transcendance Divine.
Ainsi dans les premiers versets de la Bible, est affirmée de façon incontestable la relation essentielle entre la sagesse incréée non divine et la Divinité avec laquelle elle fait contraste absolu. C’est de cette relation inouïe que la sagesse incréée tient son identité, sa consistance, et c’est là aussi que se manifestent les notions fondamentales talmudiques et cabalistiques de Chekhinah d’En-Haut et chekhinah d’En-Bas. La chekhinah (du verbe chakhan qui veut dire demeurer) est le signe du Divin sur terre sans que jamais ce signe puisse être identifié à la Divinité. Elle est ambassadrice des attributs divins (grandeur, puissance, sainteté, miséricorde…) et cordon ombilical reliant le monde sensible à l’Inconcevable Transcendance Divine.
La sagesse incréée non divine, Elohim hokhnah, s’épanouit toujours plus par sa relation prestigieuse au Très-Haut Divin, avec Lequel elle est en contraste éternel absolu. Créatrice de vie, du ciel et de la terre par ladite relation, cette sagesse incréée non divine est la structure fondamentale de l’être humain et de toute vie. (Proverbes 8, 24-29). C’est elle qui donne à l’individu toute sa noblesse, toute sa force et sa joie de vivre. C’est aussi ici que se trouve la source des élans du cœur vers le beau, le noble et le dépassement des limites humaines ordinaires.
Il est aisé de comprendre, dans ces conditions, toutes les difficultés rencontrées par les écrivains des textes bibliques juifs et chrétiens, lorsqu’ils voulurent faire passer ce message de la sagesse incréée non divine connectée par un cordon ombilical invisible avec le Divin Transcendant.
Nous venons de voir la nécessité de scruter en profondeur les textes de la Genèse et du livre des Proverbes pour y découvrir ces notions essentielles exposées ci-dessus. De même, dans les écrits chrétiens il sera aussi nécessaire de décoder leur sens profond, comme nous allons le voir dans les épîtres de Paul aux Corinthiens et Colossiens du Nouveau Testament.
Selon I Corinthiens 13
Saül de Tarse, encore appelé l’Apôtre Paul, s’est déclaré descendant de la tribu de Benjamin (Romains 11, 1), disciple du grand humaniste Gamaliel (Actes des Apôtres 22,3), lui-même de l’école prestigieuse de Hillel, axée sur l’amour du prochain. Ses origines juives l’ont porté naturellement à développer le rôle de la sagesse incréée (Elohim hokhmah) dans le comportement humain. Toutefois, il lui était aussi difficile de préciser cette notion connectée à la Transcendance Divine. Il s’y efforcera dans sa première épître aux Corinthiens chapitre 13, en utilisant le terme grec d’Agapè plutôt que celui de Sophia, terme grec déjà usité par l’Israélite imprégné d’Hellénisme, Philon d’Alexandrie. Ce terme Agapè a été traduit très fréquemment par les auteurs chrétiens par les mots « amour » et « charité » qui ne rendent pas de façon satisfaisante ce que Paul a voulu exprimer, à savoir, que la possession de tous les dons n’est rien sans l’Agapè ou plutôt sans la sagesse incréée non divine qui ne périt jamais, étant un véritable passeport pour l’Éternité (I Corinthiens 13,8). Manifestement, Paul s’efforçait ainsi de définir cette intuition profonde, élan du cœur vers l’Absolu Divin inconcevable et qui tire sa force, sa consistance du contraste total vécu par rapport à l’Inoui Divin, le sujet caché de Genèse 1, 1. Ceci n’a pas été assez perçu dans la spiritualité de Paul qui, parlant du Christ (de Christos en grec qui veut dire Oint) et de l’Agapè, traitait en fait des élans vivifiants de la sagesse incréée, élans inducteurs d’un respect sacré de nos contemporains, de la nature et de toute la création, tout procédant du Divin par la sagesse incréée.
