Séance du lundi 25 septembre 2000
par M. Jean-Pierre Gérard
Votre président a souhaité que votre réflexion porte sur le rôle de l’état dans tous les aspects de la vie de notre pays. Or mon livre La Trilogie, rentabilité emplois taux d’intérêts propose une nouvelle approche à partir du concept de la rentabilité des capitaux investis, soubassement de l’action des entreprises. Les entreprises, sont classées de manière à mettre en évidence le lien entre l’existence d’une activité et les taux d’intérêts réels. Cette approche donne un rôle majeur au taux d’échec des projets d’entreprises.
On connaît mal les liens qui relient la macro-économie et la micro-économie et ceci nous amène à faire d’étonnants contre sens et cette conviction a été encore renforcée au cours de mon mandat au CPM. Comment peut-il y avoir un tel fossé entre ceux qui ont la charge de la politique économique et de son environnement et les acteurs de la vie industrielle et économique ?
Il n’y a que peu d’études sur les structures de l’économie au regard des éléments déterminants du comportement des Chefs d’Entreprise, en particulier de la décision d’investissement et de leurs conséquences macro-économiques. La centrale des bilans de la Banque de France est un outil puissant, mal connu, utilisé par la seule Banque de France et dans une perspective exclusivement macro-économique, alors que c’est la seule banque de données qui permettrait de faire ce lien et d’aider à la compréhension de certains phénomènes.
Je me concentrerai sur les enseignements que l’on peut tirer de cette analyse structurelle puis sur les appréciations de l’action de l’État dans le domaine économique. Mais auparavant il me faut faire quelques rappels.
Les fondements de la relation rentabilité-emplois
La rentabilité des capitaux investis
La rentabilité du capital investi est l’élément clef de la décision d’entreprendre dans quelque système que ce soit. On n’investit pas dans le but de s’appauvrir, mais pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui. L’appauvrissement individuel ou collectif ne peut donc être que le résultat de nos erreurs et non de nos prévisions. Ce concept est fondamental. Il détermine toute action de tout acteur économique, public ou privé, à quelque époque que ce soit, dans tous les types d’économies socialisées ou non, implicitement ou explicitement.
Toutes les activités exigent du capital. Certes les activités diffèrent selon qu’elles emploient plus ou moins de capital. Et même nos activités personnelles utilisent plus de capital que nous ne le pensons nous-mêmes.
Dans un univers aux ressources limitées, toute chose a un prix, le prix du capital est le taux d’intérêt réel. Un investisseur souhaite obtenir de ses investissements, une rentabilité des capitaux investis supérieure aux taux d’intérêt réels. C’est ce que je démontre dans mon livre, et je ne reprendrai pas la démonstration.
Nous pouvons étendre le raisonnement à toutes les activités hors du secteur concurrentiel. Si nous acceptons cette extension, il est possible d’en déduire toute une série de conséquences suffisamment explicatives pour justifier cette approche théorique.
Rappels des concepts utilisés
Les notions centrales sont celles du capital investi, de sa rentabilité et des taux d’intérêt réels.
Le capital investi. Il s’agit du capital nécessaire à une activité. Il ne dépend en aucun cas de la forme du financement. Cela concerne aussi bien les immobilisations que le capital circulant. Le chiffre qui s’en rapproche le plus, c’est ce qu’on appelle le pied de bilan, qui donne la totalité du capital utilisé par l’entreprise.
La rentabilité économique. La rentabilité économique ne s’intéresse pas au mode de financement mais à l’efficacité des capitaux. La rentabilité se mesure avant rémunération des capitaux et se définira donc comme le rapport de l’EBE sur le capital investi.
La description des courbes obtenues. Nous avons regroupé toutes les entreprises de la centrale des bilans de la Banque de France dans des classes de rentabilité avec un pas de 2,5 %. Et nous avons calculé la totalité des emplois contenus dans les entreprises de la même classe de rentabilité.
Les taux d’intérêts réels à long terme. Ce sont les taux d’intérêts nominaux diminués de l’inflation. Il peut valablement être pris en considération car même imprécis ex-ante (c’est à dire dans son rôle sur les choix d’investissements).
L’histogramme obtenu est représenté sur la figure 1. Tout en haut un petit nombre d’entreprises à forte rentabilité qui représentent peu d’emplois et au fur et à mesure que la rentabilité diminue, le nombre des entreprises augmentent, représentant des emplois en plus grand nombre. Le maximum des emplois se trouve approximativement à la rentabilité médiane aux environs de 15 %. Puis pour une certaine valeur de la rentabilité, variable annuellement, le nombre des entreprises et les emplois diminuent brutalement. Cette valeur est celle des taux d’intérêt réels à long terme.
L’entreprise d’une économie concurrentielle ne peut survivre que si elle a accès aux capitaux pour assurer son développement et donc si elle assure une rentabilité au moins égale au coût de la ressource. Si cette condition n’est pas remplie le Chef d’entreprise n’a guère que trois solutions :
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il prend les mesures pour augmenter l’excédent brut d’exploitation ;
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il constate la dévalorisation de son capital ;
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ou encore un mix des deux comme cela est souvent le cas lors des fusions d’entreprises.
