Les banques françaises dans le monde

Séance du lundi 24 juin 2013

par M. Michel Pébereau,
Membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques

 

 

Depuis 20 à 25 ans, l’industrie bancaire française s’est profondément restructurée. Cinq groupes de services bancaires et financiers se sont constitués selon un modèle qui s’est révélé très efficace pendant la crise financière. Ils sont aujourd’hui confrontés aux choix qui résultent des changements rapides et profonds de leur environnement international et concurrentiel, et qui seront pour eux une source d’opportunités autant que de risques : les contraintes des nouvelles régulations prudentielles ; le choc de la crise des dettes souveraines de la zone euro ; le défi du développement par la rentabilité dans un contexte concurrentiel renouvelé ; et la nécessité de rétablir la confiance de l’opinion.

 

L’industrie bancaire française s’est profondément restructurée au cours des 25 dernières années

 

Les cinq groupes qui se sont constitués ont très bien traversé la crise financière mondiale de 2007-2008. Ils sont un atout pour notre pays.

 

Dans les décennies qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, le système bancaire et financier était sous le contrôle strict de l’Etat

 

Au milieu des années 1980, l’Etat déterminait ou influençait presque toutes les conditions d’activité du système bancaire : le volume des concours à l’économie (avec l’encadrement du crédit) ; les taux d’intérêt des crédits et de l’épargne (le taux de base bancaire, les taux des livrets, les bonifications d’intérêt,…) ; les caractéristiques de nombreux produits (de l’épargne-logement jusqu’à la carte bancaire) ; les conditions d’ouverture des agences ; les salaires, à travers le point bancaire ; les relations avec l’étranger avec le contrôle des changes.

Le système était composé d’établissements spécialisés de statuts divers (publics ou mutualistes) disposant de champs d’activité réservés, fondés sur le monopole de la distribution de crédits bonifiés (par exemple pour l’agriculture, l’artisanat, le logement, les grandes entreprises, les petites et moyennes, etc) ou de produits d’épargne défiscalisés (livret A, livret bleu). Les banques généralistes dotées du statut de sociétés commerciales n’avaient accès qu’à de rares formes de concours aidés (l’épargne-logement et le crédit à l’exportation). Les plus importantes étaient nationalisées depuis 1946.Il est symptomatique qu’en 1982, au moment où d’autres pays engageaient des programmes de privatisations, le nôtre ait décidé de nationaliser les trente-quatre banques et les deux compagnies financières qui étaient encore privées, contrôlant ainsi, par la réglementation et/ou le capital, tout le système. Presque tous les dirigeants de groupes financiers étaient ainsi nommés par l’Etat, ou avec son accord …

Ce système a volé en éclats avec le mouvement de déréglementation, de création et de développement des marchés, et d’ouverture des frontières, qui s’est engagé à partir de 1985, et les privatisations qui ont démarré fin 1986. La crise économique et financière nationale de 1993-1995 a affecté la plupart de ces établissements et provoqué la restructuration de tout le système. Les moins bien portants ont été absorbés par les autres, l’Etat orientant en général les établissements qu’il ne cédait pas sur le marché vers les groupes mutualistes, plutôt que vers les banques privatisées. Des institutions, aussi vénérables que le Crédit Lyonnais, le Crédit National, la Banque Française pour le Commerce Extérieur, le Crédit Foncier, le Comptoir des Entrepreneurs, et aussi les Compagnies Financières de Suez et de Paribas ont disparu…

 

Les banques privatisées sont devenues de véritables entreprises

 

Quant aux établissements mutualistes, ils se sont restructurés et dotés de structures d’accès au marché du capital.

Cinq groupes ont émergé, rassemblant la quasi-totalité des établissements qui préexistaient ; trois d’essence mutualiste (le Crédit Agricole, le Crédit Mutuel, et la BPCE rassemblant Banques Populaires et Caisses d’Epargne) et deux capitalistes (BNP Paribas et Société Générale). L’Etat a depuis lors créé deux organismes publics dont je ne parlerai pas aujourd’hui : la Banque Postale en élargissant les compétences bancaires des services financiers de la poste, et la Banque Publique d’Investissement en rassemblant des établissements très spécialisés gérés par la Caisse des Dépôts.

Ces cinq groupes ont une taille et des activités qui leur confèrent une position internationale. Quatre d’entre eux font partie des 25 premières banques mondiales par le total du bilan, ainsi que du groupe des 28 institutions financières qui doivent faire l’objet d’une régulation spécifique du fait de leur importance systémique au niveau mondial, d’après le Comité de Bâle : les SIFIs (Systemically Important Financial Institutions). Tous les cinq font partie des banques dont la Banque Centrale Européenne doit assurer directement la supervision, dans le cadre de l’Union Bancaire qui est en cours de création. Trois d’entre eux disposent de notations des agences spécialisées qui les placent dans le groupe de tête des banques internationales.

Tous sont construits sur un modèle de groupe de services financiers et bancaires généralistes, combinant, dans des proportions et des géographies variables propres à chacun, outre un solide socle de banque de détail en France et en Europe, des activités d’assurance et, au niveau international, des activités de banque de financement et d’investissement, et de gestion d’actifs. Tous ont une stratégie de développement de leurs activités en euro, et en Europe.

