Intervention d’Édouard Balladur en séance le lundi 23 janvier

Édouard Balladur, ancien Premier ministre, est intervenu en séance le lundi 23 janvier dernier sur le thème annuel de la bonne gouvernance.

Thème de la conférence : Réflexions sur la Vème République : pour parvenir à une bonne gouvernance, des institutions efficaces sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes

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Édouard Balladur a été accueilli par le président Jean-Claude Trichet et par le secrétaire perpétuel Bernard Stirn

Monsieur le Chancelier,
Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire perpétuel,

Mesdames,

Messieurs,

Je remercie votre Académie de m’avoir invité à m’exprimer sur les institutions de la Ve République et sur la bonne gouvernance.

Je suis attaché à la Ve République. L’originalité de ses institutions est évidente : l’Assemblée nationale ne doit pas être la seule à décider en dernier ressort, le pouvoir doit être partagé entre elle et un exécutif stable et fort à la tête duquel se trouve le Président de la République.

J’ai connu la IVe République au temps où j’ai commencé à servir l’État. Elle a fait œuvre utile en matière économique comme en matière européenne, mais l’instabilité et la faiblesse du pouvoir exécutif l’ont rendue incapable d’inventer l’avenir de son empire colonial en voie d’émancipation, si bien qu’en 1958 c’est son existence même qui a été mise en cause par la menace d’une insurrection militaire.

La Ve République a créé un régime mixte où le pouvoir exécutif existe sans l’investiture préalable de l’Assemblée nationale, mais où celle-ci peut renverser le gouvernement. Il a fait face à de multiples épreuves et les a surmontées.

Pour moi il était important que la Ve République fût le régime de tous, pas seulement celui du parti regroupant les fidèles inconditionnels de son fondateur. Cela supposait que son usage fût adapté à l’évolution des circonstances et des mentalités grâce à une alternance des partis au pouvoir. À mes yeux, c’était la condition même de sa durée.

 

Les hasards de la vie ont fait que je suis intervenu en plusieurs circonstances dans son évolution durant une période de près de 50 ans :

S’agissant du quinquennat présidentiel voulu par Georges Pompidou en 1973, il souhaitait démontrer, après l’échec du référendum en 1969, que le Président avait toujours la possibilité d’y recourir. C’est ce qu’il fit en 1972 en demandant aux Français de valider l’entrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun. Il obtint plus de 60 % des suffrages, mais près de 40 % d’abstentions, ce qu’il ressentit comme un échec, en quoi je ne suis pas persuadé qu’il eût raison. Aujourd’hui on en rêverait ! Cela le conduisit en 1973 à modifier la Constitution. Il me précisa ses intentions, alors que j’étais Secrétaire général de l’Élysée : il souhaitait libérer le Président de la République, élu pour une longue période de sept ans, de l’obligation de vérifier qu’il bénéficiait toujours de la confiance des Français, ce qui le conduisait à prendre des initiatives, référendum ou dissolution de l’Assemblée nationale, qui pouvaient échouer et l’entraîner à la démission. Il en concluait qu’un mandat réduit de sept à cinq ans libèrerait le Président de cette contrainte. Pour Georges Pompidou, il n’était pas question d’instituer grâce au quinquennat une sorte de continuité entre l’élection du Président et celle de l’Assemblée nationale qui la suivrait. Bloqué par le Parlement, il dut renoncer. En 2002, lorsqu’on décida de réduire le mandat présidentiel à cinq ans, on s’imagina qu’une réaction automatique du corps électoral dans ces deux élections successives garantirait au Président à peine élu le soutien d’une majorité parlementaire. En 2022, il a été démontré que cette automaticité était un leurre. J’ajoute que la simultanéité de ces deux élections résulte en bonne partie du hasard puisque, depuis le décès du Président en avril 1974, l’élection de son successeur a toujours lieu au printemps.

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En 1983, alors que j’avais quitté le service de l’État depuis plusieurs années, je décidai de publier un article prônant ce que j’ai appelé la « cohabitation ».

Le Président alors en exercice était de gauche alors que la droite ambitionnait de gagner les prochaines élections législatives. Dès lors, deux hypothèses étaient évoquées : soit que les deux pouvoirs législatif et exécutif refusent de coopérer, soit qu’ils l’acceptent, le Président demeurant à l’Élysée et la nouvelle majorité constituant le gouvernement. Je pris position pour cette deuxième solution, la plus conforme à la démocratie et surtout celle qui évitait une crise de régime qui aurait conduit à la fin de la Ve République. Pour moi, celle-ci devait devenir le bien de tous ; l’acceptation de la cohabitation en était le prix.

Ma position, critiquée par une partie de l’opinion, finit par s’imposer. En 1986 quand la droite remporta les élections législatives, chacun se résigna, le Président à exercer une part fort réduite du pouvoir exécutif, l’opposition victorieuse à constituer le gouvernement autour d’un Premier ministre issu de ses rangs.

