Intervention d’Emmanuel Roman en séance le lundi 27 mars 2023

Emmanuel Roman, PDG de la Pacific Investment Management Company (PIMCO), fonds d’investissement obligataire gestionnaire de près de 2000 milliards de dollars d’actifs et ancien directeur général de Man Group, est intervenu en séance le lundi 27 mars 2023.

Thème de la conférence : Réflexions sur la bonne gouvernance du secteur privé au niveau mondial et remarques sur les règles actuelles d’éthique et de prudence

Synthèse de la séance

La main du marché ne fonctionne pas toujours parfaitement, pour des raisons bien connues des économistes : asymétrie d’informations, externalités négatives ou caractère quasi-monopolistique de certains acteurs. Plus largement, l’intérêt public et civique est peu défendu.

Le secteur de l’art et de la peinture permet d’illustrer à quel point le marché peut se tromper longtemps sur l’importance de différents artistes. Alors que les années 60 et 70 tournent le dos à l’art figuratif, nombre d’institutions financières anglo-saxonnes se constituent des collections d’une qualité médiocre, passant à côté de grands artistes de l’Ecole de Londres.

Le modèle de l’école de Chicago qui considère que les marchés sont efficaces, qu’un cadre moral et juridique avec un régulateur actif permet l’optimisation des prix et que la banque centrale est indépendante et ne s’occupe que de politique monétaire est trop simpliste. Il va voler en éclat en 2008, année noire pour la finance, avec la crise des « subprime » aux États-Unis qui est une véritable catastrophe économique et morale. C’est à l’intervention des banques centrales et de leurs dirigeants que l’on doit d’avoir évité une nouvelle crise de 1929. La triste histoire de Bernie Madoff dont la faillite clôture l’année 2008 est en train de se répéter avec la faillite de FTX et de son jeune fondateur, Sam Bankman-Fried, détenteur d’une crypto-monnaie appelée FFT totalement non liquide et dont il contrôle le prix. La crypto-monnaie est dans une des zones d’ombre de la législation américaine aujourd’hui et l’on peut se demander quel est l’intérêt fondamental d’une monnaie dont le seul but est d’engendrer de la spéculation. En 2008, les banques qui ont fait faillite, telles que Lehman Brothers, ou qui ont été rachetées précipitamment telles Bears Stern ou Merrill Lynch, étaient toutes des entités cotées avec des actionnaires censés demander des comptes aux dirigeants, des conseils d’administration responsables de leur bilan et une myriade de régulateurs. Mais tous ces systèmes de contrôle n’ont pas permis d’éviter la crise. La sortie de crise a été permise grâce à différentes recapitalisations et une politique monétaire accommodante, permettant de prendre de nombreux actifs sur le bilan de la banque centrale et de relancer les marchés financiers.

Le financement de la transition énergétique pose également des problèmes de gouvernance comme le montre l’exemple du conseil d’administration d’Exxon où en mai 2021 trois administrateurs issus d’un petit fonds ont été élus – avec notamment l’appui de grands fonds indiciels – pour forcer Exxon à réduire ses émissions de carbone et être transparent sur son plan à horizon 2050. L’actionnariat est confronté à des choix cornéliens dont la largeur du spectre peut aller de l’exclusion de tout investissement en valeur pétrolière jusqu’à l’indifférence totale et la recherche du seul profit. En tant que prêteur, il est raisonnable de pousser tout émetteur, État ou non, dans le bon sens et de pénaliser des décisions négatives quant à l’environnement, en attribuant par exemple un score ESG aux obligations. Il est nécessaire de financer la transition énergétique avec une vision objective et de nombreuses variables même si les situations sont complexes à appréhender dans leur aspect global, comme le montre la fabrication des énergies électrique, solaire ou éolienne qui recourent à des minerais extraits dans des conditions humaines et écologiques parfois dramatiques, comme l’illustre l’extraction de lithium en Australie ou de cobalt en République du Congo.

Il apparait que la gouvernance mondiale des pays riches se fait beaucoup au dépend des plus pauvres. Le problème est mondial et la justice doit être redistributive, comme la Norvège l’a compris en signant un accord de 50 millions de dollars avec l’Indonésie pour arrêter la déforestation. Un premier pas vers une redistribution, modeste mais nécessaire, pour assurer une transition énergétique juste et globale.

À l’issue de sa communication, Emmanuel Roman a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées M. Pébereau, J. de Larosière, H. Korsia, D. Andler, G. de Menil, X. Darcos, L. Petitgirard, J.D. Levitte, S. Sur, J.C. Trichet.

Consultez le verbatim du conférencier

Réécoutez la conférence via Canal Académies

« Réflexions sur la bonne gouvernance du secteur privé au niveau mondial et remarques sur les règles actuelles d'éthique et de prudence » Séances de l'Académie des sciences morales et politiques

La main du marché ne fonctionne pas toujours parfaitement, pour des raisons bien connues des économistes : asymétrie d’informations, externalités négatives ou caractère quasi monopolistique de certains acteurs. Plus largement, l’intérêt public et civique est peu défendu. Le secteur de l’art et de la peinture permet d’illustrer à quel point le marché peutse tromper longtemps sur l’importance de différents artistes.

Dépôt d’ouvrage

Dépôt d’ouvrage de Ghislaine Alajouanine en séance

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