Séance du lundi 1er février 2016
par M. Jean-Claude Bonichot,
Juge à la Cour de justice de l’Union européenne
Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire perpétuel, Mesdames, Messieurs, votre illustre prédécesseur, Alexis de Tocqueville, parlant de la Cour suprême des Etats-Unis dans sa « Démocratie en Amérique », s’émerveille: “Lorsque, dit-il, l’huissier, s’avançant sur les degrés du tribunal, vient à prononcer ce peu de mots: “l’Etat de New-York contre celui de l’Ohio”, on sent qu’on est point-là dans l’enceinte d’une cour de justice ordinaire”.
Que dirait-il si, sortant de sa tombe dans le cimetière de Cannes, et passant par Luxembourg, il entendait le greffier de la Cour de justice de l’Union européenne annoncer “Commission contre Italie”, “Hongrie contre Slovaquie” ou « Parlement et Conseil contre Commission »?
Nous ne sommes pas à Luxembourg dans l’enceinte d’une cour de justice ordinaire. Nul doute que la Cour de justice a joué et continue de jouer un rôle majeur dans le fonctionnement et le développement de l’Union européenne. Nul doute que ses arrêts ont conduit à des évolutions majeures dans le droit des États membres.
Au fil des années, ceux-ci ont dû changer ou au moins adapter des pans entiers de leur législation, au point qu’on a pu parler de gouvernement des juges. Il suffit de penser à la fiscalité, aux relations sociales, à l’égalité entre les hommes et les femmes…
Ces changements ont toutefois été assez bien acceptés car ils résultent avant tout – et il faut prendre garde à ne pas l’oublier – du mouvement induit par les Traités eux-mêmes dont la Cour de justice n’est, après tout, que l’interprète, et dont l’orientation est claire: création d’une “union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe”, d’un marché unique sans frontières intérieures, d’un espace de liberté tant politique qu’économique.
A cet égard, grande est la différence avec l’autre Cour européenne, celle des droits de l’homme, qui ne se fonde pas, pour rendre ses arrêts, sur une “Constitution” et sur une législation aussi développées que ne le sont les Traités et le droit dérivé.
Grande est aussi la différence avec d’autres Cours tant nationales qu’internationales car la Cour de justice est sans doute le tribunal le plus puissant du monde puisqu’elle peut condamner les Etats membres à des astreintes et à des amendes : 50000 euros par jour d’astreinte contre l’Espagne pour ne pas avoir récupéré des aides illégales [1] ; plus de 57 millions d’astreinte par période de six mois et 20 millions de somme forfaitaire à la charge de la France pour ne pas voir suffisamment poursuivi les infractions en matière de pêche [2]…
Qu’est donc cette Cour si particulière ? Vaste sujet…
Votre Académie comprend six sections. Plaçons-nous du point de vue de chacune d’elles.
Histoire et géographie
Les débuts sont modestes : c’est dans la salle des mariages de l’hôtel de ville de Luxembourg que le président Massimo Pilotti et les six autres juges de la Cour de justice de la CECA, au nombre desquels Jacques Rueff [3], ainsi que l’Avocat général Maurice Lagrange, un membre du Conseil d’État français, ont prêté serment le 4 décembre 1952. La Cour a été logée dans ce qui allait plus tard devenir la « villa Vauban », aujourd’hui un musée de Luxembourg, mais les audiences se sont tenues au Cercle municipal où, pour le besoin, on installait une estrade. Et c’est au même Cercle municipal que les membres de la nouvelle Cour de justice des Communautés européennes ont prêté serment le 7 octobre 1959…
Aujourd’hui la Cour siège sur le plateau du Kirchberg dans des bâtiments dont la configuration actuelle est due à un architecte français, Dominique Perrault. 200000 m² abritent plus de 2000 agents. Le Président Robert Lecourt [4] a écrit qu’à son arrivée, en 1962, elle était « assez modérément occupée par quelques affaires de ferraille ou de fonction publique ». Aujourd’hui la Cour dans son ensemble – je reviendrai dans un instant sur ce point – juge près de 1800 affaires par an. Son budget est de plus de 350 millions. Elle accueille plus de 18.000 visiteurs par an.
Ses modalités de fonctionnement – très « continentales » – sont telles qu’elle est restée elle-même à travers les élargissements successifs de l’Europe communautaire. Elle a aussi absorbé l’extension des compétences de l’Union. Pendant longtemps préposée au jugement de questions économiques, elle touche maintenant à toutes les matières de la vie sociale.
Plaçons-nous maintenant du point de vue de la Morale et de la sociologie : Qui sont les juges de l’Europe communautaire ?
Charge de travail et composition de la Cour de justice :
La Cour porte mal son nom. Le Traité de Lisbonne, mal écrit et dont le plus grand mérite est sans doute d’exister, dit ceci : « La Cour de justice de l’Union européenne comprend la Cour de justice…». En réalité, la structure de la Cour a considérablement évolué : on lui a adjoint le Tribunal en 1988, puis un Tribunal de la fonction publique en 2005. Mais cette dernière innovation aura été de courte durée car ce dernier va être supprimé au bénéfice d’un considérable renforcement du Tribunal de l’Union européenne qui va passer de 28 à 56 membres. Aujourd’hui donc, l’institution Cour de justice de l’Union européenne comprend trois juridictions, dont la Cour de justice proprement dite, et d’ici quelques mois elle n’en comprendra de nouveau plus que deux : la Cour de justice et le Tribunal.
La Cour de justice a été saisie en 2015 de 713 affaires, record absolu dans son histoire, dont 436 renvois préjudiciels. Le Tribunal a reçu 831 affaires. Le TFP a été saisi de 167 affaires. L’ensemble du contentieux communautaire représente de l’ordre de 1800 affaires.
La Cour de justice compte 28 juges (un par Etat) et 11 avocats généraux ; le Tribunal actuellement 28 juges et le TFP 7.
Les membres, de la Cour et du Tribunal sont proposés par les Etats et nommés d’un commun accord par décision des gouvernements des Etats membres.
Le Traité de Lisbonne a été un tournant majeur pour ce qui est des nominations à la Cour et au Tribunal. En effet un comité de 7 membres a été créé « afin de donner un avis sur l’adéquation des candidats à l’exercice des fonctions de juge et d’Avocat général » tant pour la Cour de justice que pour le Tribunal [5]. Il est présidé par le vice-président du Conseil d’État français et compte un seul ancien membre de la Cour ; les autres sont des membres de Cours supérieures nationales. Le président de la Cour constitutionnelle allemande vient d’y être nommé [6].
