Cérémonie d’installation d’Olivier GRENOUILLEAU et Lecture de la notice sur la vie et les travaux de Jean BAECHLER (1937-2022)

Cérémonie d’installation d’Olivier Grenouilleau et Lecture de la notice sur la vie et les travaux de Jean Baechler (1937-2022)

L’Académie s’est réunie en séance solennelle sous la coupole pour entendre la lecture de la notice sur la vie et les travaux de Jean Baechler (1937-2022) par Olivier Grenouilleau.

Olivier Grenouilleau a été élu au fauteuil 2 de la section Morale et sociologie, le 29 avril 2024. Cette élection a été approuvée par le décret présidentiel du 20 juin 2024.

Le président Jean-Robert Pitte ouvre la séance en accueillant les membres de la famille de Jean Baechler, ceux de celle d’Olivier Grenouilleau, ainsi que toutes les personnes présentes sous la coupole et notamment les membres de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire. Le président rappelle les nombreuses figures qui ont occupé ce fauteuil, depuis Dominique-Joseph Garat en 1832, Joseph Lakanal, Emile Boutmy, Georges Duhamel, le Grand Rabbin Kaplan, jusqu’à Alain Besançon en 1996 et enfin Jean Baechler élu le 6 décembre 1999, au fauteuil laissé vacant par le transfert d’Alain Besançon dans la section Philosophie.

Le président donne la parole à Chantal Delsol qui prononce le discours d’accueil d’Olivier Grenouilleau parmi les membres de l’Académie.

Chantal Delsol retrace le parcours d’Olivier Grenouilleau, historien dont le parcours allie rigueur scientifique et courage intellectuel. Né en 1962 en Haute-Savoie et ayant grandi à Nantes, ville marquée par la mémoire de la traite négrière, Olivier Grenouilleau a très tôt choisi d’affronter ce passé enfoui. Sa thèse, soutenue en 1994 à Rennes sur le milieu négrier nantais du XVIIIᵉ au XXᵉ siècle, a ouvert la voie à une œuvre d’une rare ampleur, où se croisent histoire économique, morale et sociale. Historien de la sociologie historique, Olivier Grenouilleau a progressivement élargi sa recherche du local au global. Inspiré par Weber, Braudel et Veyne, il pratique une histoire de la longue durée et s’interroge sur les liens entre esclavage, capitalisme et modernité. La traite devient pour lui le prisme à travers lequel comprendre les tensions de la civilisation occidentale entre économie, éthique et émancipation.

Au milieu des années 2000, ses travaux suscitent une violente controverse. Pour avoir comparé les traites atlantiques et extra-européennes, il est accusé de relativisme, dans un contexte dominé par la loi Taubira de 2001. Soutenu par de grands historiens autour du manifeste Liberté pour l’histoire, il défend avec fermeté l’indépendance de la recherche contre les pressions idéologiques. Cette épreuve, vécue comme un passage du feu, renforce sa conviction que l’historien ne doit ni juger ni moraliser, mais comprendre.

Ses réflexions s’orientent ensuite vers la modernité, qu’il définit par le concept de l’agir, cette dynamique propre à l’Occident de transformer le monde. Selon lui, la postmodernité n’est pas un dépassement, mais l’aboutissement d’un processus ancien de désencastrement des sphères religieuse, politique et économique. Face à la « grande moralisation du monde » — abolition de l’esclavage, rejet de la torture, de la guerre, de la peine de mort — il voit se dessiner une humanité cherchant à se purifier du mal, au risque d’un nouveau manichéisme.

Olivier Grenouilleau se distingue enfin par son goût de la transmission. Conscient de ce qu’il doit à ses maîtres, il a créé aux éditions du Cerf la collection Bibliothèque à remonter le temps, destinée à rendre l’histoire accessible aux jeunes lecteurs. Fidèle à son idéal d’utilité, il rappelle que la mission du chercheur est de clarifier le monde sans le simplifier.

En saluant son entrée à l’Académie, ses pairs reconnaissent en lui non seulement un grand historien de la modernité, mais un esprit libre, fidèle à la vérité et à la transmission du savoir.

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Olivier Grenouilleau procède ensuite à la lecture de la notice sur la vie et les travaux de Jean Baechler.

