Suivez en direct la cérémonie d’installation de Dominique Senequier

Elue le 16 janvier 2023 au fauteuil n°4 de la section Économie politique, Statistique et Finances (laissé vacant par la décès de Bertrand Collomb), Dominique SENEQUIER sera installée ce lundi 29 janvier à partir de 15 heures sous la coupole de l’Institut de France.

La cérémonie sera retransmise en direct ci-dessous.

Programme

Allocution de Bruno COTTE, Président de l’Académie des sciences morales et politiques

Intermède musical :
Jean-Philippe RAMEAU: Les Indes galantes, 4e Entrée « Les Sauvages »
Solo Marie-Ange PETIT (introduction)
« Forêts paisibles » (duo ZIMA-ADARIO et Chœur)
Solo Marie-Ange PETIT (conclusion)

Discours d’Accueil de Dominique SENEQUIER par Jean-Claude CASANOVA, membre de l’Académie des sciences morales et politiques

Présentation de la vie et les travaux de Bertrand COLLOMB par Dominique SENEQUIER

Intermède musical
Jean-Philippe Rameau : « Les Indes galantes »
4e Entrée « Les Sauvages » Ritournelle

Discours de remise de l’épée par Patrick THOMAS et Philippe GENESTIÉ

Intermède musical
Johann Sebastien BACH :
Agnus Dei, extrait de la Messe en si mineur BWV 232
Soliste : Helen CHARLSTON

Communication de Nathalie RORET
Regard sur les juges : en 2024, qui est juge ?

Communication du lundi 22 janvier de Nathalie Roret, Directrice de l’École nationale de la magistrature.

Thème de la communication : Regard sur les juges : en 2024, qui est juge ?

Synthèse de la séance

En 2024, qui est juge ? Au sens latin, Judicem, le juge est celui qui rend la justice en appliquant les lois. C’est celui qui, selon le titre VIII de la Constitution est investi de l’autorité pour dire le droit. Il assure une fonction traditionnelle, universelle et régalienne, essentielle à la vie en société. Le juge est le tiers indépendant et impartial qui, après avoir mis en balance les moyens et arguments des parties, en fonction du droit positif, tranche, apaise, régule, sanctionne, voire concilie. En France, il est plusieurs ordres de juridiction, et ainsi plusieurs catégories de juges. En 2023, 9 271 magistrats de l’ordre judiciaire constituent l’ensemble du corps. Parmi eux, 8 524 sont affectés en juridiction. Deux-tiers d’entre eux exercent des fonctions de juge, un tiers des fonctions du parquet.
Depuis 1958 et la création du centre national d’études judiciaires, qui prendra la dénomination d’École nationale de la magistrature en 1970, les magistrats ont tous été recrutés et formés dans la même école. Le modèle français d’unité du corps de la magistrature, comprenant magistrats du siège comme du parquet, est singulier dans l’Union européenne. L’ENM constitue le creuset, qui fait sens commun à l’ensemble du corps de la magistrature. Cette école assure le passage d’hier à aujourd’hui d’un corpus de connaissances, de valeurs et de savoir-faire qui donne au groupe sa stabilité. Toutefois, la magistrature connaît ces derniers temps des évolutions structurelles qui la distingue de celle du XXè siècle.

Plusieurs facteurs associés, exogènes et endogènes, y contribuent.
L’affaire d’Outreau a entraîné, pour les juges et procureurs, et l’institution judiciaire dans son entier, des conséquences profondes et encore perceptibles aujourd’hui. Par ailleurs, par rapport au XXè siècle, la part des recrutements de magistrats en dehors du concours étudiant augmente pour s’établir en moyenne à un peu moins de 40% environ chaque année ; et 6 classes prépa « talents ENM » créent une véritable politique d’égalité des chances.

Concernant les éléments de transformation venant de l’intérieur, le syndicalisme dans la magistrature a, ces dernières années, fortement occupé l’espace médiatique, avec une démarche offensive envers le pouvoir exécutif, inégalée sous la Vème République. La tribune des 3000 – qui a in fine recueilli plus de 7000 signatures, et dénonce l’approche gestionnaire de la justice et souligne la discordance entre la volonté de rendre une justice de qualité et la réalité du quotidien – est bien plus qu’un simple pavé dans la mare. La magistrature d’aujourd’hui n’hésite ni à prendre la parole, ni à prendre, par médias et réseaux sociaux interposés, la société à témoin. Une deuxième évolution très perceptible chez le juge et le procureur de 2024 est l’assimilation, de manière pour le moment non organisée et disparate selon les territoires, du travail en équipes élargies, du fait du recrutement annoncé de 10 000 agents d’ici 2027, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers et au moins 1 100 attachés de justice d’ici 2025. La notion de performance de l’activité juridictionnelle a été totalement intégrée dans le quotidien des juridictions. Enfin, les États généraux de la justice proposent des voies susceptibles de rendre aux fonctions civiles leurs lettres de noblesses, avec notamment, le développement d’une politique de l’amiable.