Cette cohabitation acquise de justesse en 1986 fut parfois houleuse, mais elle créa une tradition, si bien qu’on y eut recours en 1993 pour deux ans et en 1997 pour cinq ans. Ce ne furent pas les plus mauvais gouvernements de la Ve République.

Aujourd’hui, la situation est différente. Le gouvernement ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée, ce qui rend sa survie aléatoire, mais ce n’est pas une cohabitation. La cohabitation c’est le partage du pouvoir exécutif entre deux tendances différentes et pas l’affaiblissement du pouvoir exécutif lorsqu’il ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée, ce qui s’était déjà vu entre 1988 et 1993.

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En 1993, le gouvernement que je dirigeais a fait voter deux révisions constitutionnelles, non prévues dans mon discours de politique générale mais rendues nécessaires par les circonstances.

L’atmosphère politique était lourde, les problèmes de financement des partis politiques donnaient lieu à des contestations fréquentes, l’affaire du sang contaminé mettait en cause l’action d’un ancien Premier Ministre dont certains juges de droit commun estimaient qu’elle pouvait relever de leur juridiction en raison de dispositions trop générales et confuses de la Constitution concernant la Haute Cour de Justice. Il fallait que les choses fussent clarifiées.

La première réforme concernait le Conseil Supérieur de la Magistrature. Elle modifiait sa composition afin que les magistrats y fussent majoritaires, précisait ses pouvoirs en ce qui concerne l’avancement des magistrats et prévoyait que lorsqu’il siégeait comme conseil de discipline pour les magistrats du siège il était présidé par le Premier Président de la Cour de cassation et pour les magistrats du Parquet par le Procureur général. En somme, il s’agissait d’accentuer le caractère corporatiste du statut des magistrats. En cela, réforme peu heureuse. Quinze ans plus tard, je proposerai que les magistrats élus par leurs pairs ne détiennent plus la majorité au Conseil Supérieur.

Elle concernait également la responsabilité pénale des ministres dont la Constitution de 1946 prévoyait qu’ils étaient responsables des crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, et relevaient de la Haute Cour, élue par l’Assemblée nationale au début de chaque législature. La Constitution de 1958 prévoyait l’institution d’une Haute Cour de Justice, composée de membres élus en nombre égal par l’Assemblée nationale et le Sénat. La compétence de cette Haute Cour était mal définie et le risque existait, en 1993, que l’affaire dite du sang contaminé ne fût revendiquée par les juridictions de droit commun au mépris des principes édictés par la loi des 16-24 août 1790, toujours en vigueur, et qui prévoit dans son article 13 : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ».

Le principal mérite de la réforme de 1993 est d’avoir créé une juridiction spécialisée, la Cour de Justice de la République, dont le champ de compétence est strictement défini : connaître des crimes et délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, c’est-à-dire ceux en rapport avec la conduite des affaires de l’État.

La seconde réforme de la Constitution fut rendue à mes yeux nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 annulant une partie de la loi sur l’immigration adoptée peu auparavant.

Cette loi avait pour objet de transcrire en droit interne la convention de Schengen ratifiée par la France le 27 juin 1991. Au nombre des mesures compensatoires de la suppression des contrôles aux frontières, prévue par la convention, figurait la règle selon laquelle un seul État était responsable du traitement d’une demande d’asile, le premier devant lequel s’était présenté le demandeur. Cette disposition visait à empêcher que des demandes d’asile pussent être déposées simultanément ou successivement dans plusieurs États membres à seule fin de permettre à leur auteur de se maintenir sur le territoire de l’un des pays signataire de la convention. La loi se bornait à faire en sorte que la France pût appliquer cette disposition.

Bien qu’il eût reconnu, deux ans auparavant, qu’il n’existait aucune contradiction entre la convention de Schengen supprimant les frontières intérieures entre États–membres de l’Union et la Constitution française, cette fois le Conseil constitutionnel avait estimé que le Préambule de celle-ci imposait à notre pays des obligations particulières en matière de droit d’asile. Le Préambule de 1946 dispose que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur le territoire de la République ». Le Conseil en tirait une double conclusion : en premier lieu, notre pays devait examiner la demande d’asile déposée par toute personne se disant persécutée pour son action en faveur de la liberté, même si son cas relevait de la compétence d’un autre État signataire de la convention de Schengen ; en second lieu, la France était tenue d’admettre cette personne sur son territoire jusqu’à ce que les autorités compétentes se fussent prononcées sur son cas.

