Développement durable et condition féminine

Séance du lundi 10 juin 2002

par M. Yves-Marie Laulan

 

 

Que faut-il entendre par développement durable? Ecoutons ici Madame Brundtland, ancien Premier ministre de la Norvège, qui a, en quelque sorte, inventé ce concept:” Nous avons placé l’être humain au centre de la problématique du développement durable. De quoi avons-nous besoin pour garantir que les générations à venir puissent avoir assez de nourriture, de protection, de dignité, de liberté pour vivre des vies riches et constructives”. On voit bien ici que cette notion dépasse largement celle de la croissance économique. Elle englobe un développement sociétal compris au sens le plus large du terme: elle concerne l’accès aux libertés publiques et privées; à la démocratie; à l’égalité des chances; à l’enrichissement culturel, en bref, à la civilisation dans son ensemble.

En regard de ceci, comment définir la condition féminine? C’est celle de la femme comme individu certes, mais aussi comme membre à part entière de la Cité. Ce qui implique l’acquisition de plusieurs libertés fondamentales. Améliorer la condition féminine, c’est permettre aux femmes, non seulement l’accès à l’éducation et à l’éducation supérieure; mais aussi à une profession, à un métier, et la possibilité d’y faire carrière; de même cela suppose-t-il la liberté d’accès aux fonctions politiques

Mais plus encore significative, car propre à la femme, est la maîtrise de sa fécondité. S’affranchir de la hantise d’une grossesse non voulue est un progrès majeur pour les femmes. Mais si ce dernier trait constitue effectivement une des conditions permissives d’un développement durable tel que nous l’avons défini plus haut, il comporte, comme le visage de Janus, un aspect négatif qui peut se révéler, dans certaines circonstances, hostile à ce même développement durable. Comme la langue d’Esope, cette maîtrise serait-elle donc la meilleure ou la pire des conquêtes?

Allons plus loin. L’évolution de la condition féminine, qui passe nécessairement par l’égalité des droits, doit-elle aller jusqu’à la parité? Doit-elle aller jusqu’à l’identité à l’homme, et cela dans tous les domaines, comme le préconisent certains, ou certaines, qui soutiennent que “l’un est l’autre”? Je me garderai bien de répondre à cette redoutable question et me contenterai, plus modestement d’avancer qu’il existe une forte et manifeste corrélation entre la condition féminine et le développement durable au sein d’une communauté de femmes et d’hommes.

Je ne m’étendrai pas sur le fait, évident, que l’amélioration de la condition féminine est tributaire d’ un double progrès: celui du niveau de vie et celui de la science.

L’amélioration de la condition féminine est tributaire d’un certain degré de développement

Dans des sociétés primitives, le plafond des ressources est placé si bas qu’il ne laisse que peu ou pas de place à un quelconque épanouissement personnel, pour l’homme, mais, plus encore, pour la femme. Car, dans son cas, cette situation éminemment précaire est aggravée par les servitudes multiformes attachées à la maternité et à l’éducation des enfants. L’amélioration de la condition féminine dépend donc de l’apparition de ce que les économistes appellent le surplus du consommateur, ce supplément de ressources qui laisse la place au développement d’activités autres que strictement alimentaires ou de simple survie. Pour que les jeunes filles puissent aller à l’école, il faut qu’il y ait des écoles. Pour lutter contre le Sida, il faut qu’il y ait des dispensaires et des médicaments adaptés. Et Dieu sait si l’invention du lave linge et du lave vaisselle a contribué à améliorer la condition féminine de nos jours pour la lecture … ou pour l’écoute de la télévision.

Par ailleurs, sans les progrès de la chimie et de la biologie, la pilule de Pincus n’aurait jamais vu le jour, non plus que le stérilet et autres moyens de contraception modernes qui permettent aujourd’hui à la femme de maîtriser sa fécondité de façon à peu prés assurée.

Dernier facteur, capital lui aussi, pour l’amélioration du sort de la femme, mais bien difficile celui-là à identifier et encore plus à quantifier: ce que l’on pourrait appeler d’un terme forcément vague: le progrès moral ou l’affinement des mœurs au sein de la société. Pour autant que les mœurs le permettent, les femmes sont à même de jouer un rôle majeur dans l’élévation du niveau culturel d’une société et donc dans le développement durable. On songera ici naturellement, en autres choses, au rôle des Salons littéraires en France, depuis celui de Mlle de Scudéry en passant par Mme du Deffand et, pourquoi pas, Mme Verdurin, laquelle, après tout, nous a permis de découvrir le Docteur Cottard, les peintures d’Elstir ou la musique de Vinteuil.