Le comité a déjà donné plusieurs avis négatifs. Les États l’ont suivi. La tradition s’est installée qu’on ne passe pas outre un avis du comité.
Le comité a donné un contenu plus précis aux critères de nomination prévus par le Traité [7].
Comme l’a dit le président Sauvé dans son intervention devant la Commission des affaires juridiques du Parlement Européen [8] : « le rôle du comité est limité et, pourtant, celui-ci a réussi à faire vivre un mécanisme d’évaluation indépendant et impartial des candidatures aux fonctions de juge de l’Union, apportant ainsi sa pierre à une œuvre qui le dépasse de beaucoup : l’affermissement de l’Etat de droit et de la justice en Europe ».
Son fonctionnement :
Le président de la Cour est élu par les juges.
La Cour siège en grande chambre de 15 membres, en chambre à cinq juges ou en chambre à trois juges. Elle siège exceptionnellement en formation plénière de 28 juges.
L’Institut ne peut qu’être sensible à la place du français à la Cour. La Cour est certes une institution multilingue. Les audiences ont lieu dans les 24 langues de l’Union, ce qui est un élément essentiel de la démocratie européenne. Mais la Cour délibère en français sur un « projet de motifs » rédigé en français et le français est, par commodité, la langue de travail.
La procédure :
La Cour a complètement refondu son règlement de procédure dont l’essentiel remontait à son origine. Le nouveau règlement est entré en vigueur le 1er novembre 2012 [9].
Les progrès de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) ont rendu nécessaire la création d’une procédure préjudicielle d’urgence (PPU), par exemple pour le cas où une personne est détenue. Ces affaires sont jugées dans un délai de quelques semaines.
Les autres affaires sont jugées dans des délais très raisonnables pour une juridiction de ce type : environ 15 mois pour les questions préjudicielles, 17 pour les recours directs et 14 pour les pourvois contre les arrêts du Tribunal.
Fondamentalement, la Cour de justice est une juridiction continentale. Sa procédure est proche de ce que nous connaissons dans la juridiction administrative, ce qui n’est pas étonnant puisque celle-ci en a inspiré les traits essentiels, notamment l’existence de la fonction d’Avocat général.
Regardons maintenant du côté de la Législation, du droit public et de la jurisprudence
Les fonctions de la Cour n’ont pas changé. Elles sont depuis l’origine au nombre de trois :
-
assurer le respect de la légalité par les institutions de l’Union ;
-
assurer le respect par les États membres de leurs obligations communautaires ;
-
assurer l’unité d’application du droit de l’Union.
Cette dernière tâche (peut-être la première par l’importance) représente aujourd’hui à peu près les 2/3 des affaires. Elle est assurée par la voie des questions préjudicielles. Le mécanisme, imaginé dès le Traité CECA, est génial dans sa simplicité : lorsqu’une question d’interprétation ou de légalité du droit de l’Union se pose devant une juridiction nationale, celle-ci la renvoie à la Cour et cette dernière se prononce avec autorité de chose jugée.
Les « grands arrêts » du droit communautaire ont été rendus à l’occasion de tels renvois préjudiciels : arrêt Van Gend en Loos du 5 février 1963 par lequel la Cour a consacré l’effet direct du droit communautaire [10] ; arrêt Costa/Enel du 15 juillet 1964 consacrant la primauté du droit communautaire sur le droit national [11] ; arrêt dit Cassis de Dijon du 20 février 1979 qui a posé les bases du principe de reconnaissance mutuelle [12].
La physionomie du contentieux communautaire a, depuis, beaucoup évolué. Le temps est loin où l’essentiel des affaires portait sur les libertés fondamentales du marché commun [13].
Aujourd’hui la matière première est une très abondante législation, de plus en plus technique. Ce seul élément distingue fondamentalement le rôle de la Cour de justice de celui de la Cour européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, les domaines du contentieux sont le reflet du développement des compétences de l’Union européenne.
En 2015, sur les plus de 700 affaires dont elle a été saisie, on ne compte que 65 affaires qui concernent les différentes libertés de circulation : libertés d’établissement, de prestation de services, de circulation des personnes, des marchandises et des capitaux. En revanche : 88 affaires de propriété intellectuelle et industrielle, 52 qui concernent l’ELSJ et notamment le droit pénal, 49 la fiscalité, 40 la concurrence et 47 l’environnement…
Quelques exemples permettent d’illustrer ce déplacement du centre de gravité de la jurisprudence européenne qui illustre ce que sont les nouveaux horizons du droit communautaire qu’on appelle aujourd’hui le droit de l’Union.
Prenons quelques domaines topiques : le développement des technologies de l’information, les grandes questions de société et l’espace de sécurité, de liberté et de justice.
Les technologies de l’information :
Celles-ci donnent lieu à des litiges dans des contextes très différents, mais qui mettent toujours en jeu la question de l’équilibre entre les droits et les libertés.
Dans un arrêt remarqué, Volker und Markus Scheke, du 9 novembre 2010 [14], la Cour de justice a déclaré invalides les dispositions de règlements sur le financement de la politique agricole commune qui prévoyaient la publication complète des données concernant les bénéficiaires d’aides des fonds agricoles : nom, localité de résidence et montants perçus. Elle a considéré que si c’était possible pour des personnes morales, une telle publication était disproportionnée pour les personnes physiques, qu’elle ne réalisait pas la « pondération équilibrée des différents intérêts en cause ».
La Cour a franchi un grand pas dans la protection des libertés publiques en déclarant purement et simplement illégale la directive 2006/24, du 15 mars 2006, qui prévoyait l’obligation pour les opérateurs de communications électroniques de conserver les données relatives aux communications pour une durée de six mois à deux ans dans le but d’assurer la sécurité publique et la lutte contre la criminalité. Elle a évidemment reconnu que cela répondait à un intérêt général, mais elle a considéré que la conservation des données avait été conçue de manière tellement large et avec un tel manque de garanties qu’elle ne satisfaisait pas au principe de proportionnalité : c’est le fameux arrêt Digital Rights [15], du 8 avril 2014. Dans ce même arrêt la Cour a précisé son contrôle en matière de libertés publiques : dès lors que des droits fondamentaux sont en cause le pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union est limité et la Cour se doit d’exercer un « contrôle strict », l’équivalent de ce qu’en droit public français on appelle un contrôle de proportionnalité. C’est, je pense, la première fois que la Cour affirme aussi clairement qu’elle doit exercer sur les actes législatifs qui touchent aux droits fondamentaux un contrôle complet.