Cette décision entraînait trois conséquences. D’une part, notre pays ne pouvait plus bénéficier de la contrepartie prévue par la convention de Schengen à la suppression des contrôles aux frontières ; d’autre part, il était le seul signataire de la convention à se trouver dans cette situation ; enfin, la France devenait l’instance d’appel unique vers laquelle auraient convergé inévitablement la plupart des demandes d’asile rejetées par les autres États liés par la convention de Schengen. 560.000 demandes avaient été examinées par ces États en 1992, et 90 % avaient été rejetées. Je ne pouvais me résigner à accepter pareille situation.

À l’évidence, si nous voulions éviter que notre pays y fût confronté, il fallait réviser la Constitution afin de mettre fin à toute contradiction entre le respect des accords de Schengen et les dispositions du Préambule. Une telle révision supposait l’accord du Président de la République.

L’affaire s’engagea mal. Celui-ci était très réticent, ne voulait pas inscrire le projet de loi de révision à l’ordre du jour du Conseil des ministres, se déclarait même décidé à terminer son mandat en défenseur du droit d’asile. Après avoir consulté le Conseil d’État qui valida la position du gouvernement, je parvins à le convaincre d’accepter la réforme qui fut adoptée par les deux chambres du Parlement réunies en Congrès.

Ainsi, la Constitution modifiée annulait implicitement la décision du Conseil constitutionnel, si bien que le texte de la loi qui avait été voté fut rétabli dans sa rédaction originelle. La Constitution l’emportait, ce que certains ont appelé un « lit de justice ». Si je ne m’abuse, c’était sans précédent et demeura sans suite.

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Une quinzaine d’année plus tard, alors que les controverses sur la Constitution, son sens et son avenir n’avaient pas cessé, le Président récemment élu créa un Comité sur la réforme des institutions comprenant des hommes politiques, des journalistes, des professeurs de droit constitutionnel et dont la présidence me fut confiée alors que j’avais quitté la vie publique en 2007. J’acceptais, et le titre donné à notre rapport fut « Pour une Ve République plus démocratique ». Il me semblait qu’il fallait tenir compte de l’évolution des esprits et des leçons de l’expérience, et que le pouvoir exécutif fût mieux contrôlé, le Parlement renforcé dans ses attributions et des droits nouveaux reconnus aux citoyens.

Les discussions au sein du Comité se terminaient pour chaque proposition par un vote acquis à la majorité, mais je proposai un usage permettant à ceux qui avaient manifesté leur désaccord d’en publier les motifs dans les annexes du rapport. Ce fut le cas pour quatre d’entre eux, dont les deux vice-présidents, ce qui ne manqua pas de rendre les débats moins passionnés dès lors que chacun était assuré d’être entendu.

La plupart de nos propositions furent acceptées par le gouvernement. Il les fit voter par le Parlement réuni en Congrès en 2008.

En ce qui concerne l’encadrement des pouvoirs de l’exécutif, le recours du Président à l’article 16 fut réformé afin que le Conseil constitutionnel en contrôlât mieux l’exercice ; le Président fut autorisé à s’adresser au Congrès, sa prise de parole pouvant donner lieu à un débat sans vote ; quant aux nominations aux fonctions les plus importantes, pour les rendre moins discrétionnaires, elles furent soumises à l’avis préalable des commissions parlementaires compétentes de chaque assemblée, l’audition des candidats étant rendue publique et la vérification des capacités des bénéficiaires ainsi mieux assurée.

En ce qui concerne l’extension des droits du Parlement, il fallait qu’il pût mieux remplir son rôle de vote de la loi et de contrôle du gouvernement, et cessât de ressembler à une chambre d’enregistrement. La discussion parlementaire en séance publique se fait désormais sur la base du texte adopté par la commission compétente, la moitié de l’ordre du jour prioritaire est fixée par la conférence des Présidents, les assemblées peuvent adopter des résolutions en tous domaines, le recours à l’art.49-3 qui permet d’engager la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un texte a été limité, la Cour des comptes s’est vu expressément attribuer le soin d’assister le Parlement dans le contrôle de l’action du gouvernement.

Pour l’attribution de droits nouveaux aux citoyens ont été institués un défenseur des droits leur permettant de saisir les pouvoirs publics quand ils les estiment méconnus et, novation fondamentale, la Question Prioritaire de Constitutionnalité dite QPC qui permet aux citoyens d’étendre le contrôle du Conseil constitutionnel aux textes en vigueur et appliqués avant comme après 1958, contrôle a posteriori qui s’ajoute au contrôle a priori des dispositions législatives adoptées depuis 1958.

En revanche, ne furent pas retenues par le gouvernement des propositions de natures diverses tel le partage des responsabilités entre le Président et le Premier ministre, le premier définissant la politique de la nation et le second la conduisant, ce qui eût rendu à l’avenir plus difficile encore toute cohabitation. De la même manière, ne furent pas précisées les responsabilités militaires respectives du Président, chef des armées, et du Premier ministre, responsable de la défense nationale.

