Communication de Christine Lagarde sur la politique monétaire et la gestion optimale de l’une des deux plus importantes banques centrales du monde

Communication du lundi 4 décembre de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne

Thème de la communication : La politique monétaire et la gestion optimale de l’une des deux plus importantes banques centrales du monde

Synthèse de la séance

Au cours des dernières décennies, un déséquilibre s’est instauré entre les pouvoirs conférés à la gouvernance supranationale et sa légitimité aux yeux des citoyens. Ce déficit de légitimité nous conduit à un tournant où nous devons soit approfondir la gouvernance supranationale, soit accepter son déclin. Il est possible de trouver un chemin, à condition de respecter trois conditions essentielles. Tout d’abord, en alignant la gouvernance sur les priorités des citoyens (la fonction) ; ensuite, en utilisant les bonnes formes de gouvernance pour répondre efficacement aux interrogations des citoyens (la forme) ; enfin, en tentant de remplir la fonction au service des citoyens, impliquant un leadership courageux et responsable.
Lorsque les États ont des objectifs qu’ils ne peuvent atteindre seuls, ils sont poussés à coopérer à l’échelle internationale. Mais plus les pays coopèrent à l’échelle internationale, plus les risques associés augmentent. C’est pourquoi une gouvernance supranationale est nécessaire pour pallier ces risques et procurer des gains équitables à toutes les parties concernées. La gouvernance consiste alors à établir les « règles du jeu » à l’avance et à veiller à ce qu’elles soient respectées équitablement. Lorsque les efforts de coopération internationale demeurent simples, les pouvoirs confiés à la gouvernance supranationale sont restreints. Ainsi, les accords de Bretton Woods après la Seconde Guerre mondiale ou le marché commun établi en Europe. Cependant, à mesure que les interactions entre États deviennent plus complexes, il est nécessaire d’approfondir la gouvernance. Ainsi, concernant l’Europe, l’évolution d’un marché commun vers un marché unique a nécessité de renforcer les pouvoirs des autorités de la concurrence et des régulateurs financiers. Des pouvoirs spécifiques ont ainsi été conférés à la Commission européenne en matière de concurrence et de commerce extérieur.
Les pouvoirs croissants de la gouvernance supranationale entraînent un manque de légitimité. Celle-ci repose sur l’expertise et l’impartialité. L’émergence de nouvelles puissances et l’accélération du changement climatique ont conduit à remettre en question l’impartialité et l’efficacité de la gouvernance supranationale. Une contestation diffuse s’est généralisée, une fragmentation de l’ordre mondial, des blocages dans de nombreuses instances internationales, l’émergence de partis populistes et la formations de groupes d’États créant de nouveaux accords mieux adaptés à leurs intérêts. Comment enrayer ce mouvement ? Trois pistes peuvent être dessinées.
Tout d’abord, la gouvernance supranationale pour prospérer doit apporter des solutions dans les domaines où les citoyens se sentent le plus menacés, comme cela a été le cas en Europe au moment de la crise financière mondiale et de la crise de l’euro, et lors de la pandémie, avec le programme NextGenerationEU. Aujourd’hui le soutien à l’euro et à l’UE s’élève respectivement à 79% et 65%.
La forme doit suivre la fonction. La gouvernance multilatérale peut s’articuler autour de règles décentralisées ou d’institutions centralisées. Si les règles peuvent constituer une solution attrayante, elles rendent en réalité plus difficile l’atteinte des objectifs de gouvernance. L’échec du mécanisme de change européen (MCE), mis au point dans les années 1970 pour stabiliser les taux de change, a démontré la supériorité d’une approche institutionnelle de l’intégration monétaire européenne, qui a ensuite conduit à l’adoption de l’euro.
La troisième piste est celle du leadership. Les institutions ont besoin d’un leadership courageux et responsable pour prendre les bonnes décisions.
Aujourd’hui où la gouvernance supranationale se trouve à un tournant, il est important de garder à l’esprit que toutes les structures de gouvernance supranationales ont émergé à la suite de périodes marquées par les ravages de la non-coopération, voire les conflits ouverts entre les États.

Verbatim du conférencier

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