 

Le modèle de ces groupes a très bien résisté à la crise financière de 2007-2009

 

Le contraste est saisissant par rapport aux grandes banques allemandes, belges, britanniques, néerlandaises, suisses ou américaines, qui ont, pour beaucoup, dû leur salut à des aides publiques en capital massives. Les modèles purs de banque de détail (Northern Rock au Royaume-Uni) et de banque d’investissement (Lehman Brothers mais aussi Bear Stearns ou Merrill Lynch aux Etats Unis) n’ont pas non plus résisté à la crise. Le belgo-français Dexia, qui était construit sur un concept de spécialisation très différent du modèle français, a été emporté.

Du fait de son modèle qui divise les risques, d’une meilleure analyse de ceux-ci, et d’un contrôle plus efficace de son superviseur, l’industrie bancaire française est, avec l’australienne et la canadienne, l’une de celles qui ont le mieux traversé la crise.

Si l’Etat a apporté en 2009 aux cinq banques françaises des concours remboursables, c’était pour éviter que l’économie ait à subir une contraction du crédit, à un moment où les marchés s’étaient fermés au monde bancaire. Ces concours ont rapporté à l’Etat, en net de ses coûts de financement, 2,5 Mds € ; et ils ont été remboursés par anticipation dès 2009 lorsque c’était possible, et le sont aux dates prévues dans les autres cas.

 

L’industrie bancaire est un atout pour la France dans la mondialisation

 

L’Europe s’était fixé en 2001, au sommet de Lisbonne, l’objectif ambitieux de devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, pour soutenir la croissance. L’industrie bancaire est l’un des grands secteurs de l’économie de la connaissance : c’est une industrie de services, employant des personnels qualifiés ou hautement qualifiés, qui exploite toutes les avancées de la révolution numérique, et qui ne cesse d’innover. Elle a, en Europe, les avantages comparatifs des pays avancés par rapport aux pays émergents, en particulier l’état de droit. Les banques françaises ont des réseaux d’implantations dans les pays étrangers et une solide présence dans les grands centres financiers internationaux. Elles sont capables, dans bien des métiers de la banque de financement et d’investissement, de concurrencer les grandes banques américaines.

Ces banques créent des richesses et des emplois en France : sur leurs 690 000 salariés, 400 000 travaillent en France. Elles ont été, au cours de la dernière décennie, un des moteurs les plus dynamiques d’emplois (+ 6,7 %) devant l’agro-alimentaire (+ 2,3 %). Leur taux d’embauche a été de 8,5 % en 2011 : 30 000 salariés, essentiellement en contrats à durée indéterminée, dont 38 % de moins de 25 ans et 32 % de 25 à 29 ans. Elles consacrent à la formation 4 % de leur masse salariale. L’industrie bancaire est l’un des atouts de la France dans la globalisation. Elle a les moyens d’accompagner et de servir nos entreprises et leur développement, partout dans le monde. Elle est capable de faire face aux changements fondamentaux de son environnement, qui sont en cours.

 

Le premier changement, ce sont les contraintes des nouvelles régulations prudentielles. Il va falloir concilier stabilité financière et croissance économique

 

La crise américaine des subprimes et la faillite de Lehman Brothers ont failli déboucher sur une crise systémique. Il a fallu des interventions massives et coordonnées des Etats et des banques centrales pour l’éviter, et pour prévenir le risque de grande dépression qui en résultait. Après de tels événements, le renforcement de la régulation prudentielle des banques était logique et indispensable, au niveau mondial, pour assurer la stabilité financière.

L’Union Européenne a décidé d’appliquer complètement les recommandations faites à ce sujet par le Comité de Bâle à la demande du groupe des Vingt. La France a choisi d’anticiper le calendrier prévu. Tout cela peut avoir de lourdes conséquences sur la croissance. Les banques françaises sont capables, pour l’instant, de l’éviter. Mais ces nouvelles régulations risquent de créer des distorsions de concurrence au détriment des intérêts français.

 

Pour assurer la stabilité financière, le Comité de Bâle a recommandé le renforcement des ratios de solvabilité et la mise en place de ratios de liquidité. Des règles d’organisation des activités des groupes bancaires sont en outre envisagées.

 

La régulation prudentielle reposait traditionnellement sur les ratios de solvabilité, qui avaient été mis en place à l’instigation du Comité de Bâle à la fin des années 80. Les accords de Bâle II les avaient déjà modernisés et renforcés. Ils ont été considérablement durcis par les nouveaux accords de Bâle III. Ils imposent aux banques de limiter les risques pondérés qu’elles prennent en proportion des fonds propres dont elles disposent. La définition des fonds propres a été normalisée et restreinte. La pondération de certains risques a été augmentée. Le rapport minimum à respecter entre les fonds propres et les risques pondérés a été relevé. Une surcharge a même été prévue pour les groupes considérés comme systémiques. Tout cela aboutit à une augmentation allant du doublement à la multiplication par 6 ou 7 des capitaux dont doit disposer une banque, à activité inchangée, selon la nature des activités.