Enfin, le gouvernement n’a pas retenu non plus la modification du parrainage des candidatures à l’élection présidentielle prévoyant un mode de sélection des candidats par un collège de quelque cent mille élus, soit plus du double du nombre de personnes susceptibles, dans le système actuel, de parrainer les candidats, dispositif qui aurait permis au premier tour de l’élection présidentielle d’offrir aux citoyens la possibilité d’un choix clair entre les représentants des principaux courants politiques.

Furent rajoutées par le gouvernement quelques dispositions techniques, mais surtout une, infiniment politique, prévoyant que le Président ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs et ne peut présenter à nouveau sa candidature avant cinq ans, une fois que le mandat qui suit les deux siens, et auquel il lui est interdit de prétendre, est lui-même parvenu à son terme.

Cette novation source de complication ne me paraît pas heureuse. Bien des détournements pourraient être utilisés pour surmonter la limitation ainsi fixée : une révision constitutionnelle avant la fin du second mandat supprimant la limite est toujours possible et notre pays marcherait alors sur les traces peu enviables de l’Azerbaïdjan, du Venezuela, de l’Algérie, du Cameroun, de l’Ouganda ou du Tchad. Une inversion des rôles est également possible, sur le modèle russe : le président Poutine, élu deux fois et ne pouvant pas se présenter une troisième, devenant le Premier ministre du président Medvedev qu’il a contribué à faire élire puis lui succédant une fois supprimée dans la constitution l’interdiction d’exercer plus de deux mandats. Chacun appréciera s’il s’agit là d’une référence flatteuse.

Telle qu’elle est, cette réforme constitutionnelle de 2008 est de loin la plus importante de celles intervenues au cours de la Ve République : 77 propositions de la Commission ont été retenues modifiant ou créant 41 articles de la Constitution.

Des critiques ont été formulées contre elle, elle aurait dénaturé les institutions de la Ve République. Elles ne sont pas toutes convaincantes. D’une part, les textes essentiels à la vie de la Nation (révisions constitutionnelles, lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale) continuent de faire l’objet d’une inscription prioritaire à l’ordre du jour et les lois de finances et de financement de la sécurité sociale peuvent donner lieu à l’engagement illimité de la responsabilité du Gouvernement selon le mécanisme de l’article 49-3 ; d’autre part, l’élargissement de la possibilité pour les assemblées parlementaires d’adopter des résolutions est encadré, puisque leur recevabilité est soumise à l’appréciation du Gouvernement, qui peut s’opposer à leur inscription à l’ordre du jour s’il estime qu’elles seraient de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiendraient des injonctions à son égard. Si la révision constitutionnelle de 2008 a modifié certains des mécanismes du parlementarisme rationnalisé, c’est pour les adapter aux conséquences du fait majoritaire sans pour autant s’en affranchir totalement. Il suffit de comparer la procédure législative résultant de cette révision à celle en vigueur dans les grandes démocraties parlementaires pour se convaincre que l’« exception française » n’a, en cette matière, pas disparu, le pouvoir exécutif dispose de moyens dont il rêverait en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, aux Etats-Unis.

En effet, les réformes ainsi introduites ont-elles conduit à la revalorisation du rôle du Parlement ? Les résultats obtenus ne sont guère à la hauteur des espérances.

La discussion en séance publique non plus sur le texte initial du Gouvernement mais sur le texte du projet de loi tel qu’amendé par la commission était la plus importante. Elle ne s’est traduite ni par un renforcement du rôle du Parlement ni par une amélioration de la qualité de la loi. L’objectif poursuivi était que les discussions techniques se déroulent en commission, la séance publique étant le lieu privilégié du débat proprement politique. Cet objectif n’a pas encore été atteint, s’il doit l’être jamais : les amendements techniques et rédactionnels n’ont pas disparu de la séance publique et la distinction entre le technique et le politique est demeurée lettre morte. Bien que l’actuel gouvernement ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée et que la majorité du Sénat lui soit hostile, le Parlement se borne encore le plus souvent à amender ou sous-amender les projets de loi du gouvernement.

La révision constitutionnelle prévoyait que les projets de loi devaient être assortis d’une étude d’impact. Celle-ci devait permettre de répondre à trois questions : faut-il une loi pour régler le problème posé ? Dans l’affirmative, les inconvénients résultant de la mesure proposée sont-ils proportionnés aux bénéfices escomptés ? S’il existe plusieurs scénarios de mise en application de la mesure envisagée, quel est celui qui présente le plus d’avantages pour le moins d’inconvénients ?

Il aurait suffi que le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel attachassent à l’existence de l’étude d’impact la même importance que le pouvoir constituant de 2008. Tel n’a pas été le cas. Tout se passe comme si les études d’impact, souvent fertiles en lacunes dans l’évaluation des effets positifs ou négatifs des mesures législatives envisagées, se résumaient à un exposé des motifs à peine amélioré.