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Ce comportement s’impose sur un terme relativement court aux chefs d’entreprises en permanence confrontés au problème du financement, qu’il s’agisse des actionnaires, des banquiers, mais également de leurs fournisseurs. Mais nous pouvons le généraliser à tous les agents économiques confrontés au problème des investissements.
Règle Générale
La théorie que je propose pourrait s’énoncer comme suit :
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Il ne peut exister durablement, dans quelque système économique que ce soit, d’activités dont la rentabilité soit inférieure aux taux d’intérêts réels à long terme. Ceci est valable quels que soient l’organisation économique, la nature des activités, privées ou publiques, personnelles ou collectives, etc, ou le système de mesure choisi.
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La rentabilité moyenne d’une économie doit permettre la rentabilisation de tous les projets d’entreprises (échecs compris).
Cet énoncé ne lève pas toutes les difficultés. Ainsi comment quantifier la notion de durée, car si un acteur a une rentabilité inférieure aux taux réels, il s’appauvrit et la durée est directement liée à sa capacité à accepter cette paupérisation progressive. Mais un pays a une capacité de résistance à la paupérisation beaucoup plus importante qu’une entreprise et même un particulier.
La deuxième difficulté vient de la mesure du taux d’intérêt réel et de sa signification.
Une troisième difficulté est liée à la mesure de la rentabilité. Nous pouvons assez facilement donner une valeur aux capitaux utilisés. En revanche, il est difficile pour certaines activités économiques de chiffrer l’excédent brut d’exploitation.
Au moment où j’ai établi ces courbes, j’ai été surpris par le caractère impératif de la limite basse des taux réels et combien cette limite était respectée. Effectivement si je m’attendais à ce résultat, je pensais qu’il y aurait en dessous des taux d’intérêts réels un nombre plus important d’entreprises. Je surestimais sans doute la capacité de résistance des entreprises et l’effet stabilisateur des fonds propres. J’en tire la conclusion qu’il ne faut pas non plus surestimer la capacité de résistance des États, des associations, et de tous les agents en dehors du système économique classique, à s’affranchir longtemps de cette exigence.
L’évolution des taux d’intérêts réels
Depuis 50 ans, les taux d’intérêts réels n’ont connu qu’une seule et très forte variation en 1982. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’en 1982, ils ont été faibles voire négatifs pour la France, les États Unis, et la Grande-Bretagne. Ils ont été plus élevés en Allemagne (2 à 3%). En 1982 il y eut une certaine harmonisation autour de 5 voire 6 %, avec une légère décroissance à partir de 1996.
Dans le texte complet je donne les raisons pour lesquelles à mon sens les taux d’intérêts réels ont connu cette variation mais qui allongerait mon propos.
La signification économique de la courbe emploi-rentabilité.
Nous pouvons utiliser la courbe pour caractériser les économies et analyser le rôle de l’État.
Les caractéristiques
Nous avons donc d’une part l’histogramme des rentabilités, et d’autre part une limite en dessous de laquelle aucun activité économique n’est viable. Les rentabilités sont bornées inférieurement par les taux d’intérêts réels. Que représente cette courbe et comment évolue-t-elle dans le temps ?
Sous l’angle micro-économique
La répartition des entreprises au sein de cet histogramme n’est pas homogène. La partie haute de cet histogramme ne comprend pratiquement que des entreprises de taille petite ou moyenne. Les grandes entreprises se trouvent dans la partie intermédiaire, aux environs de 10 à 12 %, et de nouveau un plus grand nombre de PME dans la partie basse.
Les facteurs de modifications de la courbe
Maintenant considérons les entreprises à l’intérieur de cette courbe (figure 2). Les entreprises ne restent pas durant toute leur existence au même endroit et évoluent à l’intérieur de cet ensemble. Les forces auxquelles sont soumises sont à :
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la pesanteur naturelle qui voit, à chiffre d’affaires comparable, la dérive des coûts réduire l’excédent brut d’exploitation et le capital investi augmenter.
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L’autre force représentée par F1 que l’on peut décomposer en F’1 et en F’’1. La première est plus directement liée à l’évolution du marché de l’entreprise, la seconde résulte de l’action du chef d’entreprise qui intervient à ce stade par l’investissement, et par les différentes décisions de gestion. La force P est permanente un peu comme la gravité, alors que F résulte d’une décision d’entrepreneur et que sans elle la rentabilité baisserait en permanence.
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La signification économique de cette courbe
Économiquement la hausse des taux d’intérêts réels a modifié la stratégie des entreprises
En 1982, les taux d’intérêts réels sont passés de 0% à 6%. Vous constatez (figure 3) que certaines activités viables avant 1982, deviennent trop peu rentables. Elles doivent donc réagir, se restructurer différemment, augmenter leur efficacité, (leur excédent brut d’exploitation (EBE), ou dévaloriser leur capital.
Les entreprises qui le pouvaient, ont accru leur rentabilité et les autres ont disparu. La rentabilité moyenne ne pouvait qu’augmenter avec la disparition de toutes les activités qui faisaient baisser cette moyenne et c’est effectivement ce que nous avons constaté dans les années 80. La stratégie correspondante était de se concentrer sur ce que l’on fait le mieux et de réduire le capital utilisé.
