Communication de Jean-Marc Sauvé
Regard sur la justice judiciaire 18 mois après le rapport des États généraux de la justice

Communication du lundi 15 janvier de Jean-Marc Sauvé, Vice-président honoraire du Conseil d’État et Président du comité de rapport des “États généraux de la justice” 2022

Thème de la communication : Regard sur la justice judiciaire 18 mois après le rapport des États généraux de la justice

Synthèse de la séance

L’institution judiciaire se porte mal en France comme l’atteste la tribune signée par plus de 7 000 magistrats à l’automne 2021, au commencement des travaux des États généraux. De leur côté, les justiciables n’accordent à l’institution qu’un crédit limité. Et pourtant, dans un contexte marqué par de nouvelles peurs et de nouveaux risques, tels que le terrorisme, le changement climatique, un progrès technique débridé, une globalisation mal régulée et les tentations de remise en cause de l’État de droit, le besoin et l’attente de justice demeurent paradoxalement forts. C’est à eux que le comité des États généraux s’est efforcé de répondre.
L’originalité de ces États généraux par rapport aux démarches précédentes est d’avoir non seulement donné la parole aux professionnels du droit et de la justice (12 600 magistrats, 7 900 avocats), mais aussi à 18 500 citoyens et 8700 détenus. 157 000 contributions individuelles et 498 contributions collectives ont ainsi été collectées.
Cette crise est paradoxale car la demande de justice n’a pas augmenté depuis une quinzaine d’années, voire a diminué, à la suite de réformes telles que la rupture conventionnelle ou le barème d’indemnisation en cas de licenciement abusif. Pourtant la justice peine à remplir son rôle : les délais de jugement s’allongent, les stocks s’accumulent, la qualité des décisions de première instance baisse, ce qui conduit à la saturation des cours d’appel. Les délais d’exécution des mesures prononcées font que 100 000 condamnations à des peines d’emprisonnement ferme sont en attente d’exécution. Les parquets sont dans un état d’extrême tension, tout comme les établissements pénitentiaires du fait de la surpopulation carcérale.
Le diagnostic tient au manque de moyens, à l’incapacité à penser le fonctionnement de l’institution de manière systémique, au déficit de management et à la contestation de l’autorité des magistrats.
Parmi les pistes de redressement proposées, le comité des États généraux de la justice a pris position pour le renforcement des moyens humains des juridictions, pour la professionnalisation de la gestion des ressources humains, la refonte de la stratégie numérique du ministère, et la réorganisation du pilotage déconcentré du ministère. Enfin, le comité a proposé de restaurer et renforcer les juridictions de première instance, trop souvent regardées comme une sorte de tour de chauffe avant que les affaires ne se règlent véritablement en appel.
Sur la base de ces propositions, le gouvernement a arrêté son propre plan, annoncé par le garde des Sceaux le 5 janvier 2023, deux lois ont été adoptées et promulguées le 20 novembre et une circulaire de mise en œuvre diffusée à tous les chefs de cours d’appel et aux directeurs interrégionaux du ministère le 6 décembre. Tout est donc prêt pour mettre en œuvre la nouvelle programmation. Les conditions de réussite sont au nombre de 6 : il faut sortir de la division et de la compétition entre les silos du ministère ; assumer la place de la gestion et du management, c’est-à-dire se donner les moyens de recruter, former, et fidéliser les personnes ; savoir conjuguer les objectifs généraux et sectoriels ; assumer la dimension systémique de beaucoup d’options retenues ; restaurer l’autorité de la justice et des parquets ; maîtriser l’inflation normative.
Les États généraux de la justice ont entrouvert une fenêtre d’espoir, mais leur terme est loin d’être atteint et ce qui reste à construire est sans doute plus important que ce qui a déjà été accompli.

Verbatim du conférencier

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