S’agissant du renforcement du rôle du Parlement, la réforme a imparfaitement atteint ses objectifs sans parvenir à modifier le comportement des parlementaires.

En ce qui concerne les droits des citoyens, la création de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a mis en majesté le juge constitutionnel et dans la judiciarisation de la vie publique qui en résulte certains ont voulu voir la marque d’un recul de la démocratie représentative.

Le contrôle de la conformité des lois à la Constitution, introduit dans la pratique de notre droit depuis une date relativement récente, était auparavant réservé au contrôle des lois adoptées mais non encore promulguées, de sorte que seul le « flux » des lois nouvelles pouvait ressortir de ce contrôle, à la diligence des plus hautes autorités de la République et de soixante parlementaires. Les lois existantes, c’est-à-dire celles antérieures à 1958 et celles sur lesquelles, pour des raisons diverses, le Conseil constitutionnel ne s’était pas prononcé demeuraient valides, sans qu’il fût loisible au juge judiciaire ou administratif de les déclarer contraires à la Constitution quand bien même cette contrariété aurait été évidente.

Cette situation présentait un double inconvénient. D’une part, l’existence de textes législatifs manifestement contraires à la Constitution introduisait un élément de trouble dans l’ordre juridique et était susceptible de priver les citoyens de la faculté de faire valoir la plénitude de leurs droits ; d’autre part, les lois existantes pouvaient tomber sous le coup de l’appréciation de cours supranationales telles la Cour de Justice de l’Union Européenne, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et même un juge national, judiciaire ou administratif, pouvait priver la loi de son effet s’il estimait que le traité devait prévaloir sur la loi contraire.

La réforme de 2008 ajoute au contrôle a priori un contrôle a posteriori que peut déclencher tout justiciable estimant que la loi dont il lui est fait application comporte des dispositions contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit. La question peut être soulevée devant n’importe quel juge, judiciaire ou administratif, qui la renvoie à sa cour suprême. S’ils l’estiment nouvelle et sérieuse, la Cour de cassation ou le Conseil d’État selon le cas renvoient la question au Conseil constitutionnel, qui statue dans les trois mois.

Le mécanisme de la QPC n’a pas seulement permis de purger les inconstitutionnalités flagrantes entachant les lois votées avant 1958. Le nombre d’affaires jugées chaque semaine par le Conseil constitutionnel est de deux à quatre, malgré le filtrage opéré par le Conseil d’État et la Cour de cassation. Il s’ensuit que le Conseil constitutionnel juge près de trois fois plus d’affaires par an qu’avant la révision constitutionnelle de 2008 et que le nombre de QPC jugées a dépassé le nombre total des lois qui ont fait l’objet d’un contrôle a priori depuis 1958. Le Conseil constitutionnel est devenu une véritable juridiction, où se déroulent audiences publiques et où résonnent les plaidoiries, ce sont des pans entiers du droit positif qui sont remis en cause, en matière pénale, fiscale, sociale, commerciale, civile. La QPC a permis à la Constitution d’irradier toutes les branches du droit.

Elle confère au juge constitutionnel un rôle central dans le jeu d’aller-retour entre le Parlement et lui. La censure a posteriori de la loi oblige le Parlement à légiférer « sous contrainte », notamment lorsque le contrôle du Conseil constitutionnel porte sur la proportionnalité des restrictions apportées aux droits et libertés. C’est le cas ces dernières années pour les décisions rendues en matière pénale (garde à vue, détention, perquisitions, saisies, transaction pénale, régime pénitentiaire, exécution des peines, sanctions tombant sous le coup de la règle non bis in idem) ou dans la lutte contre le terrorisme (zones de sécurité, consultation de sites djihadistes, saisies de données informatiques). Faut-il en conclure que la démocratie représentative est supplantée par une «démocratie des droits » dont l’acteur majeur serait le juge, et non plus les élus de la Nation ?

Le plus souvent, que le Parlement soit contraint de « revoir sa copie » tient aux imperfections mêmes de la loi et à l’obstination parfois déraisonnable du Gouvernement, qui persiste à croire que l’adoption d’une loi suffit à régler tous les problèmes. On peut former le vœu que le Conseil d’État exerce une vigilance accrue sur la constitutionnalité des textes dont il est saisi et que le législateur en tienne compte.

Quoi qu’il en soit, il est heureux, quelque critique que l’on puisse adresser à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que les droits et libertés des citoyens soient mieux protégés que naguère grâce à la Constitution elle-même.

Pour en terminer évoquons les relations entre l’Union européenne et la France et leur traduction constitutionnelle.

