Avis de l’Académie des sciences morales et politiques sur le projet de loi constitutionnelle concernant la Charte de l’environnement (10 mai 2004)

Au cours de sa réunion du lundi 10 mai 2004, l’Académie des Sciences morales et politiques a émis des réserves sérieuses sur le projet de loi constitutionnelle concernant la Charte de l’Environnement. Il lui est apparu que ce texte aurait, s’il était adopté, des conséquences néfastes sur le plan scientifique, industriel et même politique, puisqu’il irait à l’encontre des principes qui fondent notre démocratie représentative.

Ayant pris connaissance du projet de loi constitutionnelle portant sur la Charte de l’environnement et compte tenu des travaux de l’Académie des Sciences portant sur le même sujet, l’Académie des Sciences morales et politiques considère que :

  1. Une « Charte » promulguée sous forme de loi constitutionnelle ne pourrait être ultérieurement complétée ou modifiée que dans les formes constitutionnelles ;

  2. La protection de l’environnement a déjà fait l’objet de dispositions précises en vigueur depuis la loi du 2 février 1995 (art. L 110-1, code de l’environnement) et l’article 174 du traité de l’Union européenne ;

  3. L’article 5 du projet a pour effet, sinon pour objet, de retirer sa portée à la jurisprudence du Conseil constitutionnel suivant laquelle le « principe de précaution » ne constitue pas un objectif de valeur constitutionnelle (décision du 27 juin 2001) ;

  4. Rapprochées de celles de l’article 7, les dispositions de l’article 5 ouvriraient la voie à des procédures qui échapperaient aux prérogatives du législateur ainsi qu’aux pouvoirs des collectivités territoriales.

Tenant compte des préoccupations du Gouvernement, des considérations qui précèdent et des recommandations de l’Académie des Sciences ainsi que de l’Académie Nationale de Médecine, l’Académie des Sciences morales et politiques suggère que la modification de la Constitution ait pour objet l’addition au Préambule de la Constitution de la Ve République du texte suivant :

« La République reconnaît les droits et devoirs du citoyen à l’égard de la protection de l’environnement et de sa préservation pour les générations futures. Ces droits et devoirs s’exercent dans les conditions fixées par la loi ».