Le Comité de Bâle avait décidé d’étaler sur sept ans l’application de ces nouvelles règles, compte tenu de leur rigueur. Pour rassurer les investisseurs, au moment de la chute boursière des valeurs bancaires européennes de l’été 2011, à la suite d’une déclaration maladroite de Mme Lagarde peu après son arrivée à la tête du FMI, les banques françaises ont décidé de les appliquer dès 2013 au lieu de 2019. L’une d’elles les respecte déjà et a été l’une des premières dans le monde à le faire.

La création de nouveaux ratios de liquidité est décidée. Elle est délicate car ce sera la première expérience de régulation dans ce domaine. Elle risque en outre de freiner, sinon d’empêcher, une activité essentielle des banques d’Europe continentale pour le financement de l’économie : la transformation de l’épargne à court terme, qui a la préférence des particuliers, en financements à long terme indispensables pour les investissements. La définition de ces nouveaux ratios de liquidité est en cours. Les banques françaises, qui disposent pourtant de modèles assez sophistiqués de gestion actif-passif pour contrôler le risque de liquidité, ont commencé à appliquer l’un des deux ratios envisagés.

Il est également envisagé de fixer des règles de réglementation des portefeuilles d’activité ou des structures des banques, pour isoler ou interdire des activités considérées comme dangereuses pour la stabilité financière. Les Etats-Unis ont été les premiers à adopter une proposition dite Volcker, mais ils ne sont toujours pas arrivés à l’appliquer. Les britanniques ont retenu la réforme proposée par le rapport Tucker, mais ils l’ont renvoyée à un futur assez lointain. La Commission Européenne n’a pas encore décidé quelles suites donner aux propositions du rapport de la commission Liikanen qu’elle avait chargée d’étudier le sujet. En France, une loi bancaire est en train de définir des règles de bon sens dans ce domaine, pour limiter ou séparer les activités purement spéculatives. Cette loi sera rapidement appliquée. Les autorités allemandes ont indiqué qu’elles pourraient s’en inspirer. Les banques françaises sont donc très engagées dans la mise en œuvre des régulations prudentielles nécessaires à la stabilité financière. Cela va inévitablement avoir pour conséquence de peser sur le volume et le coût du crédit pour les clients, et sur la rentabilité des établissements, donc sur leur capacité de financement de l’économie et sur la croissance.

 

L’industrie bancaire française est, depuis 2009, l’une de celles qui assurent le mieux le financement de leurs clients et de l’économie, et son modèle devrait lui permettre de continuer

 

Dans la zone euro, c’est elle qui accompagne le mieux ses clients nationaux depuis le début de la crise financière. Entre fin 2008 et fin 2011, les encours de crédits aux sociétés non financières ont crû en France de 4,2 % contre 2,2 % en zone euro, alors qu’ils diminuaient de 4,3 % en Allemagne. Les encours de l’ensemble des crédits aux entreprises et aux ménages ont augmenté en France de 10,5 % contre 2,5 % en zone euro. Leur croissance a été chaque année supérieure de 2 points au moins à celle de la production nationale (le PIB). En France, les banques ont donc joué un rôle contra-cyclique depuis 2009, ce qui n’a pas été le cas dans la plupart des grands pays européens, notamment en Allemagne.

Du fait de leur modèle, elles sont en outre bien placées pour assurer le financement de l’économie nationale, dans la période de transition vers le système qui va résulter des nouvelles régulations. Aujourd’hui, le financement de l’économie est assuré en Europe continentale à 75 % par l’intermédiation bancaire et 25 % par les marchés. C’est l’inverse aux Etats-Unis. Les nouvelles régulations pénalisent l’intermédiation bancaire. Elles vont donc rendre inévitable une orientation vers le système américain. C’est assez paradoxal puisque celui-ci a créé la crise financière. Mais c’est ainsi.

Grâce à leur modèle généraliste, et à condition qu’il ne soit pas remis en cause, les banques françaises peuvent gérer la transition. Elles peuvent orienter en effet vers les marchés, où elles ont un excellent savoir-faire, ceux de leurs clients qui ont la capacité d’y accéder, et réserver l’essentiel de leurs crédits aux PME, aux micro-entreprises et aux particuliers, évitant ainsi à l’économie française toute insuffisance de l’offre de financement (tout « credit crunch »).

 

Il était prévu que les règles fixées par le Comité de Bâle soient appliquées partout et en même temps ; or tel n’est pas le cas. Cela crée des risques de distorsion de concurrence

 

Les Etats-Unis ont promulgué leur propre régulation Dodd Franck, et différé l’application du Bâle III. Rares sont les pays avancés qui appliquent les nouvelles règles, en dehors de l’Union Européenne. Dans la plupart des pays émergents, en particulier en Chine, les conditions d’exercice et de régulation des activités bancaires sont très spécifiques. Cela crée des risques de balkanisation réglementaire et de détournement d’activité. Le « shadow banking », la banque de l’ombre, est en outre en plein développement, et crée des risques nouveaux pour la stabilité financière.

A cela s’ajoute la montée de protectionnismes financiers par voie réglementaire. Les Etats-Unis ont déjà envisagé d’imposer certaines structures juridiques et certaines règles spécifiques aux banques étrangères. Ils restreignent les possibilités de financement en dollar de ces banques par les investisseurs américains. A Londres, la question de la transformation en filiales des succursales de banques étrangères, même européennes, a été posée. On ne compte plus les pays, même au sein de la zone euro, qui cherchent à imposer un emploi en crédits à l’économie locale de toutes les ressources collectées par les banques. Tout cela crée des distorsions de concurrence au détriment des banques françaises, qui figurent parmi les grands acteurs du financement des grands projets ou du commerce international. Le « level playing field » – le maintien de conditions loyales de concurrence – ne semble guère d’actualité.