Issu d’une famille mêlant traditions industrielles, religieuses et cosmopolites, Jean Baechler manifeste très tôt un attachement central à la notion de liberté, qu’il tient pour constitutive de la condition humaine. Ce fil directeur traverse aussi bien sa rupture précoce avec la foi que ses choix académiques, marqués par une volonté d’indépendance et de rigueur. Formé à la philosophie, aux lettres classiques et à l’histoire, Baechler développe une méthode transversale, combinant érudition philologique, analyse historique et réflexion stratégique. Lecteur insatiable, maîtrisant de nombreuses langues anciennes et modernes, il puise chez les auteurs classiques – de Marx à Weber, en passant par la tradition gréco-latine – les matériaux d’une pensée résolument autonome.

Au cœur de l’œuvre baechlérienne se trouve une ambition singulière : conceptualiser l’« aventure humaine » en tant que totalité. Pour ce faire, Baechler élabore une science du règne humain, distincte des sciences physiques (langage mathématique) et biologiques (langage systémique), fondée sur un langage stratégique : l’homme, être de liberté, poursuit des fins et résout des problèmes. Cette anthropologie stratégique structure l’ensemble de son œuvre.

Contre la compartimentation disciplinaire, il défend un programme transdisciplinaire, orienté par les grandes questions fondamentales posées par la condition humaine : comment vivre ensemble ? comment transmettre ? comment atteindre la prospérité ou la félicité ? Ces questions génèrent des ordres (politique, économique, religieux, morphologique) auxquels correspondent des formes sociales et des régimes historiques.

Le politique occupe une place nodale dans la réflexion baechlérienne. Non pas en tant qu’objet autonome, mais comme clé de lecture de la condition humaine, à la fois moteur et révélateur des tensions internes aux sociétés. C’est dans cette optique qu’il développe une « staséologie » – science des conflits sociaux – ainsi qu’une typologie des régimes et des formes de pouvoir. Dans une perspective comparatiste et évolutionniste, il analyse la démocratie comme le régime naturel de l’espèce humaine, refoulée depuis le Néolithique mais réactivée par la modernité occidentale. La démocratie moderne, selon Baechler, n’est ni un modèle universel ni un absolu normatif, mais un horizon dynamique de pacification et de justice à l’échelle globale.

L’œuvre de J. Baechler est immense (276 articles, 34 livres, 24 volumes dirigés), mais orientée par une cohérence sous-jacente : comprendre l’histoire universelle à partir des choix stratégiques des humains face à leur liberté. Il pense la modernité comme une conjonction de transformations politiques, économiques et culturelles issues de la dynamique démocratique. Enfin, J. Baechler ne sépare jamais l’analyse scientifique de la question des fins : la recherche du vrai reste liée à une exigence éthique, conçue comme socle et finalité. Il s’agit, in fine, de penser pour agir librement, et d’agir en connaissance de cause dans un monde fondamentalement ouvert.

Jean Baechler a incarné une figure singulière du penseur engagé dans le long terme, fidèle à une méthode rigoureuse et à une exigence de totalité. Refusant les cloisonnements disciplinaires comme les dogmatismes idéologiques, il a tenté, tout au long de sa vie, de penser l’Homme dans toute la complexité de ses expériences historiques, sociales et spirituelles. Son œuvre constitue ainsi une contribution majeure à la refondation des sciences sociales sur des bases stratégiques, comparatistes et éthiques.

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À l’issue de cette cérémonie, Xavier Darcos, Chancelier de l’Institut et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, a prononcé le discours de remise de l’épée d’académicien de Olivier Grenouilleau, en évoquant les différents éléments qui ornent le pommeau et la lame de cette épée d’officier supérieur du Premier Empire ainsi que ceux ajoutés par Olivier Grenouilleau pour la personnaliser. Il la lui a remise sous les applaudissements.

Bernard Vandenbroucque au violoncelle et Florence Dumont à la harpe, de l’Orchestre national d’Ile-de-France ont ponctué cette cérémonie de différents intermèdes musicaux. Un intermède littéraire et poétique a été composé et lu par les professeurs Frédéric Durdon et Luis Serra-Sardinha.

La cérémonie a été suivie d’une réception dans les salons de la cour d’honneur.

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Accueil de Bernard ARNAULT et de Carole TALON-HUGON à l’Académie

Bernard Arnault, élu le 2 décembre 2024, au fauteuil 1 de la section Économie politique, Statistique et Finances, laissé vacant par le décès de Denis Kessler, a été accueilli en séance par le Secrétaire perpétuel Bernard Stirn ce lundi 17 mars 2025. Le Président Jean-Robert Pitte lui a remis la médaille de l’Académie en signe de bienvenue. L’élection de Bernard Arnault a été approuvée par décret du président de la République en date du 7 février 2025.