Quelques semaines plus tard a été rendu l’arrêt phare de ces dernières années : Google Spain [16]. Cette décision porte un coup d’arrêt à la liberté quasi-absolue des géants du Net : un moteur de recherches doit faire disparaître des résultats les informations qui seraient de nature à porter atteinte à la vie privée. Voilà la contradiction apportée à la fameuse affirmation de Mark Zuckerberg selon laquelle à notre époque la vie privée n’existe plus.
Bien plus, le 6 octobre dernier, l’arrêt Schrems a été un coup de tonnerre dans l’univers du Net.
Dans cet arrêt [17], la Cour a déclaré que les conditions des transferts de données vers les Etats-Unis telles qu’elles avaient été définies par la Commission européenne en 2000 étaient incompatibles avec le droit de l’Union et en particulier la Charte des droits fondamentaux. L’affaire avait son origine dans un recours formé par un citoyen autrichien client de Facebook qui s’était opposé à ce que ses données personnelles soient envoyées sur des serveurs aux Etats-Unis au motif que les autorités américaines y auraient accès comme le prouvaient les révélations d’Edward Snowden sur les pratiques de la NSA et du FBI. Le constat de l’illégalité de la décision 2000/520, par laquelle la Commission européenne avait admis l’équivalence des protections en Europe et aux Etats-Unis a été qualifiée de « grand jour pour l’Europe [18] ».
Les questions de société :
Elles occupent une place de plus en plus grande.
Ainsi la Cour a-t-elle dû s’interroger sur la notion d’embryon humain, au sens de la directive 98/44 sur la protection des inventions biologiques. L’utilisation d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales ne peut pas être brevetée. Encore faut-il savoir ce qu’est un tel embryon. La difficulté de telles affaires apparaît clairement. Dans un premier temps la Cour a considéré qu’un ovule non fécondé induit à se diviser par voie de parthénogénèse avait la capacité de se développer en un être humain et que l’invention, « l’activation », ne pouvait par conséquent être brevetée [19]. Puis, saisie d’une autre affaire, elle a nuancé sa position dès lors qu’il était établi que le résultat de l’opération, le « parthénote » ne pouvait pas se développer. Elle a donc jugé qu’un ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer ne constitue pas un «embryon humain», au sens de cette disposition, si, à la lumière des connaissances actuelles de la science, il ne dispose pas, en tant que tel, de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain et a renvoyé à la juridiction nationale le soin de le vérifier [20].
Récemment, la Cour a été amenée à prendre parti sur la situation des mères commanditaires. Elle a jugé que ni la directive 92/85, sur la santé et la sécurité des travailleuses enceintes, ni la directive 2006/54 sur l’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail n’impliquaient qu’une femme qui a eu un enfant grâce à une convention de mère porteuse ait un congé de maternité et que le refus d’accorder un tel congé n’était pas non plus constitutif d’une discrimination fondée sur le handicap, car l’impossibilité d’avoir un enfant ne peut pas être qualifiée d’handicap au sens de la directive générale sur l’égalité de traitement [21].
La citoyenneté européenne et l’ELSJ :
La citoyenneté comme l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) sont devenus le « cœur de métier » de la Cour.
Dès que la citoyenneté est en jeu, la Cour est compétente. Il s’agit du « statut fondamental des ressortissants des États membres ». Il s’oppose à toute mesure nationale qui aurait pour effet de priver un citoyen de l’Union de la jouissance effective des droits qui en dérivent. Ainsi priver de droit de séjour un ressortissant d’un Etat tiers dont les enfants en bas âge ont la citoyenneté de l’Union priverait ceux-ci de leur droit de résider dans l’Union. Dans cette mesure doit lui être accordé un droit de séjour et la possibilité de travailler [22]. Il en va autrement de citoyens de l’Union qui voudraient faire venir des membres de leur famille qui sont ressortissants de pays tiers : le seul fait que ceux-ci soient dans ces pays tiers n’oblige pas le citoyen de l’Union de la quitter et de renoncer ainsi à son statut [23].
La Cour a dû tracer les limites entre le droit de l’Union et le droit international dans un cas assez extraordinaire : celui d’un chef d’Etat qui voulait absolument se rendre dans un autre État membre. Il s’agissait du président de la Hongrie qui entendait participer à l’inauguration d’une statue de St Etienne en Slovaquie, dans une région où résident des minorités hongroises, ce dont les autorités slovaques ne voulaient pas entendre parler. Le président de la Hongrie est allé jusqu’à la frontière où on lui a signifié l’interdiction d’entrer. La Hongrie a demandé à la Commission de lancer une procédure de manquement contre la Slovaquie, ce qu’elle a refusé de faire et c’est donc la Hongrie elle-même qui a saisi la Cour d’un recours en manquement [24]. La Hongrie avait été jusqu’à invoquer la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et de leurs familles de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres. La Cour, par un arrêt de grande chambre, a répondu que le statut des chefs d’Etat relevait de règles coutumières du droit international et non des règles de circulation applicables à tout citoyen et que donc le droit de l’Union n’imposait nullement à la Slovaquie de laisser entrer sur son territoire le président de la Hongrie.
Année après année se construit l’espace de liberté, de sécurité et de justice.
A ce titre la Cour doit se prononcer régulièrement sur des questions de droit pénal comme celles qui concernent le mandat d’arrêt européen, mais aussi sur des questions de droit civil, comme en matière de litiges familiaux, d’immigration, d’asile.
Sans entrer dans le détail, il faut tout de même relever qu’il s’agit là de domaines sensibles qui touchent aux attributions régaliennes des États membres, aux libertés et à la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour a bien dû en tenir compte lorsqu’elle a été saisie de la question du fonctionnement du système européen d’asile dans le cas de défaillances « systémiques », c’est-à-dire lorsqu’un État membre n’est pas capable d’assumer totalement ses obligations en matière de traitement des réfugiés.
