Séance du lundi 19 novembre 2007
par le Pr. Bruno Dubois,
Professeur de neurologie et responsable de l’unité Alzheimer à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière
Perte de mémoire ne veut pas dire maladie d’Alzheimer
« J’ai la mémoire qui flanche, je ne me souviens plus très bien ». On connaît la chanson… Qui ne s’est jamais plaint d’avoir « la mémoire qui flanche », de ne pas se rappeler le nom d’un collaborateur ou d’un ami, de rentrer dans une pièce sans savoir ce qu’il vient y chercher, d’avoir oublié le contenu d’un livre ou d’un film, de chercher l’emplacement de clés ou de ses lunettes… Phénomène bien banal, mais qui inquiète : ne dit-on pas qu’il faut se mobiliser précocement pour ces troubles de mémoire ? Ce d’autant qu’il y a toujours dans une famille un vieil oncle, un cousin éloigné dont on a dit qu’il avait perdu la tête à la fin de ses jours. Et la maladie d’Alzheimer n’est-elle pas un peu héréditaire ? Alors…
Sans vouloir rassurer de façon excessive, il est souhaitable d’apporter ici un certain nombre de précisions utiles. La plainte de mémoire est un phénomène banal : plus de 50 % des gens âgées de plus de 55 ans se plaignent de leur mémoire. Si c’est la majorité (plus de 50 % des cas), c’est donc la norme. En d’autres termes, il est normal de se plaindre de sa mémoire à partir d’un certain âge. Ce sont ceux qui ne plaignent pas qui devraient s’inquiéter… ! Cette proposition, volontairement paradoxale, n’est d’ailleurs pas totalement sans fondement quand on sait que les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer ne se plaignent habituellement d’aucun trouble : c’est l’anosognosie, terme médical qui réfère à la non-conscience par le patient des troubles qu’il présente.
Comment fonctionne la mémoire ?
Ainsi, se plaindre de sa mémoire ne veut pas dire que l’on a une maladie de la mémoire. En effet, pour qu’une information soit rappelée, il faut qu’elle soit traitée dans trois circuits différents et successifs.
Il faut d’abord que l’information soit bien enregistrée. Le cerveau est un organe de perception : il enregistre les stimuli qu’il reçoit par différents canaux : canal visuel, auditif, sensitif… La qualité de l’enregistrement de l’information, encore appelée stimulus, est déterminante pour la qualité du rappel que le sujet pourra en réaliser ultérieurement. S’il est moins attentif à l’information, celle-ci sera moins bien encodée. Prenons l’exemple d’un sujet déprimé : ses préoccupations, ses ruminations mentales, son anxiété du moment l’empêchent d’accorder toute l’attention nécessaire pour bien enregistrer l’information qu’il reçoit ou l’évènement auquel il participe. Cette information ou cet évènement étant mal enregistrés, ils seront mis en mémoire de façon non satisfaisante. La trace mnésique sera en conséquence plus labile. Il ne sera pas surprenant que ce patient déprimé, en raison de ses troubles attentionnels, se plaigne d’avoir des difficultés à se rappeler l’information, donc d’avoir des troubles de mémoire.
Après avoir été enregistrée, l’information doit être transférée vers les systèmes de mise en mémoire. Ces systèmes ont pour finalité de transformer l’information perçue en trace mnésique. Ils reposent en particulier sur des régions du cerveau maintenant bien identifiées : l’hippocampe et le circuit dit de « Papez » (du nom de celui qui l’a décrit pour la première fois). Une lésion bilatérale de ces structures entraîne l’incapacité totale de créer une trace mnésique de l’information perçue. En d’autres termes, la scène dont nous sommes le témoin ne pourra pas être gravée dans notre disque dur. Elle sera définitivement perdue, même si nous y avons été attentifs. Ce cas est rare : il s’agit en général de ce que l’on observe au cours de la maladie d’Alzheimer. Car les lésions de la maladie débutent et touchent principalement les hippocampes. C’est l’altération du fonctionnement hippocampique qui empêche la transformation d’une information perçue en trace mnésique. De là vient le trouble de mémoire des faits récents, alors que les faits anciens, acquis et consolidés avant la maladie, sont toujours accessibles. De là aussi vient la tendance qu’ont ces sujets à se perdre dans des endroits nouveaux, à poser plusieurs fois la même question indiquant ainsi qu’ils ne se rappellent pas des réponses qui leur ont déjà été formulées.