Être juge et procureur en 2024 c’est incarner les valeurs d’indépendance, d’impartialité, d’attachement au procès équitable, à la présomption d’innocence, aux droits de la défense et au respect scrupuleux du justiciable C’est aussi se trouver au cœur d’évolutions induites soit par l’État qui, depuis sa construction, entretient une relation particulière avec sa justice judiciaire, soit par le corps des juges et procureurs lui-même perméable aux grandes évolutions que la société connaît ces dernières années.
C’est surtout avoir pleine conscience qu’il n’y a pas de démocratie sans État de droit, ni d’État de droit sans une justice indépendante, respectée, et respectueuse de la place qui est la sienne, à l’intersection des sphères politique et sociale.

Verbatim du conférencier

Le verbatim de la conférencière sera disponible prochainement.

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Communication de Jean-Marc Sauvé
Regard sur la justice judiciaire 18 mois après le rapport des États généraux de la justice

Communication du lundi 15 janvier de Jean-Marc Sauvé, Vice-président honoraire du Conseil d’État et Président du comité de rapport des “États généraux de la justice” 2022

Thème de la communication : Regard sur la justice judiciaire 18 mois après le rapport des États généraux de la justice

Synthèse de la séance

L’institution judiciaire se porte mal en France comme l’atteste la tribune signée par plus de 7 000 magistrats à l’automne 2021, au commencement des travaux des États généraux. De leur côté, les justiciables n’accordent à l’institution qu’un crédit limité. Et pourtant, dans un contexte marqué par de nouvelles peurs et de nouveaux risques, tels que le terrorisme, le changement climatique, un progrès technique débridé, une globalisation mal régulée et les tentations de remise en cause de l’État de droit, le besoin et l’attente de justice demeurent paradoxalement forts. C’est à eux que le comité des États généraux s’est efforcé de répondre.
L’originalité de ces États généraux par rapport aux démarches précédentes est d’avoir non seulement donné la parole aux professionnels du droit et de la justice (12 600 magistrats, 7 900 avocats), mais aussi à 18 500 citoyens et 8700 détenus. 157 000 contributions individuelles et 498 contributions collectives ont ainsi été collectées.
Cette crise est paradoxale car la demande de justice n’a pas augmenté depuis une quinzaine d’années, voire a diminué, à la suite de réformes telles que la rupture conventionnelle ou le barème d’indemnisation en cas de licenciement abusif. Pourtant la justice peine à remplir son rôle : les délais de jugement s’allongent, les stocks s’accumulent, la qualité des décisions de première instance baisse, ce qui conduit à la saturation des cours d’appel. Les délais d’exécution des mesures prononcées font que 100 000 condamnations à des peines d’emprisonnement ferme sont en attente d’exécution. Les parquets sont dans un état d’extrême tension, tout comme les établissements pénitentiaires du fait de la surpopulation carcérale.
Le diagnostic tient au manque de moyens, à l’incapacité à penser le fonctionnement de l’institution de manière systémique, au déficit de management et à la contestation de l’autorité des magistrats.
Parmi les pistes de redressement proposées, le comité des États généraux de la justice a pris position pour le renforcement des moyens humains des juridictions, pour la professionnalisation de la gestion des ressources humains, la refonte de la stratégie numérique du ministère, et la réorganisation du pilotage déconcentré du ministère. Enfin, le comité a proposé de restaurer et renforcer les juridictions de première instance, trop souvent regardées comme une sorte de tour de chauffe avant que les affaires ne se règlent véritablement en appel.
Sur la base de ces propositions, le gouvernement a arrêté son propre plan, annoncé par le garde des Sceaux le 5 janvier 2023, deux lois ont été adoptées et promulguées le 20 novembre et une circulaire de mise en œuvre diffusée à tous les chefs de cours d’appel et aux directeurs interrégionaux du ministère le 6 décembre. Tout est donc prêt pour mettre en œuvre la nouvelle programmation. Les conditions de réussite sont au nombre de 6 : il faut sortir de la division et de la compétition entre les silos du ministère ; assumer la place de la gestion et du management, c’est-à-dire se donner les moyens de recruter, former, et fidéliser les personnes ; savoir conjuguer les objectifs généraux et sectoriels ; assumer la dimension systémique de beaucoup d’options retenues ; restaurer l’autorité de la justice et des parquets ; maîtriser l’inflation normative.
Les États généraux de la justice ont entrouvert une fenêtre d’espoir, mais leur terme est loin d’être atteint et ce qui reste à construire est sans doute plus important que ce qui a déjà été accompli.