On se souvient de l’arrêt M.S.S. par lequel la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Belgique avait violé la convention en renvoyant un demandeur d’asile en Grèce, Etat compétent, alors qu’il était établi que cet Etat ne parvenait pas à assurer le respect des règles en la matière [25]. La Cour de justice a réagi par son arrêt N.S., du 21 décembre 2011 [26] en apportant au système de Dublin [27] les aménagements indispensables : lorsque les autorités d’un État membre « ne peuvent ignorer que les défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile » dans l’Etat compétent risquent de les exposer à des traitements inhumains ou dégradants, ils doivent s’abstenir de les transférer. Si aucun autre État membre n’est compétent l’Etat en cause doit traiter la demande dans le cadre d’une clause de réserve [28] qui permet toujours à un Etat d’examiner une demande d’asile même s’il n’est pas compétent en vertu du règlement.
Économie politique, statistiques et finances
La crise des dettes souveraines a amené les États membres à mettre en place des instruments de gouvernance économique. Ils l’ont fait par des actes de l’Union, mais aussi par deux accords parallèles aux Traités de l’Union : celui instituant le Mécanisme européen de stabilité (2 février 2012) et celui sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (2 mars 2012). Ils sont distincts des Traités de l’Union, mais n’en sont pas indépendants, car, d’une part, leurs dispositions établissent des liens avec l’Union, d’autre part, ils investissent les Institutions mêmes de l’Union, et notamment la Cour de justice, de l’essentiel des tâches à accomplir.
La Cour de justice a été interrogée par la Supreme Court d’Irlande sur la validité même de la création du MES qui est une institution financière internationale dont le siège est à Luxembourg [29].
L’arrêt de la Cour a été rendu en plénière [30]. Pour la première fois, celle-ci a été amenée à contrôler une révision du Traité [31]. Par ailleurs elle a dû se prononcer sur la compatibilité du MES avec les dispositions du TFUE sur la politique économique et sur la politique monétaire.
La Cour a exercé son contrôle sur la décision du Conseil européen de réviser le Traité selon la procédure simplifiée. Elle a constaté que le Conseil européen est l’une des Institutions de l’Union, que donc ses décisions sont soumises au principe de légalité. Elle a considéré qu’il ne lui appartenait pas de contrôler le sens de la révision décidée, car c’est une modification du droit primaire, mais qu’elle devait, en revanche, vérifier que les conditions mises par le Traité à une révision simplifiée étaient remplies, ce qu’elle a fait.
Elle a ensuite réfuté un à un les arguments avancés à l’appui de l’incompatibilité du MES avec le droit de l’Union et notamment celui selon lequel le MES aurait constitué un contournement de l’interdiction de renflouement des États membres de l’UEM (non bailout clause) qui résulte des articles 122, 123 et 125 du TFUE.
C’est ensuite le Bundesverfassungsgericht, la Cour constitutionnelle d’Allemagne, qui, pour la première fois dans l’histoire de l’Union, a saisi la Cour d’une question préjudicielle. Elle l’a bien choisie: elle a tout simplement demandé si la décision du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) [32] d’acheter des titres d’États sans limite de montant [33] était compatible avec le Traité. Fort habilement, la Cour constitutionnelle avait laissé entendre que, pour elle, ce n’était pas le cas et qu’il s’agissait d’un dépassement manifeste de ses compétences par l’Union, ce à quoi elle devrait s’opposer en vertu de la Loi fondamentale (Grundgesetz), mais qu’il pourrait en aller autrement si la Cour de justice posait de très strictes conditions, ce qui revenait pratiquement à dicter à la Cour sa copie.
L’arrêt rendu le 16 juin dernier dans cette affaire, Gauweiler [34], a fait grand bruit car était en cause non pas le seul « Quantitative Easing » lancé par le président Mario Draghi dès son arrivée, mais le programme dit OMT, d’opérations monétaires sur titres [35], consistant à acheter sur le marché secondaire des obligations souveraines de certains États membres de la zone euro.
La Cour a jugé que la BCE était compétente, car il s’agissait bien de politique monétaire et non pas de politique budgétaire, dès lors que le programme visait à assurer une transmission appropriée de la politique monétaire. Elle a ensuite considéré qu’il ne violait pas l’interdiction de renflouer les Etats membres posée depuis le Traité de Maastricht, dès lors qu’il était acquis que la BCE laisserait se former un « prix de marché » avant d’intervenir, empêchant ainsi que cette intervention soit l’équivalent d’une acquisition directe d’obligations souveraines auprès des États.
Un mot trop rapide hélas sur la fiscalité. La Cour a joué un rôle majeur pour tirer les conséquences dans le domaine des impôts des libertés du marché intérieur. Les États restent largement maîtres de leur fiscalité, mais doivent exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union. La Cour a jugé qu’une personne qui travaille dans un Etat membre et réside dans un autre doit être traitée comme un contribuable du premier Etat si elle y tire l’essentiel de ses revenus. Elle veille aussi à ce que les règles fiscales n’entravent pas la liberté d’établissement. Mais elle est attentive aux abus et à l’évasion fiscale [36].
Philosophie
Une des grandes questions posées aux juristes ces dernières années est celle des « rapports de systèmes » juridiques.
Les « rapports de système entre le droit interne et le droit international public », c’est le titre d’un cours célèbre donné en 1926 par Kelsen à l’Académie de droit international de La Haye [37].
Un Kelsen ne serait pas de trop aujourd’hui pour réfléchir sur les « rapports de système ». Car il ne s’agit plus seulement, pour ce qui nous concerne, des rapports entre le droit national et le droit communautaire ou de l’Union, mais des rapports de différents systèmes internationaux entre eux et avec les systèmes nationaux.
La clé du problème qu’avait donnée Kelsen est, j’en suis persuadé, toujours valable : si on veut faire vivre ensemble des systèmes distincts sans les fusionner, il faut soit les subordonner l’un à l’autre, soit les coordonner. Ni l’une, ni l’autre option n’ont été clairement choisie pour ce qui est de l’Europe.
Mais je laisse ici la théorie dont vous savez que, selon Paul Morand, les théoriciens ne vivent pas et les créateurs risquent de mourir, et j’aborderai les trois points d’actualité suivants : les rapports de la Cour de justice avec les Cours constitutionnelles, ses rapports avec le Conseil de l’Europe et ses relations avec l’organisation mondiale.
