L’actualité et l’avenir du corps préfectoral

Séance du lundi 27 mars 2000

par M. Paul Bernard

 

 

J’éprouve une joie réelle à parler d’un thème qui m’est cher, d’une fonction qui s’identifie à ma vie.
C’est donc sur la base d’une expérience administrative, vécue sur le territoire, et des convictions qui me tiennent à cœur, que je vais tenter de cerner ” l’actualité et l’avenir du Corps Préfectoral “, dans la perspective et l’esprit du thème des réflexions de votre Académie consacrés en l’an 2000 au rôle et à la place de l’Etat au XXIème siècle.

Le corps préfectoral est une originalité française qui suscite de la curiosité, en raison de la longévité de l’institution, car elle a traversé les régimes les plus divers et une interrogation sur sa pérennité, car elle est souvent mise en question comme une exception anachronique dans l’Europe contemporaine.
On peut parler en effet d’une énigme préfectorale. L’œuvre napoléonienne de l’an VIII peut-elle encore avoir un sens aujourd’hui à l’heure des idées reçues de la mondialisation et de la décentralisation ?
Le personnage préfectoral intrigue les observateurs, par son caractère paradoxal qui trouble son image : est-il le plus politique des administrateurs ou le plus administratif des politiques ? La puissance qui lui est attribuée cache mal la fragilité de sa position soumise au bon vouloir du gouvernement ? Est-il un phoenix sans cesse renaissant dans les cendres des crises institutionnelles ou bien un mutant s’adaptant à l’évolution sociale ? En 1982, on a fait croire qu’il était auparavant tout puissant, ce qu’il ignorait, et qu’il devenait impotent, ce qui s’est révélé une illusion d’optique.
En fait, la célébration du bicentenaire de l’institution (février 1800-2000) renouvelle cette interrogation sur l’avenir, avec d’autant plus d’acuité que notre ƒtat est en crise dans une société en mutation.
La sagesse africaine nous rappelle que lorsqu’on ne sait plus où on va, il importe de se demander d’où on vient.
Si la loi du 28 Pluviose an VIII a prescrit que le préfet serait ” seul chargé de l’administration “, ce n’était pas pour consolider un pouvoir mais pour assurer une mission : celle que Lucien Bonaparte, Ministre de l’Intérieur, définissait comme un trait d’union entre la révolution et la paix entre les Français : ” le gouvernement ne veut plus, ne connaît plus de partis et ne voit en France que des Français. ”
C’est donc bien l’utilité commune, au sens de la déclaration des droits de 1789, qui fonde la légitimité du préfet, et non pas quelque statut corporatiste. C’est le service rendu à la République qui a justifié le choix de Jean Moulin pour unifier les mouvements de résistance. C’est bien le préfet Erignac que d’odieux assassins ont choisi pour cible afin d’empêcher la cohésion de notre nation autour de la République.
C’est pourquoi la fonction préfectorale est la seule fonction publique que le Constituant de 1958 a voulu définir avec précision en lui confiant ” la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif, du respect des lois ” : c’est à dire l’union de l’ordre républicain et du rassemblement civique autour des intérêts communs. Telle est la mission du représentant de l’ƒtat, délégué du gouvernement , sur le territoire de la République.
Ce rôle de trait d’union permet de caractériser l’évolution préfectorale d’abord dans l’histoire institutionnelle des relations entre le pouvoir et le peuple, ensuite aujourd’hui dans l’action publique autour de la convergence sur l’intérêt général, enfin demain entre l’organisation de l’ƒtat et l’adaptation à la vie de la société.
Ce lien nous inspire une réflexion en trois phases :
Hier : le rappel de la longue marche historique et inachevée,
Aujourd’hui : le combat contemporain pour l’intérêt général
Demain :l’élan pour la réforme.I – Une longue marche historique pour relier le pouvoir et le peuple L’évolution des institutions reflète l’histoire de notre peuple dans ses problèmes, ses aspirations et ses mœurs.
Le représentant du pouvoir central se situe au cœur de ces tendances profondes et de ces évolutions. Le peuple est introuvable, a-t-on dit, mais le préfet, les élus et les citoyens représentent une société incarnée à échelle humaine.

Une constante dans la conception du pouvoir d’Etat

On ne peut pas oublier qu’ ” il y a 1000 ans la France prit son nom et l’ƒtat sa fonction ” (selon la formule de de Gaulle). Notre ƒtat a créé et donc précédé la Nation, en construisant l’unité des Français par un assemblage progressif de provinces, de villes à partir d’un ” agrégat inconstitué de provinces désunies “. Il faut d’emblée souligner la différence fondamentale avec les ƒtats fédéraux européens, constitués il y a à peine un siècle, et que les esprits, imprégnés de l’air du temps, voudraient nous imposer comme un modèle de l’ƒtat moderne. Le produit d’une longue histoire devrait nous libérer des complexes mal fondés.
a) Les gouvernements de la France ont toujours poursuivi trois objectifs qui sont autant de forces d’accompagnement de la cohésion sociale.

