André Vacheron : Restaurer la souveraineté sanitaire

Un impératif : restaurer la souveraineté sanitaire de la France

André Vacheron
Vice-Président de l’Académie des sciences morales et politiques
Président Honoraire de l’Académie de médecine

mardi 28 avril 2020

La pandémie du COVID-19 s’apparente de plus en plus à une guerre mondiale avec ses souffrances, ses décès infligés aux populations et ses destructions économiques. Elle n’est pas terminée. Sa dimension planétaire s’explique par la mobilité des populations et des marchandises qui augmente avec le développement de la mondialisation. Son aspect catastrophique est en grande partie d’ordre logistique : manque de lits de réanimation, manque de personnels de santé, manque de matériels médicaux (respirateurs), manque de masques, manque de tests de détection du coronavirus : tests PCR (génétiques), tests sérologiques (immunologiques).

La crise actuelle démontre l’ampleur des problèmes provoqués par la délocalisation, le plus souvent en Chine, des moyens de production des masques, des respirateurs, des automates et des réactifs utilisés pour les tests. Au début de l’épidémie, comme de nombreux pays, la France a dû faire face à la pénurie des masques pour ses médecins, ses infirmières, ses personnels de santé et de salubrité. La réserve de l’État contenait seulement 140 millions de masques chirurgicaux, les plus utilisés, alors qu’en 2009, lors de l’épidémie de grippe H1N1, le stock de ces masques dans l’Établissement de Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires (EPRUS crée en 2007) s’élevait à 1 milliard. A partir de 2011, pour des raisons économiques, une partie des masques ont été importés de Chine et la production nationale a été réduite. Le 1er mai 2016, l’EPRUS a été incorporé dans la nouvelle agence nationale de santé publique « Santé publique France » avec l’Institut de Veille Sanitaire (INVS) et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Lorsque le coronavirus s’est propagé en France, la réserve de l’État ne contenait plus que 140 millions de masques. La demande de masques a augmenté rapidement, mais la production nationale était devenue insuffisante pour satisfaire les besoins et l’État a dû commander 1, puis 2 milliards de masques à la Chine en organisant un véritable pont aérien.

Lors du déconfinement, dans l’attente de masques « chirurgicaux », les plus utilisés, en nombre suffisant, la population devra utiliser des masques alternatifs en tissu aux normes AFNOR, fabriqués par les industriels du textile, d’autres entreprises et des couturières indépendantes, pour éviter la propagation du virus par les personnes infectées mais souvent asymptomatiques, les mesures barrières et de distanciation sociale restant indispensables.

Au problème des masques, s’est ajouté celui des tests de dépistage. Leur utilisation précoce et massive en Allemagne (300 à 400 000 tests par semaine), notamment chez les sujets âgés et chez les sujets à risques (diabétiques, insuffisants cardiaques, insuffisantes rénaux) a contribué largement à les protéger. Le taux de mortalité en Allemagne est près de cinq fois moins élevé que dans notre pays : un miracle dû aux tests permettant la détection et l’isolement précoces des personnes contagieuses et à un équipement hospitalier suffisant. Comme l’a déclaré Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé de 2007 à 2010, la reconstitution de l’EPRUS est souhaitable en lui donnant une large autonomie et de vraies capacités financières pour faire face aux catastrophes qui risquent de se reproduire.

Mais surtout, la France doit retrouver son autonomie dans le domaine de la santé, un domaine vital pour sa population et pour son économie, en relocalisant et en développant les industries spécifiques : biotechnologies, médicaments, en synergie avec nos partenaires européens.

 

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