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on peut dire qu’une stratégie d’entreprise qui s’appuie sur la différenciation entre des bons (rentabilité positive) et des mauvais projets (rentabilité négative), caractéristique des stratégies de diversification, correspond à une économie où les taux d’intérêts réels sont nuls.
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En revanche avec des taux d’intérêts réels fortement positifs de 5 ou 6%, le choix ne s’effectue plus entre de bons et de mauvais projets, mais entre de bons projets parmi lesquels nous ne devons retenir que les meilleurs. Ce comportement est celui qui oriente les stratégies vers la concentration sur les métiers .
Le changement constaté dans les stratégies d’entreprises au début des années 80, découle directement de cette hausse des taux d’intérêts réels qui à l’époque était passée relativement inaperçue. Les analyses que j’ai menées avec l’aide du centre de documentation du CPA de la Chambre de Commerce de Paris montrent clairement que les années 70 sont celles de la diversification des entreprises et les années 80, celles de la concentration sur ses métiers.
Il fallait aussi réduire le capital utilisé. Le juste à temps, la réduction des stocks datent de cette période. D’après les chiffres qui m’ont été communiqués par la Fédération de la Mécanique, on réalise le même CA avec seulement 75% de celui qui était nécessaire en 1980.
La période choisie pour les nationalisations était donc la plus mauvaise qu’on puisse trouver. Autant le système administratif français est à peu près adapté pour faire un choix entre “de bonnes et de mauvaises idées “, autant l’expression d’un système de préférence lui est étrangère. Les nationalisations intervenaient au moment où ces entreprises auraient du se concentrer sur leurs métiers alors que l’état les a souvent contraintes à se diversifier. Il faut reconnaître que ce changement n’était pas évident, car à cette époque nous vivions encore sur les théories de la diversification. La littérature sur les concentrations ne débute qu’en 1985.
L’existence de taux d’intérêts réels élevés est de fait la vraie raison d’être des privatisations. Car le système de décisions administratives est inadapté aux choix à faire lorsque les taux d’intérêts réels sont élevés.
Une courbe creuse est caractéristique de la socialisation des économies
Plus la fiscalité est lourde, plus grands seront les écarts de rentabilité entre entreprises. La grande masse des activités verra sa rentabilité diminuer, sans pour autant éviter qu’un certain nombre, souvent les moins capitalistiques, les moins investies, et les moins créatrices d’emplois maintiennent un haut niveau de rentabilité. Plus l’économie se socialise, plus les courbes des rentabilités se creusent et présentent une convexité forte, ce qui concentre l’emploi dans des entreprises plus fragiles, et les courbes que j’ai présentées dans mon livre illustrent cet état de fait.
On peut donc imaginer des économies arrivées à un degré de socialisation telle que décrite par la figure 4 avec une courbe en carafe de bateau. La quasi-totalité des activités se trouve concentrées dans les rentabilités les plus basses et très peu au niveau plus élevé. C’était sans doute la caractéristique des économies des pays du bloc communiste avant 1982. Les comportements des dirigeants de ces pays dans les années 80, dérivent directement de la hausse des taux d’intérêts réels au niveau mondial. Elle condamnait pratiquement au moins 80 % de l’activité économique. Cette analyse est corroborée par la contraction des économies des pays de l’Est et les événements qui ont marqué les décennies 80 et 90.
Pour pouvoir financer leur développement et acquérir les machines indispensables, les pays de l’Est ont accru considérablement leur endettement à la fin des années 60 et au début des années 70. A cette époque le niveau de l’endettement est élevé mais la rentabilité interne des activités est suffisante. Le coût du capital est inférieur à l’efficacité des investissements qu’ils financent. En revanche dés 1982 la rentabilité des activités devient insuffisante. De positif, l’effet de levier devient négatif et les remboursements d’intérêts impossibles. N’ayant plus la possibilité d’accroître leurs dettes (comme le feront les pays de l’Ouest), les pays de l’Est sont contraints de les rééchelonner. Ce sera l’objet de toutes les réunions du club de Paris et de Londres de 82 à 85.
L’adaptabilité d’une économie est liée à l’ampleur de la courbe des taux d’intérêts réels
Les courbes des rentabilités des États-Unis et de l’Angleterre sont, en raison de la faible fiscalité globale, beaucoup plus ventrues. Les capitaux investis y sont plus rentables et les développements de projets nouveaux sont plus nombreux. Car il existe un lien direct entre la rentabilité moyenne constatée et le développement de projets nouveaux.
Tous les projets ne peuvent être des succès. Il faut que les réussites assurent une rentabilité suffisante pour compenser les échecs. La rentabilité moyenne de l’économie doit donc être largement supérieure aux taux d’intérêts réels pour permettre le financement des échecs ou des demi-succès.