Dans la troisième et dernière situation, l’information a bien été enregistrée. Elle a ensuite été prise en charge par le système hippocampo-mamillo-thalamique (le circuit de Papez), ce qui a permis sa transformation en trace mnésique. Elle est stockée quelque part dans le cerveau. Mais c’est la récupération de cette trace qui peut être difficile, notamment au cours du vieillissement normal : c’est le phénomène classique dit du « bout de la langue ». Le sujet sait qu’il sait, mais il n’arrive pas à récupérer l’information car cette récupération nécessite l’activation de stratégies cognitives qui sont sous le contrôle principalement des lobes frontaux. Au cours du vieillissement normal, il a été montré une diminution de la perfusion et du métabolisme cérébral dans les régions frontales rendant compte d’une difficulté d’activation des stratégies cognitives. Cette situation est tout à fait banale et renvoie là encore à une diminution des ressources attentionnelles liée au vieillissement.
Si dans les trois situations, le sujet se plaint de sa mémoire, seule la difficulté de mise en mémoire (secondaire à l’atteinte des formations hippocampiques) est préoccupante. Nous avons aujourd’hui des tests de mémoire qui nous permettent de différencier ces trois niveaux différents d’atteinte. Il a d’ailleurs été montré que ce ne sont pas forcément les sujets qui se plaignent le plus qui ont des performances les plus perturbées dans les tests de mémoire. En effet, comme nous l’avons dit plus haut, la plainte de mémoire est le plus souvent l’expression d’une diminution des capacités attentionnelles. Les tests de mémoire ont pour principal objectif de contourner l’étape attentionnelle pour évaluer plus précisément les circuits de mise en mémoire. Dans ces conditions, la performance des sujets ayant des troubles attentionnels se normalise. Cela m’avait conduit, il y a quelques années, à postuler le paradoxe suivant : « Plus les sujets se plaignent de leur mémoire, moins ils ont de risque d’avoir une maladie de la mémoire ». Soyez donc rassurés.
L’allongement de la vie : une conquête, une chance, mais aussi un défi
Une conquête
La plainte concernant sa mémoire est donc le prix à payer des sollicitations multiples auxquelles nous sommes en permanence confrontés, mais aussi de la difficulté à mobiliser des ressources attentionnelles qui accompagnent naturellement le vieillissement normal. Il est vrai que cet allongement de l’espérance de vie est une donnée considérable qu’il faut prendre en compte si l’on aborde le problème des dépendances neuro-cognitives. L’allongement de la vie est une conquête majeure de l’humanité, en même temps qu’un privilège des sociétés dites développées. L’espérance de vie a augmenté de façon régulière et spectaculaire depuis la fin du XIXe siècle pour dépasser maintenant l’âge de 80 ans. Aujourd’hui, un nouveau-né de sexe féminin a une espérance de vie supérieure à 90 ans. Les scénarios démographiques de l’INSEE montrent une augmentation de la population totale de la France pour les prochaines années, mais surtout une augmentation de la proportion des personnes âgées. A titre d’exemple, la proportion de personnes âgées de 75 ans et plus, qui était de 8 % en 2004, devrait passer à 16,1 % en 2040. De façon intéressante, cette augmentation de l’espérance de vie s’est accompagnée d’une augmentation de la durée de vie sans incapacité. Ce point est à souligner : l’accroissement de la proportion de personnes âgées dans la population globale ne signifie pas un accroissement proportionnel de la dépendance et des charges qui sont associées.
Une chance
Cet allongement de la durée de la vie a de multiples conséquences qui ne sont pas toutes négatives, loin s’en faut. En effet, il représente une source de croissance et de développement potentiels : les personnes âgées ont globalement vu s’accroire leur pouvoir d’achats et leurs besoins génèrent des activités économiques nouvelles. Il offre également la possibilité aux personnes âgées de prolonger leur activité dans un autre cadre, par exemple associatif et bénévole, et de contribuer ainsi au renforcement du lien social.