Verbatim du conférencier

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Communication de François Sureau du 8 janvier 2024
Quelques mots sur la justice

Communication du lundi 8 janvier de François Sureau, avocat et membre de l’Académie française

Thème de la communication : Quelques mots sur la justice

Synthèse de la séance

La justice est une vertu ; juger est un péché. C’est ce que nous enseigne toute notre tradition, du livre de Samuel aux Evangiles, même si l’on peut aussi trouver dans la Bible et la confrontation des témoignages d’Adam et Ève, l’origine de la procédure contradictoire. Il faut toutefois distinguer les institutions de la justice de la faculté de juger. En France, le propre de la juridiction administrative est peut-être davantage d’éduquer l’État à respecter les droits du citoyen que de les garantir à proprement parler, ce qui a fait dire à Robert Badinter que nous sommes non le pays des droits mais celui de leur Déclaration. L’idée, répandue dans le personnel politique français de toutes les époques, est que la garantie des droits est un obstacle à une répression efficace. Par ailleurs, un certain état d’esprit nous fait préférer l’incessante modification des normes à la réflexion sur les pratiques. Il en résulte une confusion qui a eu pour effet de dégrader les grands principes sans obtenir aucun progrès dans le domaine de la sécurité publique ni dans le sentiment que l’opinion peut en avoir. Cette évolution peut se mesurer à l’aune d’un idéal fondé sur deux principes simples : la justice doit être digne du citoyen libre. La justice doit garantir l’existence du citoyen libre. La question est alors de savoir si nous maintenons ou si nous dégradons cet idéal.

Selon Agamben, nous changeons de monde lorsque les droits ne sont plus le centre de notre état de droit, le point de fuite par rapport auquel toutes les perspectives s’ordonnent, mais apparaissent comme une simple concession du pouvoir, et que le rôle du juge ne peut plus être séparé de celui du législateur. L’exercice du pouvoir de juger, conduit conformément à l’idéal de la Déclaration, suppose des lois simples, claires, peu nombreuses et la reconnaissance d’un large pouvoir d’appréciation au juge. Or, il n’en est plus rien. En dix ans, le Code pénal a été modifié 133 fois. Le code de 1810 recensait 500 infractions, le code actuel en établit plus de 15 000. Par ailleurs, il n’y a pas de justice rendue au bénéfice des citoyens sans une définition claire des fonctions de chacun des acteurs. Or, au sein de l’institution judiciaire, comme plus généralement en France, chacun fait le travail d’un autre. Cette confusion est particulièrement accentuée par la concurrence entre les juges administratif et judiciaire dans la défense des libertés publiques. Cette confusion a été accrue encore par le recours fréquent à l’état d’urgence. Depuis 2015, la France a vécu la moitié de cette période sous le régime dérogatoire de l’état d’urgence, antiterroriste ou sanitaire. Ce que l’on peut y lire est une perte de confiance dans la vertu et les possibilités qu’offrent nos institutions de droit commun. L’état d’urgence terroriste consiste, à grands traits, à retirer des pouvoirs au juge judiciaire pour les remettre à l’administration. Cette évolution rend-elle plus efficace une répression nécessaire ou place-t-elle le citoyen dans un état d’incertitude préjudiciable à l’exercice de sa souveraineté ? Le citoyen doit savoir à quoi s’attendre, il ne doit pas pouvoir être intimidé par l’État, il doit comprendre ce qui lui arrive. C’est du climat d’une société tout entière qu’il s’agit.
Notre justice garantit-elle l’existence politique du citoyen libre ? Concernant la justice constitutionnelle, si l’on peut faire bien des éloges du Conseil constitutionnel qui a su depuis 1971, 1977 et la création des questions prioritaires de constitutionnalité, faire respecter ce patrimoine immatériel des droits, trois critiques peuvent toutefois lui être opposées : la première tient à sa composition, la deuxième à une certaine forme de modération pratique, la troisième tient au système de motivation, qui pêche par son vague si on le compare aux motivations de cours comparables.
En ce qui concerne la justice pénale, il est tout d’abord bon de rappeler qu’elle n’engage pas seulement l’ordre social, mais aussi l’existence même d’une société politique digne de ce nom. La démocratie suppose l’existence d’un citoyen libre, c’est-à-dire disposant de la possibilité de concourir à la société politique. L’exercice de ces libertés politiques (d’écrire, de s’associer, de manifester, de publier, de voter…), comme l’ont montré les auteurs du XVIIIème siècle, suppose que le citoyen ne puisse en aucune manière être intimidé par l’État, d’où la séparation des pouvoirs. Pour que le citoyen reste libre de ses choix, outre le maintien de la séparation des pouvoirs – mise à mal par la fréquence des états d’urgence et le transfert de compétences induit – trois autres conditions sont nécessaires : le citoyen doit être réputé innocent jusqu’au moment du crime ou du délit ; une fois sa peine purgée, il doit être, a priori et par principe, jugé capable de reprendre sa place dans la société ; il doit avoir le sentiment d’avoir été bien jugé, dans le cadre d’une procédure claire, par un juge et non par une machine.
Or aujourd’hui l’homme tend à disparaître sous les procédures, autant l’homme qui juge que celui qui est jugé. Les acteurs de ce jeu que le citoyen peine à comprendre ne paraissent plus concourir à une œuvre commune. Le juge doit reprendre toute sa place. Il n’y a pas de respect du droit sans assomption du juge.