Carole Talon-Hugon, élue le 9 décembre 2024, au fauteuil 2 de la section Philosophie, laissé vacant par le décès d’Alain Besançon, a été accueillie à son tour en séance par le Secrétaire perpétuel. La médaille de l’Académie lui a aussi été remise par le Président Jean-Robert Pitte. L’élection de Carole Talon-Hugon a été approuvée par décret du président de la République en date du 7 février 2025.

Colloque sur les libéralités philanthropiques et les fondations

Ce lundi 25 mars 2024, l’Académie des sciences morales et politiques a organisé un colloque, à l’initiative de l’Association du Master 2 Gestion du Patrimoine Privé et Professionnel de l’Université Paris Panthéon-Assas, consacré aux libéralités philanthropiques et aux fondations.

Le colloque s’est tenu en présence d’Yves Gaudemet, membre de l’Académie et Professeur émérite de Droit public à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas.

Propos introductifs par Xavier Darcos, Chancelier de l’Institut de France et président de fondations

Premier temps : LE CADRE JURIDIQUE : L’ŒUVRE PHILANTHROPIQUE, sous la présidence de Bernard Stirn, Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques

  • Propos introductifs par Bernard Stirn, secrétaire perpétuel et président de fondations
  • Quelles libéralités ? par Sophie Gaudemet, Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas

  • Pour quelles fondations ? par Gilles Dumont, Professeur à l’Université Paris Cité

Deuxième temps : LES RÉALISATIONS PRATIQUES, sous la présidence de Sophie Gaudemet, Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas

  • Les rôles du notaire par Laurent Mazeyrie, Notaire à Paris
  • L’expérience des fondations de l’Institut de France par Diane Margerit, Chef des affaires juridiques de l’Institut de France

Questions-Réponses

Jean-Robert Pitte, Brillat-Savarin. Le gastronome transcendant, 2024

Xavier DARCOS
Jean TULARD

Xavier DARCOS et Jean TULARD ont déposé l’ouvrage suivant en séance du 5 février 2024 :

Jean-Robert Pitte, Brillat-Savarin. Le gastronome transcendant (Tallandier, 2024, 302 p.)

Jean TULARD présente l’ouvrage de Jean-Robert Pitte en séance du 5 février 2024

Textes prononcés en séance

Xavier DARCOS

Jean TULARD

Coupole comble pour la Nuit du Droit de l’Académie !

La Nuit du Droit est une initiative nationale lancée par le Conseil constitutionnel en 2018 qui vise à célébrer l’anniversaire de la Constitution de la Vème République le 4 octobre sous la forme d’événements autour du droit au sein de différentes institutions.

L’Académie des Sciences morales et politiques, à l’initiative de la section Législation, droit public et jurisprudence et à l’occasion du 65ème anniversaire de la Constitution, a organisé un événement au Palais de l’Institut pour l’occasion avec le soutien de la Fondation Del Duca.

Programme

19h – 19h10 : Ouverture par le chancelier Xavier Darcos

19h10 – 20h30 : Table ronde : Les 65 ans de la Constitution

Table ronde animée par le secrétaire perpétuel Bernard STIRN avec les académiciens Pierre DELVOLVE, Alain DUHAMEL, Eric ROUSSEL et Serge SUR.
D’où provient la résilience de la Constitution ? De ses textes ? De ses acteurs ?

20h30 – 22 h : Temps théâtral

  • Dialogue imaginaire entre François Mitterrand et Michel Barbier animé par Christophe BARBIER, Journaliste et éditorialiste
  • Pièce de théâtre extraite des Plaideurs de Jean Racine interprétée par la compagnie Oghma
Oghma

Projection du film “Treize jours en France” sur les Jeux Olympiques d’hiver de 1968 à Grenoble

A l’initiative d’Hervé Gaymard, académicien et président du département de la Savoie, l’Académie des Sciences morales et politiques a organisé une projection du film « Treize jours en France » retraçant les Jeux olympiques de Grenoble de 1968.

Hervé Gaymard présente le film
Xavier Darcos introduit la projection

Accueil des étudiants du master de droit comparé de l’université Paris 1 Panthéon – Sorbonne

Le secrétaire perpétuel de l’Académie Bernard Stirn et le chancelier Xavier Darcos ont accueilli ce jeudi 23 mars les étudiants du master de droit comparé de l’université Paris 1 Panthéon – Sorbonne et leur professeur Yves-Marie Laithier (Professeur agrégé de droit privé).

Bernard Stirn a pu leur faire visiter l’Institut de France et leur faire découvrir l’histoire des lieux et le fonctionnement de l’Académie des Sciences morales et politiques.