  • la conciliation entre l’unité nationale et les libertés publiques, notamment les libertés locales
  • la proximité des réalités humaines et locales par la liaison entre le pouvoir central et le territoire
  • la coopération, finalité suprême, qui consiste à faire travailler ensemble les Français, et à relier les individus, toujours tentés par les querelles gauloises, dans l’effort collectif vers l’oeuvre commune.

En effet, notre spécificité française a une conséquence malheureuse qui nous différencie d’autres pays. En France, les individus et les collectivités locales renvoient sur l’ƒtat le soin de veiller aux intérêts nationaux, ce qui explique que tout appel de l’ƒtat au partage des responsabilités est considéré comme un transfert de charges qui contrarie le pré-carré des intérêts locaux. Le concours à l’intérêt national n’est donc ni naturel ni spontané. Il doit être sollicité, expliqué, parfois même négocié.b) La réponse à cette anomalie civique et aux objectifs poursuivis a de tous temps été la même à travers les régimes. La solution de l’équation, c’est l’intermédiation de l’envoyé en mission sur le territoire, bénéficiant de la confiance intuitu personae, placé dans la main du pouvoir central, doté de pouvoirs délégués, vivant au milieu de la population, pour faire le lien entre l’intérêt général de la communauté française et les intérêts particuliers et locaux.
On note une sorte de lignée de serviteurs fidèles de cette mission : depuis les missi dominici, les maîtres des requêtes départis pour l’exécution des ordres du roi, ” les intendants de police, justice, finances “, les représentants en mission de la Convention, les préfets de l’empire et de la République, jusqu’aux commissaires de la république lors de la libération du territoire en 1944 et aux préfets de la Vème République.
Ces personnages si différents ont pourtant un air de famille : ils apportent un visage personnalisé au pouvoir, ils humanisent les rapports publics, en traduisant les attentes, en transmettant les aspirations, en conciliant les intérêts. Ils ont une double légitimité : l’intérêt national commun à tous et la protection des populations, y compris à l’égard des féodalités en tous genres, toujours renaissantes. Ils contribuent à la paix et au bien public.
La déconcentration renoue avec cette tradition en confiant au préfet des pouvoirs de représentation et de décision au nom des ministres. Avec le préfet déconcentré, renouvelé comme missionnaire de la République, la France contemporaine a trouvé un moyen original pour concilier l’ƒtat unitaire et la Nation décentralisée, sans recourir au système fédéral dont l’effet centrifuge serait très dangereux pour notre pays. En France, l’ƒtat prend sa source et sa légitimité dans la Nation (unitaire) et non dans un contrat avec et entre les collectivités locales (fédéral).2. Le représentant de l’Etat s’inscrit dans la logique d’un mouvement de l’histoire de France
a) Il est possible de faire apparaître un processus d’évolution selon trois phases d’une même trajectoire.
– Une longue période multiséculaire de centralisation, dans l’Ancien Régime, sous la Révolution et avec Napoléon, a fait naître laborieusement l’Etat-Nation, identifié à un peuple, un territoire, une langue, sous l’égide du bien commun du royaume puis de l’unité nationale.
– Une progression lente a œuvré pour la décentralisation, favorisant des pouvoirs accordés aux collectivités locales, dans l’esprit des franchises royales accordées aux villes :
– sous la 3ème République, avec les lois du 10 août 1871 sur le conseil général et du 5 avril 1884 sur la commune,
– sous la 4ème République avec la Constitution de 1946 transférant l’exécutif départemental du préfet au Président du conseil général (disposition non appliquée),
– sous la 5ème République, en 1969, le Général de Gaulle a proclamé que ” l’effort multiséculaire de centralisation ” n’était plus nécessaire et devait faire place au ressort régional.
– enfin, 1982 a été marqué par les lois de décentralisation qui ont constitué, sans rupture, l’aboutissement d’une longue évolution et un nouveau départ pour la libre administration des collectivités locales.
– La Vème République en 1958 a développé un nouveau mouvement complémentaire vers la déconcentration et vers la coopération des collectivités territoriales à l’administration du territoire, dans une sorte de synthèse des mouvements précédents.
b) On a assisté depuis 1958 à une dialectique entre la décentralisation et la déconcentration, évoluant de façon solidaire, comme un couple de forces. Plus on décentralise pour faire progresser les libertés locales, plus on déconcentre pour permettre au préfet d’assurer l’unité nationale sur le territoire, en vue de favoriser un dialogue responsable de décision, au plus près des réalités locales et humaines et pour le meilleur service rendu au moindre coût à tous les citoyens. L’évolution multiséculaire a-t-elle atteint son stade ultime dans la logique du système français actuel ?