Dans des circonstances troublées, nous avons le devoir collectif de défendre les institutions judiciaires et la tradition de civilisation qu’elles portent. Encore faut-il que ces institutions soient pleinement défendables, ce qui ne nécessite pas nécessairement de grandes réformes. Sachant que des institutions qui susciteraient l’entière approbation de tous seraient in fine suspectes.

À l’issue de sa communication, François Sureau a répondu aux observations et aux questions que lui ont adressées Th. de Montbrial, P. Delvolvé, H. Korsia, Y. Gaudemet, J.C. Casanova, G. Guillaume.

Verbatim du conférencier

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Réflexions complémentaires sur le programme de l’année 2023 consacré à « La bonne gouvernance »

Synthèse de la séance de clôture du programme 2023 du lundi 11 décembre

Le Président a rappelé brièvement que le concept de la « bonne gouvernance », comme d’ailleurs l’expression elle-même, est récent.

« C’est dans les années 1970 que le concept apparaît, appliqué au secteur privé d’abord puis aux questions de développement, avant de devenir une référence essentielle pour la gestion publique à tous les niveaux, local, régional, national, multilatéral et mondial.
Les communications de l’année ont été organisées pour permettre à notre compagnie d’explorer le tableau de la « bonne gouvernance » dans toutes ses dimensions contemporaines, publique et privée, allant de l’entreprise et des collectivités décentralisées à la gouvernance mondiale.
Nous avons pu entendre en procédant à cette exploration méthodique :

  • Cinq anciens Premiers Ministres, dont deux de la France et trois de pays étrangers ;
  • Six Présidents, actuels et anciens, d’entreprises privées de dimensions mondiales, parmi lesquels quatre Français, dont l’un de nos confrères, et deux étrangers ;
  • Cinq dirigeants d’institutions multilatérales, régionales et mondiales, dont deux anciens Directeurs généraux du FMI, parmi lesquels l’un de nos confrères ;
  • Trois Gouverneurs et anciens Gouverneurs de Banques centrales, dont deux Français, parmi lesquels l’un de nos confrères et un étranger.
  • Enfin, quatre consœur et confrères nous ont en outre confié leurs expériences, leurs analyses et leurs recommandations. Chacun aura reconnu notre chère professeure de l’Université de Pékin, notre emblématique Ambassadeur de France, le Président fondateur d’un colloque mondial et d’un think tank également mondial, enfin notre cher et regretté Jean Baechler.

Nous avons par ailleurs consacré quatre sessions à des questions d’actualité.

  • La guerre en Ukraine,
  • la transition énergétique,
  • l’intelligence artificielle,
  • enfin, aujourd’hui même, la guerre entre le Hamas et Israël et la question de la Palestine.

Huit de nos confrères doivent être particulièrement remerciés pour nous avoir éclairés sur ces questions si importantes. Cette innovation a été très appréciée.
S’agissant de gouvernance publique mondiale, nous sommes à la croisée des chemins, nous ont dit plusieurs communicants. Comme Jean Baechler nous l’a suggéré, il n’y a pas aujourd’hui d’accord (très loin de là) sur ce qu’est une gouvernance « bonne », contrairement à ce qui était le cas dans les années 1990 et au début des années 2000. Comme Kant, cité récemment par Henry Kissinger, le notait dans Vers la paix perpétuelle, celle-ci peut advenir selon deux cheminements : soit celui de la lucidité, ex ante, et de la sagesse humaine, soit celui de catastrophes d’une telle ampleur qu’elles ne laisseraient pas d’autre choix, ex post, à l’humanité.

C’est ce second embranchement qu’il nous faut absolument éviter, nous ont dit nos conférenciers.

Communication de Christine Lagarde sur la politique monétaire et la gestion optimale de l’une des deux plus importantes banques centrales du monde

Communication du lundi 4 décembre de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne

Thème de la communication : La politique monétaire et la gestion optimale de l’une des deux plus importantes banques centrales du monde