L’esprit cartésien occidental nourri de l’idée que D. tire sa consistance de lui seul (a-séité = par soi = selon la philosophie classique scolastique) a le plus grand mal à intégrer l’existence de cette conscience spirituelle, hors espace-temps (D. n’étant ni dans ni hors de l’univers), coexistante de toute éternité à la Divinité pour en être louange perpétuelle. La sagesse incréée tire sa consistance de sa sainte et saine relation de contraste absolu avec le Divin Transcendant, C’EST POURQUOI ELLE N’EST PAS DIVINE, mais jonction, via la Chekhinah d’En-Haut, entre le monde que l’on peut appréhender et D. Alors qu’elle n’a pas de commencement, elle EST, éternellement, sans créateur, notion spirituelle, s’il en est. Ceci est l’enseignement fondamental du credo de la foi juive qu’est le Chma Israël, c’est aussi ce que Paul veut développer dans sa lettre aux Colossiens.
Colossiens 1,15 à 17
Là aussi, voulant définir la sagesse incréée non divine, ce cœur, universel de perception de la Transcendance, Paul parle d’« image du Dieu invisible », de « Premier-né de toute créature », … « Tout est créé par lui et pour lui, et il est, lui, par-devant tout ; tout est maintenu en lui… » (version de la Traduction Œcuménique de la Bible ; TOB). Ceci veut signifier que tout ce qui existe (onde, particule, vie … ) subsiste par la sagesse incréée qui tient sa consistance de sa relation, tel un fil ombilical, au Transcendant Divin inconcevable et non localisable dans l’espace et le temps. Il ne s’agit donc pas du Christ en tant que Dieu le Fils selon la Trinité chrétienne. Ce dont Paul a voulu traiter ici, c’est de la sagesse incréée, ce cœur universel inhérent à l’univers, cette prise de conscience du Divin Transcendant, qu’il a qualifié de Christ et que l’Église, après ses conciles fondateurs a dénommée « nature divine » de Jésus dans le cadre du symbole de Nicée.
On voit ici toutes les questions non encore résolues entre le christianisme trinitaire et le judaïsme qui rejette au départ toute matérialisation du divin dans le monde visible et sensible, idée judaïque que développe la pédagogie du shabbat.
Exposé sur la pédagogie du Shabbat
Selon la tradition judaïque séculaire, le repos du shabbat, quatrième précepte du Décalogue (Exode 20,8), implique du vendredi soir, dès l’arrivée de la nuit, jusqu’au lendemain soir, après le coucher du soleil, une modification radicale du comportement par rapport aux autres jours de la semaine. Il faut ainsi s’abstenir de toute activité créatrice touchant la matière et l’énergie, rejeter l’utilisation des moyens de transport, l’activité professionnelle et commerciale, les travaux domestiques, l’utilisation du feu, de l’électricité, de l’argent etc. Loin de favoriser un simple moment de détente, ce comportement contient un profond sens pédagogique spirituel qu’il convient de rappeler.
En effet, durant les six premiers jours de la semaine, le croyant est invité à investir le monde extérieur de toute son énergie et son imagination, afin de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Il prend autorité sur son environnement qu’il marque de sa volonté, allant jusqu’à façonner son environnement à son image. Tout est différent à partir du vendredi soir, car il ne s’agit plus d’investir l’espace et le temps, mais de se tourner vers la Référence Divine Transcendante de l’univers, et ici, il n’est plus question de La façonner à l’image humaine et de s’autoriser à porter sur Elle le regard que notre sensibilité et notre imagination veulent bien Lui octroyer. Cet enseignement prédispose le croyant à appréhender l’environnement, tel qu’il est, et non comme il l’imagine ou l’observe scientifiquement avec ses sens naturels limités.
Ainsi le shabbat développe en l’humain un recul sur le monde sensible, qu’il n’est plus possible de réduire à notre perspective humaine restreinte. Ce précepte constitue ainsi un bouclier interne contre l’hypnotisme des apparences inhibiteur de la personnalité, contre l’autodéification des comportements que l’on absolutise au travers des images et des concepts dont on s’est dotés. Ce recul est permis grâce à la mémoire que l’on a du Transcendant Divin, hors de portée, non réductible à nos repères familiaux, sociaux ou scientifiques. Cet espace spirituel intense, ce paramètre qui nous aide à relativiser notre perception du monde apparent, est constitutif de notre réelle identité, chacun ayant son accès particulier à la Divinité Transcendante. En un mot, la pédagogie du shabbat donne droit de cité à la sagesse incréée non divine inhérente à toute vie, toute réalité de l’univers.