Un exemple permettra de mieux saisir l’importance de cette remarque. On estime qu’en France ce taux de succès est de 60%, ce qui correspond à 2 réussites sur 3. Avec une rentabilité moyenne qui oscille entre 12 et 15 %, nous pouvons financer un échec sur 3 puisque la totalité du capital investi (succès comme échecs) sont rentabilisées par les succès au taux nominal de 8 % , soit 5 à 6 % réel.
Si nous voulons augmenter le nombre des activités, il faut augmenter le nombre des tentatives. Parce que les Chefs d’Entreprise ont prioritairement développé les meilleurs projets, la proportion marginale d’échecs sera supérieure et leur taux moyen augmentera. Ainsi pour doubler le nombre des activités viables sur le territoire national, il faudra augmenter plus que proportionnellement le nombre des tentatives et donc la rentabilité moyenne des réussites, pour que la rentabilité des capitaux investis (échecs et succès) soit au minimum de 8 %.
Un exemple chiffré vous est donné dans le tableau 1.
Avec un taux de réussite de 2/3, un capital investi ex ante de 150 donne une valeur de 100 ex post. Le pays se développe si les succès assurent leur propre rentabilisation et celle des 50 perdus. Lorsque les taux d’intérêts réels sont de 6 % soit 8 % nominal, la rentabilité moyenne des activités existantes doit donc être de 12 %, ce qui est effectivement le cas.
Pour que l’emploi se développe, il faut que les succès soient plus nombreux, admettons 150. Pour obtenir ce résultat, le taux moyen d’échec devra être plus élevé par exemple 50 % au lieu de 1/3. Le capital à investir ex ante sera de 300, et les échecs ( de 150) devront être financés par autant de succès. Si avec une rentabilité moyenne de 12 % pour 1/3 d’échecs, on est capable de rentabiliser le capital investi initialement, il faudra avoir dans notre second cas une rentabilité moyenne de 16 %.
Pour que la rentabilité moyenne augmente ainsi, il faudra une autre répartition des rentabilités que dans le cas français, et qui donnerait à notre courbe un effet de voile beaucoup plus gonflée.
Une grille d’analyse pour le rôle de l’État
La grande difficulté de l’intervention du système politique ou administratif dans l’économie est de concevoir des actions prospectives efficaces. Elles ont peu de défenseurs puisqu’elles portent sur des activités qui n’existent pas et la mesure de leur succès difficile à apprécier. En revanche les actions de type défensif ont beaucoup plus de succès. Ces interventions méconnaissent la structure interne de l’économie, parce que les outils d’analyse n’existent pas.
Or toutes les interventions macro-économiques ont des conséquences structurelles qui souvent vont à l’opposé de l’objectif poursuivi. J’affirme que les analyses menées à partir de la courbe que j’ai élaborée permettraient de définir des actions efficaces, et d’avoir une vision claire des conséquences structurantes de l’action de l’État. Cette approche présente deux avantages :
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d’une part de voir ou se pose réellement le problème économique provoqué par une mesure macro-économique envisagée. Ainsi la réduction du temps de travail a donné lieu à des affrontements entre acteurs pratiquement tous capables de résister à cette mesure, mais personne n’a parlé des milliers d’entreprises qui portent sur des milliers d’emplois qui vont passer en dessous de la ligne de flottaison, et de toutes les entreprises qui auraient pu exister.
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d’autre part de pouvoir apprécier les politiques qui donnent des variations relatives de la rentabilité et des taux d’intérêts réels de même sens, mais d’amplitudes différentes.
La politique monétaire et les variations relatives de change
La politique monétaire vise à combattre l’inflation tout en ayant le plus haut niveau d’activité possible. Ses armes sont les taux d’intérêts à court terme, et les autorités monétaires tentent par une baisse ou une hausse d’accélérer ou de freiner l’activité. Malheureusement pour les banques centrales, le couplage entre les taux d’intérêts à CT et les taux d’intérêts réels à long terme n’est pas systématique. Or si l’activité des entreprises existantes est très dépendante des taux d’intérêts courts, la création d’activités dépend des taux d’intérêts réels longs. Il en résulte quatre cas de figures :
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une hausse des taux d’intérêts courts avec une baisse corrélative des taux d’intérêts réels longs ;
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une hausse des taux courts avec une hausse des taux d’intérêts réels longs ;
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une baisse des taux courts avec une baisse des taux d’intérêts réels longs ;
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une baisse des taux courts avec une hausse des taux d’intérêts réels longs.
L’analyse que l’on peut mener à partir de notre courbe conduit aux conclusions suivantes.
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Seuls les cas 2 et 3 conduisent effectivement et sûrement à avoir respectivement un effet de réduction ou d’amélioration de l’activité, et correspondent bien à l’idée que l’on se fait de l’action de la politique monétaire, et du rôle de la baisse ou de la hausse des taux d’intérêts réels.
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En revanche avec les cas 1 et 4 la situation est moins nette, et personne n’est capable dans l’état actuel de nos connaissances de dire quelle est la conséquence de la politique monétaire. En effet la variation des taux courts (qui va dans le sens choisi par les autorités monétaires) est en opposition à la variation des taux longs (qui dans les 2 cas va à l’opposé) et personne ne sait celui qui l’emporte. Le cas n°1, semble partiellement décrire la situation actuelle de la BCE.
