In memoriam
Alain Pons

Séance ordinaire du 28 mars 2022

Allocution en hommage à Alain Pons
1929 – 22 mars 2022

par Rémi Brague
Président de l’Académie des sciences morales et politiques

 

Mes chers confrères,

Alain Pons, correspondant de la section Philosophie de l’Académie élu le 21 juin 2004 à la place laissée vacante par le décès de Jeanne Hersch, est décédé le 22 mars 2022 à l’âge de quatre-vingt-douze  ans.

Né en 1929, ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de philosophie, Alain Pons a enseigné pendant trente ans la philosophie à l’université de Paris X – Nanterre. Ses travaux ont porté essentiellement sur la pensée philosophique et politique du XVIIIe siècle français et sur celle de l’Italie de la Renaissance à la fin du XVIIIe siècle et, pour un certain nombre, sur les « traités des manières » en Italie au XVIe siècle. Ils se sont attachés à réévaluer l’importance de la tradition rhétorique dans la fondation de la théorie politique et à dégager les paradigmes d’une pensée de l’histoire ouverte sur la contingence et l’imagination. 

Dans le domaine français, Alain Pons est l’auteur de nombreux articles sur la philosophie politique au XVIIIe siècle : il a publié un compendium de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1964), le Dictionnaire philosophique de Voltaire, l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain de Condorcet, toutes éditions assorties de copieuses notes. Pour le domaine italien, on lui doit la traduction et la présentation du Livre du Courtisan de Baldassare Castiglione (1987), de la Galatée de Giovanni Della Casa (1988), des Ricordi : Conseils et avertissements en matière politique et privée (1998), de Guichardin, un ouvrage considéré comme un classique de la pensée politique au même titre que Le Prince de Machiavel, dont il partage le même réalisme teinté de cynisme, hérité de la tradition florentine. À son actif également la préface de La métaphore inouïe d’Ernesto Grassi, ouvrage méconnu en France d’un important philosophe italien qui fut l’élève de Heidegger, ainsi que de nombreux articles sur la pensée morale et politique de la Renaissance italienne.  

Mais le centre des travaux d’Alain Pons a été le grand philosophe, historien et juriste napolitain Giambattista Vico, dont il a traduit et présenté La vie de Giambattista Vico, écrite par lui-même (1981), La méthode des études de notre temps, les Lettres et les Sentiments d’un désespéré, et surtout La Science nouvelle en 2001, qui lui avait valu la même année d’être distingué par le Prix Alexandre Papadopoulo de l’Académie. Il a étoffé ce travail de plusieurs dizaines d’articles dont un certain nombre a été édité en Italie sous le titre Da Vico à Michelet , et d’un essai, Vie et mort des Nations – Lecture de la science nouvelle de Giambattista Vico, paru en 2015 aux éditions Gallimard.

En 2003, Alain Besançon avait présenté Alain Pons devant la Société des Gens de Lettres, dressant de lui un portrait chaleureux que l’on peut relire sur le site de Canal Académies. La même année, Alain Pons était intervenu devant l’Académie pour livrer son « Vico » dans le cadre du programme annuel de travail conçu et coordonné par Emmanuel Le Roy Ladurie, « Personnages et caractères » (XVe s- XXe siècles).

Sa disparition nous invite à le relire, tout comme elle rappelle à l’attention de notre compagnie les deux remarquables articles qu’il a écrits pour le Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale dirigé par Monique Canto-Sperber (puf) :  « Renaissance »  et « Mœurs », ce dernier article étudiant en particulier le lien qui unit les mœurs et les manières d’une part, les mœurs et la morale d’autre part. Je livre les dernières lignes de cet article à votre réflexion : « Non seulement les sciences humaines, mais la philosophie elle-même ne sauraient se dispenser de réfléchir sur la notion ancienne et vague de mœurs, dont l’existence témoigne du caractère naturel (animal) et proprement humain de la vie des hommes, qui y révèlent leur capacité historique de créer leur monde, de s’y enraciner, de le modifier, de le juger, et d’y trouver les conditions de leur liberté. »  

Télécharger  Vico, le texte de l’intervention d’Alain Pons en séance le 31 mars 2003,  et la transcription des échanges qui avaient suivi.

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