– La succession des textes illustre ce phénomène :
– La Constitution de la Vème République solidarise dans deux alinéa du même article 72, d’une part la libre administration des collectivités locales, d’autre part la mission du délégué du gouvernement.
– La loi du 2 mars 1982 portant droits et libertés des collectivités locales a été suivie par les décrets du 10 mai 1982 précisant les pouvoirs déconcentrés du représentant de l’ƒtat.
– De même, la loi du 6 février 1992 sur l’administration du territoire de la République a été suivie également par le décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration, qui est devenu par la force de la loi, le droit commun de l’administration.
– Le rythme des réformes a obéi à cette dialectique d’entraînement. De même que l’anarchie révolutionnaire des municipalités de canton avait entraîné l’institution du préfet parmi les ” masses de granit ” de Napoléon, de même les années récentes ont été marquées par un enchaînement entre l’unité et la liberté.
Après les décrets de 1964 accentuant la déconcentration préfectorale, le besoin de régionalisation décentralisée a donné lieu au projet de 1969 qui a connu l’échec du référendum. Aussitôt après, l’établissement public régional de 1972 a répondu à l’attente des élus et une nouvelle étape de déconcentration a été marquée par la programmation des crédits de l’ƒtat classés en catégorie I (national) et en catégories II (régional) et III (départemental), confiées au préfet de région ou de département. Enfin, la décentralisation de 1982 a provoqué une progression marquée de la déconcentration. Le dernier état a été illustré par les décrets du 20 octobre 1999 qui confirment la déconcentration comme la règle de droit commun de la répartition des attributions et des moyens entre les échelons des administrations civiles de l’Etat et qui ajoute aux préfets des pouvoirs d’organisation des services déconcentrés. Il s’agit de parachever un mouvement engagé et d’empêcher tout retour en arrière.3. L’évolution de la fonction préfectorale a suivi les changements de la société, en démontrant sa capacité d’adaptation aux besoins de la Nation.
a) La nature de la fonction a reflété les mutations politiques et sociales sans que la mission de service soit modifiée. Ainsi l’agent politique de l’empereur ou le promoteur du régime républicain a fait place à l’administrateur représentant de l’ƒtat. Le lien d’allégeance s’est transformé avec la professionnalisation d’un métier et d’une carrière, dans la loyauté au gouvernement de la république, sans exigence d’attache au parti politique majoritaire. Ce résultat, acquis au terme d’un long processus, caractérise une heureuse exception française sans équivalent dans les pays étrangers.
Le serviteur de la Nation s’est vu confier des missions de médiation sociale, dans un comportement d’ouverture œcuménique, auprès de toutes les composantes de la société. Ainsi l’homme politique du pouvoir a fait place à l’homme de l’ƒtat au service public et puis à l’homme de la Nation trait d’union entre les citoyens, les élus et le gouvernement.
Enfin, le représentant de l’ƒtat-membre de l’Union européenne, agent territorial de l’Europe a la charge nouvelle et supplémentaire de mettre en œuvre les politiques nationales et communautaires, de contrôler le respect de la légalité selon le droit européen, et de gérer les fonds communautaires.
b) Cette évolution s’est développée en fonction d’événements déterminants qui ont projeté le préfet en première ligne de l’action publique sur le territoire, conformément à la prise en compte des priorités de la Nation.
– La crise sociale, caractérisée par le chômage, l’exclusion, la pauvreté, les inégalités, a placé le préfet au cœur de la solidarité en faveur des plus déshérités atteints par la détresse sociale ou par la pathologie des quartiers urbains.
– Les troubles à l’ordre public résultant des violences urbaines, du terrorisme, des risques naturels ou industriels de sécurité civile, ont souligné la mission prioritaire du préfet garant de l’ordre et de la sécurité, particulièrement dans la crise d’ordre public.
– Les atteintes aux équilibres naturels ont fait du préfet le défenseur de l’environnement et la corruption des moeurs publiques a souligné la priorité à donner au contrôle administratif de la légalité.
– La crise civique de contestation ou d’indifférence par rapport à l’intérêt général a incité le préfet à réanimer les circuits de participation à la chose publique : en particulier la perte de confiance subie par les corps intermédiaires (syndicats, collectivités, associations) provoque un vide civique.
– La crise politique, donnant lieu aux alternances électorales et à la cohabitation, a fait évoluer le comportement du préfet, partagé entre l’attentisme et l’engagement politique.
