Conférence du lundi 26 juin 2023 d’Odile Renaud-Basso, Présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD)
Thème de la conférence : La gouvernance optimale des pays en transition vers l’économie de marché : questions actuelles et voies de solution
Synthèse de la séance
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a été créée, à l’initiative de la France, en 1991 pour accompagner les pays de l’ex-bloc soviétique dans leur transition vers une économie de marché et un système politique plus ouvert. Elle intervient à ce titre pour améliorer la gouvernance des pays mais est également partie prenante de la gouvernance mondiale.
La première question qui se pose est de savoir dans quelle mesure la bonne gouvernance des institutions publiques et des entreprises est un facteur de développement économique ? Il existe un lien entre la qualité des institutions et la croissance et l’augmentation du revenu par tête. Inversement des institutions dysfonctionnelles ou des facteurs d’incertitude tels que la corruption peuvent décourager l’investissement et peser négativement sur la croissance. Les études réalisées par la BERD montrent un lien direct entre des institutions faibles et une faiblesse de l’innovation et de l’entrepreneuriat qui se combinent souvent avec un phénomène de fuite des cerveaux, comme en Albanie par exemple.
L’une des spécificités de la BERD est qu’elle travaille à l’échelle institutionnelle (au niveau du fonctionnement de l’État) et microéconomique (sur la gouvernance des entreprises privées ou publiques). Concernant l’accompagnement des réformes au niveau national, la BERD met l’accent sur trois objectifs qui sont essentiels pour une économie efficace et prospère : l’État de droit, la qualité de la gouvernance publique et des institutions, l’intégrité du secteur public et la lutte contre la corruption. Au niveau de l’entreprise, l’action de la BERD s’appuie sur la notion de gouvernance d’entreprise, auquel elle intègre aujourd’hui les questions de climat et d’impact social avec la prise en compte du concept d’ESG.
La BERD a notamment accompagné les autorités ukrainiennes après la révolution de Maïdan en 2014, dans une réforme profonde des marchés publics pour les ouvrir à la concurrence, améliorer la transparence et la qualité des biens et des services fournis. Elle a notamment appuyé le projet pilote « ProZorro », qui signifie « transparent » en ukrainien, et qui assure une transparence totale dans la passation de marchés publics en ligne. Ces changements ont créé une nouvelle culture de suivi et d’évaluation des marchés publics, qui s’est avérée efficace pour relever les défis de la passation de marchés d’urgence durant la pandémie de COVID-19 et qui fonctionne actuellement dans les conditions d’économie de guerre.

La gouvernance est également un élément central de la lutte contre le réchauffement climatique. Les entreprises du secteur énergétique notamment sont la clé de la transition vers des économies bas carbone. En 2020, la BERD a ainsi fait un prêt d’urgence de 300 millions d’euros à la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG). Cette entreprise contribuera à plus de 40% de la réduction des émissions de gaz à effet de serre en Tunisie, en remplaçant notamment la consommation de gaz par des énergies renouvelables. En 2012, la BERD a aidé la Roumanie à réformer son code national sur la gouvernance des entreprises cotées, en s’appuyant sur les principes du G20 et de l’OCDE.
La guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine remet en cause frontalement les règles les plus basiques des relations internationales, comme l’intégrité territoriale et le respect des frontières, et a mis en lumière les divisions de la communauté internationale, faisant apparaître les difficultés à trouver des solutions multilatérales aux défis du moment. Les blocages et les divisions qui apparaissent notamment sur la question des échanges commerciaux et les principes du libre-échange ou encore ceux sur les solutions au traitement de la dette des pays surendettés sont préjudiciables au bon fonctionnement de la bonne gouvernance mondiale. La fragmentation, à l’œuvre du système multilatéral est préoccupante en ce qu’elle fait prévaloir des logiques individuelles ou de bloc sur les intérêts collectifs et la protection des biens publics mondiaux.
À l’issue de sa communication, Odile Renaud-Basso a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées J. de Larosière, Th. de Montbrial, F. d’Orcival, C. Delsol, H. Korsia, M. Bastid-Bruguière, M. Pébereau, B. Stirn, J.C. Trichet.