Séance du lundi 17 avril 2000
par M. Paul Delpérée
Il est, à propos du juge, une expression familière et exacte, à la fois. Elle circonscrit la fonction du juge au sein de l’État. Le juge, dit-on, rend la justice .
Sous un chêne, dans un prétoire ou sous les lambris du Palais Royal… Là n’est pas l’essentiel. L’important, c’est que le juge “rende” la justice. Au sens précis du terme, le juge ne crée pas la justice. Il la rend. Il la restitue à celui qui la lui a donnée.
La justice n’est pas aux mains des pouvoirs — ou d’un pouvoir —. Elle n’est pas la propriété des juges – ou du juge -. En réalité, la justice appartient à chaque citoyen.
Montesquieu le soulignait, il y a deux siècles et demi. La fonction de juger occupe une place singulière parmi les fonctions étatiques. C’est une fonction qui ne s’exerce pas d’initiative. C’est une activité qui n’est pas spontanée. Le juge est sans pouvoir s’il n’est pas “saisi” aux fins de remplir son office.
En ce sens, le citoyen est initiateur de justice. C’est lui qui saisit le juge, qui déclenche son intervention, qui confère à l’intervention du juge sa légitimité, sinon son autorité.
Le citoyen joue ici un rôle irremplaçable. Comme l’écrit Jean Rivero, le juge “n’existe que par lui ” – le citoyen -, la justice n’existe que ” pour lui “.
Le juge, effectivement, ne vient qu’en second ordre. Le temps du litige, il devient dépositaire de la justice. Il lui est demandé de la dispenser. Il a mission de restituer la justice aux parties au litige.
L’on rassemble sur ce double thème – celui de la justice donnée et celui de la justice rendue -, quelques réflexions.I.— La justice donnée.
Pierre Drai décrit ainsi l’oeuvre de justice. “Deux hommes sont en présence l’un de l’autre. Et voici qu’un troisième homme est appelé à la rescousse, pour s’interposer, séparer et tenter de rendre à chacun son dû”. Et l’éminent magistrat d’ajouter: “Peut-être (ce troisième homme) arrivera-t-il au bonheur suprême, celui de les réconcilier et d’instaurer la paix entre eux”.
Je serais tenté de compléter l’apologue de la manière suivante. Si le troisième homme ne réussit pas à faire oeuvre conciliatrice, il rendra néanmoins service à la société. Il tranchera le litige qui empoisonne les relations entre les protagonistes. Il contribuera à restaurer l’harmonie du corps social.
Le citoyen a besoin de justice, comme de pain. Ce besoin est normalement rencontré dans l’État de droit. Des réponses structurelles se sont imposées, chemin faisant. Des institutions de justice ont été mises en place. Ces institutions ont reçu mission de juger de toute chose, y compris des affaires de l’État. Des jurisprudences novatrices ont pu voir le jour.
Aujourd’hui, cependant, ces réponses ne sauraient suffire. Le développement même des tâches de justice appelle moins des réponses institutionnelles que des réponses fonctionnelles. Le citoyen forme un voeu. Il aspire à une justice plus cohérente et plus ordonnée. Sera-t-il possible de tenir compte de ces nouvelles préoccupations ?
1.— Les réponses structurelles.
La démarche citoyenne ne peut avoir un sens que si l’État a établi un appareil juridictionnel approprié. Le citoyen a le droit de s’adresser à la justice. Mais, comme dans un jeu de miroirs, l’État a le devoir de constituer des institutions de justice.
La Convention européenne des droits de l’homme souligne la double portée de cette obligation constitutionnelle.
L’État doit, d’abord, organiser des recours effectifs. Le premier droit de l’homme, c’est le droit de disposer d’un juge qui assure la protection effective de ses droits.
Mais il est une deuxième préoccupation, plus significative encore. Des recours effectifs doivent être organisés, en toute circonstance. Ils doivent l’être même si ” la violation (des droits et libertés) a été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles “.
Des procès doivent pouvoir être faits à l’État, à ses services, à ses personnels, de manière concrète aux ministres, aux agents publics, à tous ceux qui détiennent une parcelle de la puissance publique.