La Cour de justice et les Cours constitutionnelles.
Les relations avec les Cours constitutionnelles et, de manière générale, les Cours supérieures des États membres, celles qui donnent le « la », se sont banalisées et les rapports de la Cour de justice et du Conseil d’Etat français sont, à cet égard, un exemple topique. Presque toutes les Cours constitutionnelles des Etats membres ont saisi la Cour de justice. Les questions peuvent, certes, ne pas être dépourvues de malice, comme celle de la Cour constitutionnelle allemande au sujet de la décision de la BCE d’intervenir sur les marchés des titres d’Etat. D’autres peuvent avoir des effets tout à fait positifs, comme le premier renvoi du Conseil constitutionnel français dans l’affaire Jérémy [38]. Dans cette affaire, la Cour de cassation avait posé au Conseil constitutionnel la question de la constitutionnalité de l’absence de recours en cassation contre une décision d’une chambre de l’instruction d’accorder l’extension des poursuites dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen. Le Conseil constitutionnel s’est demandé si la décision cadre de 2002 sur le mandat d’arrêt européen, ne s’y opposait pas car elle fixe un délai très court de trente jours pour que soit prise la décision. Il a saisi de la question la Cour de justice. Celle-ci, adoptant là encore une position très souple, a considéré que rien ne s’opposait à un recours en cassation suspensif pourvu que la décision finale intervienne dans le délai imparti par la décision cadre pour une décision définitive de remise, soit soixante jours avec une possibilité de prolongation de trente jours [39]. Le Conseil constitutionnel a pu, dans ces conditions, juger que le droit à une protection juridictionnelle complète impliquait qu’un recours en cassation fut possible. Le dialogue des juges a aboutià un réel progrès du droit et à combler une lacune qui provenait des conditions précipitées de transposition de la décision cadre dans l’ordre juridique français.
En deuxième lieu, la Cour de justice a conscience qu’une certaine souplesse est indispensable dans les rapports du droit de l’Union avec les principes et mécanismes constitutionnels en place dans les États membres.
De ce point de vue, est très significatif l’arrêt de la Cour rendu sur la question posée par la Cour de cassation française à propos de la compatibilité du système de la question prioritaire de constitutionnalité avec le droit de l’Union. Dans son arrêt Melki, du 22 juin 2010 [40], la Cour de justice a pris du recul par rapport à la manière, très critiquée d’ailleurs, dont la Cour de cassation avait présenté la QPC et l’état du droit français et elle a tenu dûment compte de l’interprétation donnée de la loi organique sur la QPC tant par le Conseil d’État que par le Conseil constitutionnel dans les jours précédents. Ensuite et surtout la Cour a modifié sa jurisprudence sur la primauté du droit de l’Union, ce qui a été peu relevé. En effet, l’application pure et simple de principes bien établis aurait dû conduire à dire que le juge qui constate une incompatibilité de la loi nationale avec le droit de l’Union doit en tirer immédiatement les conséquences (par exemple dans un REP annuler l’acte attaqué). Or justement la Cour dit que pour être compatible avec le droit de l’Union il faut seulement : 1) que le juge national soit toujours libre de poser une question préjudicielle quand il veut ; 2) qu’il puisse prendre des mesures provisoires pour assurer la protection des droits qui viennent du droit de l’Union. Autrement dit, il peut, parce qu’existe la QPC, s’abstenir de donner immédiatement, comme il pourrait le faire et aurait dû normalement le faire, une solution définitive au litige pour laisser le constitutionnel se prononcer. Il s’agit bel et bien d’un infléchissement de la jurisprudence Simmenthal [41].
Il est indispensable, en troisième lieu, de tenir compte de la Charte des droits fondamentaux. Elle s’applique dans toutes les situations régies par le droit de l’Union et a donc vocation à s’appliquer à peu près partout. Cela pose la question de la maîtrise de la jurisprudence sur les droits fondamentaux, ce qui est une question essentielle, très politique aussi. Je me souviens avoir entendu, lors d’une visite de la Cour de justice au Conseil d’État, il y a bien longtemps déjà, le président Combarnous dire que les juridictions supérieures des États membres avaient « perdu la maîtrise des évolutions jurisprudentielles ». C’est une réalité. C’est aussi un danger.
C’est la raison pour laquelle la Cour de justice a, par deux arrêts du 26 février 2013, Akerberg Fransson et Melloni[42], reconnu une marge de manœuvre non négligeable aux juridictions des Etats membres : pour contrôler la compatibilité de mesures nationales de mise en œuvre du droit de l’Union, les juridictions nationales peuvent appliquer, au lieu de la Charte, les « standards nationaux de protection des droits fondamentaux » dès lors que le niveau de protection qui résulte du droit communautaire n’est pas compromis et que sont respectés la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union [43].
La Cour de justice et le Conseil de l’Europe.
La question de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme a fait apparaître toute la singularité de l’Union. Cette adhésion, prévue par le Traité de Lisbonne, a été soumise par le Traité à de strictes conditions. La Cour de justice a considéré qu’elles n’étaient pas remplies par le projet d’accord d’adhésion dans son avis 1/2013, rendu le 18 décembre 2014 [44].
Non seulement l’adhésion est-elle soumise à une procédure spéciale [45], mais le Traité pose des conditions précises dans son Protocole n° 8.
Dans son avis, la Cour dit que l’Union n’est pas un Etat et constate que « l’approche » retenue par le projet d’accord « consistant à assimiler l’Union à un Etat…méconnaît précisément la nature intrinsèque de l’Union [46] ».
L’avis commence par rappeler les bases constitutionnelles de l’Union : interdépendance des États membres, confiance mutuelle [47], nécessité d’une interprétation des droits fondamentaux dans le cadre de la structure et des objectifs de l’Union [48], réalisation du processus d’intégration « qui est la raison d’être de l’Union elle-même ».
Cela posé, la Cour de justice considère que les exigences du Traité ne sont pas respectées à cinq points de vue. Chacun d’eux donne un éclairage sur la nature juridique particulière de l’Union européenne.
