Des Académiciens en Sorbonne
Jeudi 20 mai 2021
Grand Amphithéâtre de la Sorbonne
Jeudi 20 mai, la reprise du cycle Des Académiciens en Sorbonne, interrompu depuis le mois de février, avait des allures de rentrée des classes : après des semaines, voire des mois de semi-confinement qui avaient vu les écrans prendre une place centrale dans le quotidien des élèves et des enseignants, la joie de la présence et de la qualité d’attention que celle-ci suscite dans un lieu majestueux comme le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne était palpable. Surtout qu’il s’agissait, pour les élèves de 3ème du collège Alviset et les élèves de seconde du lycée Louis-le-Grand, d’écouter Olivier Houdé, professeur de psychologie à l’université de Paris, parler du fonctionnement du cerveau sous un titre intriguant : Souvent votre cerveau vous trompe ! Comment reprendre le contrôle ? Ouvrir le capot de la boîte noire et s’intéresser à ce qui s’y passe lorsque l’on est en situation d’apprentissage – c’est-à-dire presque tout le temps dès que l’on traite une perception visuelle ou sonore, que l’on éprouve une émotion face à une personne ou à un phénomène, que l’on s’oriente dans un lieu nouveau, que l’on fait une opération de calcul mental dans sa tête, que l’on lit ou que l’on tient un raisonnement. Et pourtant, même à l’école, on ne s’arrête pas souvent pour explorer ce qui se passe sous le capot. Et que l’on peut observer maintenant grâce aux techniques d’imagerie cérébrale.
Après avoir rappelé que chaque bébé d’Homo sapiens reparcourt toute l’aventure de la pensée humaine en moins de vingt ans pour en faire une synthèse personnelle, Olivier Houdé s’arrête sur le défi qu’il rencontre à chaque pas : résister aux illusions. “Souvent votre cerveau vous trompe !”. Les illusions visuelles, bien sûr, mais aussi les biais cognitifs – faux savoirs, fausses informations – auxquels adhère trop rapidement le cerveau, pour aller vite justement. “Pour reprendre le contrôle”, il est nécessaire de connaître son cerveau et le mécanisme-clé de “contrôle inhibiteur”. Celui-ci permet non seulement de bien raisonner, de développer son esprit critique, mais également de se départir de l’illusion égocentrée qui nourrit les stéréotypes et les préjugés sur l’autre : au lieu de croire, mieux vaut raisonner ; au lieu d’asséner son seul point de vue, prendre la peine d’écouter et de concevoir l’existence d’une pluralité de points de vue. Exercer l’inhibition dans tous les domaines, c’est décider de ne pas être un mouton de Panurge.
Retrouvez les vidéos de la rencontre
Brève conversation avec Olivier Houdé
Vidéo de la séance
Revivez en images les temps forts de la rencontre
© Rectorat de Paris – Sylvain Lhermie
L’accueil de Monsieur le Recteur et le mot du Secrétaire perpétuel de l’Académie
Découvrez le film de l’Académie des sciences morales et politiques en compagnie de Jean-Robert Pitte
Olivier Houdé expose les trois systèmes du cerveau humain :
heuristique (S1), algorithme (S2), inhibition (S3)
Consultez le diaporama de la conférence Souvent votre cerveau vous trompe ! Comment reprendre le contrôle ?
Questionnement
Comment déjouer des illusions dont, par définition, on n’a pas conscience ?
Comment mettre à distance la vitesse de l’information ?
Comment résister à la tentation de la confirmation de nos croyances ?
Abécédaire
Olivier Houdé partage trois mots qui lui sont chers :
- BEAUTÉ : Dans La beauté dans le cerveau, Jean-Pierre Changeux, un de ses maîtres, définit la beauté par l’association originale de trois éléments : la surprise, la cohérence et la parcimonie. C’est vrai dans les arts comme dans les sciences.
- CERVEAU : on comprend ce choix, inutile de le commenter.
- NOUVEAUTÉ : Dans La lettre du voyant (15 mai 1871), Arthur Rimbaud – dont le confrère d’Olivier Houdé, Pierre Brunel, est un grand spécialiste – ouvre à une raison poétique nouvelle et parle d’ailleurs du cerveau : “Car Je est un autre [….] J’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute […]” ; “Le Poète se fait voyant“, “Il arrive à l’inconnu“. Cela est vrai de l’artiste en général comme du scientifique.
Compliment
Avant de se quitter, l’Académicien offre aux élèves et à leurs enseignants des images qui évoquent et signifient beaucoup à ses yeux, ainsi que deux pensées inspirantes : une toile de René Magritte, une vue de l’entrée du laboratoire Le LaPsyDÉ au 4ème étage de la Sorbonne, un tableau inachevé posé sur son bureau depuis 30 ans, la devise qu’il a fait graver sur son épée d’académicien en hommage à Jean Piaget… et, en point d’orgue, une parole de Jean d’Ormesson, un confrère, membre de l’Académie française, pour lequel il avait beaucoup d’amitié.