Séance solennelle de rentrée de l’Académie
sous la présidence d’André Vacheron
Président de l’Académie des sciences morales et politiques
Lundi 15 novembre 2021
La séance solennelle de rentrée de l’Académie des sciences morales et politiques a réuni plus de 300 invités sous la Coupole de l’Institut de France en présence du Chancelier de l’Institut, des membres et correspondants de l’Académie et d’autres académies, des mécènes, des lauréats des Prix de l’année 2021 et de nombreux invités.
Photographies : © Juliette Agnel-ASMP
Le président André Vacheron a ouvert la séance en rappelant la mémoire des membres et correspondants disparus cette année : Philippe Levillain, membre de la section Histoire et Géographie ; Denis Huisman, correspondant de la section Philosophie, Moriaki Watanabe correspondant de la section Morale et Sociologie et Jean-François Lemaire, correspondant de la section Histoire et Géographie. Une minute de silence a été observée par l’assemblée en leur honneur. Un membre associé étranger, Monsieur Zaki Nusseibeh et deux correspondants, Philippe Boulanger et Michel De Jaeghère, ont rejoint les rangs de la compagnie.
Le Président Vacheron a ensuite fait le bilan de son année qui portait sur le thème « Santé et Société ». L’actualité sanitaire est venue renforcer la pertinence du choix de ce thème conçu avant la pandémie et qui constitue l’une des préoccupations premières des Français.
Le vice-président Rémi Brague a procédé à la lecture du palmarès des prix, bourses et médailles décernés comme chaque année par les six sections de l’Académie et des jurys particuliers. Grâce au concours et à la générosité des particuliers et associations qui ont créé, par legs ou par dons, des fondations abritées au sein de notre Académie, celle-ci poursuit la mission, confiée à l’Institut par la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) – à savoir « suivre les travaux scientifiques et littéraires qui auront pour objet l’utilité générale et la gloire de la république » – qui fait de cette cérémonie une célébration de l’excellence.
Lecture du palmarès des Prix et Médailles de l’Académie par Rémi Brague
Livret du palmarès 2021
Le Secrétaire perpétuel Jean-Robert Pitte a ensuite prononcé un discours autour de deux figures : celles de Pierre Gourou et Roger Dion, « deux géographes de la liberté ». Si l’Académie des sciences morales et politiques a compté dans ses rangs quelques maîtres de la géographie du XXè siècle, tels Paul Vidal de La Blache, Jean Brunhes, Raoul Blanchard, André Siegfried ou encore Pierre George, ces deux grands savants, tous deux professeurs au Collège de France, auraient mérité que la section Histoire et Géographie s’intéressât à eux. Pierre Gourou (1900-1999) occupa au Collège de France la chaire d’étude du monde tropical de 1947 à 1979 et Roger Dion (1896-1981) celle de Géographie historique de la France de 1948 à 1968. Érudits, pragmatiques, audacieux, clairs dans leur pensée et élégants dans leur expression, ils furent attachés à promouvoir une géographie s’appuyant sur des faits précis, vus et lus, ce qui rend leurs écrits vivants et d’une réelle portée réflexive. Quoique spécialistes de milieux très différents, ils furent tous deux les chantres de la liberté, démontrant à quelle point la liberté des sociétés primait sur les facilités ou les contraintes du milieu, et relativisant, à la suite de l’école française de géographie fondée par Vidal de La Blache, la part du déterminisme physique. Avec sa thèse sur Les paysans du Delta tonkinois, publiée en 1936 et qui, dès son titre, met davantage l’accent sur les hommes que sur les lieux, Pierre Gourou démontre que les hautes densités de populations de la région résultent de facteurs purement humains et d’une exploitation très intelligente du milieu tropical humide. Il n’y a donc pas de tropiques intrinsèquement tristes ou joyeux ; il n’est de richesse que d’hommes éduqués et, selon le concept-clé de Pierre Gourou, encadrés.
Roger Dion, également élève d’Albert Demangeon, a soutenu une thèse sur Le Val de Loire, qu’il parcourt au moins deux fois, seul, en canoë afin de mieux se pénétrer des paysages et des atmosphères et, surtout, de mieux comprendre les aménagements des levées, destinées à contenir les crues de ce fleuve redoutable. Roger Dion combine données environnementales, sociales, économiques techniques et culturelles pour analyser ces turcies, démontrant là aussi la prépondérance de la liberté humaine pour façonner un milieu selon ses idéaux et ses valeurs. Après son élection au Collège de France, Roger Dion entama un cycle de dix années de cours sur la vigne et le vin qui aboutira à son maître ouvrage de 1959, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXè siècle, dans lequel il démontre que la géographie viticole repose sur la volonté humaine de produire, de boire et de vendre du vin, beaucoup plus que sur les potentialités de l’environnement. En cette année du bicentenaire de la Société de Géographie, créée à deux pas de l’Institut, il est temps de remettre à l’honneur le savoir géographique dans le concert des connaissances, afin de repérer, comme l’ont fait Roger Dion et Pierre Gourou, les actions humaines fondées sur la liberté créatrice et orientées vers le bien commun.
Discours de Jean-Robert Pitte : Pierre Gourou et Roger Dion, deux géographes de la liberté
A l’issue de la séance, le Président a invité les lauréats à se rendre dans le Salon Genevoix pour y recevoir leur prix :
L’ensemble de l’assistance s’est retrouvée autour du cocktail servi dans les Salons de la Cour d’honneur.