En premier lieu, l’accord ne garantit pas à différents points de vue l’autonomie du droit de l’Union. D’abord, parce qu’il ne permet pas de préserver l’équilibre voulu par la Charte entre le niveau de protection qu’elle garantit et les standards nationaux de protection des droits fondamentaux [49]. Ensuite, il permet de porter directement atteinte au principe de confiance mutuelle, condition sine qua non de l’espace sans frontières intérieures en obligeant les États membres à appliquer la Convention dans leurs relations réciproques alors qu’elles sont régies par le droit de l’Union. Enfin, l’existence du Protocole 16 à la Convention européenne des droits de l’homme qui permet d’adresser à la Cour de Strasbourg des demandes d’avis consultatifs permet de contourner l’obligation de renvoi préjudiciel, « clé de voûte » de la construction communautaire. L’ensemble de ces lacunes fait que l’accord ne respecte pas « les conditions essentielles de préservation » de la nature des compétences de la
Cour de justice [50].
En deuxième lieu, l’accord ne garantit pas la règle fondamentale figurant aujourd’hui à l’article 344 TFUE selon laquelle les États membres ne peuvent soumettre un différend relatif à l’application du droit de l’Union à un mode de règlement autre que ceux prévus par les Traités [51].
En troisième lieu, les conditions dans lesquelles est assurée la défense de l’Union et de ses Etats membres [52] ne permettent de garantir ni le respect de l’ordre des compétences à l’intérieur de l’Union, ni la prise en compte des réserves des États.
En quatrième lieu, les règles sur la procédure essentielle de « l’implication préalable » de la Cour de justice [53], c’est-à-dire les conditions dans lesquelles celle-ci devrait être appelée à trancher toute question de droit de l’Union avant que la Cour de Strasbourg ne se prononce, garantissant ainsi le principe de subsidiarité, ne respectent pas sa compétence exclusive pour interpréter le droit de l’Union. En particulier elles ne permettraient pas à la Cour de justice d’utiliser la technique de l’« interprétation neutralisante », couramment utilisée par les cours suprêmes des États membres aussi bien que par le Conseil constitutionnel français, la Cour de cassation ou la Conseil d’État [54].
Last but not least, n’a pas été résolue la question, évidemment épineuse mais néanmoins capitale, du contrôle juridictionnel de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), dont la Cour de justice est exclue [55], ce qui reviendrait à donner compétence à une juridiction extérieure à l’Union pour contrôler les actes et omissions de l’Union dans le cadre de ses attributions les plus sensibles ce qui est parfaitement incohérent et va à l’encontre des principes les mieux établis du droit de l’Union [56].
Faut-il en conclure que l’adhésion est impossible ? Je ne le pense pas. Elle implique seulement que le travail soit repris et que soient traitées correctement des questions dont la difficulté a été, volontairement ou non, manifestement sous-évaluée [57].
La Cour de justice et l’organisation mondiale.
Le sujet des rapports de l’Union européenne et des autres organisations internationales nécessiterait une étude approfondie.
Je me limiterai toutefois à évoquer un seul aspect : celui du contrôle juridictionnel des « mesures restrictives », du type « gel des fonds », prises dans le cadre de la PESC à l’encontre d’individus ou d’organisations, notamment pour lutter contre le terrorisme, qui met en jeu les rapports de la Cour de justice avec l’ONU.
Dans ce domaine, la plupart des mesures sont la mise en œuvre au plan communautaire de décisions prises par le Conseil de sécurité de l’ONU par l’organe de son « comité des sanctions ». La question s’est posée de savoir si l’Union européenne avait ici une marge de manœuvre et s’il appartenait à la Cour de contrôler le bien-fondé de ces mesures, dès lors qu’il résulte clairement de la Charte que le Conseil de sécurité a la responsabilité principale du maintien de la paix, que les États sont convenus d’accepter et d’appliquer ses résolutions et que les obligations des États en vertu de la Charte prévalent sur leurs obligations au titre de tout autre engagement international.
Cela n’a pas arrêté la Cour de justice. Elle a considéré que les obligations dérivant pour les États membres de la Charte de l’ONU ne pouvaient conduire à mettre de côté les principes constitutionnels de l’Union, au nombre desquels le respect des droits fondamentaux et le contrôle juridictionnel des atteintes qui peuvent y être portées, et cela sans se référer au jus cogens [58] ! Les juridictions de l’Union doivent dès lors assurer un contrôle de légalité « en principe complet [59] ».
Section générale : ce sera ma conclusion
Comme l’a écrit l’un d’entre vous dans un petit livre substantiel consacré à « l’Etat » : « Cette juridiction est sans équivalent dans l’ordre international [60] ».
On m’a souvent demandé si elle n’avait pas une jurisprudence politique. Ma réponse est qu’elle applique les Traités dans leur lettre comme dans leur esprit. Leur lettre est plus univoque qu’on le dit ; leur esprit est clair : depuis l’origine l’aventure communautaire a pour but « une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe ».
La Cour est une institution originale, continentale, adaptée à ce qu’est l’Union européenne qui est bien plus qu’une organisation internationale, sans être tout à fait une fédération et encore moins un Etat.
Deux ans avant sa mort, Jacques Barrot était venu à l’université de Luxembourg parler de l’Europe dans la crise économique [61]. Après avoir fait l’inventaire de tout ce qui allait mal, il s’est écrié : « mais heureusement il y a la Cour de justice ! ».
C’est que, dans une Europe qui a connu et connaît encore bien des crises et des secousses, la Cour de justice apparaît comme l’élément stable. Installée sur l’un des plateaux de la ville de Luxembourg, loin des centres bruxellois de décision, elle joue, dans un splendide isolement, le rôle de gardien du temple communautaire, fidèle à ses buts et à ses valeurs, ni plus, ni moins.
[1] CJUE, 11 décembre 2012, Commission c/ Espagne, aff. C-610/10.
[2] CJCE 12 juillet 2005, Commission c/ France, aff. C-304/02, AJDA 2005. 2335, chron. E. Broussy, F. Donnat, C. Lambert.
[3] Juge à la Cour de justice de la CECA du 4 décembre 1952 au 6 octobre 1958; juge à la Cour de justice des Communautés européennes du 7 octobre 1958 au 18 mai 1962.
[4] Membre de la Cour de 1962 à 1976 et son président de 1967 à 1976.
[5] Voir article 255 TFUE.
[6] Ses membres sont nommés par le Conseil qui statue « sur initiative » du président de la Cour de justice.