L’on touche ici du doigt un mystère — ou un miracle, comme l’écrit notre confrère Prosper Weil —. C’est le miracle de l’Etat de droit. L’État organise son propre procès. Comme au théâtre de Lyon, le gendarme prépare les verges avec lesquelles Guignol s’apprête à le battre.
L’État met en place un appareil de justice qui permet au citoyen de ” le ” contester, lui et ses personnels. Il institue des juges qui seront en mesure de ” le ” condamner ou de censurer ses interventions.
Rien n’échappe à cette vague auto-contestataire. Ni la loi qui doit pouvoir être confrontée à la Constitution. Ni les actes et règlements dont la conformité à la loi doit pouvoir être vérifiée. Ni les comportements de l’autorité publique qui peuvent engager sa responsabilité pécuniaire. Ni les infractions commises par ses agents qui peuvent justifier l’exercice de la justice répressive.
Bref, il faut un juge. Il faut notamment un juge qui, à la requête du citoyen, accepte de juger l’État. Si ces principes institutionnels ne sont pas acceptés, si ces techniques juridictionnelles ne sont pas mises en oeuvre, la réalisation de l’État de droit est, pour l’essentiel, compromise.2.— Les réponses fonctionnelles.
Le citoyen peut, cependant, éprouver à l’encontre de l’appareil et des procédures de justice des sentiments partagés. Il confie la justice au juge, mais cette confiance reste réservée.
Le citoyen ne peut cacher son incrédulité. L’État juge l’État… Soit. Mais fera-t-il preuve, à cette occasion, de l’impartialité requise ? Bénéficiera-t-il du recul nécessaire ? Trouvera-t-il en lui-même suffisamment de sérénité et de détachement ?
Avec cette question accessoire. Quelle justice pour l’État ? Juge-t-on l’État comme on juge un particulier ? L’État réclame-t-il, au contraire, un juge spécialisé ? Le juge de l’administration, notamment, ne doit-il pas provenir de l’administration même, voire y résider ?
La plupart des États européens n’hésitent pas à s’inscrire dans une perspective dualiste. Il faut un juge pour les conflits entre particuliers, il faut un autre juge pour les conflits entre l’État et les particuliers. Sans compter que ce deuxième juge, investi de tâches juridictionnelles, aura, tels les Conseils d’État construits sur le modèle napoléonien, une autre mission qui est de conseiller l’État dans l’exercice de la fonction législative et réglementaire.
A ce moment, le citoyen éprouve quelque difficulté à comprendre les subtilités de la théorie du dédoublement fonctionnel…
Le citoyen ne peut s’empêcher aussi de dire son désarroi. Il n’y a pas qu’une justice. Il y en a plusieurs. Le citoyen éprouve quelque difficulté à trouver les portes des prétoires qui lui sont pourtant grand ouvertes. Il est confronté au morcellement des appareils de justice et à la diversité des procédures pour y accéder.
A supposer que le citoyen parvienne à découvrir les voies de droit qui s’ouvrent à lui, le voici confronté à de nouveaux choix. Ce sont des choix stratégiques. Pourquoi saisir tel juge plutôt que tel autre ? Que faut-il attendre de celui-ci ou de celui-là ? Les droits et les intérêts seront-ils également protégés ? Est-ce une même justice qui, sous des formes distinctes, va être procurée?
Le phénomène est saisissant et préoccupant à souhait. Les interventions juridictionnelles se multiplient et se diversifient. Il y a un besoin toujours plus grand de justice. Mais l’appareil de justice n’y répond pas de manière unifiée.
La puissance de juger, comme disait encore Montesquieu, se fragmente. Elle passe en de multiples mains. Il n’est pas excessif de considérer que la justice explose à l’intérieur comme à l’extérieur de l’État.
A-t-on pris la juste mesure de ce phénomène de désintégration.
A l’intérieur de l’État, le citoyen peut avoir à faire à la justice constitutionnelle, à la justice administrative, à la justice judiciaire, sous ses différentes formes – civile, pénale, sociale…-.