– Quant à l’évolution de l’administration territoriale, accentuée par la décentralisation et par l’incidence croissante des directives européennes, elle a provoqué une adaptation du préfet au nouveau rôle de l’Etat. En 1982, avec le transfert de l’exécutif des départements, on a voulu changer le titre, mais le commissaire de la République est vite redevenu préfet parce que sa fonction d’Etat était confirmée et non modifiée.
c) On assiste à un paradoxe surprenant, à propos de la fonction préfectorale. D’une part l’institution du préfet est de plus en plus contestée par le jeu des idées, dans l’air du temps, découlant des prétendus modèles européens, du libéralisme ambiant, de la décentralisation mal comprise, de la déréglementation, de la dictature du marché. D’autre part, dans le même temps, les gouvernements et l’opinion ne cessent de charger les préfets de toutes les missions prioritaires : la sécurité publique, le contrôle de légalité, la lutte contre les pollutions, le combat pour l’emploi, la paix dans la ville, la sécurité routière, la chasse, l’immigration clandestine, le logement social, la mixité sociale, etc… On a l’impression que les pouvoirs publics confient aux préfets le soin de trouver sur le territoire les solutions que le pouvoir central est incapable de dégager ou d’imposer au plan national.
Devant cette évolution, quelque peu désordonnée, parce que privée de directions claires, et encombrée de priorités mêlées et concurrentes, on invente alors un nouveau terme pour définir la mission d’un ƒtat incertain, qui s’éloigne pour prendre de la hauteur et de la distance, celui de régulation. Il s’agit d’une nouvelle forme d’autorité qui assure la compatibilité de décisions multiples et la conformité de tous à la logique de l’action publique. Mais cela peut aussi constituer une manière insidieuse d’affaiblir l’Etat au profit de nouvelles ambitions. – En conclusion, on s’aperçoit que les profondes et successives mutations intervenues au cours de notre histoire, ancienne et récente, auraient pu, ou dû, avoir raison de l’institution du préfet, si elle avait été circonstancielle. En fait son maintien, non pas pour des motifs corporatistes, mais pour une raison majeure et supérieure d’intérêt public, démontre que la fonction de préfet est certes un métier qu’on apprend, mais pour qu’elle ne se confond pas avec ce métier. C’est une mission nationale dont la plasticité n’est pas le moindre mérite, qui s’enracine dans la société et s’incarne dans des hommes. Si le préfet, ni napolénonien ni caméléonien, a pu traverser ces épreuves d’adaptation incessante, sans être vraiment le même ni tout à fait un autre, c’est qu’il répond pour la France à un besoin des pouvoirs publics et des citoyens. En allant plus au fond, on peut dire que cette fonction vit au rythme de la société, parce que, au delà de la compétence professionnelle, la mission exige de son titulaire une vocation de service et une mystique de république.II – Le combat contemporain pour l’intérêt général Ce défi appelle une convergence des pouvoirs publics et des citoyens dans l’action.
Aujourd’hui, le préfet subit le contrecoup de la crise sociale, il est au cœur de la recherche d’un ƒtat mieux adapté à ses missions, et il modèle son comportement pour être en phase avec cette période historique de transition que nous vivons. C’est bien toujours le même besoin de trait d’union auquel la fonction s’efforce de répondre.· 1. La crise de l’Etat, qui exprime celle de la société, crée un contexte de destabilisation, et l’intérêt général sacrifié en fait les frais.
· la dérive des moeurs, résultant de l’individualisme, de la corruption, de la perte d’autorité, éloigne de la chose publique
· les institutions sont à leur tour ébranlées, par le procès instruit contre l’ƒtat, par le vent mondialiste qui transporte le libéralisme et le fédéralisme, par les courants contraires de l’intégration et de l’autonomisation.
· la collusion entre le pouvoir, l’argent et l’image médiatique creuse l’écart entre l’intérêt général et les citoyens, tandis que l’action politique, en porte à faux, laisse la place au gouvernement des juges et à la dictature des médias.
Il semble même que cette situation nouvelle enregistre une aggravation accélérée.2. L’Etat est à la recherche d’un nouvel équilibre et son représentant préfectoral participe au mouvement, dans trois directions.
Au lieu de perdre les repères de base à travers les critiques du plus ou moins d’ƒtat, on peut orienter les réflexions sur les dimensions de l’ƒtat moderne, qui doit être essentiel, territorial, partenarial, et non forcément modeste.
a) Représentant de l’ƒtat essentiel, c’est à dire en charge des responsabilités dont il ne peut pas s’exonérer, le préfet, délégué du Premier Ministre et de chacun des ministres, est chargé de veiller sur le territoire aux intérêts nationaux et d’y associer le plus grand nombre de responsables et de citoyens.
Ces missions essentielles correspondent aux priorités de la Nation, exprimées par le gouvernement et par le législateur et confèrent au préfet des attributions primordiales.
– Gardien de la règle de droit, le préfet assure, dans sa circonscription, la sécurité et le respect des lois. L’ordre public républicain, entendu comme l’ordre de la loi et des libertés, ne se limite pas à l’absence de troubles et au rétablissement du droit, car il a surtout pour finalité de mettre en place les conditions de la paix civile, c’est à dire les équilibres économiques et sociaux, notamment l’emploi et l’insertion, qui garantissent l’harmonie des relations sociales.