La tradition rabbinique indique que lors du shabbat, le croyant jouit d’un supplément d’âme, Nechamah yethera. Il s’agit là précisément du surcroît d’énergie que donne le refus de se laisser dominer par l’hypnotisme des apparences. Il y a là remède contre bien des maux et des maladies.
La pédagogie du shabbat, on l’a bien compris, est incompatible avec l’octroi d’une valeur superstitieuse au rite judaïque aux fins d’établir un climat de terrorisme religieux ; elle permet, bien au contraire, de vivre en continu dans le repos du septième jour, tous les jours de la semaine, dès lors que recul est pris sur le monde extérieur par l’acquisition du sens de l’authentique Transcendance Divine. Celui-ci permet de jouir de Tout sans en être esclave. C’est ici que l’existence et la pérennité du peuple juif, libellées en termes d’Alliance dans la Bible, prennent toute leur dimension, à condition, toutefois, que ce peuple, vecteur du Décalogue, donc de la pédagogie salutaire du shabbat, accomplisse une obligation de résultat, celle de favoriser le règne du bonheur et de la Paix sur terre (Alliance du Sinai Exode 19 et 20).
Signification des alliances.
Notion de “Juste” (tsaddik) en parallèle avec l’oint Jésus du Christiannisme.
Exégèse de la lumière spirituelle (Chekhinah).
Nouvelle interprétation de l’Holocauste d’Isaac par Abraham.
Référence aux croyances issue de l’Asie, en connexion avec les sciences contemporaines.
Par excellence, le livre des Proverbes (16,7) donne le sens qu’il faut conférer au terme d’Alliances bibliques de l’humain avec le Divin, en déclarant que : « Lorsque D. approuve les voies d’un homme, il lui concilie même la faveur de ses ennemis », rejoignant ici le Nouveau Testament qui invite à l’amour de son ennemi (Matthieu 5,44), non pas par délire sadomasochiste, mais par éradication de la peur née d’une déformation de la réalité et qui disparait dès lors que, par la sagesse incréée, on sait relativiser le monde apparent. C’est bien dans ce sens que Paul a pu écrire dans sa première épître aux Corinthiens (6,12) : « Tout m’est permis, mais je ne me laisserai asservir par rien. »
Chaque être humain de la terre est appelé à jouir de cette félicité qui fait de lui l’image (Tselem) de D. sur terre. Le terme hébreu Tselem vient de la racine tsel qui signifie reflet ou ombre, en sorte que la pédagogie du shabbat bien vécue, développe chez le croyant la sagesse incréée non divine, qui l’élève à la dignité spirituelle de reflet ou ombre de la Transcendance divine sur terre, ce qui est le but visé par l’Alliance du Sinaï.
Si la recherche d’une communication, jusqu’ici insatisfaisante entre le Judaïsme et l’Église [13] a une immense légitimité, c’est maintenant, au niveau atteint aujourd’hui avec vous, qu’il est possible de la mettre en exergue. En effet, lorsque le P. Bernard Dupuy OP, déjà cité, s’interrogeait en mars 1995 en déclarant : « nous vivons la fin de la théologie de la substitution (qui remplace l’ancienne Alliance d’Israël avec son Dieu, par la nouvelle), mais par quel enseignement la remplacer ? », il introduisait ce que je déclare maintenant ici : la nouvelle Alliance, au sens des exégètes chrétiens, existait au stade optimum, avant la naissance et le développement du christianisme, au travers de la circoncision des cœurs, de la transformation des cœurs de pierre en cœurs de chair ou par l’inscription des préceptes d’origine Divine dans les cœurs (Deutéronome 30,6, Ézéchiel 11, 19-20, et Jérémie 31,31-34).