Notre courbe permet d’analyser les effets d’une politique de dépréciation ou d’appréciation monétaire (figure 5). Il apparaît que tout mouvement monétaire d’appréciation ou de dépréciation fait varier les deux ensembles dans le même sens.
Ainsi toute dépréciation monétaire a pour conséquence de renforcer la compétitivité des activités économiques par amélioration de la situation concurrentielle et par effet de la dépréciation en monnaie internationale du capital investi. Le numérateur augmente et le dénominateur diminue, et donc la rentabilité se redresse. Dans le même temps les taux d’intérêts nominaux et réels longs augmentent. Le problème est de savoir quels sont leurs mouvements relatifs et leur ampleur.
Si pour une raison ou pour une autre, la variation de la courbe des rentabilités est limitée, toute dépréciation monétaire n’aura que des effets négatifs. Certes les rentabilités s’amélioreront, mais d’un ordre de grandeur insuffisant pour avoir une croissance économique correspondant au potentiel dégagé par la dépréciation. Nous cumulerons donc tous les inconvénients : croissance insuffisante, équilibre de sous emploi, accélération de l’inflation et monnaie faible puisque la demande de capitaux ne peut s’accroître au rythme suffisant. Une dépréciation n’a d’efficacité que si le système social est suffisamment souple et plastique pour que non seulement les activités existantes puissent se développer mais aussi pour que de nombreuses autres puissent se créer. En d’autres termes et pour utiliser ma courbe, il faut que face à une hausse technique des taux d’intérêts réels liée à la dépréciation, réponde le gonflement de cette voile des activités. Si la structure sociale est par trop rigide, ce gonflement est impossible, il y aura déplacement vers le haut, c’est à dire enrichissement des activités existantes, mais pas déplacement vers la droite par création d’activités nouvelles. La demande de capitaux nouveaux croîtra faiblement et la monnaie restera dépréciée.
Ce schéma est typiquement celui que connaît l’euro aujourd’hui. Désespérément la BCE tente de provoquer un appréciation de l’euro, mais le problème n’est pas financier. Il est tout simplement dans la capacité insuffisante de développement des nations européennes. Et la hausse des taux courts de la BCE n’est pas suffisante pour compenser l’insuffisante attractivité des activités européennes.
De fait avec la croissance européenne, la voile des rentabilités se gonfle lentement. L’euro devrait normalement se réapprécier encore faudrait-il que l’émergence de nouvelles activités soit accélerée. Le mécanisme est en place mais les forces de rappel vers la situation d’équilibre sont trop faibles et la BCE ne peut compenser avec les seuls taux courts, l’effet de la viscosité économique de nos pays sur la valeur de la monnaie.
Les effets de la fiscalité sur le capital
Nous sommes habitués à opposer le capital et le travail. Or le capital et le travail sont de vrais alliés dans la création et des ennemis dans le partage des résultats. Alliés ex ante, ennemis ex post.
Mais personne n’a vu d’activités sans travailleur ni sans capital. Or nous appliquons nos raisonnements aux activités existantes, alors que le développement économique passe essentiellement par la création d’activités nouvelles.
Toute augmentation de la fiscalité sur le capital a un double effet (fig 6) :
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une diminution du capital offert et par suite une réduction du volume d’activité. En reprenant notre courbe cela se traduit par une hausse des taux d’intérêts à servir et une baisse des taux d’intérêts servis. La limite basse des rentabilités en est relevée d’autant et réduit donc le potentiel de développement. Pour reprendre la comparaison de la voile, tout se passe comme si notre économie prenait un ” ris ” sans nécessité.
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une modification structurelle de l’ensemble économique qui pousse aux contresens. L’augmentation des taux d’intérêts se traduit par la disparition de toutes les activités dont les rentabilités deviennent inférieures à ce taux. Il ne restera donc que la partie haute de la courbe dont le centre de gravité se déplacera vers le haut. Ainsi toute taxation du capital productif se traduit par un accroissement de la rentabilité moyenne et donc en langage journalistique ” plus on taxe le capital, plus les entreprises s’enrichissent “. On oublie soigneusement de dire que toutes celles qui pourraient faire baisser la moyenne sont interdites d’existence.
L’effet des taxations sur l’activité économique n’est cependant pas uniforme. Certaines taxations ont un effet sur les taux d’intérêts apparents, d’autres ont un effet sur la forme de la courbe elle-même.
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Les taxations qui agissent sur les taux d’intérêts à servir sont toutes celles qui ont comme assiette, le capital lui-même. Il s’agit des plus values, de l’ISF, de l’impôt sur les successions.
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Plus pernicieux sont les impôts et taxes qui agissent sur la forme de la courbe sans que l’on sache bien comment (figure 7). Il y a au premier chef l’impôt sur les sociétés, qui a pour effet d’écraser la courbe vers le bas et de renforcer le mouvement naturel de la dégradation des rentabilités d’entreprises. Il y a ensuite toutes les taxations diverses taxe professionnelle, taxe d’apprentissage, etc. Parmi tous ces impôts et ces taxes ceux qui nous paraissent être réellement les plus dommageables sont ceux qui aggravent la convexité de la courbe, comme cela est le cas de l’impôt sur les bénéfices. Ceux dont l’effet se traduit par une simple translation de la courbe, apparaissent acceptables, comme la taxe professionnelle et la TVA.