Cette mission première est symbolisée par les feuilles de chêne et d’olivier entrelacées que le préfet porte sur les parements de son uniforme et qui rappellent la force de l’ordre et la paix de la République. Ce symbolisme résume le cœur de la fonction préfectorale au service du bien public.
– Partenaire des acteurs économiques, particulièrement du secteur privé des entreprises, le préfet contribue à l’animation du développement en vue de l’emploi, et, à cet effet, il doit se préoccuper autant que possible de lever les freins, de rendre intelligibles les procédures, de réduire les formalités administratives, de soutenir l’effort des acteurs économiques.
– Protecteur des citoyens les plus faibles, en raison des handicaps et des blessures de la vie, le représentant de l’ƒtat a une mission de solidarité, pour faire converger l’ensemble des politiques de compensation des inégalités et des exclusions vers l’objectif de cohésion sociale. En ce sens, comme l’ƒtat, il tient les deux bouts de la chaîne de l’unité, l’encouragement des plus performants et la solidarité envers les défavorisés.
– Pionnier de l’Etat stratège, le préfet est un acteur principal de l’avenir du pays, sous l’angle de l’espace, pour conduire les procédures d’aménagement du territoire et de la réalisation des grands ouvrages d’utilité publique, et au regard du temps long, pour animer la planification régionalisée et contractuelle (dont le contrat de plan est la meilleure illustration).b) Représentant de l’Etat territorial, par opposition à l’Etat central, le préfet, de nature interministérielle, personnifie une position antijacobine, contrairement à une idée reçue faisant du préfet un agent de la centralisation.
– Par la déconcentration, il est dépositaire de l’autorité de l’ƒtat sur le territoire, en région ou en département. La déconcentration présente trois avantages : d’abord correctif de la centralisation, ensuite corollaire nécessaire de la décentralisation, enfin, et de plus en plus, moteur et levier de la réforme de l’ƒtat.
La déconcentration dépasse le simple pouvoir de représentation juridique et confère au préfet des attributions administratives, ministérielles et un pouvoir effectif de décision, engageant par sa signature tous les ministres de l’ƒtat, y compris sur le plan financier. La globalisation des enveloppes de crédits d’Etat et les contrats entre l’Etat et les collectivités locales concrétisent l’ambition française d’un ƒtat administrant le territoire par les collectivités locales décentralisées et par les services déconcentrés (selon les termes mêmes de la loi du 6 février 1992 sur l’administration du territoire de la République).
– Comme délégué du Premier Ministre et de chacun des ministres, le préfet a la direction de l’action des administrations civiles de l’Etat. Il est à la tête du réseau de l’Etat sur le territoire, chargé de coordonner et d‘animer les grandes politiques publiques, d’adapter l’organisation des services et de les entraîner vers le meilleur service public.
– A l’échelon régional, le préfet de région a la responsabilité stratégique de contribuer au croisement des politiques nationales, des directives européennes, des actions régionales, des initiatives locales, comme chef de l’équipe des préfets dans la région, et du collège des chefs des services déconcentrés, en concertation étroite avec le président du conseil régional et les autres exécutifs locaux élus. Le contrat de plan Etat-région et le document unique de programmation de l’Union européenne traduisent concrètement cette responsabilité opérationnelle sur le territoire même.c) Bien entendu, malgré le caractère personnalisé de sa responsabilité, le préfet ne saurait agir seul pour accomplir sa mission. Au sein d’un Etat partenarial, il appelle le concours des composantes de la Nation pour se retrouver ensemble sur les chantiers des actions publiques.
– Vis à vis des collectivités locales, le préfet entretient des relations permanentes de contrôle de légalité pour encourager la veille sur l’Etat de droit, de dialogue confiant, et d’action concertée ou contractualisée.
– Avec les entreprises et les associations, la gestion déléguée de service public et les concessions réalisent le partage des responsabilités dans le partenariat public-privé.
Serait-il possible que l’ensemble des cadres dirigeant de la Nation, qu’ils soient publics ou privés, élus, fonctionnaires, ou responsables d’entreprises, acceptent de reconnaître leur solidarité et de contribuer à la promotion des intérêts généraux de nos concitoyens ?

3. Pour parvenir à cette convergence, le préfet pratique un art et une manière qui lui sont propres.
a) L’autorité de l’Etat dont il est dépositaire, il l’exerce comme un service et non comme un pouvoir de domination. L’esprit doit être celui de l’étymologie : l’auctoritas est ce qui permet d’augmenter, d’accroître, de faire grandir (à la différence de l’imperium qui contraint). Le représentant du gouvernement n’est pas un agent d’exécution, il dispose d’une marge d’appréciation de l’opportunité, d’ajustement équitable aux situations réelles, en vue d’une valeur ajoutée.