Ici apparaît le point de contentieux le plus délicat entre l’Église et le Judaïsme au sujet de ce qu’il faut entendre par Transcendance divine. En effet, la Patristique et les grands conciles chrétiens ont développé le dogme des deux natures, divine et humaine de Jésus, qui semble séparer d’une façon irréversible le sens différent que juifs et chrétiens attribuent à la Divinité. La séparation semble avoir été consommée lorsque le saint chrétien Léon le Grand proclama au concile de Chalcédoine en 45 : « Le Christ, Dieu parfait et homme parfait. » Comme l’ont montré les remarquables travaux du Pr Léon Poliakof [14], c’est bien à partir du symbole de Nicée et du dogme de la Trinité, qu’en culture chrétienne, les juifs ont subi leurs plus grandes souffrances.
Pourtant le dogme de la Trinité ne marque pas, malgré les tragiques apparences historiques, sociologiques et théologiques, un divorce définitif entre l’Église et le Judaïsme si l’on veut bien considérer que, ce que l’Église a dénommé « nature divine » de Jésus, correspond en fait à la sagesse incréée non divine dont j’ai traité tout au long de cet exposé et qui anime le Juste.
Le Juste ou le Tsaddik, dans la tradition juive, jouit d’un prestige immense : Le livre des Proverbes 10,25 dit : « … Et le Juste est le fondement du monde ». Le livre de la Clarté (sépher Ha-Bahir), un des plus anciens de la mystique juive, indique au fragment 102 que, si le Juste s’affaiblit, le monde ne peut subsister car il se charge du monde entier (voir aussi le Talmud, Yoma 38 b). On trouve ainsi dans la tradition judaïque, s’agissant du Juste, des termes au moins aussi forts que ceux utilisés par le NT pour traiter de Jésus, à l’instar de : « Car aucun autre nom sous le ciel n’est offert aux hommes, qui soit nécessaire à notre salut » (Actes des Apôtres 4,12 version TOB).
Il apparaît ainsi clairement qu’ un progrès œcuménique dans les relations entre l’Église et le Judaïsme passe nécessairement par une meilleure connaissance mutuelle des notions spirituelles qui viennent d’être traitées.
En particulier il faudra préciser et bien cerner celles de « Lumière spirituelle d’En-Haut » et de « lumière spirituelle d’en-bas » que j’ai déjà évoquées devant vous au sujet des élans de la sagesse incréée en direction de la Transcendance Divine. En effet, le « fil ombilical » reliant la sagesse incréée à la Transcendance Divine est dénommé Chekhinah d’En-Haut tandis que le Juste, irradié, devient sur terre la chekhinah d’en-bas dépositaire de la lumière spirituelle sur terre (Exode 23,20-2 1). Cette expérience fut vécue par Moïse devant le buisson ardent (Exode 3,2). Dans le NT l’épisode de la transfiguration (Matthieu 17,1-3) n’est pas sans affinité avec cette expérience spirituelle de Moïse.
Pour le comprendre, il faut savoir que selon la tradition orale juive bien antérieure à Jésus, reprise par écrit au IIe siècle dans le Zohar (livre de la Splendeur, diffusé en particulier au Moyen Age), le corps de résurrection des Justes vit dans la Chekhinah d’En-Haut. (Abraham et Isaac étant par exemple dans la Nuée — Chekhinah d’En- Haut — aux côtés des hébreux à la sortie d’Égypte, Exode 14,15-20). Instruit de la Tora et des croyances juives, enseignant que lorsque deux ou trois Justes s’entretiennent, la Chekhinah d’En-Haut est avec eux (Malachie 3,16), Jésus, dans le contexte ci-dessus, pouvait dire « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Matthieu 18,20). Il s’agit ici du combat que les Justes poursuivent après leur décès aux côtés des vivants (Talmud, Pirke Aboth 4,29 ; Psaume 84,7), sans réincarnation possible, bien évidemment, car chaque individu est par la sagesse incréée non divine, reflet unique du Divin Transcendant, sur terre et après la mort.
Il ne fait aucun doute que, tant du côté chrétien qu’israélite, des efforts sont en cours, qu’il faut encourager en vue d’enrichir les connaissances pour une réelle fraternité universelle dans le monde.
