Réflexion sur le texte inachevé de Jean Baechler sur la bonne gouvernance en séance du 13 février 2023

La séance du 13 février 2023 a été consacrée au texte inachevé de Jean Baechler, membre de l’Académie décédé le 13 août 2022. Jean-Claude Trichet lui avait proposé de prononcer la première conférence de l’année comme il était souvent d’usage, tant il était le plus qualifié pour « poser le cadre et en mesurer les enjeux » comme Rémi Brague l’avait rappelé dans son allocution, et faire apparaître les « points d’Archimède » pour reprendre l’une de ses métaphores préférées.

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Dans un mail posthume Jean Baechler avait adressé le début de sa contribution et fait allusion aux « forces qui (lui) ont manqué » pour en terminer la rédaction. Le Président souligne, comme l’a suggéré Serge Sur, que le contexte de rédaction de ce texte peut être rapproché de celui de L’Esprit des lois dans lequel Montesquieu évoque cette tension entre la maladie et ses travaux. Il avait demandé à Jean Baechler, avec son regard d’historien, de sociologue et de philosophe, d’élucider un concept nouveau – celui de « gouvernance » – entendu au sens de « bonne gouvernance ». Cette notion ambitieuse qui a la prétention de s’appliquer aussi bien au privé qu’au public, et à entreprises ou institutions de toutes tailles, constitue une vaste matrice mondiale qui nécessite l’émergence de principes applicables par l’ensemble des entités concernées tels que la transparence, l’intégrité, la responsabilité ou la reddition de comptes.

Au premier plan : Marianne Bastid-Bruguière et Jean-Claude Casanova

Le Président donne ensuite la lecture du texte que J. Baechler avait commencé à rédiger.
Pour Jean Baechler, il convient toujours de circonscrire de la manière la plus précise l’objet que l’on a choisi de traiter, avec la recherche du vrai comme objectif à atteindre. Le terme de « gouvernance » désigne l’ensemble des moyens à mettre en œuvre au service d’une entreprise humaine. Ces moyens sont de trois ordres : les cognitions, les factions et les actions. La gouvernance combine des cognitions, des factions et des actions au service du succès de l’entreprise, matérialisé dans les profits réalisés. Toutefois, une « gouvernance bonne » n’est pas identique à une « bonne gouvernance ». Une entreprise criminelle peut bénéficier d’une bonne gouvernance. En revanche une gouvernance bonne est au service du bien. La formule exacte est alors une « bonne gouvernance bonne ». Mais comment distinguer entre le bien et le mal ? Une position d’objectivité existe-t-elle ? La bonne gouvernance s’applique uniquement à la gouvernance tandis que la gouvernance bonne s’applique à l’objectif visé, du point de vue du bien, c’est-à-dire d’une fin de l’homme.

Au premier plan : Marianne Bastid-Bruguière, Jacques de Larosière et Xavier Darcos

L’espèce humaine est une espèce grégaire dont les représentants peuvent adopter plusieurs manières de vivre ensemble. La liberté originelle fait que l’espèce est conflictuelle et donc que la violence est un recours toujours menaçant. Dès lors, comment vivre ensemble sans s’entretuer ? L’objectif à viser est dès lors la résolution non violente des conflits entre individus réunis en société. On peut le poser comme la fin du politique. Les moyens appropriés à la fin constituent le « régime » de la fin ; et le bien commun est la réunion des conditions de cet état heureux.
Chaque régime – que ce soit l’autocratie, la hiérocratie ou la démocratie – est au service du bien commun, chacun à sa manière. Comment chacun de ces trois régimes peut-il assurer une bonne gouvernance et une gouvernance bonne ? Si un pouvoir autocratique peut délivrer plus facilement une solution à un problème urgent et donc mettre en œuvre une bonne gouvernance, qu’en est-il de la gouvernance bonne ? Personne ne sait d’un savoir assuré où est le vrai. Le seul moyen de s’en faire une idée est d’ouvrir un espace commun de discussions et de laisser s’exprimer librement toute opinion qui ne prétend pas au monopole de la vérité. Ainsi la gouvernance bonne est l’apanage de la démocratie parce que la liberté des acteurs est respectée et peut s’exprimer.
Le texte s’interrompt au moment d’aborder le thème de la « bonne gouvernance bonne ».

Discours prononcé par Jean-Claude Trichet en préambule de la séance du lundi 13 février 2023

 

Texte inachevé de Jean Baechler

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