De ce qui précède, l’on peut déjà conclure que développement durable et amélioration de la condition féminine sont intimement associés, étroitement interdépendants. L’un ne va pas sans l’autre. En fin de compte, l’histoire de notre civilisation se confond largement avec celle de l’émancipation de la femme.

Reste à mettre en lumière les raisons de ce rapport réciproque entre développement durable et condition féminine. Il semble possible d’en identifier au moins quatre.

L’amélioration de la condition féminine, condition permissive d’un développement durable.

De longue date, le rôle capital de la mère dans la transmission des connaissances et des valeurs sociales à l’enfant a été reconnu, grâce aux travaux d’une pléiade de chercheurs, depuis Françoise Dolto jusqu’à Liaudet en passant par Aldo Naouri ou même Tomatis. Bien avant l’école, et même avant la naissance, c’est elle qui apprend à son enfant à reconnaître les sons, puis les mots, puis la langue, puis les idées et les valeurs. Mais ne le savait-on pas déjà en pensant à tout ce qui Marcel Proust devait à sa mère ? Et Evelyne Sullerot a magistralement montré ici comment a contrario, l’absence de la mère, l’absence de foyer familial jouaient un rôle considérable dans la multiplication des sauvageons de nos banlieues .

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on a souligné le rôle, parfois déploré par les maris, des femmes comme aiguillon de la consommation, qu’il s’agisse d’achats mobiliers, immobiliers ou culturels, mais , de façon plus générale, pour l’amélioration de leur environnement. Il est de fait que la femme a toujours éprouvé une profonde aspiration vers le mieux être, ou vers un surplus de beauté. Combien de châteaux, dont la France est si fière, doivent leur construction, leur agencement, leur décoration à des femmes comme Chenonceaux, le Château des six femmes, aux noms qui chantent encore dans notre mémoire, Catherine Briçonnet, Diane de Poitiers, Catherine de Médicis, Louise de Lorraine.

Par ailleurs, pour en venir au temps présent, il convient de reconnaître l’importance de l’entrée en masse des femmes sur le marché du travail, en Europe comme aux Etats-Unis, pour le développement durable de nos économies à l’orée des années 60. Nul ne peut nier que ce seul facteur a donné un élan particulièrement fort à l’essor de l’économie moderne, non seulement dans le domaine de la communication, de l’information et de la diffusion des connaissances scientifiques, mais aussi celui de la recherche de base. L’on pensera ici naturellement à Mlle Chopinet , sortie major de l’ école Polytechnique en 1985, mais aussi à nos innombrables femmes cadres, femmes médecins, femmes professeurs, femmes chefs d’entreprises, sans lesquelles notre croissance économique serait, à coup sûr, fortement amoindrie.

Dernier facteur, capital, tant pour nos sociétés développées que pour celles du Tiers monde, la maîtrise de la fécondité à un niveau raisonnable, celui qui, précisément, autorise le développement. Pour le Tiers monde, point n’est besoin d’insister longuement sur le fait qu’une fécondité excessive dévore dans l’instant tous les fruits de la croissance. En revanche, dans nos sociétés, il tombe sous le sens que cette même maîtrise de la fécondité dégage les ressources en temps et énergie qui permettent aux femmes, comme on vient de la voir, d’intervenir comme acteurs à part entière sur le marché du travail et dans la vie sociale et politique de la Cité.

Ce n’est d’ailleurs nullement un hasard si le “mini boom” démographique observé en France en l’an 2000 avec un “bonus” de 35 000 naissances supplémentaires, n’est pas, ou pas seulement, comme l’on aurait pu s’y attendre, le fait de femmes jeunes, n’ayant pas ou peu fait d’études. Car il est aussi dû à des femmes plus âgées, de 30 à 34 ans, qui, ayant fait des études supérieures et exercé une profession, se sont tardivement certes, -mais mieux vaut tard que jamais- enfin décidées à avoir un bébé. Bel exemple réussi de fécondité maîtrisée qui contribue à la fois à l’équilibre démographique et au développement durable.