Ainsi par exemple, le judaïsme est appelé à réviser sa lecture séculaire de l’holocauste d’Isaac par Abraham, découvrant enfin qu’il ne s’agit pas dans Genèse 22,1 de la Divinité, mais d’un prêtre local coutumier du rite [15], désigné ici par les mots « vé ha-Elohim » = « Et le dieu », qui suggéra à l’immigrant Abraham, l’holocauste de son fils Isaac pour satisfaire aux coutumes du lieu. L’expression « vé ha-Elohim », que l’on peut traduire par « Et le dieu », démontre que le mot Elohim n’a pas ici le sens du Divin Transcendant, étant précédé d’un article tel un nom commun.
Par contre, c’est bien, selon Genèse 22,11, l’Ange de l’Éternel, signe de la Transcendance divine (Malakh Adonaï étant une autre désignation pour la Chekhinah d’En-Haut), qui vint au secours de son cœur en retenant son bras. Par la suite le Patriarche remarqua un bélier (Genèse 22,13) retenu dans un buisson par ses cornes, qu’il immola à la place de son fils, épisode très symbolique lorsque l’on sait qu’à la sortie d’Égypte, les foyers qui n’avaient pas mis du sang d’un agneau sur le linteau de leur porte (Exode 12,7 et 23) furent frappés par l’Ange de la mort. Le bélier, comme l’agneau avaient alors pour mission l’évocation du dieu de l’Égypte antique, Khnoum, à tête de bélier, issu vraisemblablement du culte des astres et de la constellation du bélier. Furent alors épargnés les foyers qui ne vouaient pas un culte aux apparences, s’ouvrant ainsi à la Transcendance Divine.
Par cet épisode biblique dramatique, Abraham a pu acquérir un critère spirituel et psychosensoriel, constitutif de son authenticité et de sa sagesse incréée, qui lui a permis ensuite de discriminer entre les influences socioculturelles extérieures et les élans de son cœur, lesquels procèdent de la saine spiritualité, fondatrice de son identité.
Ces connaissances n’ont pas encore été intégrées par les grandes religions monothéistes, elles sont pourtant indispensables à la progression de l’Œcuménisme. Le judaïsme tire en effet de ce récit biblique toute une éthique comportementale vis-à-vis des non-juifs, tandis que la Patristique chrétienne enseigne qu’à l’instar d’Isaac obéissant à son père sur le chemin de l’holocauste, l’Oint Jésus se rendit volontairement au Golgotha en harmonie avec son Père céleste. De son côté l’islam trouve là l’origine de la grande fête du mouton (Aïd el Kébir).
Il y a quelques années, j’ai eu l’avantage de pouvoir exprimer mes idées ci-dessus au président professeur émérite Roger Arnaldez et au professeur émérite Haïm Zafrani, ici présents.
Il me semble que les considérations éthiques et théologiques exprimées ici, pourraient enrichir les communications interconfessionnelles déjà existantes, dont le marasme, apparent aux yeux du plus grand nombre, sert souvent d’alibi à la poussée des fondamentalismes de tous bords. Le monde contemporain est grand demandeur de connaissances spirituelles, la notion de sagesse incréée non divine ou image de D. fondatrice d’identité me semble pouvoir y répondre.
Il est par exemple urgent de réagir à des opinions comme celles du Pr Francisco Varela, neurobiologiste, directeur de recherche au CNRS, qui loue les notions bouddhistes d’interdépendance et d’impermanence, selon lesquelles tout phénomène est considéré comme un nœud dans un réseau de causalité et ne peut donc avoir de substance propre (L’Express, 24 octobre 1996, p. 60).
De telles spéculations sont erronées, car elles occultent la sensibilité unique ou la sagesse incréée, inhérente à chaque personne, constitutive de son identité spécifique, reflet de la Transcendance Divine.