Des institutions spécialisées de justice sont mises en place. Elles ne se distinguent guère à raison des matières qu’elles traitent. Un même litige peut, sous diverses facettes, faire l’objet d’appréciations différentes, selon qu’il est soumis à l’une ou à l’autre juridiction.
Il suffit de prendre l’exemple du contentieux électoral. Dans plusieurs États européens, le contentieux des élections législatives est porté, pour l’essentiel, devant le juge constitutionnel. Les actes détachables de l’élection, eux, peuvent être soumis au juge administratif. Si des droits et libertés sont menacés à l’occasion du scrutin, le juge judiciaire, statuant au contentieux de l’urgence, peut prendre les mesures provisoires que requiert l’imminence des échéances électorales. Quant au juge répressif, il peut s’attacher à réprimer les fraudes. Sans perdre de vue le contrôle que des autorités administratives indépendantes peuvent exercer sur le déroulement de la campagne à la radio ou à la télévision.
Les candidats, les élus, leurs conseils, les juges eux-mêmes, sans parler des électeurs-citoyens, se retrouvent-ils dans un tel labyrinthe ?
Ces situations enchevêtrées ne peuvent manquer de susciter des conflits. Des conflits positifs, quand deux autorités de justice entendent se saisir, au même moment, d’une même difficulté. Des conflits négatifs, quand deux autorités de justice rechignent l’une et l’autre à examiner la question posée et déclinent tour à tour leur compétence. Ces chicanes entre clercs donnent une mauvaise image de la justice.
Le démantèlement de l’oeuvre de justice est plus manifeste encore si l’on tient compte des développements récents de la justice internationale.
Les juges nationaux trouvent des relais dans l’ordre international. A Strasbourg, à Luxembourg, à Genève et bientôt à La Haye, il y a désormais d’autres juges qui sont prêts à condamner les États ou leurs démembrements. Il y a d’autres juges qui sont prêts à se prononcer sur la responsabilité des chefs d’État, des ministres, des parlementaires, des fonctionnaires ou des militaires…. Il y a d’autres juges qui sont prêts à dénoncer de différentes manières la violation des droits fondamentaux par les autorités nationales.
De ce point de vue, la convention de Rome établissant le statut de la Cour pénale internationale est exemplaire. Elle oblige à réviser de fond en comble les cadres constitutionnels les mieux établis.
Le chef de l’État n’est plus inviolable, le ministre n’est plus amené à comparaître devant un juge spécialisé, telle la Cour de justice de la République, le parlementaire n’est plus irresponsable… Et ainsi de suite. Désormais, chacun d’eux doit éventuellement répondre de ses actes devant la Cour pénale internationale de La Haye.
Chacun se réjouira de cette évolution s’il s’agit de censurer les crimes les plus manifestes et les plus odieux contre l’humanité. Chacun s’en inquiétera dès l’instant où des indignations sélectives et des investigations orientées pourraient conduire à traiter de manière discriminatoire les responsables politiques des États de la planète.
De manière plus fondamentale, il semble que le citoyen aspire à une justice plus cohérente et plus ordonnée.
Le besoin de cohérence s’impose avec netteté.
Le citoyen ne comprend pas que, lorsqu’il est question de juger l’État, les juges de l’État refusent de dialoguer, qu’ils s’ignorent ou qu’ils se concurrencent.
Le citoyen s’étonne de voir les juges de l’État consacrer une part importante de leur temps, sinon de leur énergie, à régler des querelles de bornage. Comme si l’essentiel était de préserver un pré carré plutôt que de statuer au fond et de départager des prétentions opposées.
Le citoyen s’inquiète encore du silence du législateur qui pourrait utilement intervenir pour mettre, à tête reposée, de l’ordre dans quelques contentieux poussiéreux.
Un besoin d’ordre pourrait également s’imposer. Les juges nationaux et les juges internationaux, en particulier, devraient apprendre à ordonner leurs interventions et à instaurer entre eux un ordre de priorité logique et chronologique. Ces juges pourraient, en l’occurrence, s’inspirer du principe de subsidiarité.
