Conférence du lundi 16 octobre de Jean-David Lévitte, Membre de l’Académie des sciences morales et politiques, ancien diplomate et ancien ambassadeur de France aux États-Unis
Thème de la conférence : La gouvernance politique et géostratégique mondiale optimale vue, en particulier mais pas exclusivement, sous l’angle de l’ONU
Introduction de la séance
Le Président ouvre la séance en rappelant que l’ensemble des écoles de la République ont observé une minute de silence ce jour à 14 heures en hommage aux professeurs assassinés dans l’exercice de leur profession.
Il prononce, au nom du bureau et de l’ensemble de l’Académie, et dans l’esprit de la déclaration du Président de la République du 12 octobre, les mots suivants :
“ L’Académie des Sciences Morales et Politiques exprime sa vive émotion devant les massacres barbares perpétrés en Israël qui ne peuvent qu’être condamnés et sanctionnés. Elle exprime également ses inquiétudes quant aux éventuelles répercussions de ces événements tragiques sur le territoire français. Elle tient à exprimer toute sa solidarité aux institutions académiques d’Israël avec lesquelles elle est en relation et apporte son soutien confraternel au grand rabbin de France Haïm Korsia. Elle rappelle son irréductible attachement au respect de la personne humaine, en particulier à la protection dont doivent toujours bénéficier les personnes civiles, à la liberté de conscience et de religion, à la recherche de solutions pacifiques et proportionnées des différends dans le cadre défini par le droit international.”
Il demande ensuite à l’Académie d’observer une minute de silence.
Synthèse de la séance

Face aux tragédies actuelles, la question qui se pose est de savoir pourquoi les Nations Unies ne font pas davantage ? Si l’Assemblée générale de l’ONU peut faire figure de Parlement mondial, c’est le Conseil de Sécurité, par l’article 24 de la Charte, qui a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Depuis 1945, trois périodes peuvent être distinguées : celle de la guerre froide ; l’ère de 1991 à 2001 ; puis celle d’une nouvelle guerre froide entre les États-Unis et cette fois-ci la Chine. Durant la décennie « optimale », le Conseil de Sécurité a pu jouer pleinement son rôle notamment dans l’instauration de la paix au Cambodge, dans la région des Grands Lacs africains et après l’attaque du 11 septembre 2001. C’est la coopération entre les principaux acteurs de la communauté internationale et l’entente parfaite entre les 15 ambassadeurs du Conseil de Sécurité qui ont permis son efficience. Cette période prit fin lorsque les États-Unis décidèrent de la guerre en Irak sans l’accord du Conseil de sécurité. Aujourd’hui, les pays émergents, s’ils approuvent la modernisation de leurs économies, refusent l’occidentalisation de l’ordre international et de leurs sociétés, comme l’atteste l’agression russe contre l’Ukraine et la répartition des votes lors du vote d’une résolution le 2 mars 2022 exigeant le retrait russe : 141 pays donnèrent certes une majorité à ce texte, mais 45 s’abstinrent, parmi lesquels la Chine, l’Inde, le Vietnam, l’Algérie, le Sénégal ou encore l’Afrique du Sud. C’est l’avènement du « Sud Global » pour qui la Chine est aujourd’hui le principal partenaire économique et financier.
Dans ce nouveau contexte géopolitique, quelle peut être la gouvernance mondiale optimale ? Une des questions les plus difficiles est celle de la durée : quand doit-on partir pour ne pas devenir avec le temps une partie du problème ? La guerre froide entre la Chine et les États-Unis structure désormais l’ensemble des relations internationales : que ce soit dans l’espace indopacifique, dans les organisations internationales comme le G7 ou le G20, de plus en plus cadre idéal du multi-alignement des BRICS. Les défis d’aujourd’hui exigent une coopération de tous les États, que ce soit celui du climat ou de la pauvreté. L’Union Européenne a un rôle majeur à jouer pour rallier les pays du Sud Global et proposer un chemin de coopération. Elle en a les moyens grâce notamment à son rôle dans l’aide au développement – qui s’élève à 40% du total mondial, à ses objectifs climatiques ambitieux avec la neutralité carbone recherchée dès 2050 et aux règles dont elle se dote pour gérer son marché qui fait d’elle « l’empire des normes ». Elle peut devenir une force majeure d’entraînement du système multilatéral si elle est capable de s’unir.