Synthèse de la séance

Au cours des dernières décennies, un déséquilibre s’est instauré entre les pouvoirs conférés à la gouvernance supranationale et sa légitimité aux yeux des citoyens. Ce déficit de légitimité nous conduit à un tournant où nous devons soit approfondir la gouvernance supranationale, soit accepter son déclin. Il est possible de trouver un chemin, à condition de respecter trois conditions essentielles. Tout d’abord, en alignant la gouvernance sur les priorités des citoyens (la fonction) ; ensuite, en utilisant les bonnes formes de gouvernance pour répondre efficacement aux interrogations des citoyens (la forme) ; enfin, en tentant de remplir la fonction au service des citoyens, impliquant un leadership courageux et responsable.
Lorsque les États ont des objectifs qu’ils ne peuvent atteindre seuls, ils sont poussés à coopérer à l’échelle internationale. Mais plus les pays coopèrent à l’échelle internationale, plus les risques associés augmentent. C’est pourquoi une gouvernance supranationale est nécessaire pour pallier ces risques et procurer des gains équitables à toutes les parties concernées. La gouvernance consiste alors à établir les « règles du jeu » à l’avance et à veiller à ce qu’elles soient respectées équitablement. Lorsque les efforts de coopération internationale demeurent simples, les pouvoirs confiés à la gouvernance supranationale sont restreints. Ainsi, les accords de Bretton Woods après la Seconde Guerre mondiale ou le marché commun établi en Europe. Cependant, à mesure que les interactions entre États deviennent plus complexes, il est nécessaire d’approfondir la gouvernance. Ainsi, concernant l’Europe, l’évolution d’un marché commun vers un marché unique a nécessité de renforcer les pouvoirs des autorités de la concurrence et des régulateurs financiers. Des pouvoirs spécifiques ont ainsi été conférés à la Commission européenne en matière de concurrence et de commerce extérieur.
Les pouvoirs croissants de la gouvernance supranationale entraînent un manque de légitimité. Celle-ci repose sur l’expertise et l’impartialité. L’émergence de nouvelles puissances et l’accélération du changement climatique ont conduit à remettre en question l’impartialité et l’efficacité de la gouvernance supranationale. Une contestation diffuse s’est généralisée, une fragmentation de l’ordre mondial, des blocages dans de nombreuses instances internationales, l’émergence de partis populistes et la formations de groupes d’États créant de nouveaux accords mieux adaptés à leurs intérêts. Comment enrayer ce mouvement ? Trois pistes peuvent être dessinées.
Tout d’abord, la gouvernance supranationale pour prospérer doit apporter des solutions dans les domaines où les citoyens se sentent le plus menacés, comme cela a été le cas en Europe au moment de la crise financière mondiale et de la crise de l’euro, et lors de la pandémie, avec le programme NextGenerationEU. Aujourd’hui le soutien à l’euro et à l’UE s’élève respectivement à 79% et 65%.
La forme doit suivre la fonction. La gouvernance multilatérale peut s’articuler autour de règles décentralisées ou d’institutions centralisées. Si les règles peuvent constituer une solution attrayante, elles rendent en réalité plus difficile l’atteinte des objectifs de gouvernance. L’échec du mécanisme de change européen (MCE), mis au point dans les années 1970 pour stabiliser les taux de change, a démontré la supériorité d’une approche institutionnelle de l’intégration monétaire européenne, qui a ensuite conduit à l’adoption de l’euro.
La troisième piste est celle du leadership. Les institutions ont besoin d’un leadership courageux et responsable pour prendre les bonnes décisions.
Aujourd’hui où la gouvernance supranationale se trouve à un tournant, il est important de garder à l’esprit que toutes les structures de gouvernance supranationales ont émergé à la suite de périodes marquées par les ravages de la non-coopération, voire les conflits ouverts entre les États.

Verbatim du conférencier

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Cycle d’auditions sur l’IA et la Robotique

Le groupe de travail « Robotique et IA » du projet Technologies Émergentes et Sagesse Collective (TESaCo), piloté par Daniel Andler, réalise un cycle d’auditions sur l’IA et la Robotique.

Vous pouvez retrouver toutes les dernières auditions sur le site de TESaCo. Pour toute question, nous vous invitons à contacter Marion Ricard, Chargée de coordination pour TESaCo ou Mehdi Khamassi, directeur de recherche.

Audition de Michèle Sebag en trois parties

Partie 1

  • Grands modèles de langage
  • Écart entre les réalisations de l’IA et ce qu’on en comprend
  • Tester ChatGPT, c’est contribuer à l’améliorer
  • Les LLMs sont-ils des singes ?
  • Comment empêcher le moteur d’aller n’importe où ?
  • Quelles sont les capacités actuelles des LLMs ?

Partie 2

  • Apprentissage de modèles internes
  • Importance de la décomposition et de la cognition sociale
  • Distinction conscient/inconscient
  • Renouer avec les pères fondateurs de l’IA

Partie 3 (à venir)

Audition de Raja Chatila en trois parties

Partie 1

  • Les mêmes questions d’éthiques se posent-elles pour l’IA et la Robotique ?
  • Aux origines de l’IA et de la robotique
  • Retour à la question de l’éthique
  • Liens avec la cognition incarnée en sciences cognitives
  • Non pas une IA mais des IA
  • Interprétation du monde par une IA forte
  • Différences avec le cerveau humain
  • Quelle échéance pour une super intelligence ?

Partie 2

  • Action conjointe entre un robot et un humain
  • Lien avec les architectures cognitives humaines
  • Le cerveau humain et les robots suspendent-ils la tâche en cours de la même manière ?
  • Vers une IA autonome ou plutôt un attelage humain-machine ?