Mais aussi un défi
La progression du nombre absolu de personnes âgées est une réalité incontournable et devient un défi majeur. En effet, le vieillissement de la population va mettre en tension la plupart des éléments du système de protection sociale et, s’il n’est pas correctement anticipé, risque de mettre à mal la solidarité entre les générations. Ce d’autant que la maladie d’Alzheimer est d’autant plus fréquente que la population avance en âge. La prévalence de l’affection va mathématiquement augmenter dans les années qui viennent. Aujourd’hui, la maladie d’Alzheimer touche 850 000 français avec, chaque année, 165 000 nouveaux cas, pour un coût annuel de 10 milliards d’euros, avec des prévisions de 1,2 millions de personnes en 2020. Près de la moitié des patients sont à un stade de sévérité modérément sévère à sévère, soit plus de 400 000 personnes. La prise en compte de ce stade de sévérité est importante car la proportion de patients dépendants est de 90 % dans ces formes. Il faut savoir que ces chiffres ne sont qu’une estimation réalisée à partir des données du groupe EURODEM et de l’étude PAQUID. Mais même s’il ne s’agit que d’une estimation, il ne fait pas de doute que ces chiffres ne peuvent que s’accroître dans les années à venir.
Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ?
La maladie d’Alzheimer est définie cliniquement comme une démence dégénérative. Le terme de démence, en médecine, n’a pas le même sens que dans le langage courant. Il ne s’agit en aucun cas de folie ou de déraison. Ce terme définit un état de dépendance ou de perte d’autonomie. Est dément un sujet qui ne peut plus se prendre en charge, ce que l’on évalue en interrogant le patient ou son entourage sur sa capacité à se déplacer seul, à utiliser les transports en commun, à prendre ses médicaments seul et sans aide par exemple.
La maladie débute par des troubles de mémoire, qui portent surtout sur le rappel des faits récents qui se sont passés dans les heures ou les jours qui précédent ; puis des difficultés d’orientation dans le temps et dans l’espace, un manque du mot qui rend le discours moins compréhensible, une difficulté pour la réalisation de certains gestes pourtant bien connus ou pour la reconnaissance de visages pourtant familiers. Parallèlement, s’installent des troubles du comportement avec apathie, parfois agressivité ou délire. L’ensemble de ces troubles retentit plus ou moins rapidement sur l’autonomie du patient.
Si la maladie touche le plus souvent la personne âgée, elle peut survenir plus tôt, avant 60 ans. On évalue à près de 20 000 le nombre de formes à début précoce. Car la maladie d’Alzheimer est d’abord et avant tout une maladie du cerveau. C’est l’affection du cerveau pour laquelle les progrès les plus importants ont été réalisés au cours de ces vingt dernières années. Ces progrès ont été enregistrés aussi bien dans la connaissance des lésions et de leur mécanisme que de la clinique et de la thérapeutique. Passons les rapidement en revue.
Ils concernent tout d’abord les lésions cérébrales qui caractérisent la maladie. On connaît maintenant les deux acteurs principaux de la cascade biologique : tout d’abord, une production excessive d’une protéine (la protéine amyloïde) qui vient s’agglutiner pour former les plaques séniles du cortex cérébral ; secondairement, et en cascade, une modification des protéines de structure du neurone aboutissant à une dégénérescence neuronale. De la connaissance de ces lésions résulte la possibilité, aujourd’hui, de diagnostiquer la maladie par la simple mise en évidence de marqueurs protéiques dans les liquides biologiques des patients. Ainsi, la maladie est la première affection neurodégénérative pour laquelle des anomalies biologiques peuvent être mesurées dans le liquide céphalo-rachidien. Ces dosages biologiques sont encore réservés à certains centres experts, mais ils montrent des taux de spécificité pour le diagnostic qui avoisinent 90 % ! L’étude des lésions de la maladie a eu une autre conséquence importante : celle de proposer une vision totalement nouvelle de l’histoire naturelle de l’affection. On sait maintenant que les lésions débutent tôt dans la vie des patients. L’analyse neuropathologique de cerveaux de sujets décédés de toute autre cause a montré qu’à l’âge de 47 ans la moitié des cerveaux présente déjà des dégénérescences neuronales spécifiques de la maladie. Ces études neuropathologiques nous ont aussi révélé que les lésions débutent dans les régions internes du lobe temporal, en particulier dans l’hippocampe, régions impliquées dans les phénomènes de mise en mémoire et de stockage à long terme. Il n’est donc pas surprenant, dans ces conditions, que lorsque la maladie deviendra symptomatique plusieurs décennies après, les premiers symptômes seront des troubles de mémoire. Des troubles de mémoire particuliers, car résultant d’une atteinte hippocampique. La maladie d’Alzheimer doit donc être considérée comme une démence amnésique progressive. Récemment, nous avons pu caractériser le profil hippocampique des troubles de mémoire, ce qui permet aujourd’hui d’identifier facilement la maladie et de la différencier des autres démences dégénératives.