[7] « …personnalités offrant toutes garanties d’indépendance et qui réunissent les conditions requises pour l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes possédant des compétences notoires » et pour le Tribunal : « personnes offrant toutes les garanties d’indépendance et possédant la capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles » ; respectivement articles 253 et 254 TFUE. Le comité a détaillés ces critères en cinq séries d’éléments : capacités juridiques, expérience professionnelle, aptitude à exercer les fonctions de juge, indépendance et impartialité et connaissances linguistiques et aptitude à travailler dans un environnement international. Il entend les candidats au cours d’une audition d’une heure. Les membres en poste qui sont proposés au renouvellement peuvent être entendus s’ils le souhaitent. Voir le troisième rapport d’activité du comité prévu par l’article 255 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, disponible sur http://curia.europa.eu
[8] Le 30 mai 2013. Intervention disponible sur http://www.conseil-etat.fr
[9] Règlement de procédure de la Cour de justice, du 25 septembre 2012 (JO L 265 du 29.09.2012).
[10] Affaire 26/62. Les grands arrêts de la Cour de justice de l’Union européene N°41, page 562.
[11] Affaire 6/64. Les grands arrêts de la Cour de justice de l’Union européene N°42, page 576.
[12] Affaire 120/78.
[13] L’une des rares affaires récentes de ce type en matière de libre circulation des marchandises : The Scotch Whisky Association du 23 décembre 2015, affaire C-333/14.
[14] Volker und Markus Schecke et Eifert, C-92/09 et C‑93/09, EU:C:2010:662.
[15] CJUE 8 avril 2014, Digital Rights Ireland Ltd et Kärntner Landesregierung et autres, aff. C-293/12 et C-594/12, AJDA 2014. 1147, chron. M. Aubert, E. Broussy, H. Cassagnabère.
[16] CJUE 13 mai 2014, aff. C-131/12, Google Spain c/ Agencia Española de Protección de Datos, AJDA 2014. 1147, chron. M. Aubert, E. Broussy et H. Cassagnabère.
[17] CJUE 6 octobre 2015, Schrems, aff. C-362/14. AJDA 2015. 2257, chron. E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser.
[18] La présentation faite par la presse de la déclaration d’invalidité d’un « accord » entre l’Union et les Etats-Unis est juridiquement inexacte : il s’agit bien d’une décision de la Commission prise en application de l’article 25 de la directive 95/46. L’arrêt a été présenté comme « un grand jour pour l’Europe » : Die Richter des Internets » Süddeutsche Zeitung, 7 octobre 2015, et les juges de l’Union présentés comme les « meilleurs garants de la protection de nos données » : Le Monde, 22 octobre 2015, mais sa mise en œuvre suscite des inquiétudes : v. « The struggle to navigate EU data privacy ruling » dans l’International NYT du 21 octobre 2015.
[19] CJUE, 18 octobre 2011, Brüstle, aff. C-34/10.
[20] CJUE 18 décembre 2014, International Stem Cell corporation, aff. C-364/13.
[21] CJUE 18 mars 2014, C. D., aff. C-167/12 et Z., aff. C-363/12, AJDA 2014. 1147, chron. M. Aubert, E. Broussy, H. Cassagnabère.
[22] CJUE 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, aff. C-34/09, AJDA 2011. 1007, chron. M. Aubert, E. Broussy, F. Donnat.
[23] CJUE 15 novembre 2011, Dereci e.a., aff. C-256/11, AJDA 2012. 306, chron. M. Aubert, E. Broussy, F. Donnat.
[24] CJUE, 16 octobre 2012, Hongrie c/ République slovaque, aff. C-364/10, AJDA 2012. 2267, chron. M. Aubert, E. Broussy, H. Cassagnabère : « Les recours en manquement introduits par les États sont rarissimes : depuis 1952, nous ne dénombrons que trois précédents à l’arrêt commenté (CJCE 4 oct. 1979, France c/ Royaume-Uni, aff. C-141/78 ; CJCE 16 mai 2000, Belgique c/ Espagne, aff. C-388/95, AJDA 1999. 302, chron. H. Chavrier, H. Legal et G. de Bergues et 2000. 808, chron. H. Chavrier, H. Legal et G. de Bergues ; CJCE 12 sept. 2006, Espagne c/ Royaume-Uni, aff. C-145/04, AJDA 2006. 2271, chron. E. Broussy, F. Donnat et C. Lambert ; RTD eur. 2007. 25, étude L. Burgorgue-Larsen, InterRevues). »
[25] Cour EDH 21 janv. 2011, M. S. S. c/ Belgique et Grèce, req. n° 30696/09, AJDA 2011. 138.
[26] CJUE 21 décembre 2011, N. S. e.a., aff. C-411/10 et C-493/10, AJDA 2012. 306, chron. M. Aubert, E. Broussy, F. Donnat.
[27] Selon les règles de ce système l’Etat d’entrée est en principe celui qui est compétent pour traiter la demande d’asile.
[28] L’article 3§2 du règlement 343/2003.
[29] http://www.esm.europa.eu/
[30] CJUE, 27 novembre 2012, Pringle, aff. C-370/12.
[31] Par la décision 2011/199/UE du Conseil européen, du 25 mars 2011, modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l’euro (JO L 91, p. 1).
[32] Il s’agit, plus précisément, des décisions du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), du 6 septembre 2012, concernant un certain nombre de caractéristiques techniques relatives aux opérations monétaires sur titres de l’Eurosystème sur les marchés secondaires de la dette souveraine.
[33] À la condition, notamment, que l’État en cause soit engagé dans un programme de réforme.
[34] CJUE, 16 juin 2015, Gauweiler e.a., aff. C-62/14.
[35] Outright monetary transactions.
[36] Cf. H. Cassagnabère, chron. de jurisprudence fiscale de la CJUE, Bulletin Francis Lefebvre.
[37] Recueil des cours de l’Académie de droit international, 1926-IV, Tome 14, Hachette, Paris 1927.
[38] Jean-Claude BONICHOT : Le Conseil constitutionnel, la Cour de justice et le mandat d’arrêt européen, note sous Cons. const. 14 juin 2013, D 2013-1805.
[39] CJUE 30 mai 2013, F., aff. C-168/13, AJDA 2013. 1684, chron. M. Aubert, E. Broussy, H. Cassagnabère.