Partie 3

  • Déploiement de l’IA dans la société
  • Les comités d’éthique suffisent-ils ?
  • Régulations au niveau des États ou européen
  • Problème de l’auto-certification
  • Disparité des moyens publics/privés et guerre de l’IA
  • Problème de souveraineté numérique
  • Formation et éducation en IA
  • Réflexion philosophique sur l’être humain et la machine

Partie 4

  • IA générative et grands modèles de langage
  • Définition de l’IA générative et des Transformers
  • Agents conversationnels avec grands modèles de langage
  • Des risques existentiels pour l’humanité ?
  • Hubris des entrepreneurs annonceurs de l’extinction
  • Comprenons-nous bien ces systèmes ?
  • Illusion d’intelligence des systèmes conversationnels
  • Bientôt un remplacement de toutes sortes de métiers ?
  • Risques réels, dont la fracturation de la société

Audition de Jean-Gabriel Ganascia en quatre parties

Partie 1

  • Historique et évolution de l’Intelligence Artificielle
  • Place centrale de l’apprentissage en IA 
  • Jusqu’où va l’opposition entre les approches symboliques et et l’apprentissage statistique ?
  • Symbolisme, explications et argumentation 

Partie 2

  • La notion d’IA forte a-t-elle un sens ?
  • Quand les succès de l’IA marquent son éloignement des modèles de la cognition humaine, est-ce un échec ?
  • Retour sur les premiers travaux d’Alain Turing
  • Focus sur le jeu d’échecs

Partie 3

  • Quelle forme d’autonomie peuvent atteindre les systèmes artificiels ?  
  • Implications sociétales des discours annonçant la singularité 
  • Difficulté à publier en anglais une critique de la singularité
  • Ces théories de la singularité viennent de la science-fiction

Partie 4

  • Sommes-nous dans un processus d’intelligence collective sur l’IA ?
  • Les comités d’éthique sur l’IA
  • Discussions au Parlement européen
  • Une stratégie européenne sur l’IA ? 
  • Questionnements éthiques du chercheur en IA
  • Vers une IA éthique et bienfaisante ?

Communication de Laurent Fabius
Réflexions sur certaines questions de gouvernance optimale

Communication du lundi 27 novembre de Laurent Fabius, président du conseil constitutionnel et ancien premier ministre

Thème de la communication : Réflexions sur certaines questions de gouvernance optimale en France, en Europe et dans le monde, y compris sous l’angle des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance

Hommage à Emmanuel Le Roy Ladurie

Emmanuel LE ROY LADURIE

Le président Jean-Claude Trichet a ouvert la séance par un hommage à Emmanuel Leroy Ladurie, en prononçant les mots suivants :
« Emmanuel Le Roy Ladurie nous a quittés mercredi 22 novembre. Emmanuel Le Roy Ladurie avait été élu dans notre compagnie le 24 mai 1993, dans la section Histoire et Géographie, au fauteuil laissé vacant par le décès du géographe Maurice Le Lannou. Si son état de santé ne lui permettait plus, depuis plusieurs années de siéger parmi nous, l’ombre portée de son œuvre d’historien et l’ampleur de ses travaux, qui lui avait conféré une reconnaissance et un prestige à l’échelle internationale, continuaient à vivre et continueront, sans doute longtemps après sa mort.

Né le 19 juillet 1929 aux Moutiers-en-Cinglais, dans le Calvados, dans un paysage de bocage, qui est peut-être à l’origine de son intérêt pour le monde rural et pour ce « monde que nous avons perdu », évoqué au début de son œuvre maîtresse Montaillou, village occitan, Emmanuel Le Roy Ladurie est élevé dans le manoir familial de Villeray, acquis du temps des Lumières. Il arrive à Paris pour entrer en classes préparatoires, au lycée Henri IV où il nouera des liens durables d’une belle fécondité avec ses condisciples qui vont composer cette brillante génération d’historiens : Denis Richet, François Furet, Pierre Nora, Jacques Ozouf, Jacques Le Goff ou encore Maurice Agulhon. Son parcours sera ensuite impeccable. Reçu à l’École normale Supérieure de la rue d’Ulm en 1949, il obtient l’agrégation d’histoire en 1953. Il se voit attaché de recherche au CNRS (1955-1960), puis nommé à la faculté des lettres de Montpellier où il est assistant (1960), puis maître-assistant (1963), avant d’intégrer – repéré et protégé par Fernand Braudel – la VIe section de l’École pratique des hautes études à Paris. Il y devient, dès 1965, directeur d’études et y exercera son magistère jusqu’en 1999. Élu au Collège de France, avec le soutien de Georges Duby, Claude Lévi-Strauss, et toujours Fernand Braudel, il y occupe de 1973 à 1999 la chaire d’Histoire de la civilisation moderne.
Sa carrière institutionnelle ne s’arrête pas là. En écho à son goût des archives et à l’exploration de sources variées qu’il a conduite au cours de ses travaux d’historien, il est nommé administrateur général de la Bibliothèque nationale en octobre 1987. Emmanuel Le Roy Ladurie tient la maison, malgré les grains et les tempêtes, notamment dans le contexte du transfert à la BNF, jusqu’en janvier 1994. Il doit céder la place à quelques mois de la fin de son mandat.
C’est à cette époque qu’il rejoint notre compagnie, dont il assurera la présidence en 2003.
Si Emmanuel Le Roy Ladurie a été l’un des animateurs majeurs de la féconde École des Annales, dans le sillage de son mentor Fernand Braudel et avec cette brillante génération d’historiens qui furent ses condisciples, il a aussi tracé sa voie de manière singulière avec un spectre de centres d’intérêt très large et un succès inédit auprès du grand public avec notamment son fameux Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, tiré de sa thèse de doctorat, Les paysans du Languedoc, qui paraîtra en 1975 chez Gallimard et se vendra à plus de 100 000 exemplaires. Il y retrace la vie d’un petit village du Languedoc à l’époque cathare à partir des notes de l’inquisiteur Jacques Fournier, évêque de Pamiers (1318-1325) et traduites en français par Jean Duvernoy. Il devient ainsi un spécialiste de l’anthropologie historique, qui permet de saisir les hommes du passé dans leur environnement.
Chercheur éclectique, il s’intéresse aussi à la longue durée et son Histoire du climat depuis l’an mil, parue en 1967 fait entrer le champ de l’environnement dans les objets historiques. Le succès est encore au rendez-vous avec Le Carnaval de Romans (Gallimard, 1979), épisode oublié des guerres de Religion. Avec Le Siècle des Platter (Fayard, 1997-2006), il retrace la généalogie d’une bourgeoisie urbaine naissante, à travers les récits autobiographiques de trois générations d’hommes du XVIème siècle.
Enfin, auteur de deux des cinq volumes d’une ample Histoire de France, (L’État royal (1987) et L’Ancien Régime (1991)) il dresse aussi un hommage à un mémorialiste hors pair dans son essai Saint-Simon ou le Système de la Cour (Fayard, 1997).