Contrairement à nombre de mes collègues chefs d’entreprise, je ne suis pas opposé à la taxe professionnelle en ce qu’elle taxe le travail et le capital simultanément. Elle pourrait ne pas avoir d’effet de redistribution à l’intérieur de la courbe des rentabilités avec un partage des assiettes mieux adapté.
Toute réflexion sur la fiscalité des activités devrait être globale. Plus on veut soulager l’homme au travail, et élever son niveau de vie, plus il nous faudra accepter de plus taxer le travail et moins le capital. Si l’on donne une valeur au capital humain et si vous imposez la totalité du capital (humain et physique) selon le même taux, une augmentation de la valeur du capital humain doit se traduire par une augmentation de l’imposition du travail. Toute décision contraire a pour effet de déprécier les personnes. Je comprends que l’on soit pour diverses raisons contraint de taxer plus le capital, tant est populaire l’idée de taxer ” les riches “. Mais il faut être bien conscient que ce faisant nous dévalorisons le capital humain.
Pour reprendre notre réflexion à partir de la courbe il nous faut développer une fiscalité qui engendrerait une translation et qui modifie un minimum les redistributions internes.( figure 8 )
La politique budgétaire au travers de la courbe des rentabilités
Deux aspects doivent être ici analysés, ceux de la dépense publique, et ceux du déficit budgétaire.
La dépense publique
Toute dépense publique dont on pouvait accepter l’existence lorsque les taux d’intérêts réels étaient nuls ou négatifs, doit être repensée. Comme dans le secteur privé, les activités publiques utilisent du capital. Ce que nous connaissons mal ou difficilement ce sont les deux paramètres essentiels de l’efficacité, l’excédent brut d’exploitation (EBE) et le capital investi. L’excédent brut d’exploitation (EBE) parce que nous ne savons pas quelle valeur attribuer aux services administratifs, et le capital investi parce que nous ne disposons pas de comptabilité patrimoniale. Tant que les taux d’intérêts réels étaient nuls ou négatifs, le système de décision par consensus, relativement adapté à l’élaboration de préférences collectives à long terme (caractérisée par des taux d’actualisation faible) pouvait se justifier. Il se révèle inadapté à un choix de préférences caractérisées par des taux d’actualisation élevés.
Cela se traduit par une courbe des activités publiques que j’ai représentées figure 9, et dans le cadre de la hausse des taux d’intérêts réels en 1982, le maintien voire la croissance des actions collectives du secteur public a été une erreur dramatique. De fait il s’est passé exactement ce qui se passe dans toute entreprise confrontée à un problème de rentabilité :
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on commence par augmenter les prix, ici les impôts,
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puis lorsque cette voie atteint une limite, on s’endette, en espérant que le phénomène sera passager, ainsi l’endettement public est-il passé de 1982 à 1996 de 300 milliards de francs à 4000 milliards de francs
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puis on vend les filiales bénéficiaires pour ensuite se défaire des filiales déficitaires, c’est la privatisation des activités bénéficiaires, puis plus tardivement des activités déficitaires (arsenaux).
Il nous faut mettre en place un système de choix collectif fondé sur une meilleure utilisation du capital public. En l’absence de système de mesure fiable qui permette les choix au sein du système public, seuls les choix réalisés au sein d’un marché concurrentiel, dont l’exigence est la rémunération minimum du capital, permettent d’y parvenir. Il faudra sans doute aller beaucoup plus loin dans les privatisations, y compris dans l’éducation nationale, tant que les taux réels seront au niveau actuel.
Le déficit budgétaire
Une mauvaise utilisation du capital public a pour conséquence une hausse très sensible des taux d’intérêts réels pour une satisfaction collective insuffisante. En effet non seulement les préférences s’exerceraient différemment si on les laissait s’exprimer, mais en outre il ne serait pas nécessaire chaque année de reconstituer le capital détruit par les activités insuffisamment rentables.
Cela ne condamne pas l’endettement de l’état pour des projets dont la rentabilité est supérieure aux taux réels. Il est vraisemblable que certains investissements européens sont dans ce cas. Des investissements qui n’auraient pas la rentabilité suffisante au niveau national retrouvent une signification dans un contexte structurel nouveau. C’est donc en raison de la capacité de certains investissements à avoir une rentabilité supérieure aux taux d’intérêts réels qu’une relance par des projets européens serait judicieuse et non parce que la capacité d’endettement existe.
Le problème de l’endettement des pays développés depuis 1990, vient de l’insuffisante efficacité des systèmes administratifs. L’endettement n’est pas conçu comme une anticipation de l’avenir, mais comme un bouche-trou pour éviter la fiscalité insupportable qu’exigerait la dépense administrative jugée incompressible.