Révisée le 25 juin 1992 dans la foulée de l’adoption du traité de Maastricht, la Constitution en son article 54 offre au président de la République, au Premier ministre, au président de l’une ou l’autre assemblée ou à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il se prononce sur la conformité d’un traité à la Constitution. S’il constate une contrariété entre l’engagement international souscrit par la France et la Constitution, le Conseil constitutionnel en conclut que celui-ci ne peut être approuvé ou ratifié qu’après que la Constitution aura été préalablement révisée.

En 2004, lorsque le président de la République a demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution du traité établissant une Constitution pour l’Europe, le Conseil a conclu à la nécessité d’une révision constitutionnelle, intervenue le 1er mars 2005. Mais le peuple a refusé au président de la République, par la voie du référendum, l’autorisation de ratifier le traité. Le chef de l’État usa du même mécanisme lorsque, en 2007, il saisit le Conseil constitutionnel pour savoir si le traité de Lisbonne, soumis cette fois à l’approbation du Congrès, nécessitait une révision de la Constitution. Constatant que celui-ci était très voisin du traité établissant une Constitution pour l’Europe, le Conseil a conclu à nouveau à la nécessité de réviser la Constitution, ce qui fut fait le 4 février 2008 mais par la voie parlementaire.

Cette révision constitutionnelle fait expressément référence au traité de Lisbonne. L’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique interne et distinct de l’ordre juridique international est clairement affirmée. De nouvelles limitations de souveraineté imposeraient une nouvelle rédaction des dispositions constitutionnelles.

Cette approche prudente fait obstacle à tout glissement automatique de notre droit vers le fédéralisme. Les engagements européens de la France ne sont compatibles avec la Constitution que s’ils ne contiennent aucune clause contraire à celle-ci, s’ils ne mettent pas en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis et s’ils ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale et préservent notre identité constitutionnelle. Cet équilibre fragile est précieux, il témoigne de la plasticité et de la solidité de la Constitution.

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Au cours des soixante années écoulées, trois étapes principales ont marqué l’évolution institutionnelle de notre pays : la première a concerné la répartition des pouvoirs soit au sein de l’exécutif, représenté par le Président et le Premier ministre, soit entre l’exécutif et le législatif ; la deuxième a réduit le champ de la souveraineté nationale au profit de l’Europe ; la troisième, en 2008 avait pour objet d’assurer un meilleur équilibre des pouvoirs en rendant la Constitution plus démocratique.

Sous la IIIe République il y eut trois réformes de la Constitution ; sous la IVe République il y en eut une ; sous la Ve République, il y en eut vingt-et-une concernant l’indépendance de l’Algérie, l’élection du Président au suffrage universel, le Conseil Supérieur de la Magistrature, la Cour de Justice de la République et l’affirmation de la souveraineté nationale en 1993, l’institution du quinquennat en 2002, l’extension des compétences de l’Europe en 2008 et la réforme d’ensemble tendant à encadrer l’exercice du pouvoir exécutif, à revaloriser le rôle du Parlement et à instaurer des droits nouveaux pour les citoyens. Il faut y ajouter les droits nouveaux apportés ou adossés au Préambule de la Constitution, ce qui renforce le rôle des juges chargés d’interpréter ces droits, le plus souvent en élargissant leur propre pouvoir.

Voilà une performance inattendue pour un régime qui au départ se disait décidé à créer des institutions stables et qui se révèle être le champion toutes catégories des innovations constitutionnelles. Pour autant nombre des problèmes qui se posent à la France aujourd’hui n’ont pas été résolus et donnent lieu à d’innombrables propositions venant de tous les horizons et concernant tous les secteurs de la vie publique. C’est devenu comme un jeu, une loterie. Que ne veut-on changer dans la constitution selon les fantaisies du moment ? Mieux vaudrait ne pas vouloir toujours être à la mode, c’est le moyen le plus sûr d’être démodé, car souvent les idées changent de camp, passant de la droite à la gauche en fonction des circonstances et des intérêts. C’est le propre de l’histoire.

La réforme de la Constitution restera longtemps un sujet de débat. Nous n’avons rien perdu de notre fièvre d’innovation.

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De bonnes institutions sont indispensables, mais elles ne sont qu’un instrument au service du pouvoir. Reste à celui-ci à en faire un bon usage. Comment parvenir à une bonne gouvernance ? Question légitime car il me semble que depuis des années l’on se consacre davantage à modifier la Constitution qu’à se soucier d’une meilleure gouvernance, ce qui explique bien des difficultés auxquelles notre pays est aujourd’hui confronté ! Mais, sujet périlleux pour qui ayant exercé des fonctions gouvernementales se risque à le traiter ; il n’échappera pas au soupçon d’être indulgent pour ses propres erreurs et implacable pour les fautes d’autrui. Un tel donneur de conseil peut-il être impartial ? Essayons !