Le citoyen se réjouit de voir la Cour européenne des droits de l’homme n’intervenir que lorsque les voies de droit ont été épuisées dans l’ordre interne. Il s’inquiète lorsque la même Cour entreprend de rejuger, sur la scène internationale, ce qui a déjà fait l’objet d’un examen complet dans l’ordre national.
Le citoyen se réjouit de voir que le juge national marque une vive attention aux exigences du droit international, en particulier, à celles du droit européen. Il s’inquiète lorsque ce même juge national est invité par des traités, voire par des lois, à exercer des compétences juridictionnelles qui sont illimitées dans l’espace et dans le temps.
La mise en oeuvre du principe d’universalité conduit, par exemple, des juges nationaux à sanctionner, en dehors de toute référence géographique, les violations du droit international humanitaire – quel qu’en soit l’auteur, quel qu’en soit l’objet, quelle qu’en soit la victime -.
Le citoyen se réjouit de voir la justice nationale vivre à l’heure de la mondialisation. Il s’inquiète d’apprendre que des questions importantes comme celle des rapports du juge constitutionnel et du juge européen, ou celle des rapports du juge administratif et du juge international ne sont toujours pas résolues.
Le progrès de l’État de droit n’est pas lié à la démultiplication des instances de contrôle. La complexité n’est pas nécessairement signe de progrès. Il faut affiner les moyens de contrôle. Il faut instaurer une gradation entre les interventions. Il faut conserver à l’appareil de justice une certaine simplicité.
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II. — La justice rendue.
Le citoyen s’est, comme on dit, remis à justice. Confiant ou résigné, peu importe. Il appartient maintenant au juge de procurer la justice. Il lui revient de rendre la justice au citoyen.
Comment le juge va-t-il s’y prendre lorsqu’un citoyen le saisit d’un litige qui l’oppose à l’État ?
Le juge ne saurait évidemment dénier sa compétence. Il doit oublier qu’il est un des rouages de l’appareil de l’État. Il doit exercer la fonction de juger de manière équilibrée. L’arrêt qu’il prononce dira alors quelle est la vérité juridique qui s’impose. Cette vérité s’impose à tous, y compris à l’État .
Mais l’oeuvre de justice ne peut s’arrêter là. La justice doit être restituée au citoyen. Pas seulement dans les sentences mais aussi dans les faits. En somme, elle doit être exécutée.
La justice, c’est la balance, mais c’est aussi le glaive. De nouvelles responsabilités pèsent ici sur les juges de l’État et sur l’État lui-même. Elles se situent, pour l’essentiel, en amont et en aval de l’oeuvre de justice.
1— Les procédures en amont.
Il est nécessaire, comme le relève Bernard Stirn de combattre “la mosaïque actuelle des procédures d’urgence” – référé, sursis à l’exécution, procédure d’urgence et d’extrême urgence, recours spécifique dans le contentieux des étrangers, et ainsi de suite -.
Il manque une voie simple et rapide, comparable à celle du référé civil, qui permette au juge de faire cesser un trouble manifestement illicite. ” Nul n’a à gagner, écrit l’éminent conseiller d’État, à ces désordres qui ne font, en définitive, que compliquer et ralentir le cours des procédures “.
Il manque aussi une voie unique qui conduise le citoyen à s’adresser en toutes circonstances au juge administratif pour qu’il connaisse de tels contentieux et qui ne l’amène pas à s’éparpiller dans les procédures judiciaires et administratives de référé pour obtenir satisfaction.
2— Les procédures en aval.
Il faut s’interroger, une fois de plus, sur le caractère effectif des décisions de justice lorsqu’elles concernent l’État. Il faut ” évaluer le degré de traduction dans la réalité des décisions que rend le juge de l’État ” (J.-P. Costa).
La décision de juge n’a pas de sens si elle n’est pas suivie d’effet. La décision qui condamne l’État n‘a pas de sens si l’État ne consent pas à l’exécuter.
Que faire lorsque l’État est la partie perdante ? Comment exécuter un jugement contre l’État ? comment le contraindre à remplir ses obligations ?
Certes, il se peut que le jugement produise par lui-même ses effets. La loi ou le règlement est annulé. La vérité juridique est proclamée. L’ordre est restauré. Chacun, y compris l’auteur de la norme contestée, doit en tenir compte.