Ce concept d’une présentation clinique homogène a permis des progrès importants dans l’approche diagnostique. Fort de toutes ces connaissances récentes, de nouveaux critères de la maladie ont été récemment proposés. Jusque là, le diagnostic reposait sur une démarche en deux étapes. La première étape consistait dans l’identification du syndrome démentiel ; la deuxième dans l’élimination de toutes les causes possibles, en particulier vasculaire, générale… De là, la justification du bilan paraclinique comprenant scanner, IRM cérébrale et bilan biologique… C’est donc le diagnostic d’une « démence de type Alzheimer » que l’on réalisait par élimination de toute autre cause de démence. Sur la base des données récemment acquises et présentées plus haut, la maladie d’Alzheimer peut être reconnue et identifiée par des critères positifs, et ce, bien avant le stade de démence. Il n’y a en effet pas de raison de lier le diagnostic d’une maladie à un stade de sévérité. Pourquoi attendre que la maladie ait atteint un seuil de sévérité (le seuil de démence) pour l’identifier ? Ne doit-on pas chercher à la reconnaître dès les premiers symptômes, surtout dans les formes à début précoce afin de réduire l’errance diagnostique, limiter les conséquences sociales et professionnelles et favoriser un accès rapide aux thérapeutiques innovantes en cours de développement ? Cela est maintenant possible par la mise en évidence d’un syndrome amnésique de type hippocampique, associé à une atrophie de l’hippocampe à l’IRM ou à une modification des marqueurs du LCR.
Peut-on guérir la maladie d’Alzheimer ?
La cause de la maladie n’est pas connue. Elle n’est génétique que rarement (moins de 1%). Dans l’immense majorité des cas, elle est donc sporadique et résulte de facteurs complexes, non encore identifiés. Mais le paradoxe est que si l’on n’en connaît pas la cause, on peut espérer pouvoir ralentir, voire stopper, son évolution en bloquant la cascade biologique qui en découle. Par exemple, on peut espérer empêcher la formation de la protéine anormale (des médicaments sont en cours de développement) ou faire disparaître les plaques du cortex constituées par cette protéine. C’est la voie dite du « vaccin ». L’idée en est simple : injecter par voie intra-musculaire la protéine anormale pour favoriser la synthèse d’anticorps par l’organisme du patient. Ces anticorps, dirigés contre la protéine, vont passer dans le cerveau et faire disparaître les dépôts intra-cérébraux. Cette voie a été couronnée de succès sur des modèles animaux mais a entraîné des effets secondaires importants chez l’homme. De nouvelles études d’efficacité et de tolérance du vaccin ont débuté en France cette année.
Peut-on prévenir la maladie d’Alzheimer ?
En attendant l’arrivée de ces médicaments innovants, ralentissant le processus pathologique, il faut chercher à agir sur des facteurs associés qui soit raccourcissent le délai d’apparition des symptômes (on les appelle « des facteurs de risque ») soit l’allongent (on parle alors « de facteurs de protection »). Agir sur ces facteurs peut avoir des conséquences importantes en termes de Santé Publique : retarder l’apparition de la maladie, ne serait-ce que d’un an, entraînerait des économies de plusieurs milliards d’euros pour la collectivité.
La liste des facteurs de risque potentiellement modifiables constitue un des enjeux majeurs de Santé Publique. Aujourd’hui, on s’intéresse de plus en plus à la période 40-50 ans car c’est à cet âge que ces facteurs vont conditionner la survenue de maladies chroniques dans les âges avancés : le même désordre biologique sera en effet moins grave, ou s’exprimera plus tardivement quand l’ensemble du cerveau est en meilleur état anatomique et en meilleur état fonctionnel.
Niveau d’études
Si certains critères démographiques ne peuvent être modifiés, comme l’âge ou le sexe, qui restent pourtant les principaux facteurs de risque de la maladie, le bas niveau d’études est un facteur modifiable sur lequel il est possible d’agir. Le faible nombre d’années d’éducation formelle est associé à un risque majoré de développer une maladie d’Alzheimer. Ce résultat est en accord avec l’hypothèse selon laquelle les sujets ayant un haut niveau d’études ont une plus grande capacité de réserve cognitive qui pourrait ainsi retarder l’expression de la maladie.