Mais toute médaille a son revers et tout progrès engendre ses excès. Car la maîtrise de la fécondité, poussée au delà du raisonnable, a fait inévitablement basculer certains pays européens dans une stérilité qui risque de provoquer, à terme, une grave crise démographique, comme nous le verrons dans un instant.

Examinons maintenant en quelque sorte, sur le terrain, dans l’histoire contemporaine, le lien relationnel existant entre condition féminine et développement durable. Nous le verrons tout d’abord dans les pays qui ont accédé au développement durable, puis dans ceux qui ont échoué dans cette entreprise.

De tout temps, on l’a vu, les femmes ont poussé à un développement durable, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Simplement de nos jours , avec la prise de conscience des problèmes d’environnement et de développement sociétal, cette évidence est-elle plus clairement perçue.

L’amélioration la condition féminine, facteur du développement durable .

Il serait superflu de reprendre en détail les étapes de l’émancipation de la femme en Occident au cours des siècles. Cette évolution a, sans aucun doute, donné une impulsion décisive à notre développement. Plus pertinent pour notre propos immédiat serait de montrer comment, au lendemain de la dernière guerre, l’amélioration de la condition de la femme a contribué à engager certains pays sur le sentier du développement économique.

Rappelons auparavant que le Japon, dés le milieu du 19°, s’était lancé dans cette voie avec l’ère du Meiji. Le fait est que, dés le 17° siècle, la plupart des Japonaises, quel que soit leur rang social, savaient lire et écrire. Dans les années 80, le Japon s’est hissé dans l’échelle des pays riches au point d’accéder au 2° rang de l’économie mondiale, tout de suite après les Etats-Unis. Mais on observera que 50 % des Japonaises travaillent. Ce n’est pas un hasard.

On retrouvera des chiffres analogues pour les pays du Sud Est asiatique, en particulier les NPI, les pays nouvellement industrialisés, les célèbres Quatre Dragons qui ont accédé au développement économique dans les années 80. En Corée du Sud, le taux d’illettrisme des femmes est un des plus bas au monde.

Pour la Chine, qui s’est enfin réveillée, conformément aux vues prophétiques du regretté Alain Pierrefitte, les taux de croissance depuis 1978 oscillent entre 8% l’an les mauvaises années et 12 % l’an, les bonnes. Mais les jeunes Chinoises ont depuis belle lurette libéré leurs pieds des bandelettes de naguère et constituent un fort pourcentage des effectifs universitaires. L’émancipation de la femme chinoise date, en fait, de la Révolution. Mais on notera qu’elle semble marquer le pas. On pratique toujours en Chine l’infanticide des petites filles. Ce qui pourrait être, à terme, la pierre d’achoppement de l’étonnant essor économique de ce pays.

En Inde, l’alphabétisation des femmes a progressé, ces dernières années, plus rapidement que celle des hommes. Ce pays qui, voici peu, incarnait le paradigme de la misère, a non seulement, et contre toute attente, acquis son autonomie alimentaire, mais encore se paie le luxe d’exporter ses surplus de céréales dans les pays voisins. Bien plus, plus de 300 millions d’Indous sont déjà entrés dans l’ère de la civilisation industrielle. Le temps des vaches sacrées -il en reste encore, heureusement pour les touristes- et des veuves brûlées sur les bûchers funéraires, est révolu.

Entendons nous bien. Je ne prétends nullement qu’il suffit qu’un pays se décide à envoyer toutes les petites filles à l’école pour que du jour au lendemain, les taux de croissance s’envolent au delà de deux chiffres et qu’il accède aux libertés publiques et privées. Je me contente d’affirmer que l’éducation des femmes et leur émancipation progressive est un des plus puissants, mais non le seul, facteurs d’un développement durable. C’est déjà beaucoup.

Tournons maintenant notre regard vers les pays dits développés d’Europe ou d’Amérique. Verrons-nous le même processus vertueux entrer en action? Comme je l’indiquais tout à l’heure, il faut nuancer notre propos et se garder de tout triomphalisme prématuré.