A mon sens, la priorité n’est pas la réduction de l’endettement existant mais bien la réduction corrélative de la dépense publique et de la fiscalité. Celle-ci intervient sur la forme de la courbe, en la creusant et donc en diminuant la capacité contributive des parties les plus riches et les plus efficaces de l’économie (voir figure 9), alors que le niveau d’endettement agit sur les taux d’intérêts. Certes il pénalise certaines activités, celles qui ont de faibles rentabilités, mais à tout prendre, il vaut sans doute mieux qu’il en soit ainsi, car ce sont par définitions les moins contributives à la richesse nationale.
Les aides publiques
La seule véritable aide que l’on puisse apporter aux activités, c’est la réduction d’impôt voire leur suppression. Toute autre forme d’aide est néfaste car elle entraîne des distorsions dans la structure des rentabilités.
Il est cependant nécessaire d’adoucir ce constat brutal de deux considérations :
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l’impôt est parfois la seule approche possible pour des activités dont le prix est difficilement accessible
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le taux d’actualisation des activités publiques est parfois éminemment variable. Ainsi en est-il des dépenses militaires, le maintien de l’ordre, l’organisation de la santé publique, la régularité des transactions et la confiance entre les acteurs etc.
L’étude de la courbe des rentabilités démontre la vanité des interventions de l’état et des collectivités territoriales. En classant les aides en allant des plus aux moins néfastes, nous trouvons les aides par les prix, la limitation de l’accessibilité à certaines professions, les plans d’entreprises (plan calcul, plan composants, plan hyperfréquences), les aides en capital et les crédits d’impôts.
Les aides par les prix
L’aide par les prix aboutit à la valorisation du capital à un niveau trop élevé et qui ne correspond pas à sa capacité réelle de rentabilité. Lorsque les taux d’intérêts réels augmentent, et que la valorisation ne peut être revue à la baisse, la rentabilisation exige des efforts supplémentaires de l’aide par les prix.
C’est exactement le cas de l’agriculture qui a bénéficié de maintien des cours, de prix garantis, de bonifications de taux des prêts etc., entraînant une certaine valorisation du patrimoine agricole. La hausse des taux d’intérêts réels aurait du normalement engendrer une baisse de la valeur de ce patrimoine, ce qui a été partiellement le cas mais les agriculteurs ont exigé et partiellement obtenu une revalorisation de leurs prix. Cette politique outre son coût pour la collectivité est préjudiciable à l’établissement de jeunes agriculteurs.
Les plans sectoriels
De la même manière que l’aide par les prix, les plans sectoriels viennent modifier la courbe des rentabilités en maintenant artificiellement une certaine valorisation du capital. Je n’ai pas d’exemple qu’un plan sectoriel ait réussi dans aucun domaine et dans quelque pays que ce soit. Cela retarde l’ajustement de la valorisation des capitaux investis. Les principaux bénéficiaires de ce type de plan sont généralement les grandes entreprises qui pourtant seraient les plus armées pour procéder à la dévalorisation de leurs actifs.
Les plans sidérurgie, machine outil, calcul, composants, informatique à l’école, hyperfréquences, électronique médicale ont tous eus le même résultat :
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maintien temporaire de la valeur du capital ;
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vente des actifs correspondants ;
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disparition de la quasi-totalité des entreprises du secteur.
Si l’on se réfère à notre graphique, ces opérations visent à maintenir au-dessus des taux d’intérêts réels la rentabilité de capitaux investis par utilisation de la ressource publique. Vous prenez donc à l’ensemble I, ce qu’il faut pour valoriser temporairement un capital qui appartient à l’ensemble II et qui normalement devrait dévaloriser son capital investi, réorganiser sa production, se concentrer et surtout devrait réduire sa capacité de production.
Les aides en capital
Comme toutes les aides que nous venons d’examiner, elles ont pour effet de socialiser les pertes et de privatiser les profits. Leur seul mais réel avantage est qu’elles sont limitées en général à une seule opération et qu’elles ont moins d’effets sur la structure des secteurs d’activités. Ces aides sont fort nombreuses et vont de l’usine relais payée par les collectivités territoriales, aux aides Anvar et autre soutien en capital comme la prise de participation dans le capital (Manufrance par exemple).
Ces aides divisent en deux le capital de l’entreprise, une partie qui reste privée, l’autre prise en charge par la puissance publique (figure 10). Il n’y a aucune raison que l’activité soit plus rentable du seul fait de cette opération. La cellule initiale se divise en une première partie, non rentable, qui va venir alourdir le fardeau public, et une deuxième qui redevient rentable. Le centre de gravité reste inchangé au plan national mais on a socialisé les pertes et privatisé les profits
Les crédits d’impôts
Je ne voudrais pas parer de trop de vertus le crédit d’impôts, mais à tout prendre il s’agit de la plus efficace de toutes les aides au système productif. Il correspond à l’analyse selon laquelle nous devrions laisser au système productif une plus grande part de ce qu’il produit et que la rentabilité des capitaux investis serait augmentée d’autant. Cela ne créerait pas en direct de nouvelles activités, mais aurait pour conséquence de gonfler la voile et d’entraîner d’activités nouvelles.