La même dérive inquiétante s’est fait jour lors du colloque de septembre 1995 à Tokyo intitulé La mutation du futur (ouvrage chez Albin Michel), lorsque le physicien Henry P. Stapp déclara que : « L’idée que chacun puisse être séparé et distinct des autres, n’est qu’une illusion causée par des apparences trompeuses. » Le physicien reprend ici la conception de la physique quantique classique, mais ne comprend pas que l’existence d’un courrier de vitesse infinie entre deux points A et B, ne s’oppose en rien au fait que A et B restent totalement indépendants l’un de l’autre. Or, au principe de la physique quantique de non-séparabilité des particules, aujourd’hui bien connu, rien n’interdit d’associer une connexion concomitante de chacune d’elles à la Transcendance Divine. De cette manière c’est la relation de la sagesse incréée au Divin, qui confère à chaque particule sa spécificité, son attrait et sa légitimité. On atteint ici la racine essentielle de l’Œcuménisme, c’est-à- dire l’intimité de chaque substance de l’univers au Divin, génératrice du dénominateur commun de fraternité entre tous les humains.
Ainsi, une spontanéité ressentie entre deux personnes n’hypothèque en rien la spécificité de chacune d’elles parce que chaque individu ressent la Transcendance Divine inconcevable d’une manière particulière.
En conclusion
Dans un monde dominé par le dogme néo-libéral, qui ne peut juguler les disparités économiques à l’échelle planétaire, alors que notre environnement naturel se détériore, il est temps d’enseigner à nos enfants l’existence d’un Référentiel Divin Transcendant, qui donne consistance aux énergies de l’univers. Ce faisant, les générations futures, familiarisées avec le Tout-Autre Divin, inconcevable mais allié de l’humanité, comme l’atteste le parfum délicat d’une rose, apprendront à ne pas décompenser en présence d’un étranger ou d’une situation incompréhensible. Ceux-ci ne seront en effet jamais aussi différents de soi que ne l’est la Divinité, qui est pourtant bénéfique, puisque Référence de vie, et dont la perfection transpire à travers les merveilles de la nature.
Un tel enseignement, fruit de la pédagogie du shabbat bien comprise, trouve un parfait écho dans le NT lorsque Jésus, instruit de la Tora, répondit à la question « Maître, quel est le grand commandement dans la Loi ? » par ces mots : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » (il s’agit ici de la Divinité Transcendante et cachée, bien entendu). « C’est là le grand, le premier commandement. Un second est aussi important : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (fin de citation de Matthieu 22, 36- 39).
Le judaïsme et le christianisme disposent de facultés de communication non encore explorées, comme je me suis efforcé de le montrer au cours de cet exposé. Malheureusement l’Histoire semble avoir dressé, en particulier du fait des horreurs subies durant des siècles par les juifs en milieu culturel chrétien, des murs d’incompréhension et de haine infranchissables. Ce serait oublier que ce que l’humain ne peut pas faire seul, — car les souffrances endurées sont au-delà du pardon possible, — il le peut en recevant sa force du Divin Transcendant de l’univers, à l’instar de ce que nous réalisons ensemble ici aujourd’hui, en évitant de confondre notre imaginaire avec la Divinité.
Mon présent exposé, fait conjointement à celui d’un très haut dignitaire de l’Église, atteste de ma foi en l’humanité parce qu’elle a vocation naturelle à incarner la sagesse incréée non divine, vecteur de la Rédemption universelle.
Orientations bibliographiques
1) Ouvrages du cardinal Joseph Ratzinger et du rabbin Léonard Sztejnberg
- Léonard Sztejnberg, Pourquoi Auschwitz? dans Le Monde, 11 février 1995, p. 14.
- Léonard Sztejnberg, Le guide des éclairés, s.l., s.d.
- Articles dans les n° 1280, 1295 et 1310 de Tribune juive.
- Articles dans la revue protestante Évangile et liberté (mars 1991, décembre 1991, septembre 1996).
- Allocution devant l’Organisation des Nations Unies à Genève (E/CN.4/1993/SR.27/Add.1 et E/CN.4/Sub.2/1993/SR.8).
- Joseph Ratzinger, Frères dans le Christ. L’esprit de la fraternité chrétienne, Paris, 1962.
- Joseph Ratzinger, Un seul Seigneur, une seule foi, Paris, 1971.
- Joseph Ratzinger, Le nouveau peuple de Dieu, Paris, 197 1.
- Joseph Ratzinger, Foi et avenir, Paris, 1971.
