Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, président honoraire du Conseil de stabilité financière, envoyé spécial des Nations Unies pour le financement de l’action climatique, est intervenu en séance le lundi 13 mars 2023.
Thème de la conférence : Réflexions sur la bonne gouvernance environnementale mondiale
Synthèse de la séance
La gouvernance mondiale de l’environnement résulte de synergies et de tensions entre des engagements contraignants et des objectifs volontaires ; entre la gouvernance mondiale et la souveraineté nationale et entre les politiques publiques et les actions privées. Compte-tenu du défi urgent et existentiel que représente le changement climatique, une gouvernance mondiale cohérente, capable de relever ce défi, doit combiner plusieurs aspects. Tout d’abord, l’objectif net-zéro est non négociable. Ce n’est pas un slogan, c’est un impératif de la physique climatique. Cet objectif ne pourra pas être atteint par des décrets ou des accords contraignants. Il implique des transformations radicales de nos économies et des implications significatives de nos concitoyens, ce qui rend essentiel la souveraineté nationale pour développer des stratégies légitimes d’atténuation du changement climatique. Les stratégies – des gouvernements comme des institutions financières ou des entreprises – doivent être régulièrement évaluées, afin d’encourager une amélioration constante. Avec une bonne gouvernance et une transparence suffisante, il est possible de créer un cercle vertueux. Plus la politique climatique sera crédible et prévisible, plus l’économie s’adaptera par anticipation. Enfin, si un système financier favorisant la transition vers le net-zéro est essentiel, la finance ne peut faire le travail toute seule. Elle a besoin des gouvernements, des entreprises et de la société civile.
La gouvernance climatique peut tirer des enseignements des réformes entreprises par les institutions financières. Le Conseil de la Stabilité financière (CSF) a résolu le « trilemne de Rodrik » grâce à un processus innovant qui combine : un objectif commun, l’élaboration partagée de solutions décidées par les représentants des autorités nationales et la pression de pairs pour soutenir la bonne mise en œuvre des mesures.Le retard pris dans la lutte contre l’augmentation de températures est le produit de trois tragédies nées de la nature de l’humanité et des marchés. Tout d’abord, les défaillances du marché conduisent à la tragédie des biens communs qui se produit lorsque des individus agissant dans leur seul intérêt nuisent au bien commun en épuisant une ressource partagée. Deuxièmement, les fragilités humaines créent une « tragédie de l’horizon » : nous sommes irrationnellement impatients et les effets du changement climatique seront principalement supportés par les générations futures. Enfin, trop souvent, les valeurs du marché sont considérées comme représentant les valeurs totales, les décisions sont prises en fonction de calculs utilitaires et si un bien ou une activité n’est pas sur le marché, il n’est pas évalué.
Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie, a montré comment les communautés peuvent gérer une ressource rare par le biais de la coopération et d’une réglementation prudente. C’est ce que les COPs cherchent à accomplir. Après l’échec du protocole de Kyoto, non ratifié par les États-Unis et dont le Canda est sorti en 2011, les gouvernements ont trouvé en 2015, à Paris, la volonté de s’attaquer au changement climatique, en s’engageant à « limiter l’augmentation de la température à 1,5°C ». Le génie de l’Accord de Paris réside dans la manière dont il équilibre cet objectif mondial avec le respect des souverainetés nationales concernant les solutions à mettre en œuvre. Il reconnait aussi que le monde doit transformer la finance mondiale afin que les fonds publics et privés soient alignés sur les mêmes objectifs. La révolution financière durable s’est accélérée lors de la COP26 à Glasgow afin que les institutions financières gèrent les risques et saisissent les opportunités liées à la transition climatique. Les principaux organismes de normalisation financière ont intégré le changement climatique dans leurs activités et le FMI aide les investisseurs à identifier et mesurer les opportunités offertes par la transition vers l’objectif net-zéro.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir en peu de temps. Le budget carbone dont nous disposons s’épuise rapidement. Le système financier se transforme mais pas encore assez rapidement. Depuis l’Accord de Paris, le monde a un plan mais nous ne pouvons pas attendre dix ans de plus pour généraliser la transition.À l’issue de sa communication, Mark Carney a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées Y. Gaudemet, M. Pébereau, J. Tirole, J. de Larosière, M. Bastid-Bruguière, D. Kessler.
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