 

Le deuxième grand changement est le choc de la crise des dettes souveraines de la zone euro

 

L’avenir des banques françaises est étroitement lié au devenir de la construction européenne. Leur monnaie est en effet l’euro, et l’Union européenne devrait être leur marché domestique. La crise des dettes souveraines a fragilisé l’euro et l’Union. Elle a donc ébranlé toute l’industrie bancaire de la zone. Il est indispensable d’en sortir.

 

La monnaie des banques françaises, c’est l’euro

 

L’instrument de travail des banques, leur matière première, c’est la monnaie, avec ses trois fonctions : unité de compte, moyen de règlement, instrument de réserve de valeur.

L’euro est désormais l’instrument de travail des banques françaises. Dès sa création, il a assuré les fonctions d’une monnaie internationale avec efficacité. Il est devenu la deuxième monnaie internationale de réserve et de règlement derrière le dollar. Il est même souvent perçu au niveau international comme une meilleure unité de compte, parce que la stabilité des prix est la mission prioritaire assignée à la Banque Centrale Européenne, rendue indépendante par ses statuts.

L’euro a donc apporté à l’industrie bancaire européenne un avantage considérable dans la compétition internationale : un avantage pour la zone euro elle-même, et aussi pour les autres pays de l’Union, et même pour la City de Londres, qui est la grande place financière de l’euro.

La crise des dettes souveraines de la zone euro a été un véritable coup de tonnerre pour les banques de la zone. Elle a en effet mis en cause un élément essentiel de l’état de droit qui caractérise les pays avancés : les Etats remboursent leurs dettes. La crise grecque et son dénouement, qui a conduit les investisseurs privés à abandonner 50% de leurs créances sur l’Etat grec en nominal et 72% en valeur réelle, ont semé le doute dans l’esprit des investisseurs. Désormais, les Etats de la zone euro sont, pour la plupart, considérés comme des emprunteurs comme les autres, susceptibles, comme les pays en développement ou les emprunteurs privés, de ne pas honorer leurs créances. A cela s’est même parfois ajoutée la crainte que certains pays puissent sortir de la zone euro, au détriment bien sûr de tous les créanciers de leur économie.

C’est une situation qui a créé des doutes sur la solidité de tout le système bancaire européen pour lequel les titres de créances sur les Etats de la zone euro sont naturellement des instruments de travail, comme c’est le cas des créances souveraines nationales pour les banques de tous les pays du monde. Ce n’est en outre pas sans conséquences sur les taux d’intérêt, dans certains pays.

Si la crise se poursuivait, elle pourrait rapidement menacer l’euro lui-même et, à travers lui, la stabilité financière de toute l’Europe, et affecter les perspectives de croissance économique.

 

Il est donc urgent de sortir de la crise

 

Cela implique que les Etats et les autorités européennes mettent en place, selon le calendrier annoncé, les décisions qu’ils ont prises pour renforcer leur Pacte de Stabilité et de Croissance et l’Union Economique et Monétaire.

Tous les pays de la zone sont désormais conscients de la nécessité d’un retour aux disciplines budgétaires du Pacte de Stabilité, et ont engagé des programmes pluriannuels de réduction de leurs déficits publics et de leur dette. L’exécution de ces programmes, avec les seuls ajustements à la marge rendus inévitables par la conjoncture, est un impératif absolu.

Des décisions ont également été prises pour faire face, collectivement, aux difficultés de financement de certains pays, qui résulteraient de la défiance des investisseurs. Un Fonds Européen de Stabilité Financière temporaire puis un Mécanisme Européen de Stabilité pérenne ont été mis en place. La Banque Centrale Européenne, de son côté, a décidé des interventions non conventionnelles en appui de leurs concours, et a affirmé sa volonté de défendre l’intégrité de la zone. Là aussi, l’exécution des décisions prises est essentielle.

Des réformes ont été arrêtées pour renforcer l’Union Economique et Monétaire. Il faut les appliquer. Il s’agit d’abord de la fameuse règle d’or de l’absence de déficit structurel des finances publiques et de la création d’un début de gouvernance économique de la zone euro, qui ont été prévues par le nouveau Traité. Ensuite des mécanismes permettant d’assurer, mieux que par le passé, les disciplines budgétaires, en particulier les nouvelles prérogatives de la Commission dans le suivi de l’élaboration et de l’exécution des budgets nationaux. Il y a enfin le suivi d’une nouvelle batterie d’indicateurs qui doivent permettre d’éviter ou corriger des déséquilibres macroéconomiques dans les pays qui ne respectent pas les normes budgétaires du Pacte de Stabilité.

 

Au-delà, l’Union bancaire doit assurer la sécurité du système bancaire européen

 

Une fois assuré le renforcement de la solvabilité des banques préconisé par Bâle III, la qualité de la surveillance des activités de chaque établissement doit être améliorée.