Dans nos pays, certes, l’immense majorité des femmes sont scolarisées, ont accès à tous les métiers, y compris pilote d’avion de combat et conducteur de tanks. Les voici enfin libérées des servitudes et contraintes de toute nature, notamment dans le domaine de la procréation, comme on l’a vu tout à l’heure. Tous les tabous ont sauté. Mais c’est bien là le hic.

Car l’on peut se demander si le balancier, imprudemment lancé trop fort, n’est pas allé bien au delà du point d’équilibre. Je fais naturellement allusion aux indices de fécondité désastreux enregistrés dans certains pays ou certaines régions. Point n’est besoin, sans doute, de rappeler les chiffres cités ici même par votre éminent collègue Jacques Dupâquier avec des indices de fécondité de 1,2 enfant par femme pour l’Italie, et pour l’Espagne, et des “pics” de stérilité avec des indices de 0,9 pour la Lombardie, le Pays basque, la Bulgarie ou l’ex-Allemagne de l’Est, alors que, on le sait, il faudrait 2,1 enfants par femme pour assurer le simple renouvellement des générations. Incontestablement, l’Europe vieillit.

Et l’on peut se demander si ce n’est pas là la raison profonde, trop souvent ignorée des économistes et des responsables politiques, de la faiblesse économique de l’Europe, zone de basse pression démographique, face aux Etats-Unis, en bien meilleure situation démographique, de l’Allemagne à la fécondité exsangue face à la France qui connaît un certain renouveau démographique, sans parler du Japon d’aujourd’hui dont la natalité s’effondre face à l’Asie du Sud-Est où elle reste vivace.

Ce n’est pas devant vous, Messieurs, que j’évoquerai les analyses désormais classiques d’ Alfred Sauvy et avant lui, d’ Alphonse Landry. L’un et l’autre ont magistralement mis en lumière voici longtemps les liens entre vitalité démographique et vigueur économique.

A l’inverse, la faiblesse démographique provoque la langueur de l’économie. C’est, sans doute aujourd’hui, le talon d’Achille du modèle rhénan tant admiré naguère. L’Allemagne, faute d’enfants, n’est-elle pas en train de perdre la clef et le secret du développement durable si chèrement acquis pendant les années du “miracle allemand” ?

La condition féminine, obstacle à un développement durable dans les pays du Tiers monde.

L’ONU nous apprend qu’en l’an 2000, sur 875 millions d’adultes analphabètes, les deux tiers étaient des femmes. On ne peut s’empêcher de penser ici à l’Afrique et aussi, à bien des pays musulmans dont le retard économique, en dépit de leurs richesses naturelles, et de l’aide qui leur a été prodiguée, n’a cessé de s’accentuer au fil des années. Or, ce sont précisément des pays où la condition féminine telle que nous l’avons décrite, n’a guère connu de progrès, quand elle n’a pas enregistré une profonde régression.

Rappelons qu’au début de ce siècle, les femmes afghanes avaient librement accès à l’éducation et que leur statut social, sans être particulièrement enviable, était tout à fait comparable à celui des pays voisins. On sait ce qu’il en est advenu sous le règne, heureusement terminé, des Talibans. Il aura fallu les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre qui a suivi pour que les femmes en Afghanistan puissent à nouveau circuler sans voiles, se faire soigner, exercer une occupation professionnelle et avoir accès à l’éducation. Mais dans l’Afghanistan d’aujourd’hui, la plupart des jeunes filles de moins de 15 ans ne savent ni lire ni écrire. Et encore n’est-il nullement certain que l’émancipation, relative, des femmes afghanes, imposée par les armes de l’étranger, soit définitivement acquise.

Dans le pays voisin, le Pakistan, supposé plus libéral, le statut de la femme demeure extrêmement précaire. On dénombre 5 000 cas par an de femmes mariées défigurées au vitriol par leurs époux offensés. En Turquie ou en Jordanie, ce sont les maris ou les frères qui se font les justiciers sommaires de leurs sœurs ou de leurs épouses pour défendre l’honneur de la famille. Plusieurs milliers de femmes y sont ainsi assassinées chaque année. Les tribunaux se montrent indulgents quand ils sont saisis de ce genre d’affaires. D’ailleurs, même en Espagne, à nos portes, la presse nous apprend les méfaits d’un certain “terrorisme conjugal”. Il paraît clair qu’aussi longtemps que les femmes de ces pays resteront sujettes à des coutumes aussi barbares, l’amélioration de leur condition et donc les perspectives de développement durable resteront incertaines.