L’autorité démocratique déléguée par le peuple souverain a besoin de deux compléments : le dialogue et le partenariat. Le dialogue permet d’écouter, de comprendre et de faire comprendre. Il prépare et enrichit la décision. Le partenariat accompagne la mise en application de la décision.
L’autorité se manifeste d’abord par la décision. Le dialogue et le débat public ne peuvent servir d’alibi. Egalement la médiation, l’arbitrage et la régulation sont des formes d’autorité que la démocratie exige de plus en plus.
b) Le style est aussi bien celui de la décision que de la magistrature d’influence. En effet, la personnalité est essentielle. Le préfet donne un visage à l’Etat et il enrichit la fonction par la dimension humaine. Chaque préfet peut tailler son uniforme à la mesure de sa personnalité.
La coopération est l’objectif constant du préfet qui cherche à faire travailler ensemble des acteurs différents et qui souvent s’ignorent ou se combattent. Trois stades traduisent cette coopération : la consultation ou le recueil d’avis, la concertation ou la mise au point d’un projet collectif, la contractualisation ou la mise en commun d’objectifs, de moyens. L’évaluation des résultats apprécie enfin l’efficacité de l’action et inspire les réformes.
L’attitude du préfet a changé depuis le temps où il était exécutif du département et faiseur de compromis. Aujourd’hui, il est médiateur dans les conflits sociaux, animateur du développement local, entraîneur pour l’emploi, chef de l’administration, négociateur des contrats de plan et surtout décideur pour l’Etat.
Cela exige une forte implication personnelle, la création de liens de confiance, un effort permanent de communication.
En définitive, pour mener à bien ce métier, le missionnaire de la république doit avoir la passion de l’Etat et de la chose publique, ainsi que l’amour de la population, afin de n’appartenir à personne et d’être au service tous.
En sera-t-il toujours ainsi ?III – C’est le moment crucial d’un nouvel élan pour relever le défi de la réforme et pour actualiser les valeurs civiques.
Le représentant de l’Etat a la mission d’adapter les textes et les institutions à la vie de la société.
1. Quel est l’avenir du corps préfectoral après 200 ans d’évolution dans la continuité ?
La question, au demeurant, n’a pas d’importance, car ce corps n’en est pas un et le corporatisme n’a pas lieu d’être. En effet, n’ayant aucune garantie statutaire ou syndicale, l’institution préfectorale ne repose que sur la confiance du gouvernement et sur le besoin des citoyens. C’est le service rendu qui légitime le maintien de la fonction préfectorale.
Il y aura des préfets tant que le peuple et son Etat auront besoin de décideurs déterminés, d’intermédiation dans une société complexe et divisée en elle-même, d’humanisation face à la loi du marché et à l’imbroglio des structures et des procédures, de flexibilité pour tenir compte des réalités par rapport à la loi. En fait, il s’agit d’un besoin d’intelligence administrative.
Le jour où les élus locaux prendront spontanément leur part dans la gestion des intérêts nationaux, où les citoyens se comporteront en gardiens de la loi et de l’ordre, où chaque responsable public ou privé contribuera à l’œuvre collective où la morale individuelle rejoindra la moralité collective, alors on n’aura nul besoin d’un trait d’union entre l’individu et l’organisation sociale. Mirage ou utopie ?
La meilleure question est ” quel Etat pour quelle société ” ? La réponse est incertaine. L’avenir de la fonction préfectorale dépend essentiellement de la performance du service rendu aux citoyens et, de façon aiguë et urgente, de la réforme de l’Etat.
En effet, de nos jours, si le représentant de l’Etat s’efforce d’accomplir sa mission, il ne pourra guère réussir tant qu’il servira un Etat sclérosé, rigidifié par statut, paralysé et divisé en lui-même, et incapable de se réformer. Il s’ensuit deux risques qui menacent le corps préfectoral, comme l’ensemble de la haute fonction publique : l’attraction du secteur privé et la politisation. Dans les deux cas, il s’agit du risque de la sélection naturelle par l’argent ou par le pouvoir.
La réaction qui s’impose passe par l’impératif de réforme et par le retour des valeurs de la république.
En effet, le préfet se trouve trop souvent dans la position d’un Gulliver incapable de s’élancer comme il le voudrait, car il en est empêché par mille fils qui le tiennent attaché au sol.2.- L’exigence de la réforme concerne trois domaines solidaires : l’administration, le corps préfectoral, l’Etat.
a) La révolution administrative suppose un assouplissement des articulations et un retour à la justification de la fonction publique par le service du public et non l’intérêt du fonctionnaire.