Premier objectif, avoir un projet. C’est aujourd’hui plus difficile que jamais. Notre pays est la proie d’un sentiment de déclassement aussi bien national qu’international auquel il faut répondre par des réformes courageuses et crédibles rendues particulièrement difficiles par l’effritement de toutes les autorités, qu’elles soient politiques, religieuses, culturelles, sociales, morales. Ce projet doit être ambitieux, concerner tous les domaines où l’action courageuse des pouvoirs publics est indispensable. Il doit aussi être sincère.

Il faut être décidé à l’appliquer en excluant toute démagogie. Celle-ci consiste, pour séduire le plus grand nombre, à mentir en sachant qu’on ment, en étant résolu à ne pas tenir des promesses dont on sait qu’elles ne sont qu’illusions trompeuses. Elle détruit la confiance du peuple envers ceux auxquels il a fait crédit pour le gouverner. La démagogie est le véritable cancer de la démocratie.

Deuxième objectif, composer un bon gouvernement, c’est-à-dire ne pas redouter les fortes personnalités et les talents affirmés qui parfois s’accompagnent d’ambitions mal dissimulées. Ne choisir que des personnalités de second ordre pour être sûr de les dominer est la marque d’un complexe d’infériorité. Pour gouverner ses semblables, mieux vaut avoir confiance en soi sans pour autant sombrer dans l’autosatisfaction.

Ce gouvernement ne doit pas être trop nombreux ; il faut éviter la fragmentation des compétences qui, sous couleur de respect de la diversité, est en réalité inspirée du désir de faire plaisir aux uns et aux autres tout en diluant leur autorité. Quand il y a une multitude de ministres, certains n’ont d’autorité que sur une sous-direction, ou simplement un bureau de ministère, voire un simple comité dont les réflexions demeurent lettre morte.

 

Troisième objectif, le Premier ministre doit composer un cabinet qui évite les sureffectifs. Il peut comporter des personnalités diverses issues du monde culturel, de la presse ou de l’économie, mais essentiellement des fonctionnaires qui, eux, connaissent mieux l’État, ses structures, ses forces et ses lacunes. Le Premier ministre n’a pas à se mêler de tout, mais il est responsable de tout. Tout lui passe entre les mains, tout est soumis à sa signature, mais, comme il ne peut ni tout savoir ni tout contrôler, il ne peut souvent que déléguer ses pouvoirs. C’est dire l’importance d’être entouré de collaborateurs compétents et vigilants qui lui permettent d’accomplir avec efficacité sa tâche en évitant les pièges.

Quatrième objectif, pour agir avec rapidité et efficacité, il faut s’appuyer sur l’administration et lui faire confiance. De nos jours, elle est l’objet de critiques multiples, on déclare la vouloir plus obéissante, plus imaginative, plus juste. Je voudrais la défendre, dussé-je être soupçonné de partialité puisque j’en suis issu.

La France est un État-nation. Elle l’est depuis l’origine, elle existe parce que durant dix siècles l’État a rassemblé ses provinces, unifié la langue, modernisé le droit. L’administration a joué un rôle irremplaçable au XIXe siècle et au XXe siècle quand, durant les cent cinquante années qui ont suivi la Révolution française, la France a connu des insurrections, des guerres, des défaites, des occupations de tout ou partie de son territoire, et une bonne quinzaine de changements de régimes. C’est la permanence d’une administration forte qui lui a permis de survivre. D’une certaine manière, c’est le plus grand, le plus durable succès de Napoléon qui l’avait simplifiée et modernisée, un succès de politique intérieure.

Depuis plus de soixante ans, la Ve République a créé la stabilité gouvernementale, la volonté politique peut s’exercer sur l’administration sans être contredite par elle. Celle-ci est loyale, mieux vaut faire confiance à ceux qui la dirigent même s’ils peuvent, comme normal, avoir des opinions politiques qui leur sont personnelles. Il appartient au gouvernement de lui donner des directives claires et d’en suivre l’exécution, il en a tous les moyens. Il n’existe pas d’administration frondeuse face à un gouvernement qui sait ce qu’il veut. L’administration ne prend le pouvoir que lorsque le gouvernement est faible et inconstant. Il serait dangereux d’instituer en France un système des dépouilles à l’américaine dans lequel, en fonction du résultat des élections, tous ceux qui dirigent les services de l’État cèderaient la place à d’autres.

L’administration n’est pas refermée sur elle-même et ses membres ne sont pas tous issus des mêmes catégories sociales, l’École nationale d’administration tellement critiquée a comporté dès l’origine deux concours, un concours étudiants et un concours fonctionnaires. Dans la plupart des corps existent également des nominations au tour extérieur, si bien que, par exemple, au Conseil d’État l’Assemblée générale compte en son sein une majorité de Conseillers d’État qui, à l’origine, n’étaient pas titulaires du grade d’auditeur, celui du début de la carrière, ce qui est bien la preuve d’une large ouverture. J’ajoute qu’un certain nombre de corps avaient des recrutements particuliers tels que le concours d’Orient pour les diplomates, ou celui des sous-préfets pour le corps préfectoral.