Le mécanisme serait celui décrit par la figure 8, ou nous avons fait apparaître la rentabilité avant et après impôts. Le crédit d’impôt s’apparente à ce mécanisme, avec le très gros défaut d’exprimer un système de préférences administratives dont le passé nous a montré qu’elles n’étaient pas toujours ni efficaces ni justifiées.
Conclusion
Tous nos comportements collectifs et individuels sont dictés par la rareté du capital disponible et il ne faut pas s’étonner qu’ils structurent nos économies. Tout changement majeur dans le prix du capital, qu’il résulte de tendances profondes liées à la démographie, ou qu’il soit la conséquence explicite ou implicite de nos décisions politiques aura des effets considérables. Il est donc de la plus haute importance d’analyser ces évolutions.
La hausse des taux d’intérêts réels en 1982, a dans un premier temps favorisé les pays comme l’Allemagne pour qui la hausse relative a été moins importante (de 3 à 5%). La structure du système productif était moins atteinte. Mais l’Allemagne avait pris des habitudes de redistribution de la rente de 3 % (différence entre les taux d’intérêts réels internes et les taux internationaux) au profit des banquiers, des salariés de l’industrie au travers de l’organisation sociale et syndicale, qui a permis le développement du capitalisme rhénan. Cette rente disparaît en 1982 et la rémunération du capital doit se réorienter vers les actionnaires. Cela ne peut se faire sans tension ni sans la remise en cause du modèle de ” capitalisme rhénan “.
Les pays qui ont le mieux tiré parti de cette évolution sont ceux qui ont par leur politique, été capables de laisser la voile s’enfler d’activités nouvelles, de technologies nouvelles. Les États-Unis et la Grande-Bretagne sont dans ce cas et leur croissance économique est tirée par ces activités du centre de la voile. Ces activités du centre de la voile ne génèrent pas des ” petits boulots “, mais des emplois dûment qualifiés. Mais une voile bien pleine, a un effet d’entraînement sur toute l’activité économique. Le bas de la voile tiré vers le haut, fait émerger des activités à faible rentabilité avec des emplois de moindre qualification.
Les difficultés des pays socialistes peuvent se comprendre plus facilement par une paupérisation collective déjà évidente avec les taux d’intérêts réels nuls d’avant 1982, mais qui s’est accélérée à partir de cette date. Les tensions politiques et sociales qui en ont résulté ne pouvaient plus être occultées par la dictature. L’Union soviétique a choisi la voie de la réforme politique qui a aggravé le phénomène de paupérisation par la disparition sans contrepartie des activités insuffisamment rentables. La Chine a eu une attitude plus pragmatique. Elle a libéré partiellement une partie de son économie qui assure une rentabilité très élevée ( roi de 50 %) qui lui permet de conserver, au moins temporairement des activités peu rentables, vivant encore sur les anciens principes. La moyenne pondérée des rentabilités de ces deux groupes lui permet de respecter au plan macro-économique notre hypothèse de base. Elle s’est donc placée délibérément dans un système dual qui lui permet de conserver son système politique mais dont elle devra sortir un jour ou l’autre.
Enfin cette approche devrait nous permettre de mieux cerner et définir nos préférences collectives. Keynes disait ” qu’il fallait par-dessus tout que l’épargne reste nationale “. L’approche que je vous propose confirme cette affirmation.
Le deuxième groupe de conclusions devrait porter sur la relation privé- public. Cette approche offre un cadre conceptuel dont je n’ai pu vous esquisser que quelques possibilités. Elle ne vise pas à dire que telle solution doit être prise, mais qu’il y a de meilleurs moyens que d’autres. Les nationalisations de 1982, sont intervenues au pire moment. Cela ne signifie pas qu’il ne fallait pas les faire mais que la décision avait un coût plus élevé qu’on ne le pensait, élevé au regard des objectifs qui les avaient justifiées, en particulier en terme d’emplois.
La hausse des taux d’intérêts réels rend encore plus pressante la mise en place d’une comptabilité patrimoniale de l’État. Il est de première importance de mesurer, à la fois pour des raisons d’efficacité et pour des raisons d’ordre pédagogique, l’efficacité du système collectif. Nous n’avons pas le droit d’accepter que notre pays se paupérise relativement à d’autres. Une telle approche a deux conséquences :
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les objectifs doivent être précis et parfaitement définis ;
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les résultats se jugent à l’aune de ces objectifs.
Il est incontestable que notre système y gagnerait en efficacité, mais cela supposerait une très grande transparence. Malheureusement la politique est par essence le monde de l’ambiguïté, de la multiplicité d’objectifs, de l’incohérence et rend sans grand espoir une telle clarification et il serait illusoire d’espèrer même avec une comptabilité patrimoniale, un système de choix exigeant et difficile. Que les taux d’intérêts réels soient élevés, nous contraint donc à sortir de la sphère publique tout ce qui peut l’être. Sans le dire n’est ce pas ce que nous faisons. Nous nous sommes engagés dans cette voie parce que le poids public devient insupportable, mais l’approche politique choisie nous conduira à un excès de démantèlement de la sphère publique que l’approche plus pragmatique que je propose pourrait éviter.