Dès 2010, une Autorité Bancaire Européenne a été mise en place pour fixer des standards d’application des normes prudentielles et faire en sorte que celles-ci soient appliquées de la même manière dans tous les pays de l’Union.

Un projet beaucoup plus ambitieux a été lancé en juin dernier : l’Union Bancaire européenne. Il comporte trois volets qui vont permettre des progrès décisifs de la supervision bancaire dans la zone euro : l’organisation d’un mécanisme de surveillance unique sous l’égide de la Banque Centrale Européenne pour les six mille banques de la zone euro ; la création d’un cadre de redressement et de liquidation des banques, en particulier des plus grandes ; la mise en œuvre de systèmes européens de garantie des dépôts.

Le mécanisme de surveillance unique a fait l’objet de décisions dès 2013. Les deux autres volets de la réforme posent des problèmes juridiques et financiers assez complexes. Leur mise en œuvre prendra plus de temps. L’objectif est clair : faire en sorte que ce soient les actionnaires et certains créanciers d’abord, l’industrie bancaire ensuite, et jamais le contribuable, qui aient à payer pour les défaillances éventuelles d’un établissement. Grâce à l’Union Bancaire, le lien constaté pendant la crise entre risque souverain et risque bancaire devrait être rompu ; la monnaie unique s’en trouverait sécurisée. C’est là une étape significative de la construction européenne.

Pour les banques françaises, c’est à la fois une source d’espoir et d’inquiétude. D’espoir, parce que tout ce qui consolide leur monnaie est positif de leur point de vue. Mais aussi d’inquiétude, parce que l’expérience de la crise vient de montrer qu’au niveau européen, les banques françaises étaient collectivement parmi celles qui géraient le mieux ou le moins mal leurs risques, et qu’une mutualisation avec l’industrie bancaire de la plupart des autres pays de la zone euro, et en particulier de l’Allemagne, pourrait leur être dommageable.

 

Il faudrait réaliser enfin le grand marché intégré bancaire prévu par l’Acte Unique Européen de 1993

 

Il y a eu à cet égard bien des progrès : par exemple la liberté d’établissement en Europe, et la possibilité d’y vendre des produits bancaires et financiers à partir du territoire de chaque pays. Un espace unique de paiements en euro pour les entreprises, le SEPA (Single Euro Payment Act), va s’imposer dès 2014 à tous les acteurs économiques. Et puis les marchés financiers sont devenus réellement européens, et leurs volumes sont aujourd’hui comparables à ceux du marché américain pour les titres de créances.

Mais le marché bancaire européen est toujours balkanisé, du fait de la persistance de législations fiscales et de règlementations de protection des consommateurs qui restent purement nationales. Il y a pire. La crise a fait renaître des tentations de régulations prudentielles nationales qui tendent à accentuer cette fragmentation. Si ces tendances se confirmaient, c’est une véritable régression de l’intégration du marché européen qui en résulterait.

Dans les années qui ont précédé la crise, les grandes banques européennes étaient périodiquement interpellées par le monde politique et par la presse sur leur capacité à se regrouper par des fusions, pour constituer de grands établissements capables de proposer des services européens de banque de détail dans plusieurs pays ; capables aussi, grâce à leur puissance financière, de rivaliser avec les grandes banques américaines. Certaines banques françaises ont avancé dans ce domaine, y compris pendant la crise. Il est symptomatique qu’aujourd’hui on impose des ratios de solvabilité spécifiques, plus élevés, aux grands groupes bancaires.

Les évolutions de la construction européenne vont être déterminantes pour les stratégies des banques françaises. L’orientation d’une Europe à deux vitesses – celle de la zone euro et celle de l’Union – pose la question de la dimension du marché domestique de ces banques : comprendra-t-il l’ensemble des pays actuels de l’Union, en particulier le Royaume-Uni et la City de Londres ? Pour rassurer définitivement les investisseurs sur la solidité de la zone euro, il serait souhaitable que les européens réussissent à répondre rapidement à cette question, et à faire progresser leur Union politique.

La poursuite, et a fortiori l’aggravation de la crise des dettes souveraines de la zone, auraient des conséquences tragiques pour toutes les grandes banques internationales de l’euro, et donc pour les banques françaises, qui ont développé des stratégies fondées sur la pérennité de l’euro et de l’Union.

 

Troisième défi pour les banques : le développement par la rentabilité dans un contexte concurrentiel nouveau

 

La crise des dettes souveraines a fragilisé les positions des banques françaises dans la compétition internationale. Or ces banques vont devoir réaliser des investissements importants dans les années à venir, si elles veulent conserver leur rang pour répondre au défi de la révolution numérique et pour développer leur présence internationale. Leur profitabilité sera plus que jamais la clé de leur développement.

 

Des positions fragilisées par la crise des dettes souveraines

 

Les banques françaises ont démontré, avant et pendant la crise, leur capacité à jouer un rôle significatif au niveau international, à la fois comme acteurs des marchés globaux et des marchés européens, mais aussi dans la prise de contrôle et le développement de banques de détail dans des pays autres que la France, en Europe et dans le monde.