– La ressource humaine appelle une politique lucide et courageuse pour réduire le nombre et accroître la qualité. L’effectif de la fonction publique doit être allégé des bataillons d’agents qui pourraient correspondre aux délégations de l’Etat aux collectivités locales ou au secteur privé. Ceux qui resteraient attachés à l’Etat en raison de leur forte expertise gagneraient en considération et en rémunération. Les administrations centrales regroupées sur un plan interministériel n’auraient plus leur correspondance directe avec les services au niveau territorial. Il s’agirait d’un refonte des services en fonction des missions à accomplir.
– Le renouvellement qualitatif ne sera efficace que si le mérite, ” le talent et la vertu ” et la vocation au service public sont les seuls critères de choix et de promotion. IL faut mettre un terme à l’emprise sur l’administration par une caste dirigeante issue des mêmes filières. A la limite, si la tendance persistait, on pourrait croire que c’est le bureau des anciens élèves de deux ou trois grandes écoles qui dirige l’administration française. Sinon, il faudra réfléchir au système américain qui repose sur une symbiose entre l’administration politique et l’entreprise privée.
– Or la vocation de servir l’Etat et non les circuits du pouvoir, est à la source des vertus cardinales qui font encore l’honneur de la fonction publique française : l’impartialité, la neutralité, l’intégrité et le professionnalisme. Dans cet esprit, la reprise de confiance des citoyens dans leurs administrations passe par l’exigence d’un service minimum compatible avec le droit de grève.
– L’ouverture des corps à l’interministérialité et les échanges entre secteur public et secteur privé seraient de nature à concevoir une mission commune des cadres dirigeants de la Nation, indépendamment des origines.
– En effet, la panacée que paraissent constituer les nouvelles technologies d’information et de communication aura un effet limité dans la mesure où on confond le moyen de traitement par rapport à la finalité de l’administration et au contenu des informations.
b) Le corps préfectoral ne saurait s’exonérer d’une reconstitution urgente de ses missions et de son comportement. Il s’agit bien de respiration et d’ouverture.
Tout d’abord, il faut reconnaître au préfet la possibilité et même l’obligation de se comporter en acteur de la réforme, en expérimentant des formules novatrices, en utilisant la marge d’ajustement réglementaire, en regroupant les forces de l’Etat actuellement dispersées ou pulvérisées en une multitude de services. Il ne faut pas retrouver au plan territorial l’architecture administrative des ministères. Il importe de regrouper en quatre ou cinq grandes directions, autour de la Préfecture, Maison de l’Etat, les missions de sécurité et contrôle, de développement, de solidarité, de gestion de l’espace territorial.
La déconcentration doit être poussée dans sa logique pour faire du préfet le véritable représentant interministériel et donc le rattachement du corps préfectoral pour action, au premier ministre traduirait une réalité de fait, tout en maintenant la gestion des personnels auprès du ministre de l’Intérieur.
Il importe de veiller à préserver la professionnalisation de la représentation de l’Etat, meilleur antidote de la politisation menaçante. A cet effet, il sera nécessaire d’ouvrir plus largement encore l’accès au corps des sous-préfets à tous les volontaires des différents ministères, désireux d’accomplir une carrière interministérielle d’administration générale. L’accès au grade de préfet pourra intervenir dans une saine compétition ouverte à tous ceux qui ont fait leur preuve sur le territoire et pas seulement dans les cabinets ministériels. Il devrait en être de même pour les grands corps de contrôle ou les direction centrales. L’accueil et l’échange entre fonctionnaires et cadres privés pourraient favoriser un sang nouveau.
La déconcentration accentuée appelle une forte et systématique globalisation des crédits d’Etat, et une responsabilité soulignée pour mettre en œuvre les politiques publiques prioritaires et pour juger les hommes sur les résultats atteints.
La fonction de contrôle de légalité reste primordiale et suppose la création d’une expertise juridique dans chaque préfecture.
c) La réforme de l’Etat constitue le préalable à la réforme de l’administration, contrairement à la pratique gouvernementale faisant croire que des trains de mesures correctives de procédures peuvent tenir lieu de réformes de structure. C’est d’une complète recomposition qu’il s’agit et non d’une simple adaptation.
– Le recentrage des missions sur un Etat essentiel répond d’une part à l’efficacité et à la performance d’un Etat territorial et partenarial, d’autre part à l’allégement d’une administration surdimensionnée qui est à l’origine de l’excès de prélèvements obligatoires par la voie fiscale. La baisse durable de la charge fiscale passe impérativement par la réduction des dépenses publiques, la baisse des impôts étant la conséquence et non l’objectif premier.

– Deux moteurs de réforme doivent être accélérés.
La déconcentration peut être utilisée comme un coin enfoncé dans l’appareil administratif et l’interminstérialité généralisée aboutira au regroupement des services et à la fongibilité de la ressource humaine autour des missions prioritaires.