- Joseph Ratzinger et Karl Rahner, Révélation et tradition, Paris, 1972.
- Joseph Ratzinger et Hans Maier, Démocratisation dans l’Église ? Possibilités, limites, risques, Paris, 1972.
- Joseph Ratzinger et Karl Lehmann, Vivre avec l’Église, Paris, 1978.
- Joseph Ratzinger, Le Dieu de Jésus-Christ. Méditations sur Dieu-Trinité,Paris, 1979.
- Joseph Ratzinger, La mort et l’au-delà. Court traité d’espérance chrétienne, Paris, 1979.
- Joseph Ratzinger, Vivre sa foi. Méditations pour chaque jour de l’année sur des thèmes spirituels et théologiques, Paris, 198 1.
- Joseph Ratzinger et Hans Urs von Balthasar, Marie, première Église, Paris, 1981.
- Joseph Ratzinger, La célébration de la foi. Essai sur la théologie du culte divin, Paris, 1985.
- Joseph Ratzinger, Les principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Paris, 1985.
- Joseph Ratzinger, Église, œcuménisme et politique, Paris (Fayard), 1987.
- Joseph Ratzinger, Un chant nouveau pour le Seigneur, Paris (131313), 1995.
- Joseph Ratzinger, La foi chrétienne, hier et aujourd’hui, Paris (Cerf), 1996 (rééd.).
- Joseph Ratzinger, Un tournant pour lEurope ? Diagnostics et pronostics sur la situation de l’Église et du monde, Paris (Flammanon), 1996.
2) Œcuménisme
- Internationale œkumenische Bibliographie, Munich-Mayence (C. Kaiser, Matthias Grünewald Verlag), annuel depuis 1967.
- Dictionary of ecumenical movement, Genève (wcc Publications), 1991.
- Michael Andrew Fahey S. J., Ecumenism : A bibliographical Overview, Wesport Conn.-Londres (Greenwood Press), 1992.
- Ruth Rouse et Stephen Charles Neill (éd.), A History of the Ecumenical Movement, I : 1517-1948, Genève (wcc), 1987, 3e éd.
- Harold E. Fey, A History of the Ecumenical Movement, Il : 19481968. The Ecumenical Advance, Genève (Wcc), 1986.
- Étienne Fouilloux, Les catholiques et l’unité chrétienne du XIXe au XXe siècle. Itinéraires européens d’expression française, Paris (Le Centurion), 1982.
- Jacques Élisée Desseaux, Dialogues théologiques et accords œcuméniques, Paris (Cerf), 1982.
- Jean Élisée Desseaux, Vingt siècles d’histoire œcuménique, Paris (Cerf), 1983.
- Yves Congar, Essais œcuméniques : le mouvement, les hommes, les problèmes, Paris (Le Centurion), 1984.
- Paul Faynel, Gérard Defois et Joseph Doré (éd.), L’héritage du Concile, 6 : L’unité des chrétiens, Paris (DDB), 1985.
- Jean Guitton, Œuvres complètes, 6 : Œcuménisme, Paris (13DB), 1986.
- Oscar Cullmann, L’unité par la diversité : son fondement et le problème de sa réalisation, Paris (Cerf), 1986.
- Jean-Paul Willaine (éd.), Vers de nouveaux œcuménismes : les paradoxes contemporains de l’œcuménisme. Recherche d’unité et quête d’identité. Actes du Xe Colloque du Centre de sociologie du protestantisme de Strasbourg, 8-10 octobre 1987, Paris (Cerf), 1989.
- Giuseppe Alberigo, Nostalgià di unità. Saggi di storia dell’ecumenismo, Gênes (Marietti), 1989.
- René Girault, Construire l’Église une : nouveaux chemins œcuméniques, Paris (DDB), 1990.
- Oscar Cullmann, Les voies de l’unité chrétienne, Paris (Cerf), 1992.
- Georges Tavard, L’œcuménisme, Paris (PUF, coll. «Que saisje? »), 1994.
3) Quelques ouvrages sur les relations entre juifs et chrétiens
- Bernard Dupuy et Jean Halpérin, Juifs et chrétiens « pour une nouvelle entente » (visite de Jean-Paul II à la Synagogue de Rome, 13 avril 1986), Paris (Cerf), 1986.