Mais la crise des dettes souveraines de la zone euro a affecté leurs valeurs de marché, qui avaient mieux résisté que celles de la plupart de leurs grandes concurrentes étrangères pendant la crise financière. En termes de capitalisation boursière, elles se sont trouvées déclassées. Par rapport aux grandes banques des pays émergents, de la Chine ou du Brésil, qui bénéficient des perspectives de croissance économique fortes de ces pays. Mais aussi par rapport aux grandes banques américaines, qui sortent renforcées de la crise du fait des aides que leurs autorités leur ont accordées. C’est une situation de faiblesse qui pourrait être lourde de conséquences pour leur développement, voire pour leur indépendance et le maintien de leurs centres de décision en France. D’autant plus que les années à venir vont nécessiter de la part des banques des investissements importants pour conserver leur rang, et a fortiori l’améliorer.

 

Les banques françaises doivent répondre au défi de la révolution numérique

 

La matière première de la banque, la monnaie, peut être traitée comme une information. L’industrie bancaire est donc l’une des plus concernées par la révolution permanente des nouvelles technologies de l’information. La sphère bancaire devient de plus en plus un monde électronique.

Il avait fallu des siècles et la guerre de 1914-1918 pour que la monnaie d’or et d’argent disparaisse de la vie quotidienne au profit de la monnaie scripturale ; et quelques décennies pour que la monnaie fiduciaire constitue l’essentiel de la monnaie disponible. En quelques années, la monnaie électronique, dématérialisée, s’est imposée. Elle est stockée dans la mémoire des ordinateurs. Elle est désormais mobilisable à partir d’instruments de plus en plus variés.

Les banques françaises ont été parmi les premières à développer l’usage de la mécanographie, et surtout de l’informatique, dans le traitement de leurs opérations, notamment pour abaisser le coût, pour elles, de la gratuité du chèque.

Elles ont très tôt créé de nouveaux produits susceptibles d’échapper au contrôle des prix qu’exerçait l’Etat : les cartes de crédit, la banque à domicile avec le téléphone et le minitel dès les années 1980. Et elles ont rattrapé leur retard sur les pionniers pour la création de services via internet. Ce sont les clients eux-mêmes qui déterminent le rythme et l’étendue de la transformation effective de la banque traditionnelle en banque à domicile. Cela ouvre des perspectives nouvelles pour attaquer les marchés étrangers de banque de détail que les banques françaises ont commencé à explorer, par exemple en lançant la banque digitale.

Les nouvelles technologies de l’information ont aussi assuré la globalisation des marchés financiers. Grâce à elles, les marchés fonctionnent en continu, en temps réel, et offrent un accès aux intervenants du monde entier. Elles assurent, partout en même temps, toute l’information, la même information. Elles ont rendu possible l’émergence d’une véritable planète financière. Et elles servent l’innovation. C’est grâce à elles que ce sont développés les nouveaux instruments financiers, en particulier les produits dérivés, qui sont et devraient rester des moyens de couverture des risques offerts par les banques à leurs clients. Les banques françaises sont très actives sur ces marchés globalisés.

Les banques doivent maîtriser les risques de toute nature que fait naître cette révolution numérique. Elles ont d’abord à se soucier de la sécurité de l’ensemble de leurs systèmes informatiques, assurer la continuité des services en cas d’accident, d’attentat. Elles ont aussi à se protéger des « hackers ». Le risque informatique est devenu l’un des grands risques que l’industrie bancaire doit maîtriser.

Les banques françaises sont bien placées pour continuer à innover par l’utilisation des nouvelles technologies de l’information : pour abaisser leurs coûts de production, créer de nouveaux produits, entrer sur de nouveaux marchés, sécuriser leurs opérations. Il leur faut pour cela investir au moins autant que leurs concurrents. Cela suppose qu’elles en aient les moyens.

 

Pour garder leur rang, les banques doivent aussi développer leur présence internationale

 

Dans cette période de globalisation financière, il leur faut pour cela investir dans les métiers dont le marché est européen ou mondial, et aussi prendre le contrôle de banques des pays en croissance, lorsque c’est possible.

Leur présence dans les métiers de la banque de financement est cruciale. Elles font en effet partie des quelques rares banques internationales capables de tenir tête aux banques américaines. Ce sont des métiers stratégiques du point de vue des entreprises et des Etats. De quoi s’agit-il en effet ?

Il s’agit d’abord d’être le partenaire financier des grandes entreprises et des entreprises exportatrices, non seulement pour les opérations bancaires courantes et le financement des échanges, mais aussi pour le financement structuré de grands projets (autoroutes, ports, centrales électriques) ou d’actifs importants (avions, bateaux, usines, …). Dans ces domaines, certaines banques françaises figurent parmi les leaders mondiaux.

Il s’agit ensuite d’aider les entreprises, mais aussi les Etats, à lever des capitaux sur les marchés : c’est là le métier de banque d’affaires ou de spécialiste en valeurs du Trésor, deux autres spécialités des banques françaises, qui figurent notamment parmi les leaders des marchés des obligations en euros.

Il s’agit enfin d’offrir aux clients un service de négociation sur les marchés financiers, et de couverture des risques par des produits dérivés : deux des banques françaises sont parmi les leaders mondiaux du marché des dérivés d’actions.