Avec la disparition de cet historien aux mille curiosités et à la plume aussi savante qu’accessible au plus grand nombre, c’est une époque qui disparaît, un monde que nous perdons. »

Synthèse de la séance

Longtemps, qui dirigeait le gouvernement, donc l’État, dominait la société. Ce n’est plus vrai : des forces nouvelles décisives sont apparues dans le domaine économique technologique, financier, médiatique. Même si la souveraineté nationale continue d’être notre clé de voûte, elle est désormais immergée dans l’international, tandis que le marché impose souvent sa loi. Gouvernement et gouvernance – ce que l’on appelait jadis « l’art de gouverner » – ne coïncide plus, ce qui pose problème, notamment dans un pays comme le nôtre où l’État a construit la Nation et où l’on attend beaucoup de lui. Quelle peut être la gouvernance dans ce contexte ?

Si l’on s’intéresse d’abord à la gouvernance française dans ses rapports avec notre Constitution, ce qui caractérise le texte fondateur de la Vème République est sa stabilité (65 ans). Cette stabilité est « adaptative » avec les 24 révisions qui ont déjà eu lieu depuis 1958. Toutefois, on constate un « malaise démocratique » qui est double. L’un vient de la « base » :  la notion même de « représentation » est mise en cause et les Français ont de moins en moins confiance dans les institutions et les gouvernants, et souhaitent fréquemment le recours à une expression directe. Mais il faut lui ajouter un malaise démocratique du « sommet » avec des vocations politiques qui s’étiolent et une « qualité » parfois en question.

Quatre changements pourraient contribuer à améliorer notre gouvernance. Le premier serait une vraie décentralisation avec de vrais transferts de compétences aux élus locaux, accompagnés du pouvoir financier correspondant, qui serait accompagnée en parallèle d’une vraie déconcentration impliquant un renforcement de l’autorité des préfets. Le deuxième serait la simplification des lois et des règlements. Le troisième : une véritable égalité des chances à l’école, au collège et au lycée, ce qui suppose des efforts différenciés. Enfin, une place prépondérante – qui rejoindrait les préoccupations des Français – devrait être accordée à l’éducation et à la santé, et ce avant le domaine des finances et de l’économie. Il serait également nécessaire de consacrer davantage de temps à la phase de suivi et d’évaluation des décisions, phase essentielle pour une gouvernance efficace.

Sur le plan de la gouvernance internationale, les institutions construites au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sont devenues souvent inadaptées et traduisent des rapports de force qui ne sont plus ceux d’aujourd’hui. Plus largement, on constate une mise en cause, en temps de paix comme de guerre, des règles internationales et de leur application. Une réforme profonde s’impose, à commencer par la gouvernance de l’ONU.

Concernant la gouvernance européenne dont les orientations et les décisions exercent une influence de plus en plus importante sur la nôtre, il est important de garder à l’esprit qu’il ne peut exister d’Union Européenne efficace sans un ordre juridique européen ; ainsi que la stabilité, la crédibilité et l’influence qu’apporte à nos nations la dimension européenne.