La décentralisation ne pourra être utilement accrue par transfert de compétence que si l’esprit de concours à l’intérêt national l’emporte sur l’esprit de clocher, si la réduction des cumuls clarifie les responsabilités nationales ou locales, si les niveaux territoriaux sont réajustés et spécialisés.
– En effet, la carte administrative ne peut plus correspondre à un Etat moderne, membre de l’Union européenne. Il est d’abord souhaitable et possible de dissocier les circonscriptions de l’Etat et celles des collectivités locales.
Pour l’Etat, il est nécessaire de réviser la carte des sous-préfectures (depuis 1926), celle aussi des préfectures (200 ans) dont certaines pourraient être regroupées, et d’envisager la création de six grandes régions (selon les zones de défense) correspondant à l’aménagement du territoire à l’échelle européenne et pouvant accueillir les grandes directions ministérielles techniques, réparties sur le territoire.
Pour les collectivités décentralisées, à défaut de pouvoir choisir entre les quatre niveaux, il conviendrait de les spécialiser : à la commune le terreau de la démocratie, à l’intercommunal la décision et la gestion opérationnelle, au département la gestion et la péréquation de certains services publics, à la région la stratégie du développement, en concertation contractualisée avec l’Etat.
Osera-t-on trancher ce problème majeur lié au cumul des mandats dont le coût financier, psychologique, politique porte préjudice à la vie civique locale ?
En effet, il faudra surmonter l’absence de volonté politique et le corporatisme syndical. Ce sera un test de courage et de force républicaine.
Il apparaît évident que le recours au peuple souverain par le référendum pourrait soulager la mauvaise conscience des milieux politiques qui se comportent en syndicats de défense des situations acquises.
De plus, l’approche territoriale d’expérimentation de réforme par les préfets serait une meilleure voie pour désamorcer le blocage syndical au niveau central. Le préfet est chargé de diriger les services de l’Etat, d’encourager la productivité, de regrouper les services, d’organiser la mobilité des agents. L’Etat territorial implique que le mouvement de réforme parte du terrain et mette un terme au parisianisme qui est le pire avatar du jacobinisme.3. L’enjeu des valeurs est au cœur de la réforme.
Il faut retrouver l’art de vivre en république.
– A cet égard, la relève des générations sera inévitable pour régénérer la vie publique. Le pouvoir politique, pollué par les aventures individuelles égocentriques et par la médiocrité des partis politiques en décomposition, est en train de glisser des mains du personnel politique. Les milieux socio-économiques ne l’ont pas encore saisi, ce qui explique l’absence de cap et de destin collectif. Le juge et le journaliste occupent le terrain en développant leur volonté de puissance sur la masse des citoyens, désorientés par les procès et intoxiqués par l’air du temps médiatique, aussi changeant que la météorologie.
– Ainsi, de même que l’Etat a assemblé les provinces pour créer la Nation, de même notre Etat décentralisé et déconcentré pourra conduire la Nation en bon ordre vers l’Europe,. L’identité et l’unité de notre Etat-Nation pourront être conciliées avec le nécessaire élargissement de la souveraineté à l’échelle européenne des nouvelles libertés à conquérir.
– Pour le corps préfectoral, on peut se demander ce qui peut encore faire courir préfets et sous-préfets, dans ce monde si incertain.
La réponse est au niveau des valeurs de notre civilisation. Un triple tropisme encourage et soutient l’ardeur des représentants de l’Etat : le service de l’homme-citoyen, la promotion de l’intérêt général, le chantier de l’œuvre commune.
Il y a encore de beaux jours pour les jeunes générations qui privilégieront le service sur le pouvoir ou l’argent. Il faut avoir aussi conscience que, dans le monde, de nombreux pays, en recherche d’équilibre entre la liberté et l’unité, regardent du côté de l’expérience française pour ne pas subir, sans contrepoids, le modèle anglo-saxon du ” prêt-à-administrer “.
Pour la France, on peut douter que l’institution préfectorale ait favorisé le bonheur des Français, mais on peut être certain que sa suppression ne serait pas indifférente à leur malheur !

En conclusion, on peut penser que nous vivons une époque de transition, la décomposition apparente ne doit pas occulter les germes de renouveau qui peinent à traverser la croûte de nos institutions vieillies.
La prétention des réformes institutionnelles ne peut pas faire l’économie du changement des comportements.
Le conseil de Montesquieu nous rappelle l’esprit général d’une société : ” Lorsque l’on veut changer les moeurs et les manières, il ne faut pas les changer par les lois, il vaut mieux les changer par d’autres moeurs et d’autres manières “.
S’agit-il d’une utopie de plus pour notre temps impossible ? Le Cardinal de Retz nous aide à réfléchir : ” Toutes les grandes choses qui ne sont pas exécutées paraissent impraticables à tous ceux qui ne sont pas capables de grandes choses. “.