Tous ces métiers sont des activités à forte valeur ajoutée, nécessitant des investissements informatiques, des bases de données, une culture et une expérience, des spécialistes bien formés… L’intérêt de tous les pays concernés par ces marchés et des grandes entreprises européennes n’est certainement pas de laisser le monopole d’activités aussi stratégiques aux seules banques américaines. Il serait vraiment irrationnel que les banques françaises renoncent à défendre des positions concurrentielles qu’elles ont acquises de haute lutte.

Il est également souhaitable qu’elles disposent du capital nécessaire au développement d’activités de banque de détail ou d’intermédiation bancaire classique, pour lesquelles elles disposent d’un savoir-faire, mais qui sont plus locales, dans la perspective de l’ouverture de certains pays à des investissements étrangers que la mondialisation rendrait possible. Si des opportunités se présentent, il est manifeste qu’une banque de la zone euro aurait bien des raisons de les saisir, dans des pays où les perspectives de croissance sont plus séduisantes que celles de leur marché domestique : les pays émergents bien sûr, mais aussi l’Amérique du Nord.

 

La profitabilité sera donc plus que jamais la clé du développement des banques françaises

 

Compte tenu des nouvelles régulations prudentielles, tout développement des activités bancaires et financières dépend en effet, mathématiquement, des possibilités d’accroissement des fonds propres. Les banques françaises sont en train d’adapter aussi vite que possible leur stratégie et leur portefeuille d’activités pour tenir compte de cette réalité, depuis deux à trois ans. Elles doivent être des entreprises performantes, prospères, globalement, et aussi en France.

Il serait bien sûr irréaliste et dangereux qu’elles se fixent des objectifs de profitabilité comparables à ceux, trop ambitieux, que demandaient les actionnaires sur les marchés avant la crise. Et chacun doit faire prévaloir l’exigence de sécurité sur le désir de profitabilité. Mais il faut bien que les résultats soient supérieurs au coût du capital, tel que le calculent les investisseurs, pour que les banques soient à même de faire face aux besoins de l’économie, grâce à leur propre croissance.

Comme les autres secteurs d’activité, l’industrie bancaire ne pourra être compétitive par rapport à ses concurrents internationaux si la France ne rétablit pas la compétitivité de son territoire national, notamment en matière de coût du travail, de niveau global des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, et de charges des règlementations.

Pour les activités bancaires et financières, il serait important d’éviter que des taxes spécifiques viennent les détourner du territoire national. L’un des impôts les plus préoccupants à cet égard est la taxe sur les salaires, qui leur est spécifique, qui est assortie d’un taux plus élevé pour les rémunérations moyennes et fortes, et qui vient encore d’être alourdie. Comment, dans ces conditions, espérer développer en France les activités à forte valeur ajoutée que se disputent les grands centres financiers internationaux ?

Il faudrait aussi éviter que le secteur financier soit considéré comme une source de taxe spécifique chaque fois qu’un plan de réduction du déficit public est engagé. La taxe sur les transactions financières, actuellement envisagée par onze pays européens, est particulièrement préoccupante. Parmi les pays concernés, seules la France et l’Allemagne sont bien placées pour développer des activités de marché mondialisées. Elles seules seraient concernées, la France plus que l’Allemagne, où une seule grande banque internationale a survécu à la crise financière. Une telle taxe, si elle est d’un montant significatif, n’est pas concevable sans distorsion de concurrence, et ne rapportera effectivement des recettes que si elle est généralisée à toutes les grandes places internationales. Sinon, elle aboutira seulement à des déplacements d’activités et à une pénalisation des entreprises localisées dans les pays concernés. Ce serait navrant, à un moment où les échanges extérieurs de notre pays sont lourdement déficitaires.

 

Enfin, les banques ont besoin de retrouver la confiance de l’opinion

 

Cette confiance a été ébranlée par la succession des crises. Pour la rétablir, les banques françaises s’efforcent d’être exemplaires dans leur métier, qui est de servir. Elles doivent aussi se soucier d’éthique.

 

L’Europe et la France viennent de subir une succession de crises et une déstabilisation de leur économie sans précédent

 

L’indignation bien justifiée résultant de ces crises est périodiquement ranimée par des événements qui viennent rappeler le passé, et faire découvrir ou redécouvrir des fautes de gestion, des fraudes, et aussi le cynisme de certains, le plus souvent aux Etats-Unis ou à Londres. Divers responsables des sphères politiques ou du monde économique, et une partie de l’opinion, tiennent l’industrie bancaire toute entière pour responsable de ces crises. Ce n’est pas très équitable. Mais c’est ainsi.

Au demeurant, la profession bancaire dans son ensemble porte la responsabilité de ne pas avoir elle-même critiqué et dénoncé, avant la crise, des dérives qu’elle aurait dû être en position de comprendre ; et aussi de pratiques, en matière de rémunération de certaines équipes et de relations avec les clients, qui pouvaient donner à penser que l’éthique avait déserté une partie du monde bancaire, voire qu’elle était peu compatible avec le capitalisme tel que le pratique le monde financier.

Le défi essentiel de l’industrie bancaire française, au niveau collectif, est aujourd’hui de retrouver la confiance de l’opinion publique, là où elle aurait pu la perdre. Les banques françaises ont aujourd’hui la confiance de leurs clients. Les sondages le montrent. Mais la crise a ébranlé la confiance dans l’industrie bancaire prise globalement. C’est bien compréhensible dans les pays où les contribuables souffrent encore, au niveau de l’endettement public, des concours que les Etats ont dû mobiliser pour sauver certains établissements. C’est plus surprenant ailleurs, notamment en France.