[40] CJUE 22 juin 2010, Melki et Abdeli, aff. C-188/10 et C-189/10, AJDA 2010. 1578, chron. M. Aubert, E. Broussy, F. Donnat. Voir également : Les grands arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne N° 69, page 909.
[41] CJCE 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77. V. sur l’ensemble de la question la magistrale note de notre collègue F. Donnat, La Cour de justice et la QPC : chronique d’un arrêt prévisible et imprévu, Recueil Dalloz 2010, p. 1640.
[42] CJUE 26 février 2013, Åklagaren/ Åkerberg Fransson, aff. C-617/10 ; CJUE 26 février 2013, Melloni, aff. C-399/11; AJDA 2013. 1154, chron. M. Aubert, E. Broussy, H. Cassagnabère. Voir également : Les grands arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne N°s 15 et 16 pages 200 et 214.
[43] C’est le rappel de principes posés il y a plus de quarante ans : CJCE 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff.11/70, Les grands arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, N° 15, page 200.
[44] Sur l’ensemble de cette question, je me permets de renvoyer à mon intervention aux « Entretiens du Conseil d’État sur « Les sources de droit Européen et les influences croisées entre la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme », in « Le droit européen des droits de l’homme », Un cycle de conférences du Conseil d’État, La documentation française, 2011, pages 90 et suivantes et 103 et suivantes, ainsi que La Convention européenne des droits de l’homme et l’Union européenne : avec ou sans contrat de mariage in La Convention européenne des droits de l’homme 60 ans et après ? LGDJ 2013, page 135, où était donnée la liste des différentes questions posées par l’adhésion. Voir également AJDA 2015. 329, chron. E. Broussy, H. Cassagnabère, C. Gänser.
[45] Il ne s’agit pas d’une adhésion unilatérale comme c’est normalement le cas pour les États. Le projet d’accord modifie d’ailleurs la Convention européenne des droits de l’homme elle-même et dit qu’il en fait « partie intégrante », ce qui n’est pas sans poser la question de son statut et, en particulier, de qui a le pouvoir d’en donner une interprétation authentique puisque, s’il est un élément de la Convention, il ferait aussi partie intégrante du droit de l’Union dès son entrée en vigueur.
[46] Points 49 et 193. Point 156 : « l’Union, du point de vue du droit international, ne peut pas, en raison de sa nature même, être considérée comme un Etat ».
[47] Qui se trouve hissée au nombre des principes constitutionnels : H. Gaudin : Si proches, si lointaines…AJDA 2015 page 1079 ; K. Lenaerts : The principle of mutual recognition in the area of freedom, security and justice, Intervention à la Fourth Annual Sir Jeremy Lever Lecture, Oxford, 30 janvier 2015.
[48] On reconnaît là la formule du point 4 de l’arrêt du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff.11/70, à laquelle fait écho la seconde phrase du §1 de l’article 52 de la Charte des droits fondamentaux. V. sur la portée de cette disposition : J-C Bonichot : Des rayons et des ombres: les paradoxes de l’article 6 du Traité sur l’Union européenne, La conscience des droits, Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Costa, Dalloz, 2011, page 49.
[49] Dès lors que des limitations des droits peuvent résulter « des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union », ce que le projet d’accord de réserve pas.
[50] Point 183 de l’avis. Exigence qui résulte d’une jurisprudence aussi ancienne que constante : CJCE 14 décembre 1991, avis 1/91.
[51] De ce seul fait qu’une fois introduite dans l’ordre juridique communautaire la Convention européenne des droits de l’homme en fera partie intégrante, alors que son article 33 permet de saisir la Cour européenne des droits de l’homme d’un manquement d’une autre partie à la Convention. Il s’agit là d’une violation directe de l’une des exigences du Protocole n° 8.
[52] Ce qu’on appelle le mécanisme du « codéfendeur.
[53] « Prior involvment », proposé à l’origine par le Juge Timmermans puis réclamé par la déclaration conjointe des présidents Costa et Skouris du 24 janvier 2011 dont on peut trouver le texte sur le site curia.europa.eu.
[54] Pour la Cour de justice, voir l’exemple particulièrement topique de l’arrêt Ordre des barreaux francophones à propos de la directive blanchiment : CJCE 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., aff. C-305/05 et l’arrêt rendu ensuite par le Conseil d’État français du 10 avril 2008, n° 296845, AJDA 2008. 730. Voir également AJDA 2007. 2248, chron. E. Broussy, F. Donnat, C. Lambert.
[55] Sous la réserve de sa compétence pour connaître de mesures restrictives du type gel de fonds prévue à l’article 275 TFUE auquel renvoie l’article 24TUE, ainsi que de la question des limites de la PESC ce qui es certes important mais de portée limitée.
[56] Rappelés par l’avis 1/09, 8 mars 2011.
[57] V. sur ce point : J.-C. Bonichot : Cour de justice des Communautés européennes et Convention européenne des droits de l’homme : vers un partenariat enregistré ? Le droit dans une Europe en changement, Liber Amicorum Pranas Küris, 2007, page 95 ; également pour l’un des rares auteurs à avoir pointé les problèmes posés : P. Auvret : L’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme, in J. Rideau (dir.) Les droits fondamentaux dans l’Union européenne. Dans le sillage de la Constitution européenne, Bruxelles, Bruylant, 2009, page 379. Sans compter les aspects de droit international : J. Malenovsky : l’enjeu délicat de l’éventuelle adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme : de graves différences dans l’application du droit international, notamment général, par les juridictions de Luxembourg et de Strasbourg, RGDIP 2009, page 753. V. également Jean-Paul Jacqué : Adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme-Le refus de la Cour de justice, L’Observateur de Bruxelles, n° 102, octobre 2015, page 27.
[58] G. Guillaume: Jus cogens et souveraineté, L’Etat souverain dans le monde d’aujourd’hui, Mélanges en l’honneur de J.-P. Puissochet, Pedone 2008, page 127.
[59] CJCE 3 septembre 2008, Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation, aff. C-402/05 P et C-415/05 P.
[60] R. Denoix de Saint Marc, L’Etat, PUF, Coll. Que Sais-Je ? page 101.
[61] « Les défis du droit de l’Union dans le contexte des grands enjeux européens », 24 juin 2013, Université du Luxembourg.