Mais, lorsque la décision du juge est moins impérative ou lorsqu’elle laisse à l’autorité publique une marge d’appréciation quant aux modalités de mise en oeuvre de la décision de justice, le problème rebondit. Il prend des formes concrètes. Une réparation en nature est-elle concevable ? Des procédures d’astreinte sont-elles imaginables ?
Le droit public européen connaît sur ce terrain des évolutions importantes.
Depuis quelques années, le juge administratif entre dans la voie des injonctions à la puissance publique. Il ne se contente pas d’imposer l’obligation de réparer le préjudice encouru et de le compenser par un dédommagement financier. Il entre dans la voie de la réparation en nature. Le juge s’adresse à la puissance publique. Il lui donne l’injonction de faire ou, en tout cas, l’injonction de ne pas faire – ce qui signifie : l’injonction de ne pas récidiver -. Il s’attache à assurer ainsi une réparation plus effective.
Depuis quelques années aussi, le contentieux de l’astreinte connaît des développements importants. Le juge prononce l’astreinte. Au besoin, il la liquide. Cette menace et cette sanction financières apparaissent comme des procédés particulièrement efficaces pour obliger l’État à exécuter les décisions de justice administrative.
Le contentieux administratif rend compte de ces évolutions. Mais les mêmes interrogations devraient se poser dans les domaines du contentieux constitutionnel et du contentieux judiciaire. *
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Nous sommes partis à la recherche de la justice, et spécialement de la justice lorsqu’elle s’attache à juger l’État. L’avons-nous rencontrée ? La justice est une vertu. Il n’est pas dit que cette vertu soit à la portée des hommes. Ah, si nous étions un peuple de dieux, comme aurait dit Jean-Jacques Rousseau…
Mais peut-être, chemin faisant, aurons-nous pu mesurer les exigences et les limites d’une justice de l’État lorsqu’elle est rendue par l’État.
Les exigences… Quel acte de foi que celui de ce citoyen qui confie la justice à un juge, qui renonce à la force, à la ruse ou à la corruption pour obtenir son dû ! Il importe de ne pas décevoir cette attente citoyenne, de ne pas la noyer dans des querelles de procédure ou dans des fins de non-recevoir.
Les limites… Quel acte d’indépendance que celui de ce juge qui, alors même qu’il est nommé par l’État, va connaître des actes de l’État et, au besoin, va les censurer ! Il ne faut pas décourager cet exercice indépendant de la fonction juridictionnelle, en la privant du plus clair de son effectivité.
Cette justice-là, exigeante et limitée, doit servir l’État, en même temps qu’elle sert le citoyen. Elle est gage de cohérence au sein de l’État.
Elle peut contribuer à restaurer une cohérence normative de plus en plus malmenée. Elle peut s’efforcer, avec l’aide du législateur, d’instaurer une cohérence juridictionnelle trop souvent compromise. Elle peut encore, dans des perspectives plus larges, contribuer à créer la cohérence entre les solutions qui prévalent dans les sociétés nationales et dans la société internationale…
Cette justice-là, c’est une justice citoyenne. C’est aussi une justice démocratique. Je veux dire qu’il s’agit d’une justice qui peut restaurer la confiance entre le citoyen et l’État, spécialement lorsqu’il s’agit de juger l’État.
L’entreprise est-elle à notre portée ? C’est le moment de rappeler le propos de cet homme du Nord qui, alors même qu’il méritait le surnom de Taciturne, ne manquait pas d’exprimer sa pensée avec bon sens. Guillaume le Taciturne, disait : ” Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer “.
L’oeuvre de réconciliation de la justice et du citoyen est une oeuvre de longue haleine. L’oeuvre qui revient à rendre la justice, au sens premier de l’expression, est une oeuvre quotidienne. En ce sens, l’oeuvre de justice est comme l’oeuvre démocratique.
Le poète a toujours raison. Cette oeuvre-là mérite, cent fois et bien plus encore, d’être remise ” sur le métier “. Car, elle n’est jamais achevée.