- G. Wigoder, Jewisc-Christian Relations since the Second World War, Manchester (Manchester University Press), 1988.
- Bernard Dupuy, L’Étoile de Jacob (entretiens avec Josy Eisenberg), Paris (Cerf), 1989.
- Bernard Dupuy et Marie-Thérèse Hoch (éd.), Les Églises devant le Judaïsme : documents officiels 1948-1978, Paris (Cerf), 1990.
- Fritz A. Rothschild (éd.), Jewish perspectives on Christianity : Leo Baeck, Martin Buber, Franz Rosenzweig, Will Herberg and Abraham J. Herschel, New York (Crossroad), 1990.
- Martin Buber, Deux types de foi : foi juive et foi chrétienne, Paris (Cerf), 1991, trad. franç.
- Joseph Duponcheele, L’être de l’Alliance. Le « pouvoir de faire être » comme lien philosophique et théologique entre le judaïsme et le christianisme, Paris (Cerf), 1992.
- Vladimir Soloviev, Le judaïsme et la question chrétienne, Paris (DDB), 1992, trad. franç. ; préface d’Alain Besançon.
- Samuel Krauss, The Jewish-Christian Controversy from the earliest time to 1789, édité et corrigé par William Horbury, Tübingen (JCB Mohr), 1996.
[1] H. U. von Balthasar, L’amour seul est digne de foi (Paris, 1966), 16.
[2] D R. Haubst, Nikolaus v. Kues in LThK2 VII, 988-991, citation 990.
[3] De pace fidei, 7, Il, 16, 20, 62 (Op. omnia, VII, Meiner, 1959), cité d’après Balthasar, op. cit., 10 S.
[4] Vgl. R. Rouse – St. Ch. Beill, Geschichte der ökumenischen Bewegung 1517-1948, 2 vol., Göttingen, 1957 et 1958; H. J. Urban – H. Wagner (éd.), Handbuch der Ökumenik, vol. Il (Paderborn, 1986).
[5] Cf. K. Reiser, Ökumene im Übergang. Paradigmenwechsel in der ökumenischen Bewegung ? (München, 1989).
[6] J.A. Cuttat, Expérience chrétienne et spiritualité occidentale, in La mystique et les mystiques (Paris, 1965) ; Id. , Begegnung der Religionen (Einsiedeln, 1965)
[7] R. Panikkar, La Trinidad y la experienca religiosa (Barcelona, 1989) ; deutsch : Trinität. Über das Zentrum menschlicher Erfahrung (München, 1993), 35-43
[8] Cf. L. Bouyer, Mysterion. Du mystère à la mystique (Paris, 1986)
[9] Telle est la formule du IVe Concile du Latran de 1205 : « Quia inter creatorem et creaturarn non potest sirnilitudo notari, quin inter eos maior sit dissimilitudo notanda » (DS, 806)
[10] Begegnug der Religionen, 84.
[11] Voir également F. Dünzl, Braut und Bräutigam. Die Auslegung des Canticum durch Gregor von Nyssa (Tübingen, 1993) ; L. Bouyer, op. cit., 225 ff ; encore toujours important H. U. von Balthasar, Présence et pensée. Essai sur la philosophie religieuse de Grégoire de Nysse (Paris, 1942)
[12] Cf. par ex., Apologia 31 c : « Mais le témoin capable de prouver que je dis la vérité, c’est moi, plutôt, qui vous l’amène : ma pauvreté !, Kriton, 48 c-d.
[13] Voyez à ce sujet le récent livre du grand rabbin Alexandre Safran Juifs et chrétiens : la shoah en héritage, paru chez Labor & Fides.
[14] Pr Léon Poliakof, directeur de recherche au CNRS : « Histoire de l’antisémitisme »
[15] Voyez les restes de sacrifices d’enfants provenant de la Carthage phénicienne, colonie de Tyr, visibles au Musée algérien de Constantine (information transmise par le pasteur doyen André Gounelle de Montpellier) et fouilles archéologiques menées à Jéricho…