L’un des rares succès dans le domaine international a été la COP 21 de décembre 2015, conclue par l’Accord de Paris, qui fixe comme objectif une augmentation maximum de la température à 2°C (voire 1,5°C si possible) d’ici la fin du siècle, par rapport à la fin du XIXème. Ce texte insiste sur le double mouvement indispensable de réduction des émissions fossiles et d’adaptation aux conséquences négatives de ces émissions. Il a fixé le cap et les moyens, et est devenu, malgré son côté non contraignant, la référence universelle. Ce résultat a été obtenu grâce à un art de la négociation qui a permis à trois planètes de s’aligner : celle des scientifiques, des sociétés civiles et des gouvernements. Comment se fait-il qu’un tel accord n’ait pas permis de régler la question climatique ? D’une part, alors que la réalité et les causes du réchauffement climatique sont désormais scientifiquement établies, des vérités alternatives, alimentées par les réseaux sociaux, se développent jusqu’aux plus hauts sommet de certains États. D’autre part, les retards à l’application de l’Accord de Paris dans la société civile tiennent à l’ampleur et à la complexité objectives des changements nécessaires. Il ne s’agit de rien de moins que de changer de mode de développement : au lieu d’une économie fondée sur l’utilisation illimitée des énergies fossiles, le nouveau modèle de développement doit être sobre, respectueux de la nature et fondé sur les énergies renouvelables. Les subventions aux énergies fossiles doivent être progressivement supprimées et des mécanismes de taxation du carbone établi, sans oublier un accompagnement par des mesures sociales. Enfin, certains freins aux mesures pro-climat proviennent aussi directement d’intérêts économiques et financiers menacés par la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire le charbon, le pétrole et le gaz. Comment la gouvernance internationale et nationale peut-elle faire prévaloir l’intérêt général sur la défense de certains intérêts puissants mais particuliers ? C’est là qu’intervient la responsabilité et la capacité d’agir des gouvernements, parfois aveuglés par « la tragédie des horizons » et la difficulté à privilégier les intérêts du temps long et des prochaines générations.

Verbatim du conférencier

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Communication de Thierry de Montbrial
Le problème de la gouvernance et l’avenir du système international – perspectives à l’automne 2023

Communication du lundi 20 novembre de Thierry de Montbrial, Membre de l’Académie des sciences morales et politiques, président de l’Institut français des relations internationales

Thème de la communication : Le problème de la gouvernance et l’avenir du système international – perspectives à l’automne 2023

Synthèse de la séance

L’idée de gouvernance, proche des notions de multilatéralisme ou même de droit international, est inséparable de celle de la paix. Si on pense les relations internationales comme un système dynamique, la notion de gouvernance s’identifie à celle du « contrôle » de la « trajectoire » dudit système. Les objectifs peuvent être généraux comme le règlement pacifique des conflits, ou spécifique comme la lutte contre le réchauffement climatique ou la prévention des pandémies. L’objectif essentiel de la gouvernance est celui de la stabilité structurelle, à l’instar de l’arms control pendant la guerre froide. Un moment propice pour fonder ou refonder une gouvernance légitime et efficace peut être au lendemain d’un grand drame, surtout quand un leader se détache.

Le XXème siècle politique fut court (1919- 1991) et se divise de part et d’autre de la Seconde Guerre mondiale. En raison du fait nucléaire, le « système international » a tendu à se stabiliser structurellement à partir des années 1960. La chute de l’URSS, qui marqua la fin du cycle commencé avec l’écroulement des empires allemand, austro-hongrois et ottoman, ne pouvait ouvrir qu’une ère prolongée de bouleversements du « système international », à commencer avec la décomposition de la Yougoslavie ; mais aussi l’Ukraine, le Caucase ou encore le Moyen-Orient, qui n’est jamais finalement sortie des turbulences depuis qu’il était qualifié d’ « homme malade » de l’Europe ; sans compter les régions de l’ancien « Tiers monde ». Aujourd’hui, la montée continue de l’islamisme politique est une autre réalité mondiale qui a largement débordé l’arc arabo-musulman, et atteint l’Asie, dont les Occidentaux n’ont peut-être jamais pris la pleine mesure, ne voulant y voir pendant longtemps que des questions de nationalisme ou de décolonisation, et entretenant l’illusion que tout pourrait se régler grâce à la supériorité de leurs « valeurs ». L’attaque du Hamas le 7 octobre a révélé une gigantesque faille dans la structure du « système international ».

Dans ce contexte où de nombreux signes d’un recul de la coopération nationale se manifestent tant les fossés s’élargissent et la complexité augmente, et où les divisions internes aux démocraties occidentales accroissent l’incertitude globale, la possibilité d’une déconstruction lente de l’Union européenne sous l’effet de ses propres contradictions et insuffisances, paraît possible, alors que son modèle culturel, économique et social est à bout de souffle. Afin d’éviter d’attendre une renaissance du projet européen après son effondrement, il est nécessaire de donner un sens non pas abstrait mais charnel à notre identité, de développer nos leviers de puissance et surtout d’élaborer une vision partagée des tâches à accomplir individuellement et collectivement.

Verbatim du conférencier

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