 

Pour retrouver cette confiance, l’industrie bancaire doit être exemplaire dans l’exercice de son métier, qui est de servir

 

C’est ce que s’efforcent de faire les banques françaises. Mais la confiance de l’opinion suppose aujourd’hui d’aller plus loin. Comme l’a douloureusement démontré la crise financière, la banque n’est pas une entreprise comme les autres. Car sa vocation est de gérer l’argent des autres.

Elle doit avoir une rigueur particulière dans le respect des disciplines qui s’imposent aux entreprises de tous les secteurs d’activité : la conformité aux règles ; la prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes ; les responsabilités sociales et environnementales nécessaires à un développement durable ; des comportements d’entreprise citoyenne.

La conformité aux régulations prudentielles doit, dans chaque banque, être permanente partout et dans tous les métiers, et faire l’objet d’une surveillance interne spécifique. Les banques ont aussi à être exemplaires dans l’application des règlementations du travail et de la protection des consommateurs, comme de la législation fiscale, dans chacun des pays dans lesquels elles opèrent.

En ce qui les concerne, les banques françaises ont été les premières à tirer, dès 2009, les leçons de la crise dans leurs politiques de rémunérations, en particulier pour les opérateurs de marché. Dès lors que certaines rémunérations sont élevées, elles sont conditionnelles, et pour une part significative suffisamment étalées dans le temps et réglées en actions de la banque concernée, pour que la rentabilité des opérations qui les ont justifiées soit assurée.

Une grande banque doit aussi avoir le souci de l’impact de ses activités sur toutes ses parties prenantes. Au-delà des intérêts de ses actionnaires, ceux de ses clients, de ses prospects, de ses collaborateurs, de ses partenaires, des économies nationales au sein desquelles s’exerce son activité doivent être pris en compte dans sa stratégie et dans sa gestion. Elle doit aussi être au service du développement durable, en s’attachant à bien exercer ses responsabilités sociales et environnementales, en particulier la lutte contre le réchauffement climatique. Il lui appartient de promouvoir une culture d’entreprise comportant à la fois des valeurs identitaires, de réelles responsabilités citoyennes, et une éthique.

 

Les banques doivent se préoccuper d’éthique

 

En ce qui concerne l’éthique, il est un domaine où elle a une importance particulière, compte tenu des erreurs et des fautes relevées ici et là à l’occasion de la crise : c’est l’éthique commerciale. Elle implique une parfaite transparence en matière de conditions, et de tarifs bien sûr. Mais, au-delà, la loyauté envers le client doit être une notion essentielle pour tous les collaborateurs de la banque, qui doivent veiller sur l’intérêt de leurs clients avec autant d’attention que sur ceux de la banque.

L’éthique commerciale, c’est aussi le refus de travailler avec tout client et toute organisation dont l’activité est liée à la fraude, en particulier à la corruption ou à des commerces illicites. Les banques françaises ont ainsi cessé pratiquement leur activité dans les pays que l’OCDE qualifie de paradis fiscaux. Elles apportent aussi un appui sans réserve aux politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre le blanchiment d’argent frauduleux et le grand banditisme, notamment le trafic de drogue et le terrorisme.

Au-delà, nous savons tous que pour jouer son rôle au service de la société, une économie de marché et de libre entreprise a besoin de s’appuyer sur une éthique forte et d’être encadrée par des règles, certes en quantité raisonnable, mais strictement respectées par tous. Ces conditions du succès collectif ont été négligées ces dernières années par différents acteurs économiques, voire par certains Etats. Les dérèglements de la finance américaine ont été la caricature de ce phénomène, entraînant dans la crise, et donc dans l’opprobre, l’ensemble de la profession bancaire. Perçue à tort ou à raison comme un symbole des dérives du capitalisme, la profession bancaire a aujourd’hui l’obligation absolue de redevenir ce qu’elle a longtemps été, c’est à dire un des secteurs où les règles de bonne gestion et de respect des devoirs vis-à-vis du client sont portées au niveau le plus élevé.

La place des banques françaises dans le monde va dépendre de leur capacité à répondre avec efficacité à des défis d’un monde qui change.

Les crises viennent de le montrer : le sort des grandes banques internationales est largement lié à celui de l’économie des pays dans lesquels elles ont initialement développé leurs activités : celui de leur siège. L’avenir des banques françaises va donc dépendre étroitement du devenir de la France et de son économie ; et aussi de celui de la zone euro, parce que l’euro est leur monnaie, et celui de l’Union Européenne, qui a vocation à être leur marché domestique.

Les banques françaises sont des entreprises, qui exercent leurs activités dans des secteurs de haute compétition internationale. Leur place dans le monde dépendra avant tout d’elles-mêmes : de la qualité de leur vision stratégique et de leur gestion ; de leur éthique et de leur réputation, de la mobilisation de leurs équipes autour de leur projet d’entreprise, au service de leurs clients ; de leur capacité à répondre aux défis d’un monde qui change très vite.