La suppression de l’ENA affaiblira l’administration puisqu’on veut désormais procéder à des recrutements décidés par des comités au sein desquels figurent, à côté de personnalités venues de divers horizons, des parlementaires, ce qui est le meilleur moyen de ne pas échapper au soupçon de politisation.

Quant à la suppression de certains corps de l’État, ils ne sont pas tous comparables, il existe des métiers qui nécessitent des spécialistes pour les exercer. On le voit bien aujourd’hui où l’on fait si souvent appel aux Préfets pour lutter contre la délinquance et le désordre, appel aux diplomates pour défendre dans le monde les positions de la France menacée par son déclassement.

Sous couleur d’égalité sociale, de justice et de suprématie du pouvoir gouvernemental que nul ne remet en cause, on risque d’aboutir au désordre dans l’État. Il serait utile qu’on y réfléchisse à deux fois avant de mettre fin à un système qui, au cours des siècles, a permis à la France de naître, d’exister et de subsister dans les épreuves.

J’ajoute qu’à qui gouverne s’imposent certains devoirs : par exemple, assumer la responsabilité de ses décisions, ne pas tenter de la faire porter à d’autres, exécutants ou donneurs de conseils, c’est la dignité et le prestige de sa fonction qui sont en cause, et fuir cette responsabilité porterait atteinte à sa propre réputation ; par exemple, dépasser ses seuls intérêts électoraux, parler à la France, pas seulement à ses partisans ; par exemple, expliquer ce qu’il veut faire, à quoi il veut parvenir sans craindre de lasser en évitant de se contredire.

En résumé, pour bien gouverner, il faut se montrer moins soucieux de ses droits que consacré à ses devoirs. C’est en accomplissant ceux-ci que celui qui gouverne légitime son pouvoir et marque sa trace dans l’histoire.

La tâche à accomplir est immense pour dissiper le sentiment de grand déclassement qui étreint les Français et mettre en œuvre les réformes indispensables au renforcement de notre pays affaibli par les fractures territoriales, les défaillances de la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique et la décadence de l’État.

Deux d’entre elles ne me semblent pas présenter de sérieuses difficultés : pour la durée du mandat présidentiel, après avoir beaucoup tergiversé, je pense qu’il faudrait revenir au septennat, une fois terminé le présent quinquennat ; quant au scrutin législatif, il doit conserver son caractère majoritaire, essentiel pour l’équilibre des pouvoirs, ce qui n’exclut pas les aménagements nécessaires pour le rendre plus représentatif des diverses catégories de l’opinion.

Deux autres suscitent de graves inquiétudes : la place de l’Europe, le rôle de la justice. L’Europe est nécessaire à la France, mais la France, État-nation, est également nécessaire à l’Europe. Reste à préciser les domaines dans lesquels l’Europe est souveraine, comme ceux dans lesquels la France le demeure, elles ne peuvent l’être toutes les deux à la fois dans tous les domaines. Un code européen doit être élaboré, précisant mieux les compétences de chacun, il mettrait fin à la confusion, à l’embrouillamini des compétences et des responsabilités, code qui devrait être ratifié par tous les États de l’Union. En attendant, la sagesse doit suspendre tout élargissement de l’Europe et aménager la règle attribuant un poste à la Commission européenne à chaque membre quelles que soient sa population et ses capacités économiques, tous ne constituent pas une nation et ne sont pas un véritable État.

Resterait à assurer la supériorité de la Constitution qui émane du peuple français sur les décisions de toutes les autorités judiciaires nationales, européennes ou internationales ; là, c’est du rôle des juges qu’il s’agit et de souveraineté nationale. Cette réforme fondamentale est à ce jour restée en suspens.

La place de l’Europe, le rôle de la justice, là nous sommes loin de la bonne gouvernance !

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J’ai commencé en disant mon attachement à la Ve République, je terminerai en le répétant. Seule la Ve République, dont les institutions ont trouvé un équilibre entre les pouvoirs sans que soient remises en cause la stabilité et la force du pouvoir exécutif, est capable de faire face à tous ces défis. C’est dire l’importance des décisions qui devront être prises dans les années qui viennent ; les problèmes qu’elles posent ne manqueront pas d’être débattus devant votre Académie. La besogne ne lui fera pas défaut. Il n’y a rien là qu’elle doive redouter, après tout n’est-elle pas la seule ici à jouir de l’immortalité ?

Monsieur le Chancelier, Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire perpétuel, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de m’avoir si longuement écouté.

 

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