Il en va de même malheureusement en Afrique noire. Un colloque de l’Institut de Géopolitique des Populations, tenu à la Fondation Singer Polignac en décembre dernier, a permis de montrer que près d’un demi- siècle après son émancipation, ce continent déshérité, non seulement est mal parti, pour reprendre le titre du célèbre ouvrage de René Dumont, mais continue à reculer.

La croissance de la population y est, en moyenne, de 2,6 % l’an contre 2 % pour la croissance économique d’où une paupérisation jusqu’à présent irréversible. L’Afrique ne représente plus qu’1 % du PIB mondial, 2% des échanges internationaux, et son PIB, inférieur à celui des années 60, égale celui de la petite Belgique. Pour couronner le tout, le Sida a frappé 28 millions de personnes causant 15 millions de décès.

Il est évident que cette triple malédiction, qui n’est nullement une fatalité, est liée à la condition de la femme africaine. D’ailleurs, il est révélateur qu’on connaît des femmes chefs d’Etat ou femmes politiques, en Amérique latine, en Asie. Mais en Afrique, à ma connaissance, aucune. Ce n’est pas un hasard. Car la femme africaine est trop souvent privée d’une éducation quelconque. Si, en Europe et en Amérique, 2 % seulement des femmes seraient analphabètes, en Afrique, et dans le monde arabe, cette proportion concernerait plus de 50% des femmes. La femme africaine est trop souvent privée de l’accès à une hygiène et à des conditions sanitaires minimales. Elle est trop souvent dépourvue des droits personnels les plus élémentaires au profit de l’homme ou de la belle famille à laquelle elle soumise. Elle est accablée par des besognes ménagères qui en font parfois une véritable bête de somme. Tout ceci devrait, bien entendu, être nuancé et précisé selon les ethnies, les régions, les pays. Il n’en reste pas moins que ce tableau d’ensemble reste, malheureusement, fort proche de la réalité.

Je me permettrai de reprendre, à cet égard, une forte image tirée d’un discours de votre Secrétaire perpétuel, Monsieur Jean Cluzel, qui me pardonnera cet emprunt. Il évoque ainsi :” Cette femme de pêcheur au Sénégal, les mains brûlées par la saumure; la femme rurale, bébé sur le dos, pilant quotidiennement plus de 20 kilos de mil ou de riz. Femmes d’Afrique, tôt levées, tard couchées” et il ajoute, à juste titre: “L’avenir du continent africain dépend des femmes africaines”. On ne saurait mieux dire.

Pour conclure, c’est la raison pour laquelle, alors que les chefs d’Etat occidentaux se sont réunis en ce début d’année 2002 au chevet de l’Afrique, je suis convaincu que l’aide à l’Afrique noire devrait subir une véritable révolution. Elle doit être entièrement repensée, reconstruite sur des bases radicalement nouvelles, dont l’amélioration de la condition féminine en Afrique devra nécessairement constituer l’axe principal. A cette condition, mais à cette condition seulement, l’Afrique noire pourra-t-elle conjurer les risques, trop réels, de sombrer dans le chaos au XXIe siècle pour retrouver le chemin perdu d’un développement véritablement durable.

Enfin, je disais en introduction, que développement durable, condition féminine et progrès de civilisation se conjuguent, se conditionnent, se renforcent mutuellement. A l’orée de ce troisième millénaire, est-on vraiment assuré que les avancées obtenues dans ces domaines soient définitivement acquises ? Car de redoutables bastions de résistance sont toujours en place et de puissantes forces de régression toujours à l’œuvre. Même chez nous, beaucoup reste à faire, beaucoup reste à accomplir. C’est la raison pour laquelle je terminerai sur cette parole souvent citée, et faussement d’ailleurs attribuée à André Malraux, lequel aurait dit que le XXIe serait religieux ou ne serait pas. J’oserai avancer, pour ma part, que le XXIe siècle verra une condition féminine universellement reconnue et respectée sur toute la planète, ou ne connaîtra pas de développement durable.

Texte des débats ayant suivi la communication