Mode de vie
Parmi les facteurs liés au mode de vie, la richesse du réseau et des interactions sociales et les activités de loisir, comme la lecture, le jeu, les voyages… sont des facteurs potentiellement protecteurs. Mais l’hypothèse d’un arrêt de ces activités dans les stades présymptomatiques de la maladie ne peut être écartée, ce qui se traduirait par une surestimation de l’effet de ces facteurs. D’importantes études d’observation ont également mis en évidence un effet protecteur d’une activité physique intense ou soutenue dans le temps. En conséquence, la pratique de l’exercice physique, les efforts d’activités culturelles et intellectuelles, les animations de groupe pour les personnes âgées devraient être massivement facilités par les politiques municipales. L’énorme chance de la prévention de la maladie d’Alzheimer est que les méthodes connues pour être associées à une réduction du risque des maladies cardiovasculaires et du cancer sont applicables à la réduction de risque de maladie d’Alzheimer.
Prévention cardiovasculaire
Une association entre facteurs de risque vasculaire et maladie d’Alzheimer a été récemment soulevée. A l’appui de cette hypothèse, une étude randomisée montre une diminution du risque de maladie d’Alzheimer après abaissement de la pression artérielle systolique. Ce résultat n’a cependant pas été confirmé dans d’autres essais. Quoi qu’il en soit, la prévention cardiovasculaire est essentielle, ne serait-ce que pour diminuer la prévalence des accidents vasculaires cérébraux, responsables de démence vasculaire. De tels accidents « silencieux » sont régulièrement découverts grâce à l’imagerie cérébrale.
Facteurs nutritionnels
Des facteurs nutritionnels interviennent probablement. Le vieillissement peut être à l’origine de modifications du comportement alimentaire et entraîner des déficiences nutritionnelles. L’association entre carence vitaminique (vitamine B12, vitamine B6 ou folates) et risque de maladie d’Alzheimer a été soulevée. L’analyse des relations entre consommation de nutriments et déclin cognitif est cependant complexe. Il est peu probable qu’un seul composé joue un rôle majeur. La notion d’une approche plus globale de la nutrition doit être développée. L’intérêt pour le régime méditerranéen en est un exemple : des travaux convergents montrent une diminution du risque de maladie cardiovasculaire, de la mortalité et peut-être de la maladie d’Alzheimer avec une alimentation favorisant des apports élevés en légumes, fruits et céréales, en graisses insaturées ; modérément élevés en produits laitiers et vin et faibles en viande.
Cette longue liste de comportements ou de facteurs potentiellement protecteurs ne doit pas faire oublier la question essentielle : ces comportements retardent-ils bien la survenue de la maladie ? Ou, à l’inverse, les premières lésions de la maladie ne modifient-elles pas le comportement des patients, à l’origine d’un biais avec une surestimation de l’effet de ces facteurs ? Quoi qu’il en soit, il est logique de favoriser cette culture de la prévention qui cherche à retarder l’expression symptomatique des lésions de la maladie. La prévention « primaire » de la maladie d’Alzheimer dépendra de la qualité globale de la prévention en population générale. Elle est possible dès aujourd’hui et l’augmentation de l’incidence de la maladie pourrait être freinée. La prévention « tertiaire », une fois la maladie déclarée, dépend de la qualité d’organisation du système de soins, en particulier son accessibilité par tous les citoyens.
Mais c’est de la découverte de médicaments physiopathologiques que viendra la solution définitive. Le Plan Alzheimer, voulu par le Président de la République, pourrait être l’occasion de structurer la recherche clinique et fondamentale. En effet, si des progrès considérables ont été réalisés au cours de ces dernières années, l’effort de soutien dans notre pays n’est pas à la hauteur de l’enjeu de santé publique que représente cette affection. Il est temps de faire émerger ou de renforcer quelques pôles de recherche dans le domaine de la maladie d’Alzheimer, clairement identifiés par leur spécificité (génétique, protéomique, modèles animaux, épidémiologie, neuro-imagerie, marqueur biologique…). Ce n’est qu’à ce prix là, par la création d’un réseau de recherche identifié que l’on peut espérer donner les moyens à notre pays d’être un partenaire écouté dans cette compétition. L’attente est énorme, souhaitons que les moyens soient à la hauteur de cette attente.